Outillage de Précision Drummond et Bédard |
2009 QCCLP 5664 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Drummondville |
13 août 2009 |
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Région : |
Mauricie-Centre-du-Québec |
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Dossier CSST : |
132297797 |
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Commissaire : |
Lise Collin, juge administratif |
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Membres : |
René Pépin, associations d’employeurs |
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Jean-Pierre Périgny, associations syndicales |
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Partie requérante |
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et |
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Patrick Bédard |
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Partie intéressée |
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Dossier 337193-04B-0801
[1] Le 10 janvier 2008, Outillage de Précision Drummond (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 13 décembre 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dans le cadre d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 25 octobre 2007 et déclare que monsieur Patrick Bédard (le travailleur) a subi une lésion professionnelle le 1er octobre 2007 dont le diagnostic est une entorse lombaire.
Dossier 357691-04B-0809
[3] Le 8 septembre 2008, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 13 août 2008 par la CSST dans le cadre d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 16 juillet 2008 faisant suite à l’avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale, déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle dont les diagnostics sont des hernies discales aux niveaux L4-L5 et L5-S1 gauche, déclare que les lésions ne sont pas consolidées et que des traitements sont toujours nécessaires.
[5] L’employeur est représenté à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 21 janvier 2009. Le travailleur est présent et représenté. Un délai a été accordé au procureur du travailleur afin qu’il produise une argumentation écrite au sujet d’une question préliminaire soulevée par l’employeur quant à la régularité de la transmission du dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale, ce qui fut fait le 10 février 2009.
[6] Le 10 mars 2009, le procureur de l’employeur adressait une réplique à cette argumentation. L’affaire est mise en délibéré le 10 mars 2009.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[7] L’employeur soulève l’irrégularité du deuxième avis du Bureau d’évaluation médicale qui s’est prononcé sur le diagnostic de la lésion professionnelle alors qu’un premier avis avait été rendu à ce sujet.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[8] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le ou vers le 1er octobre 2007. Il demande de déclarer sans objet la décision faisant suite au deuxième avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale.
L’AVIS DES MEMBRES
[9] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis de rejeter la question préliminaire soulevée par l'employeur.
[10]
Le médecin ayant charge du travailleur et le médecin de l'employeur
divergeant d'opinion au sujet du diagnostic de la lésion, la CSST était
justifiée de transmettre le dossier du travailleur à un membre du Bureau
d’évaluation médicale. Même si un premier avis du Bureau d’évaluation médicale
a déterminé le diagnostic de la lésion, cela n'empêchait pas une deuxième transmission
au Bureau d’évaluation médicale puisque le diagnostic retenu par le premier
membre du Bureau d’évaluation médicale
est un diagnostic évolutif dont il demandait la confirmation par un examen de
résonance magnétique.
[11] Quant au fond, le membre issu des associations d’employeurs est d'avis d'accueillir la contestation de l'employeur puisque la version du travailleur sur les circonstances au cours desquelles il se serait blessé n'est pas vraisemblable, qu'il ne dit pas la même chose aux médecins qui l’ont examiné et qu’il se mêle dans le récit de ses souvenirs.
[12] Le membre issu des associations syndicales est d'avis de rejeter les contestations de l'employeur. Il trouve au contraire que la version des faits donnée par le travailleur est constante et vraisemblable et la prépondérance de preuve médicale milite en faveur de la reconnaissance d’un diagnostic de hernie discale L4-L5 et L5-S1.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[13] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la procédure de transmission du dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale au sujet du diagnostic de la lésion est régulière. Elle doit aussi se prononcer sur la reconnaissance d'une lésion professionnelle.
[14] Après avoir pris connaissance de la preuve et reçu l'avis des membres issus des associations syndicales et d'employeurs, la Commission des lésions professionnelles conclut à la régularité de la transmission du dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale. Elle conclut également que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle. Ces conclusions reposent sur les éléments suivants.
[15] Dans le but de répondre à la question préliminaire soulevée par le procureur de l'employeur, la Commission des lésions professionnelles choisit d’exposer la preuve médicale avant de disposer des faits.
[16] Le travailleur est soudeur-assembleur pour le compte de l’employeur depuis octobre 2004.
