Deblois c. Nissan Canada inc. |
2020 QCCQ 10102 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEAUCE |
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LOCALITÉ DE |
ST-JOSEPH-DE-BEAUCE |
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N° : |
350-32-700279-187 |
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DATE : |
21 décembre 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CHRISTIAN BRUNELLE, J.C.Q. |
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AMÉLIE DEBLOIS |
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et |
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ÉRIC RHÉAUME |
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[...] |
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Scott (Québec) [...] |
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Demandeurs |
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c. |
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NISSAN CANADA INC. |
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5290, Orbitor Drive |
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Mississauga (Ontario) L4W 4Z5 |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Par leur demande en justice, les demandeurs, Éric Rhéaume et Amélie Deblois, réclament la somme de 1 490,57 $ au fabricant Nissan Canada inc.
I) CONTEXTE
[2] Le 17 mai 2017, monsieur Rhéaume, se procure un véhicule d’occasion Nissan Pathfinder 2015 chez le concessionnaire Paquet Nissan de Lévis. L’odomètre indique alors 32 640 kilomètres (km).
[3] Au printemps 2018, madame Deblois, qui fait usage du véhicule pour ses déplacements, entend un « bruit de plastique » léger sous le capot qui s’apparente à un « petit claquement ».
[4] Le 27 avril 2018, à l’occasion d’une vidange d’huile effectuée au garage Canadian Tire de Sainte-Marie, elle signifie ce bruit au technicien qui conclut à une défectuosité du ventilateur motorisé (« power fan »). La facture précise : « Mesure Préventive Suggérée ».[1]
[5] Madame Deblois contacte ensuite le concessionnaire Paquet Nissan qui se dit prêt à faire un diagnostic, mais les plages horaires disponibles pour le réaliser sont incompatibles avec son horaire de travail d’enseignante.
[6] Elle se résout donc à mener son véhicule chez St-Georges Nissan le lundi 7 mai 2018. Le technicien qui en fait l’examen confirme que le ventilateur motorisé est défectueux, mais n’est pas en mesure d’effectuer immédiatement la réparation, faute d’une pièce disponible en inventaire.
[7] Le 11 mai 2018, monsieur Richard Molango de Nissan Canada inc. précise à monsieur Rhéaume que le fabricant « ne sera pas en mesure d’offrir un soutien ou couverture supplémentaire pour la réparation du véhicule concerné ».[2]
[8] Le 14 mai 2018, St-Georges Nissan remplace le ventilateur pour la somme de 1 490,57 $.[3]
[9] Le 21 juin 2018, madame Deblois met Nissan Canada inc. en demeure de lui rembourser cette dernière somme. Elle considère être en présence « d’un bris inhabituel » compte tenu de « l’usage normal et non abusif » qu’elle fait du véhicule.[4]
[10] Le 28 juin 2018, le service à la clientèle de Nissan Canada inc. lui offre cette réponse :
[…] nous ne sommes pas en mesure de vous offrir un remboursement pour la réparation de votre véhicule, car le véhicule n’est plus couvert par la garantie de 3 ans ou 60 000 km selon la première éventualité.
[…].[5]
[11] Madame Deblois souligne que l’odomètre du véhicule indiquait 60 958 km au moment de l’apparition du problème. À sa sortie du garage St-Georges Nissan, il atteignait 61 453 km.[6]
[12] Dans sa contestation écrite, le fabricant insiste notamment sur le fait que la garantie conventionnelle offerte pour ce véhicule expirait après trois ans ou 60 000 km, selon la première éventualité.[7]
II) QUESTION EN LITIGE
[13] Le fabricant est-il légalement tenu de rembourser les frais de réparation du véhicule quand la pièce défectueuse n’est plus couverte par la garantie conventionnelle offerte au propriétaire ?
III) ANALYSE
[14] L’article 53 de la Loi sur la protection du consommateur[8] (« L.p.c. ») accorde au consommateur qui soutient qu’un véhicule acquis d’un concessionnaire présente un vice ou un défaut la possibilité de poursuivre directement le fabricant. C’est l’option ici exercée par madame Deblois et monsieur Rhéaume.
[15] Selon la preuve, ils ont parcouru plus de 28 000 km en un peu moins d’un an avant que le ventilateur motorisé doive être remplacé.
[16] Il est acquis que la garantie conventionnelle offerte par Nissan était expirée depuis peu quand le problème s’est manifesté.
[17] L’expiration de cette garantie conventionnelle ne fait cependant pas obstacle à l’exercice d’un recours fondé sur la garantie légale de durabilité[9] offerte par l’article 38 de la L.p.c. :
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[18] Par l’effet conjugué des articles 1729 et 1730 du Code civil du Québec[10], le fabricant (Nissan) est tenu aux mêmes obligations que le vendeur professionnel (Paquet Nissan) en pareille matière :
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.
(Le Tribunal souligne)
1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.
