Décision

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Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc.

2021 QCCA 560

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-009390-169

(150-17-002714-142)

 

DATE :

7 AVRIL 2021

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

JULIE DUTIL, J.C.A.

SIMON RUEL, J.C.A.

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 

VILLE DE SAGUENAY

APPELANTE - Défenderesse / Demanderesse en garantie

c.

 

CONSTRUCTION UNIBEC INC.

INTIMÉE - Demanderesse

et

 

GÉMEL INC.

INTIMÉE - Défenderesse en garantie

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Le présent pourvoi fait suite au renvoi ordonné par la Cour suprême du Canada le 9 janvier 2020[1], en application du paragraphe 43(1.1) de la Loi sur la Cour suprême[2], pour reconsidération de l’affaire à l’origine de l’arrêt Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., rendu par cette Cour le 11 janvier 2019[3].

[2]           Dans ce dernier arrêt, la Cour accueille en partie l’appel déposé par la Ville de Saguenay à l’encontre d’un jugement rendu le 3 octobre 2016 par la Cour supérieure, district de Chicoutimi (l’honorable Gratien Duchesne), lequel condamnait la Ville de Saguenay à payer à Construction Unibec inc. 148 652,39 $ pour des travaux de construction effectués en août 2013[4].

[3]           La Cour suprême a renvoyé l’affaire devant notre Cour afin qu’elle statue sur le pourvoi en conformité avec l’arrêt Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc.[5] qu’elle a rendu le 22 novembre 2019.

[4]           Pour les motifs du juge Ruel, auxquels souscrivent les juges Dutil et Lavallée, LA COUR :

[5]           ACCUEILLE l’appel de la Ville de Saguenay en partie;

[6]           INFIRME en partie le jugement de première instance;

[7]           REJETTE la requête introductive d’instance de Construction Unibec inc.;

[8]           REJETTE l’appel de la Ville de Saguenay quant au rejet de la demande en garantie contre Gémel inc.;

[9]           LE TOUT, avec frais de justice.

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 

 

 

 

 

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

Me Jean-Jacques Rancourt

Me Karine Boies

Cain Lamarre, s.e.n.c.r.l.

Pour l’appelante

 

Me Alain Provencher

Me Alexis Gauthier-Turcotte

Simard Boivin Lemieux s.e.n.c.r.l.

Pour l’intimée Construction Unibec inc.

 

Me Gabriel Rochon-Massicotte

Bélanger Longtin, sencrl

Pour l’intimée Gémel inc.

 

Date d’audience :

9 mars 2021


 

 

 

MOTIFS DU JUGE RUEL

 

 

Le contexte

Les éléments factuels essentiels

[10]        Les faits essentiels du présent pourvoi ont déjà été résumés dans Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc. (« l’arrêt de 2019»). Je les reprends ici pour fins de compréhension :

[9] Le 31 octobre 2012, à la suite de l’appel d’offres no 2012-382, l’appelante [Ville de Saguenay] retient, par sa résolution VS-CE-2012-1494, les services de l’intimée Gémel inc. (Gémel) pour la préparation des plans et devis définitifs, pour les services durant la construction ainsi que la surveillance des travaux de construction d’un centre multifonctionnel dans le quartier de Shipshaw.

[10] Le 18 avril 2013, à la suite de l’appel d’offres no 2013-170, l’appelante octroie le contrat de construction du centre multifonctionnel à l’intimée Construction Unibec inc. (Unibec), par sa résolution VS-CE-2013-562. Selon le contrat de construction, le coût du projet est de 3 116 655,53 $, incluant les taxes. Le contrat prévoit la construction d’un bâtiment et d’un stationnement adjacent sur sa façade avant. Il prévoit également l’aménagement d’une surface asphaltée située à l’arrière du bâtiment.

[11] La 18e édition du Festival forestier de Shipshaw est prévue pour la fin de semaine de la fête du Travail du 30 août au 1er septembre 2013. En vue de cet événement, l’appelante annonce la venue d’un chanteur country américain. Cette nouvelle crée un engouement tel que l’appelante vend davantage de billets qu’à l’habitude. Elle décide donc de profiter des travaux de construction du centre multifonctionnel en cours pour en faire d’autres avant la tenue du festival. Ces nouveaux travaux consistent à ramener à l’avant du bâtiment la surface asphaltée qui devait initialement être située à l’arrière de celui-ci et à l’agrandir afin d’y ériger un chapiteau pour accueillir les festivaliers. L’appelante décide aussi de profiter de ces nouveaux travaux pour refaire le drainage du terrain.

[12] Le 14 mai 2013, Gémel adresse à Unibec la directive de chantier CMS-DIR-C-04. Il s’agit d’une offre de réaliser à forfait cette nouvelle surface asphaltée à l’avant du bâtiment près du stationnement de celui-ci ainsi que les travaux de drainage souhaités. La directive de chantier est accompagnée de plans qui précisent la nature, l’étendue des travaux ainsi que les niveaux nécessaires pour l’aménagement de l’aire asphaltée.