[17] Le 15 octobre 2007, il complète un formulaire de Réclamation du travailleur. À la section réservée à la description de l’événement, il écrit qu’en levant des plaques déposées sur une table, il a ressenti un pincement dans le bas du dos. Dans le formulaire Avis de l'employeur et demande de remboursement, la dimension (4’ X 16’ X ½’) et le nombre (12) de plaques sont précisés. L’événement est situé au 1er octobre 2007. le travailleur est alors âgé de 30 ans.
[18] Dans l’attestation médicale initiale datée du 2 octobre 2007[1], il est question d’un diagnostic de lombosciatalgie gauche. Puis, le 10 octobre 2007 apparaît un diagnostic d’entorse lombaire. Un arrêt de travail et des traitements de physiothérapie sont prescrits.
[19] Le 17 octobre 2007, le travailleur est examiné par le docteur Paul O. Nadeau, orthopédiste, à la demande de l’employeur. Le docteur Nadeau passe en revue l'histoire du cas. Le travailleur lui mentionne avoir déjà eu des épisodes de douleurs lombaire, dorsale et cervicale, avoir déjà été traité pour des problèmes de sciatique et avoir eu des traitements de physiothérapie et d’orthothérapie.
[20] Le travailleur lui décrit ce qui s'est passé et le docteur Nadeau note que le travailleur s'est penché d’une vingtaine de degrés pour prendre une douzaine de plaques qui étaient à environ 14 pouces du rebord de la table.
[21] Le docteur Nadeau procède à un examen clinique. À l’issue de son examen, il conclut à une lombalgie mécanique sur une dégénérescence discale, le tout restant à prouver avec une résonance magnétique. Il consolide la lésion au 1er octobre 2007, sans nécessité de traitements et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[22] Le 25 octobre 2007, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour un accident du travail lui ayant causé une entorse lombaire. Cette décision est contestée par l'employeur, maintenue par la CSST dans le cadre d’une révision administrative et portée en appel par l'employeur. Il s'agit du premier litige dont doit disposer le tribunal.
[23] Dans un rapport complémentaire complété par le docteur Roy, médecin ayant charge du travailleur, ce dernier écrit que la lombalgie avec irradiation proximale est le diagnostic à retenir pour le travailleur, lequel a été confirmé par les trois médecins qui l’ont vu à la clinique. Il y a toujours nécessité de traitements malgré une certaine amélioration de sorte qu’il ne peut être consolidé.
[24] Devant la divergence d’opinion entre les docteurs Roy et Nadeau, le dossier du travailleur est transmis au Bureau d’évaluation médicale à la demande de l’employeur.
[25] L’avis du Bureau d’évaluation médicale est requis au sujet du diagnostic de la lésion professionnelle, de la consolidation, de la nécessité de soins ou traitements, de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[26] Le 14 janvier 2008, le travailleur est examiné par le docteur Denis Laflamme, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale. Le docteur Laflamme passe en revue l’histoire du cas. Apparaît pour la première fois la mention d’une torsion de la colonne lombaire. Au chapitre des antécédents, le docteur Laflamme écrit que le travailleur lui dit avoir eu un problème lombaire mineur qui a nécessité quelques jours d'arrêt de travail. À l’état actuel, le travailleur lui mentionne être en assignation temporaire et avoir connu une amélioration au début pour ensuite plafonner depuis décembre. Il accuse une douleur lombaire constante qui irradie au bord externe de la fesse gauche. Il n’accuse aucune paresthésie au niveau des membres inférieurs et les douleurs sont accentuées par l’effort à la toux, par le maintien de positions statiques assise ou debout. La douleur l’éveille occasionnellement la nuit. Il se dit limité dans ses activités quotidiennes, il prend des anti-inflammatoires, des analgésiques et suit des traitements de physiothérapie de quatre à cinq fois par semaine.
[27] À l’examen objectif, le docteur Laflamme écrit se retrouver en présence d’un travailleur mesurant 5 pieds et 9 pouces, pesant 222 livres, en bonne santé apparente et se mobilisant relativement bien lors de l’examen. Le rachis est centré et conserve sa courbure normale. Au niveau de la colonne dorso-lombaire, il retrouve une limitation de la flexion antérieure à 60° et de la douleur en fin de mouvement. L’extension est complète à 30° de même que les mouvements de flexion latérale. La palpation révèle une douleur aux niveaux des apophyses épineuses L5-S1 et à la masse musculaire para lombaire gauche, mais la musculature est souple. L’examen neurologique est normal.