(Le Tribunal souligne)
[19] À la lumière de ces dispositions, la Cour d’appel du Québec infère une triple « présomption de responsabilité »[11] opposable au fabricant :
[…] l’application de la règle posée par cet article [1729 C.c.Q.] a pour effet pratique de mettre en œuvre […] une triple présomption en faveur de l’acheteur, soit celle de l’existence d’un vice, celle de son antériorité par rapport au contrat de vente et, enfin, celle du lien de causalité l’unissant à la détérioration ou au mauvais fonctionnement.[12]
[20] Pour bénéficier de cette présomption, monsieur Rhéaume et madame Deblois devaient démontrer « que le bien s’est détérioré prématurément par rapport à un bien identique ou de même espèce ».[13]
[21] Il est vrai que la défectuosité d’une pièce de voiture « peu de temps après l’expiration de la garantie n’est pas nécessairement le signe d’un bris prématuré »[14] imputable au fabricant.
[22] Ceci dit, monsieur Rhéaume et madame Deblois n’étaient pas pour autant tenus de « faire la preuve de la durée de vie utile par une expertise, une telle exigence se trouvant à l’opposé du but recherché par la loi ».[15]
[23] Madame Deblois témoigne avoir été mise au fait, lors de ses discussions avec les conseillers techniques consultés au sujet de sa voiture, qu’il est « très rare » que le ventilateur motorisé doive être remplacé sur ce type de véhicule.
[24] De son côté, la représentante de Nissan n’a pas été en mesure de confirmer s’il est fréquent qu’une telle pièce brise, malgré un usage normal du véhicule, ou encore si une telle pièce commande un quelconque entretien de la part du consommateur. Le fabricant n’apporte donc pas une preuve qui soit de nature à renverser la présomption qui lui est opposable.
[25] Ceci dit, nous ne sommes pas ici en présence d’un cas où le consommateur aurait fait défaut de présenter son véhicule chez le concessionnaire aux périodes requises par le fabricant, telles qu’exigées par les conditions d’application de la garantie conventionnelle.[16]
[26] Nous ne sommes pas non plus face à une situation où plusieurs mois, voire plusieurs années, séparent la mise en service du véhicule et l’apparition des vices ou défauts affectant le bien vendu.[17]
[27] Par ailleurs, rien ne permet d’affirmer que madame Deblois, qui est celle qui utilise exclusivement le véhicule, en ait fait un usage abusif.
[28] Du reste, le prix de vente payé (26 973 $) - qui est également un élément à considérer selon l’article 38 L.p.c. - apparaît substantiel pour un véhicule d’occasion.
[29] Somme toute, le Tribunal juge que Nissan n’est pas parvenue à renverser la présomption de responsabilité qui pèse contre elle.
[30] Ainsi, « [à] titre de fabricant, Nissan est présumé connaître le vice qui affecte le bien vendu » et « est donc tenue de tous les dommages-intérêts soufferts par l’acheteur ».[18]
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[31] ACCUEILLE la demande;
[32] CONDAMNE la défenderesse, Nissan Canada inc., à payer aux demandeurs, Amélie Deblois et Éric Rhéaume, la somme de 1 490,57 $, avec intérêts calculés au taux légal annuel de 5 %, majoré de l’indemnité additionnelle visée par l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la demeure, soit le 28 juin 2018, ainsi que les frais de justice de 101 $.
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__________________________________ CHRISTIAN BRUNELLE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
3 novembre 2020 |
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[1] Pièce P-2.
[2] Pièce P-3.
[3] Pièces P-4 et D-2.
[4] Pièce P-5.
[5] Pièce P-6.
[6] Pièces P-4 et D-2.
[7] Pièce D-3.
[8] RLRQ c P-40.1.
[9] Blondin c. Nissan de Granby inc., 2020 QCCQ 4087, par. 14 : « […] le fait qu’une garantie conventionnelle soit expirée [...] n’affecte pas les garanties légales de la LPC qui peuvent s’appliquer le cas échéant ».
[10] RLRQ c CCQ-1991.
[11] CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, 2017 QCCA 154, 2017EXP-548 (C.A.), par. 28.
[12] Id. Voir au même effet : Capmatic Ltd. c. American Brands, 2019 QCCA 1150, 2019EXP-1954 (C.A.), par. 28.
[13] Id., par. 29.
[14] Brown c. Valleyfield Automobile Nitro inc. (Valleyfield Nissan), 2012 QCCQ 3745, par. 14.
[15] Delage c. Nissan Spinelli inc., 2018 QCCQ 9466, par. 28 (citant SSQ, société d’assurances inc. c. Whirlpool Canada, 2018 QCCQ 7170, 2018EXP-3068 (C.Q.), par. 41).
[16] Voir, par exemple, Roy c. Toyota Canada inc., 2015 QCCQ 97, par. 13 et 14.
[17] Tremblay c. General Motors du Canada ltée, 2016 QCCQ 8956 ; Desroches c. 9150-6683 Québec inc. (SKS Auto), 2019 QCCQ 2160, par. 37 et suivants ; Henderson c. Honda Canada inc., 2019 QCCQ 4590, par. 24 ; Blondin c. Nissan de Granby inc., précité, note 9, par. 31.
[18] Nadeau c. Personnelle (La), assurances générales, 2014 QCCQ 10569, par. 19.
AVIS :
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