[13] La directive de chantier est adressée à M. Yanick Pronovost d’Unibec. Une copie est transmise à deux représentants de l’appelante, M. Luc Brassard et Mme Isabelle Bélanger, à leur adresse courriel. M. Brassard est technologue employé par l’appelante. À ce titre, il est chargé d’analyser les contrats, d’accepter les prix et d’obtenir les autorisations de la direction générale de l’appelante. Mme Bélanger est l’attachée de M. Fabien Hovington, conseiller municipal de l’appelante.

[14] Le lendemain, le 15 mai 2013, Gémel adresse à Unibec la directive de chantier CMS-DIR-C-05. Celle-ci précise que l’asphaltage, comme tel, ne fait pas partie du contrat d’aménagement de la surface et des travaux de drainage. Les travaux consistent donc à préparer la surface à asphalter, mais l’asphaltage sera réalisé ultérieurement « hors contrat ».

[15] Le 25 juin 2013, Unibec transmet à l’appelante sa soumission au prix de 148 588,71 $ pour les travaux décrits dans la directive de chantier CMS-DIR-C-04. La soumission est préparée par M. Nicolas Blackburn d’Unibec. Elle se détaille en deux principaux postes de dépenses, soit un « fossé d’empierrement » et un « réseau pluvial ».

[16] Le 11 juillet 2013, à l’occasion d’une séance extraordinaire de son conseil exécutif, l’appelante approuve les ordres de changements figurant aux numéros FESTIUNI-001 à 011, en autorise la négociation pour un montant total de 201 102 $ incluant les taxes et alloue les fonds à même le poste budgétaire pertinent.

[17] Le 18 juillet 2013, lors d’une réunion de chantier, M. Brassard accepte la soumission d’Unibec et l’autorise à commencer les travaux sans attendre la recommandation de Gémel, et ce, en raison de l’échéancier serré avant la tenue du festival. Le compte rendu de cette réunion de chantier identifie M. Brassard comme le « coordonnateur ». Mme Bélanger représente également l’appelante à cette réunion.

[18] Le 5 août 2013, moins de quatre semaines avant l’ouverture du festival, Unibec réalise qu’une grande quantité de sable doit être transportée sur le site afin de rehausser le terrain et permettre l’asphaltage. Selon Unibec, la directive de chantier du 14 mai 2013, qui a servi de fondement à sa soumission, ne prévoyait pas cette quantité de sable. M. Blackburn d’Unibec s’adresse alors à M. Simon Savard, le chargé de projet pour Gémel. M. Savard convient avec M. Blackburn que l’ajout du sable se fera « en régie contrôlée », c’est-à-dire selon le coût du matériel et de la main-d’œuvre, et ce, de façon indépendante du contrat d’aménagement de la surface et des travaux de drainage.

[19] C’est ce contrat verbal de travaux « en régie contrôlée » qui est au cœur du litige. L’appelante refuse de payer la somme réclamée parce que, selon elle, les travaux visés faisaient partie des travaux décrits dans la directive de chantier du 14 mai 2013, pour lesquels Unibec a soumissionné, soumission qui a été acceptée le 18 juillet 2013 en conformité avec la résolution adoptée le 11 juillet 2013 par le comité exécutif de l’appelante.

[20] Jusqu’au 30 août 2013, date de l’ouverture du festival, le chantier avance en mode accéléré. L’appelante souhaite vivement la réussite du festival. Alors qu’il reste moins de trois semaines avant le festival, M. Brassard demande à Unibec de transporter du sable même les fins de semaine. Il promet le paiement d’un bonus de 10 000 $ si les délais sont respectés. Entre 600 et 700 « voyages » de sable sont ainsi transportés sur le site par Unibec, qui réussit à terminer les travaux avant le début des festivités.

[21] Le 16 septembre 2013, Unibec transmet à Gémel, pour approbation, une première facture détaillée de 286 077,12 $ pour les travaux réalisés. Aux deux postes de dépenses initialement prévus dans sa soumission du 25 juin 2013, soit un « fossé d’empierrement » et un « réseau pluvial », Unibec ajoute un troisième poste de dépenses pour le « rehaussement du terrain ». Une copie de la facture est transmise à M. Brassard. Le 19 novembre 2013, à la suite de plusieurs discussions avec Gémel, Unibec transmet une facture finale de 297 241,10 $. Le 27 novembre 2013, Gémel recommande à l’appelante par écrit de payer la facture d’Unibec.

[22] Lorsque l’on tient compte du montant initialement prévu dans le contrat conclu entre l’appelante et Unibec pour l’aménagement de la surface et les travaux de drainage, soit 148 488,71 $, le coût des travaux excédentaires pour la fourniture et le transport du sable - s’élève à 148 652,39 $.