[28] À l’issue de son examen, le docteur Laflamme retient un diagnostic d’entorse lombaire. Il écrit qu’il persiste une symptomatologie douloureuse avec une sciatalgie gauche améliorée, mais il n’y a pas de signes cliniques de compression neurologique si ce n’est que la présence d’un signe de Lasègue gauche à 40°. Puisque la symptomatologie persiste, le docteur Laflamme est d’avis que la lésion n’est toujours pas consolidée et qu’il y aurait lieu de procéder à une résonance magnétique en vue de préciser le diagnostic.
[29] Le docteur Laflamme retient donc un diagnostic d’entorse lombaire avec irritation radiculaire L5 gauche non consolidée et en ce qui a trait aux soins ou traitements, il recommande la poursuite de la physiothérapie et de l’ergothérapie et une investigation par résonance magnétique.
[30]
La résonance magnétique sera effectivement passée le 1er février
2008 et elle révèle de volumineuses hernies discales L4-L5 et L5-S1 en
centro-latéral gauche comprimant les racines L5 et S1 à ces deux niveaux
respectifs, une sténose spinale secondaire au niveau L4-L5 et une sténose
foraminale gauche secondaire au niveau
L5-S1 de même que de la discopathie dégénérative au niveau D10-D11 où il y a un
minime bombement discal diffus.
[31] À partir de ce moment-là, des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1 vont être posés par les médecins ayant charge du travailleur.
[32] Le 22 mars 2008, le docteur Nadeau examine de nouveau le travailleur. À l’issue de son examen, le docteur Nadeau réitère le diagnostic de lombalgie mécanique. Il écrit que l’examen neurologique qu’il avait fait le 17 octobre 2007, celui du docteur Laflamme et celui qu’il vient de faire ne démontrent aucun signe clinique compatible avec une hernie discale, ni déficit sensitif moteur ou des réflexes. Il retient donc un diagnostic de lombalgie mécanique sur dégénérescence discale consolidée au 1er octobre 2007 sans nécessité de soins ou traitements et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[33] Dans un rapport complémentaire daté du 22 avril 2008, le médecin ayant charge du travailleur, le docteur Campeau, réitère le diagnostic de hernie discale. Le médecin est d’avis que le travailleur devrait avoir un examen électromyographique et une consultation en neurochirurgie avant de se prononcer sur une date de consolidation. Le 2 juin 2008, le docteur Bilocq, neurochirurgien, conclut à des diagnostics de hernie discales lombaires L4-L5 et L5-S1 gauche avec une discopathie sévère. Il n’y a pas de radiculopathie majeure. Il suggère un bloc facettaire.
[34] Le dossier du travailleur est de nouveau soumis à un membre du Bureau d’évaluation médicale au sujet du diagnostic de la lésion professionnelle, de la consolidation, des soins ou traitements, de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, cela à la demande de l'employeur.
[35] Le 16 juin 2008, le travailleur est examiné par le docteur Mario Séguin, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale.
[36] En ce qui a trait aux antécédents, le docteur Séguin écrit que à l’exception de quelques journées d’arrêt de travail pour des flashes rétiniens ou des coupures, le travailleur n'aurait jamais été en arrêt de travail suite à un événement au travail ni suite à des problèmes de santé personnels.
[37]
Après avoir relaté l’histoire du cas, dans laquelle il est question
d’une rotation du tronc vers la gauche, le docteur Séguin procède à un examen
clinique. Il note qu’en position debout, il existe une rectitude lombaire, donc
un effacement de la lordose. Il existe une ankylose importante puisque la
flexion antérieure est à 50°, l’extension, les
flexions latérales droite et gauche à 10° et les rotations droite et gauche à
20°. Les forces sont normales. Sur le plan sensitif, il retrouve une zone
d’hypoesthésie sur la face antérieure de la cuisse gauche. Les réflexes
ostéotendineux sont absents et symétriques tant pour les rotuliens que les
achilléens. Il trouve également un signe d’irritation radiculaire sous forme
d’un Lasègue positif bilatéralement. Il existe aussi une perte sensitive dans
le territoire L4-L5 du côté gauche.
[38] Le docteur Séguin conclut à des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1 gauche qui ne sont toujours pas consolidées et qui justifient une consultation en neurochirurgie.