[23] Cette somme est en litige. L’appelante refuse de la payer parce que, à son avis, comme je l’ai déjà écrit, la directive de chantier du 14 mai 2013 incluait ces travaux. Une fois la soumission d’Unibec acceptée, le contrat à forfait ne pouvait pas être modifié, plaide-t-elle.

[24] Le 27 juin 2014, Unibec dépose sa requête introductive d’instance contre l’appelante pour réclamer le paiement de la somme excédentaire (148 652,39 $). Le 17 septembre 2014, l’appelante dépose une requête introductive d’instance en garantie contre Gémel. Elle demande que Gémel soit condamnée à l’indemniser de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son endroit dans le cadre du recours d’Unibec contre elle.[6]

Le jugement de première instance

[11]        Le juge de première instance donne raison à Construction Unibec inc. (« Unibec »).

[12]        Il conclut d’abord que la directive de chantier du 14 mai 2013 adressée par Gémel inc. (« Gémel ») - à la demande de la Ville de Saguenay (« Ville ») - à Unibec incluait le coût des travaux de rehaussement du terrain à asphalter. En effet, selon le juge, les plans annexés à la directive prévoient un réseau pluvial surélevé. Les coûts pour le matériel nécessaire à l’exhaussement du terrain étaient donc inclus dans les travaux visés par la directive de chantier pour lesquels Unibec a soumissionné, ce qui a donné lieu à la formation du contrat à forfait pour l’aménagement de la surface et les travaux de drainage[7].

[13]        Malgré cette conclusion, le juge s’interroge à savoir si les parties ont convenu d’une entente modificative « en régie contrôlée » selon laquelle Unibec serait rémunérée pour les travaux et le matériel requis pour l’exhaussement du terrain.

[14]        Il conclut que le représentant de la Ville, M. Brassard, a soit consenti au dépassement de coûts ou encore a fait preuve d’aveuglement. Dans l’un ou l’autre cas, selon le juge, sa conduite a lié contractuellement la Ville : « [o]u bien, il a officiellement consenti au dépassement de coûts et a refusé de le reconnaître à la Cour pour toutes sortes de raisons ou bien, il s’est fermé les yeux, conscient que l’entrepreneur pouvait s’embarquer joyeusement »[8].

[15]        Finalement, le juge rejette la demande en garantie de la Ville étant donné que Gémel n’a commis aucune faute.

L’arrêt de 2019

[16]        Notre Cour accueille en partie l’appel de la Ville.

[17]        La Cour note que la conclusion du juge de première instance selon laquelle le contrat à forfait pour la préparation de la surface à asphalter incluait le coût d’exhaussement du terrain n’a pas été remise en question en appel[9].

[18]        La question était donc de savoir si le juge de première instance a erré en concluant à l’existence d’une entente subséquente « en régie contrôlée » en vue de rémunérer Unibec pour les travaux et le matériel requis pour l’exhaussement du terrain.

[19]        À cet égard, la Cour conclut à l’existence de deux erreurs commises par le juge de première instance : « une erreur de droit et une erreur de fait manifeste et dominante en décidant [que la Ville] est liée par l’acceptation verbale de son employé et qu’elle doit payer Unibec pour les travaux exécutés en « régie contrôlée »[10].

[20]        D’abord, la Cour rappelle le principe bien établi qu’une municipalité locale ne peut être liée financièrement sans approbation de son conseil municipal :

[35] La L.C.V. [Loi sur les cités et villes] exige le respect de certaines formalités préalables à la formation d’un contrat par une municipalité locale. Celle-ci a le pouvoir général de s’engager contractuellement à la suite de l’adoption, par les membres de son conseil, d’un règlement ou d’une résolution. En conséquence, une municipalité locale ne peut être liée financièrement face à un tiers que si une résolution ou un règlement le prévoit. Il s’agit d’une mesure édictée dans l’intérêt des municipalités locales, donc des citoyens, pour favoriser une saine administration des fonds publics ainsi que la transparence des décisions et pour éviter la collusion et la corruption.

[36] Le juge de première instance ne pouvait donc pas conclure à la formation d’un nouveau contrat, en l’absence d’une résolution du conseil de l’appelante autorisant l’exécution des travaux, d’un règlement de délégation adopté en application des articles 350 et 477.2 de la L.C.V. par le conseil de l’appelante autorisant son employé à modifier le contrat intervenu avec Unibec et à en conclure un nouveau, ou en l’absence d’une résolution du conseil de l’appelante ratifiant a posteriori le consentement verbal donné par son employé.

[37] La doctrine et la jurisprudence reconnaissent le principe suivant lequel un employé municipal ne peut lier une municipalité locale puisque celle-ci « parle » par son conseil municipal, et ce, en vertu de l’article 47 de la L.C.V.[11]

[21]        La Cour conclut que ces principes s’appliquent à la modification d’un contrat existant[12]. Par ailleurs, l’article 573.3.0.4 de la Loi sur les cités et villes[13] ne peut trouver application puisque le conseil municipal n’a pas approuvé d’entente subséquente « en régie contrôlée » et que les travaux en cause étaient compris dans le contrat à forfait et n’en constituaient pas l’accessoire[14].