[39] La CSST rend une décision le 16 juillet 2008 par laquelle elle donne suite à l’avis du docteur Séguin. Cette décision est contestée par l'employeur, maintenue par la révision administrative de la CSST et portée en appel par l'employeur, ce qui constitue le second litige dont il faut disposer.
[40] Le procureur de l'employeur a produit la décision que la CSST a rendue le 18 janvier 2008 suite au premier avis émis par le docteur Laflamme. Il soutient que cette décision n’a pas été contestée, qu’elle est devenue finale et qu’elle lie la Commission des lésions professionnelles aux fins de rendre sa décision de sorte que le docteur Séguin ne pouvait pas se prononcer sur le diagnostic.
[41] Les articles 212 et suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) établissent une procédure d'évaluation médicale. Il en ressort qu’un employeur peut contester un rapport médical émis par le médecin qui prend charge du travailleur s’il obtient un rapport d’un médecin qui infirme les conclusions du médecin ayant charge, au sujet du diagnostic, de la consolidation, de la nécessité de soins ou traitements, de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le dossier du travailleur est alors soumis au Bureau d’évaluation médicale pour que l'un de ses membres tranche la ou les questions sur lesquelles les médecins divergent d'opinion.
[42] En l'espèce, le docteur Nadeau, médecin désigné de l'employeur, diverge d’opinion avec le docteur Roy, médecin ayant charge du travailleur, de sorte que la CSST, conformément à l'article 219 de la loi, était justifiée de transmettre le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale. L’avis est requis sur les cinq sujets de nature médicale.
[43]
Le docteur Laflamme du Bureau d’évaluation médicale rend son avis. Il
retient un diagnostic d’entorse lombaire avec irritation radiculaire L5 gauche
non consolidée et en
ce qui a trait aux soins ou traitements, il recommande la poursuite de la
physiothérapie et de l’ergothérapie et une investigation par résonance
magnétique afin, écrit-il, de préciser le diagnostic.
[44] De l'avis de la Commission des lésions professionnelles et tel que l'a mentionné le procureur du travailleur dans son argumentation écrite, l’on se trouve en présence d'un diagnostic évolutif. Si le docteur Laflamme suggère une résonance magnétique pour préciser le diagnostic, il est permis de penser qu’il n’était pas si catégorique que cela et que le diagnostic retenu par la suite pourrait être différent du premier.
[45] La résonance magnétique met en évidence des hernies discales au niveau L4-L5 et L5-S1. Puis par la suite, le docteur Nadeau, qui réexamine le travailleur, réitère son diagnostic de lombalgie mécanique sur dégénérescence discale alors que le médecin ayant charge du travailleur retient plutôt celui de hernies discales L4-L5 et L5-S1.
[46] C’est donc dire que l'on se retrouve dans la même situation que la précédente, à savoir qu'il faut à tout le moins trancher le sujet du diagnostic.
[47] En matière de diagnostic évolutif, la jurisprudence du tribunal[3] est à l’effet qu’un nouveau diagnostic peut être posé pour toutes sortes de raison. La décision que la CSST a rendue à la suite du premier avis du Bureau d’évaluation médicale n’a donc pas pour effet de figer dans le temps la condition médicale d’un travailleur. La transmission du dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale une seconde fois n’est donc pas irrégulière et la question préliminaire est rejetée.
[48] En ce qui a trait à la non reconnaissance d’une lésion professionnelle, la Commission des lésions professionnelles s’appuie sur les considérations suivantes.
[49] D’abord, pour les fins de la discussion, elle retient que le diagnostic de la lésion est des hernies discales L4-L5 et L5-S1 gauche. Il s'agit là des diagnostics posés par les médecins ayant charge du travailleur, dont le neurochirurgien Bilocq, et c’est aussi celui retenu par le docteur Séguin du Bureau d’évaluation médicale.
[50]
Dans un complément d’expertise, le docteur Nadeau a commenté les examens
faits par les deux membres du Bureau d’évaluation médicale. Il soutient que
l’examen du docteur Laflamme était superposable au sien et normal à l'exception
d’un Lasègue à 40°. Quant à
celui fait par le docteur Séguin, il révèle un patient qui s’est détérioré par
rapport à l'examen précédent puisqu’il y a plus d’ankyloses dans toutes les
amplitudes. Le docteur Séguin parle d’un déficit sensitif dans le territoire
L4-L5 gauche, c’est-à-dire, sur le dessus de la cuisse gauche. Or, la résonance
magnétique a démontré une hernie discale L4-L5 comprimant la racine L5 gauche,
ce qui veut dire un déficit sensitif qui devrait être présent sur la face
antéro-interne de la jambe vis-à-vis de la cheville et vers le 1er
orteil et S1, ce qui veut dire à la face externe de la cheville, ce qui ne se
retrouve pas à l’examen clinique. Il ajoute que la présence d’un Lasègue ne
constitue pas un signe de hernie discale.
[51] La Commission des lésions professionnelles ne retient pas l’opinion du docteur Nadeau à ce sujet. La preuve médicale est prépondérante à démontrer que le travailleur a présenté une irritation radiculaire dans le territoire de la racine L5. Même si le docteur Séguin parle d’hypoesthésie dans la région interne de la cuisse, cela n’exclut pas la région latérale ou externe de la cuisse. De plus, la preuve médicale est prépondérante à indiquer l’absence de signe neurologique significatif, seul le docteur Séguin ayant noté une légère hypoesthésie.
[52] La lésion professionnelle est définie comme suit à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
[53] Le diagnostic de hernie n’est pas un diagnostic de blessure de sorte que la présomption de lésion professionnelle prévue à l'article 28 de la loi ne s’applique pas.
[54] Puisque le travailleur invoque un geste bien précis comme étant à l’origine de la lésion, il n’y a pas lieu d'examiner la preuve sous l'angle de la maladie professionnelle. Les faits doivent plutôt être examinés sous l’angle de l'accident du travail, lequel est décrit en ces termes à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
[55] Dans le Formulaire D’Enquête et D’Analyse D’Accident, les circonstances de l’événement sont décrites dans des termes semblables à ceux utilisés dans le formulaire de Réclamation du travailleur. Dans la section intitulée Grille D’Enquête et D’Analyse, il est indiqué que la posture de travail adoptée par le travailleur était difficile ou inadéquate et que les plaques étaient à environ un pied et demi à deux pieds sur la table.
[56] De ceci, la Commission des lésions professionnelles comprend que les plaques étaient placées à un pied et demi à deux pieds du rebord de la table. D’ailleurs, à la section 5 du formulaire intitulé Mesures correctrices et préventives, il est indiqué de rapprocher les pièces au bord de la table avant de les lever.
[57] Des photographies des lieux ont été produites par l'employeur. Elles ont été prises par monsieur Luc Bessette, contremaître, qui s’occupe de la production, de la gestion du personnel et est secouriste.
[58] Une objection au dépôt des photographies soulevée par le procureur du travailleur au motif qu’elles ne sont pas exactes a été rejetée, l’appréciation de leur valeur probante revenant au tribunal.
[59] Leur exactitude est remise en question par le travailleur dans la mesure où la table où étaient déposées les plaques n’était pas une table hydraulique comme celle que l’on voit sur la photographie no 8 et qu’elle n’était pas placée dans le même angle.
[60] Pour sa part, monsieur Bessette précise que les photographies ont été prises par lui le 8 janvier 2009, qu’il n'y a pas eu de changement dans la disposition des lieux et qu’effectivement, au 1er octobre 2007, la table en question n'était pas une table hydraulique, le mécanisme hydraulique servant à baisser ou monter la table, mais qu’elle est identique en terme de dimension et de hauteur. Sa surface est en aluminium. Monsieur Bessette dit avoir pesé 12 plaques à 37,2 livres, ce qui n’est pas contredit par le travailleur.
[61] Monsieur Bessette se souvient que le travailleur s'est rendu à l’infirmerie où l’on a appliqué de la glace dans son dos. Ce dernier lui a mentionné qu'il avait levé les plaques à bout de bras et qu'il a eu mal au dos. Il ne s'était plaint d'aucun malaise à son arrivée au travail.
[62]
Monsieur Bessette raconte s’être rendu au département d'usinage pour
s'informer où étaient les plaques. David Bergeron, un autre travailleur dont le
poste de travail est à trois pieds et demi du poste de travail du travailleur
lui a répondu que le travailleur les a glissées sur le coin de la table, les a
prises et est parti avec. À une
question qu'il lui a posée, monsieur Bergeron a répondu qu'il était quasi
impossible de lever les plaques à bout de bras.