[22]        Ensuite, la Cour détermine que le juge de première instance a commis une erreur de fait manifeste et déterminante en ayant inféré que M. Brassard a accepté verbalement la modification du contrat forfaitaire en août 2013. La preuve ne démontre pas l’acceptation verbale d’un représentant de la Ville à une entente subséquente « en régie contrôlée » en vue de prévoir une rémunération additionnelle d’Unibec pour les travaux et le matériel requis pour l’exhaussement de la surface en prévision de son asphaltage[15].

[23]        Cela étant établi, la Cour s’interroge sur la question de savoir si, « [v]u la nullité du contrat conclu en violation des dispositions de la L.C.V. »[16], la Ville devrait payer le coût de la fourniture et du transport du sable en application de la restitution des prestations sous l’article 1699 du Code civil du Québec.

[24]        La Cour mentionne que l’arrêt Ville de Montréal c. Octane Stratégie inc., rendu par la Cour d’appel en 2018[17], a tranché que la restitution des prestations s’appliquait aux contrats municipaux subséquemment déclarés nuls[18].

[25]        Cependant, selon le deuxième alinéa de l’article 1699 du Code civil du Québec, le tribunal peut refuser la restitution des prestations lorsqu’elle a pour effet d’accorder à l’une des parties un avantage indu. En l’espèce, la Cour juge que la restitution des prestations procurerait un tel avantage à Unibec. Elle conclut donc qu’il n’y a pas lieu d’ordonner à la Ville de payer à Unibec les sommes qu’elle réclame[19].

[26]        Compte tenu de ces conclusions, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question de la responsabilité de Gémel.

L’arrêt Octane de la Cour suprême

[27]        Il convient de rappeler brièvement les faits essentiels de cette affaire.

[28]        En avril 2007, le directeur des transports de la Ville de Montréal fait appel aux services d’Octane Stratégie inc. (« Octane ») pour la création d’un concept d’évènement pour le lancement du plan de transport de la Ville. À la suite d’une réunion où plusieurs acteurs importants de l’administration municipale exposent leurs attentes, Octane élabore un concept avec l’aide d’une entreprise spécialisée dans le domaine, de qui elle retient les services pour la production de l’évènement[20].

[29]        Ce lancement se déroule à la date prévue et est couronné de succès. Malgré de nombreuses démarches d’Octane pour obtenir le paiement des frais engagés pour les services de son sous-traitant, la Ville de Montréal tarde à payer. Octane intente alors un recours contre celle-ci pour obtenir paiement. La Ville oppose à Octane pour la première fois qu’elle n’a jamais donné son autorisation pour ce mandat[21].

[30]        Les deux principales questions en litige identifiées par la Cour suprême sont les suivantes : (1) Le régime de la restitution des prestations s’applique-t-il en matière municipale? (2) La restitution des prestations s’impose-t-elle en l’espèce et, dans l’affirmative, sur quel fondement[22]?

[31]        Les juges majoritaires répondent par l’affirmative à la première question[23]. Ce point n’est pas en litige dans le présent pourvoi.

[32]        Sur la seconde question en litige, les juges majoritaires rappellent que, « [s]uivant les règles de droit public, la résolution et le règlement sont les véhicules juridiques par lesquels une municipalité, par l’entremise de son organe décisionnel qu’est le conseil municipal, exprime sa volonté de même que ses décisions »[24].

[33]        Le mandat sur lequel Octane fonde son recours n’a jamais été entériné par une résolution du conseil municipal de la Ville de Montréal. Par conséquent, s’appuyant notamment sur l’arrêt 2019[25] de notre Cour, les juges majoritaires concluent qu’« [e]n l’absence d’une manifestation de la volonté de la Ville d’être liée par une telle entente, aucune relation contractuelle n’a pu prendre naissance entre les parties »[26].

[34]        Il ne peut donc y avoir restitution des prestations sur le fondement de la nullité du contrat, puisque ce dernier est tout simplement inexistant[27].

[35]        La conclusion des juges majoritaires selon laquelle la restitution des prestations ne peut prendre sa source dans la théorie des nullités ne règle cependant pas la question. En effet, le régime de la réception de l’indu peut également justifier la restitution des prestations. Les juges majoritaires se penchent donc sur les conditions du premier alinéa de l’article 1491 du Code civil du Québec[28], lequel est rédigé en ces termes :

 

1491. Le paiement fait par erreur, ou simplement pour éviter un préjudice à celui qui le fait en protestant qu’il ne doit rien, oblige celui qui l’a reçu à le restituer.

 

1491. A payment made in error, or merely to avoid injury to the person making it while protesting that he owes nothing, obliges the person who receives it to make restitution.

 

[36]        Selon les juges majoritaires, trois conditions sont requises pour donner ouverture au régime de la réception de l’indu : (1) il doit y avoir un paiement; (2) ce paiement doit avoir été effectué en l’absence de dette entre les parties; et (3) il doit avoir été fait par erreur ou pour éviter un préjudice[29].

[37]        En application de l’article 1492 du Code civil du Québec, lorsque ces trois conditions sont remplies, la restitution de ce qui a été payé indûment se fait suivant les règles de la restitution des prestations prévues aux articles 1699 à 1707 du Code civil du Québec [30].

[38]        En appliquant ces principes aux faits de l’affaire, les juges majoritaires rejettent la prétention de la Ville de Montréal selon laquelle seul le paiement d’une somme d’argent pourrait justifier la restitution des prestations fondée sur la réception de l’indu. Selon l’article 1553 du Code civil du Québec, le paiement s’entend également de l’exécution de ce qui est l’objet de l’obligation. Ainsi, une prestation de services peut constituer un paiement au sens de cette disposition[31].

[39]        La Ville de Montréal admettait l’absence de dette entre les parties. Quant à savoir si le paiement d’Octane a été fait par erreur, les juges majoritaires précisent que les régimes de la réception de l’indu et de la restitution des prestations ne visent pas à sanctionner une négligence ou faute du payeur, mais bien à remettre les parties en état lorsqu’il est démontré que l’une d’entre elles a reçu une chose sans y avoir droit. Ainsi, la seule question qu’il faut se poser est de savoir si la prestation de services par Octane est le résultat d’une erreur et non d’une intention libérale[32].

[40]        À la lumière de la preuve au dossier, les juges majoritaires concluent que les représentants d’Octane se croyaient bel et bien obligés de fournir les services pour la production de l’évènement de la Ville et qu’ils n’avaient aucunement l’intention de fournir ceux-ci gratuitement. La prestation de services est donc le résultat d’une erreur aux termes de ce qu’exige l’article 1491 du Code civil du Québec[33].

[41]        Par conséquent, les conditions propres au régime de la réception de l’indu sont remplies, si bien que la remise en état doit être ordonnée sur ce fondement. La restitution des services fournis par Octane pour la production de l’évènement ne pouvant se faire en nature, elle doit se faire par équivalent. Cette restitution correspond au coût de production de l’évènement, soit 82 898,63 $[34].

L’analyse

[42]        La Ville demande à la présente formation de réaffirmer l’arrêt de 2019. Unibec plaide de son côté que la Cour devrait plutôt confirmer le jugement de première instance ayant ordonné à la Ville de lui payer 148 652,39 $ en application d’une entente subséquente « en régie contrôlée » en vue de la rémunérer pour les travaux et le matériel requis pour l’exhaussement du terrain, en sus du contrat à forfait pour la préparation de la surface à asphalter.

[43]        Si Unibec devait avoir gain de cause, subsidiairement, la Ville demande à la Cour d’intervenir sur la conclusion du juge de première instance quant au sort de sa demande en garantie contre Gémel.

[44]        La résolution de ces questions dépend en grande partie de la portée du renvoi ordonné par la Cour suprême à cette Cour pour reconsidération de l’affaire afin « qu’elle statue en conformité avec Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57 »[35].

La portée du renvoi

[45]        Selon la Ville, le renvoi par la Cour suprême n’a pas pour effet d’anéantir l’arrêt de 2019. La Cour devrait plutôt se limiter à reconsidérer les éléments de l’arrêt de 2019 qui bénéficient d’un nouvel éclairage apporté par la Cour suprême dans l’arrêt Octane. En particulier, l’arrêt Octane ne modifie pas le droit sur la question de l’absence d’autorité d’un fonctionnaire municipal d’engager financièrement la Ville en l’absence d’une résolution ou d’un règlement du conseil municipal approuvant ou ratifiant les travaux, ou encore en l’absence d’une délégation de pouvoirs valide.

[46]        Par conséquent, il n’y a pas lieu de revenir sur les conclusions de la Cour dans l’arrêt de 2019 quant à l’existence d’une erreur de droit et d’une erreur de fait relativement à l’acceptation verbale ou tacite de l’employé de la Ville et ses conséquences.

[47]        La Ville est d’avis que la Cour devrait limiter sa reconsidération à la question de la restitution des prestations et la réception de l’indu. À cet égard, il n’y pas lieu d’ordonner la restitution des prestations puisque Unibec était endettée à son égard en ce qu’elle avait l’obligation d’exécuter les travaux d’exhaussement du terrain, ce que constate le juge de première instance, conclusion qui n’a pas été remise en cause devant la Cour en 2019.

[48]        Unibec est plutôt d’avis qu’une cour d’appel, saisie d’un renvoi selon le paragraphe 43(1.1) de la Loi sur la Cour suprême, doit considérer de nouveau l’ensemble de l’affaire, comme s’il s’agissait d’un premier appel.