[63] Monsieur Stéphane Allard, contremaître au département d'expédition réception et membre du Comité de santé et sécurité a témoigné à l’effet qu’il avait complété le Formulaire D’Enquête et D’Analyse D’Accident en date du 10 octobre 2007, selon ce que le travailleur lui a déclaré. Il a également rencontré monsieur Bergeron le même jour et lui a fait compléter un document dans lequel il est question qu'en soulevant les plaques en coin, le travailleur lui a dit avoir ressenti un craquement dans le dos.
[64] Monsieur Allard mentionne que règle générale, les plaques sont déposées sur le chariot apparaissant sur la photographie no 4, mais ce jour-là, il y avait du retard dans la production et c’est la raison pour laquelle les plaques étaient déposées directement sur la table.
[65] Monsieur Bergeron a également témoigné. Son poste de travail est à proximité de celui du travailleur. Il dit avoir vu faire le travailleur. Il a rapproché les plaques du bord de la table, les a prises, les a redéposées. La table était à angle droit avec la fraiseuse. Il arrive qu’elle ne soit pas dans le même angle. Le travailleur a dit qu’il s’était fait mal.
[66] Au moment de son témoignage, monsieur Bergeron était en mise à pied et le procureur du travailleur a fait valoir dans son argumentation qu’il avait intérêt à témoigner comme il l’a fait. La Commission des lésions professionnelles ne retient pas cet argument. Le fait d’être en mise à pied n’est pas une cause de reproche d’autant plus qu’au moment où il a signé la déclaration apparaissant au dossier, il était à l'emploi de l'employeur.
[67] Le travailleur a été longuement interrogé et contre-interrogé. Il a dessiné un croquis des lieux. Il maintient sa version des faits, à savoir qu’il a soulevé des plaques déposées sur une table et ressenti un pincement au dos en posant ce geste. Elles n’étaient pas placées sur le rebord de la table. La table était placée en angle et non pas droite comme sur la photographie, Il ne les a pas fait glisser pour les rapprocher du rebord de la table parce qu’il estime qu'elles ne glissent pas bien et qu’il préfère les soulever. En soulevant les plaques, il a ressenti un pincement dans le bas du dos et il les a redéposées sur la table. Il est allé à l’infirmerie où l'on a appliqué de la glace dans son dos puis il a tenté de retourner à son travail, a essayé de reprendre les plaques en question, cette fois-là en les glissant, mais la douleur empire de sorte qu'il quitte son travail et se rend à l’urgence. Il est alors aux environs de 11 h du matin, mais il ne verra un médecin qu’à minuit.
[68] Interrogé par le tribunal sur ses antécédents médicaux, le travailleur se contredit, dit qu’il ne s’en souvient pas, convient qu’il a déjà vu un orthothérapeute pour un massage, peut-être qu’il a dit au docteur Séguin n’avoir aucun antécédent, ni avoir déjà eu des traitements de physiothérapie ou d’ergothérapie. Bref, la Commission des lésions professionnelles constate que le travailleur est beaucoup moins catégorique à ce sujet que sur la façon dont il se serait blessé.
[69] Interrogé sur sa participation comme batteur dans un groupe de musiciens, le travailleur répond qu’il ne fait plus de musique et qu’un spectacle qui devait avoir lieu a été annulé en raison de sa blessure. Il convient avoir fait de l'entraînement physique en salle avec des poids et divers appareils, mais n’en fait plus maintenant.
[70] La Commission des lésions professionnelles accorde peu de crédibilité au travailleur, notamment en raison des contradictions au sujet de ses antécédents médicaux, non seulement au cours de son témoignage, mais dans ses déclarations auprès des divers médecins qui ont eu l'occasion de l'examiner.
[71] De plus, il est le seul à affirmer maintenant que la table n’était pas à angle droit. Or, la preuve révèle que l'employeur a fait enquête suite à la déclaration d'accident et il n’a pas été question d’une position différente de la table où était déposées les plaques.
[72] La Commission des lésions professionnelles accorde plus de valeur probante aux constatations faites dans le rapport d’enquête parce qu’elles sont contemporaines aux faits invoqués, que le travailleur a eu l’occasion d’exposer ce qui s’était passé et parce que cette déclaration a été faite à une époque où il n’avait aucun intérêt à ne pas dire la vérité.
[73] Un autre élément qui atténue la crédibilité du travailleur réside dans le fait que le travailleur n’a pas fait mention au docteur Nadeau d’un mouvement de torsion. Il faut attendre trois mois plus tard, lors de l'examen du docteur Laflamme pour en entendre parler. Encore là, la Commission des lésions professionnelles privilégie la déclaration la plus rapprochée des faits.