[49]        Unibec estime que l’arrêt Octane invite cette Cour à se pencher sur la question de savoir si le principe voulant qu’une municipalité ne puisse être liée contractuellement en l’absence d’une résolution de son conseil s’applique à la modification d’un contrat existant. À ce sujet, Unibec plaide qu’en présence d’une situation particulière et lorsque les faits le justifient, une municipalité peut modifier un contrat autrement que par règlement ou résolution. En l’espèce, Unibec soutient que la modification du contrat quant à l’exhaussement du terrain ne porte pas sur un élément essentiel du contrat à forfait et n’en change pas la nature. Selon elle, l’approbation du conseil municipal de la Ville n’était donc pas nécessaire.

[50]        Quant au régime de la réception de l’indu, Unibec soumet que la conclusion de l’arrêt de 2019 voulant qu’elle se soit engagée à exécuter les travaux d’exhaussement du terrain dans le cadre du contrat forfaitaire est entachée d’une erreur manifeste et déterminante, ce qui justifierait l’intervention de cette Cour.

[51]        À mon avis, les prétentions d’Unibec quant à la portée du renvoi pour reconsidération doivent être rejetées.

[52]        Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675 rendu en 2016, notre Cour affirme qu’« [i]l est désormais admis en jurisprudence que, saisie d’un renvoi en vertu de l’article 43.1 [sic] de la Loi sur la Cour suprême, une cour d’appel doit considérer de nouveau, mais comme s’il s’agissait d’un premier appel, le bien-fondé du jugement attaqué »[36].

[53]        Dans cette affaire, notre Cour avait accueilli l’appel à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure ayant fait droit à des requêtes en jugement déclaratoire des parties syndicales et déclaré invalides certaines dispositions de la Loi sur le contrôle des dépenses[37] au motif que celles-ci contrevenaient à l'alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême avait renvoyé l’affaire à la Cour d’appel pour qu’elle statue en conformité avec les arrêts Meredith c. Canada (Procureur général)[38] et Association de la police montée de l'Ontario c. Canada (Procureur général)[39].

[54]        Après avoir situé le contexte, notre Cour débute son analyse comme suit :

[10] Quel éclairage nouveau apportent les arrêts Meredith et APMO, que la Cour suprême mentionne dans cet ordre lorsqu’elle rend son jugement du 29 janvier dernier? Et qu’en est-il de l’arrêt SFL, plus récent encore que les deux précédents?[40]

[Soulignement ajouté.]

[55]        À l’appui de son affirmation quant à la nouvelle considération du jugement attaqué, notre Cour citait entre autres l’arrêt R. c. Polches de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, lequel apporte la précision suivante :

[20] Il devrait aller de soi que pour statuer sur l’affaire [TRADUCTION] « en conformité avec » l’arrêt Morris, il ne saurait être nécessaire de réexaminer des questions qui ne sont pas abordées dans cet arrêt. Ces questions, qui ont été tranchées dans la première décision de notre Cour, consistent notamment dans l’erreur que le juge du procès a commise en fondant les verdicts d’acquittement sur un droit que les intimés n’avaient pas invoqué, savoir un droit ancestral d’observer les animaux de la faune et dans la norme de révision applicable.[41]

[Caractères gras ajoutés; soulignement dans l’original; références omises.]

[56]        Dans l’arrêt Deslauriers Custom Cabinets Inc. v. 1728106 Ontario inc., rendu en 2017, citant notamment l’arrêt de notre Cour dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675, la Cour d’appel de l’Ontario écrit que :

[14] Having considered the terms of the Remand Order, the parties’ submissions and the available authorities, it is our view that the remand in this case is not “at large”. Rather, it requires this court to reconsider its previous decision in light of the Supreme Court’s authoritative pronouncements in Ledcor on issues that may have affected our disposition of the appeal. This court should not revisit questions that Ledcor does not touch upon. If the application of Ledcor mandates a different disposition, this court should alter its earlier decision in light of the teachings of Ledcor. If it does not, this court should affirm its earlier decision.[42]

[Soulignements ajoutés.]

[57]        S’il est exact d’affirmer qu’à la suite d’un renvoi pour reconsidération par la Cour suprême, la Cour d’appel doit considérer à nouveau l’affaire comme s’il s’agissait d’un premier appel, en ce sens que le dispositif de l’arrêt précédent ne tient plus, dans une optique d’équité pour les parties, d’efficacité et d’économie judiciaire, la Cour ne peut faire table rase des motifs de l’arrêt antérieur. Elle doit plutôt reconsidérer l’affaire soumise à la lumière de l’éclairage nouveau qu’apporte l’arrêt de la Cour suprême sur les questions de droit qui étaient en litige dans l’affaire qui justifie le renvoi.

[58]        Le cœur de l’arrêt Octane porte sur le régime de la restitution des prestations sous l’angle particulier de la réception de l’indu.

[59]        Dans l’arrêt Octane, la Cour suprême ne modifie pas le droit concernant l’absence d’autorité d’un fonctionnaire municipal d’engager financièrement une municipalité en l’absence d’une résolution ou d’un règlement du conseil municipal ou encore d’une délégation de pouvoirs valide. À cet égard, la Cour suprême cite avec approbation les arrêts de notre Cour dans Aylmer (Ville) c. 174736 Canada inc.[43] et Ville de Québec c. GM Développement inc.[44].

[60]        Dans cette dernière affaire, notre Cour affirme que la Loi sur les cités et villes impose « de nombreuses contraintes aux municipalités en ce qui concerne l’adjudication des contrats »[45]. Elle conclut que la Ville ne peut avoir tacitement consenti à un contrat avec GM. En effet, il n’y pas eu de résolution ou de règlement de la Ville de Québec ratifiant l’entente de partenariat qui avait été invoquée par GM Développement inc. et la théorie du mandat apparent ne trouve pas application en matière municipale[46].

[61]        Unibec s’appuie sur le passage suivant de l’arrêt Octane, qui réfère à l’arrêt de 2019, pour y voir une invitation de la Cour suprême à ce que notre Cour se penche à nouveau sur la question de savoir si l’approbation du conseil municipal est requise pour la modification d’un contrat existant :

[59] […] Dans l’arrêt Unibec, la Cour d’appel confirme le principe selon lequel une municipalité ne peut être liée en l’absence d’une résolution ou d’un règlement, car celle-ci s’exprime uniquement par la voix de son conseil municipal […]. Dans cette affaire, la cour conclut toutefois à la nullité d’un contrat verbal pour des travaux additionnels en marge d’un contrat existant, en l’absence d’une résolution du conseil municipal. Sans nous prononcer sur la question de savoir si ce principe vaut également pour la modification d’un contrat existant, nous sommes d’avis que l’absence de résolution ou de règlement mène non pas à la nullité du contrat, mais bien au constat qu’aucun contrat n’est né. Lorsqu’une municipalité n’a pas exprimé sa volonté à être liée contractuellement, il n’y a simplement aucun contrat à annuler. C’est le cas ici.[47]

[Soulignement ajouté.]

[62]        Dans l’arrêt de 2019, notre Cour répond complètement aux prétentions soulevées par Unibec sur cette question. La Cour conclut que le principe selon lequel une municipalité ne peut être liée financièrement sans approbation de son conseil municipal s’applique à la modification d’un contrat existant[48], sous réserve des dispositions de l’article 573.3.0.4 de la Loi sur les cités et villes, qui codifie les enseignements de l’arrêt de la Cour suprême dans Adricon Ltée c. East Angus (Ville d’)[49].

[63]        Dans ce dernier arrêt, la Cour suprême conclut que la modification d’un contrat original ne nécessite pas nécessairement l’approbation du conseil municipal, compte tenu notamment du « caractère accessoire de la modification par rapport à l’ensemble du contrat », étant entendu cependant que les parties ne peuvent « contourner la loi en altérant par exemple la nature forfaitaire du contrat »[50].

[64]        Voici que notre Cour écrit sur cette question :

[40]      Dans l’arrêt Adricon Ltée c. East Angus (Ville d’), la Cour suprême a reconnu la possibilité pour une municipalité de modifier un contrat sans nécessité pour le conseil municipal de recourir à une nouvelle demande de soumissions, lorsque la modification est accessoire au contrat et n’en change pas la nature. Cette exception est maintenant codifiée à l’article 573.3.0.4 de la L.C.V. :

573.3.0.4. Une municipalité ne peut modifier un contrat accordé à la suite d’une demande de soumissions, sauf dans le cas où la modification constitue un accessoire à celui-ci et n’en change pas la nature.

573.3.0.4. A municipality may not amend a contract awarded following a call for tenders unless the amendment is accessory and does not change the nature of the contract.

[41]      Tel qu’il appert de cette disposition, une municipalité peut modifier un contrat attribué à la suite d’une demande de soumissions. Encore là, elle doit autoriser la modification par résolution, tel que le prévoit l’article 47 de la L.C.V. En plus, la modification doit respecter deux conditions : elle doit être accessoire au contrat et ne pas en changer la nature.

[42]      L’article 573.3.0.4 de la L.C.V. n’est d’aucun secours pour Unibec. D’une part, la modification du contrat d’aménagement de la surface et des travaux de drainage pour y ajouter les coûts des travaux de la fourniture et du transport du sable n’a pas été autorisée par une résolution. D’autre part, elle n’est pas un accessoire du contrat et elle en change la nature. Ces travaux étaient inclus dans la directive de chantier du 14 mai 2013 qui a donné lieu à la soumission d’Unibec du 25 juin 2013. Ils constituent un élément essentiel du contrat d’aménagement de la surface et des travaux de drainage et, en conséquence, ils ne peuvent pas être qualifiés de modifications accessoires.[51]

[65]        Dans l’arrêt Octane, la Cour suprême n’apporte aucun éclairage additionnel qui aurait pu justifier que notre Cour se penche à nouveau sur ce sujet.