[74] Mais au-delà des contradictions au sujet de la disposition de la table, la question se pose de savoir comment le travailleur, qui effectivement a un gabarit de culturiste, peut s’être infligé des hernies à deux niveaux en se penchant le tronc d’une vingtaine de degrés pour ramasser des plaques d’une trentaine de livres.
[75] Le seul médecin qui s’est prononcé sur la relation médicale entre le geste posé par le travailleur est le docteur Nadeau. Dans son évaluation du 17 octobre 2007, le docteur Nadeau écrit en conclusion qu’il s’agit donc « d’un patient qui allègue des douleurs lombaires alors qu’il était fléchi à environ 20° vers l’avant avec une charge d’environ 25 à 30 livres au niveau des bras. La table étant à environ 36 pouces de haut, compte tenu de la hauteur de monsieur, pour aller chercher une pile à 14 pouces, l’inclinaison du tronc à 20° ne constitue pas une amplitude importante. La charge non plus, compte tenu du physique de monsieur, ne constitue pas un élément important. »
[76] Or, même si c’est l’employeur qui conteste l’admissibilité de la réclamation, le fardeau de démontrer la relation entre un événement imprévu et soudain et une lésion professionnelle repose sur les épaules du travailleur.[4]
[77] Il est bien possible que le travailleur ait éprouvé de la douleur en faisant son travail. Cependant, la simple apparition de douleurs au cours du travail n'est pas suffisante pour conclure qu'une blessure est survenue au travail, cela, même en adoptant une interprétation large et libérale qui doit prévaloir en matière de loi remédiatrice.
[78] Il reste à savoir si le geste posé a pu aggraver une condition personnelle car la résonance magnétique met en évidence des signes de dégénérescence chez un travailleur de trente ans. La Commission des lésions professionnelles répond par la négative à cette question, car pour conclure à la reconnaissance d’une aggravation, encore faut-il qu’un accident du travail ou une maladie professionnelle surviennent. Ainsi, l'aggravation d'une condition personnelle n'est pas une catégorie de lésion professionnelle qui s'ajoute à celles déjà décrites par le législateur. Il faut obligatoirement qu'un accident du travail se soit produit ou qu'une maladie professionnelle se soit révélée.[5]
[79] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 1er octobre 2007.
[80] Devant cette conclusion, il devient académique de discuter du deuxième litige concernant l’avis émis par le docteur Séguin du Bureau d’évaluation médicale et la contestation de l’employeur devient sans objet.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 337193-04B-0801
REJETTE le moyen préliminaire soulevé par Outillage de Précision Drummond, l'employeur;
ACCUEILLE la requête produite le 10 janvier 2008 par l’employeur;
INFIRME la décision rendue le 13 décembre 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans le cadre d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Patrick Bédard, le travailleur, n’a pas subi de lésion professionnelle le 1er octobre 2007.
Dossier 357691-04B-0809
DÉCLARE sans objet la requête produite le 8 septembre 2008 par Outillage de Précision Drummond, l’employeur;
DÉCLARE sans effet la décision rendue le 13 août 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans le cadre d’une révision administrative.
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Lise Collin |
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Me Hugo Bélisle |
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Clair, Laplante, Côté & ass. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me François Villeneuve |
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C.S.N. (Sherbrooke) |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] Le travailleur a témoigné s'être rendu à l’hôpital le matin du 1er octobre 2007, mais n'avoir pu rencontrer un médecin qu’après minuit.
[2] L.R.Q., c. A-3.001
[3] Voir entre autres : Recouvrement métalliques Bussières ltée et Boucher, C.L.P. 273723-64-0510, 21 juin 2006, R. Daniel; Cuisine Action et Eric Funkel, C.L.P. 303332-62A-0611, 17 septembre 2008, D. Rivard.
[4] Achille de la Chevrotière ltée et Bourassa, 148451-08-0010, 18 juin 2002, M. Lamarre, révision rejetée, 24 janvier 2003, P. Simard; Hewitt Equipment ltée et St-Jean, 177304-72-0201, 27 janvier 2004, B. Roy (décision accueillant la requête en révision).
[5] P.D.G. Canada inc. et Commission des lésions professionnelles, [2000] C.L.P. 1213 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.