La restitution des prestations

[66]        Vu sa conclusion quant à la nullité de l’entente « en régie contrôlée » en vue de rémunérer Unibec pour les travaux et le matériel requis pour l’exhaussement du terrain, la Cour s’interroge, dans l’arrêt de 2019, à savoir si la Ville doit néanmoins payer ces coûts en application de la restitution des prestations sous l’article 1699 du Code civil du Québec. Elle conclut par la négative puisque Unibec bénéficierait d’un avantage indu :

[47] Dans le présent dossier, l’application de la restitution des prestations procurerait à Unibec un avantage indu. Le contrat intervenu le 18 juillet 2013 comprenait les travaux de remblayage, c’est-à-dire les coûts pour la fourniture et le transport du sable. Les dépassements de coûts résultent possiblement d’une erreur d’Unibec lors de la confection de sa soumission. En transmettant sa soumission (148 588,71 $) à l’appelante en réponse à la directive de chantier du 14 mai 2013, Unibec s’engageait à exécuter les travaux, dont le remblayage nécessaire, en respectant ce prix. De son côté, l’appelante s’attendait à payer ce prix pour les travaux d’aménagement de la surface et des travaux de drainage qui comprenaient, dès le départ, la réalisation d’un remblai. Le même raisonnement s’applique au moyen fondé sur l’enrichissement injustifié plaidé par Unibec. Dans ce cas, il doit y avoir un appauvrissement, un enrichissement corrélatif et l’absence de justification. En l’espèce, ce dernier élément est absent, car Unibec s’est contractuellement engagée à faire ces travaux pour un prix déterminé.[52]

[67]        Selon la Ville, le renvoi impose une reconsidération de l’arrêt de 2019 quant à la conclusion selon laquelle l’entente « en régie contrôlée » en vue de rémunérer Unibec pour les travaux et le matériel requis pour l’exhaussement du terrain est nulle puisque conclue en violation des dispositions de la Loi sur les cités et villes. À la lumière de l’arrêt Octane, il faut conclure que ce contrat n’existe tout simplement pas.

[68]        Par conséquent, les règles de la restitution des prestations ne peuvent prendre appui sur la théorie de la nullité des contrats. Il faut plutôt se tourner vers le régime de la réception de l’indu.

[69]        De l’avis de la Ville, Unibec était endettée à son égard en ce qu’elle avait l’obligation d’exécuter les travaux d’exhaussement du terrain dans le cadre du contrat forfaitaire. Cet endettement est d’ailleurs constaté dans l’arrêt de 2019, constat qui représente une fin de non-recevoir à toute prétention d’Unibec voulant que le régime de la réception de l’indu trouve application en l’espèce. Le paiement d’Unibec a donc été fait en conséquence d’une dette, et non d’une erreur.

[70]        Unibec soumet de son côté que la conclusion de l’arrêt de 2019 voulant qu’elle se soit engagée à exécuter les travaux d’exhaussent dans le cadre du contrat forfaitaire est erronée. Au moment de réaliser ces travaux, Unibec avait la ferme conviction que ceux-ci n’étaient pas inclus dans sa soumission et qu’elle serait payée en « régie contrôlée » par la Ville. Ainsi, la Ville devrait être condamnée à lui payer 148 652,39 $ sur la base du régime de la réception de l’indu.

[71]        J’estime qu’il y a lieu de retenir les prétentions de la Ville.

[72]        L’arrêt Octane justifie une reconsidération de l’arrêt de 2019 sous le volet de la restitution des prestations.

[73]        Compte tenu de la conclusion de la Cour dans l’arrêt de 2019 selon laquelle les formalités prévues dans la Loi sur les cités et villes n’ont pas été respectées, aucun nouveau contrat ni aucune modification du contrat à forfait pour les travaux d’exhaussement du terrain n’ont pu voir le jour. En application de l’arrêt Octane, il faut donc se demander si les conditions d’ouverture du régime de la réception de l’indu sont satisfaites en l’espèce et si la restitution des prestations devrait être ordonnée.

[74]        La Ville ne conteste pas l’existence d’un paiement par Unibec, soit la prestation du service de transport du sable et la fourniture du matériel. Le débat porte donc sur les deux autres conditions, soit l’absence de dette ainsi que l’erreur.

[75]        Selon les juges majoritaires de la Cour suprême dans l’arrêt Octane, le régime de la réception de l’indu se fonde sur le principe général suivant lequel tout paiement suppose une obligation[53]. Pour donner ouverture à la réception de l’indu et à la restitution des prestations, le paiement doit donc avoir été effectué en l’absence de dette[54] :

[69] […] L’absence de dette est essentielle au recours en répétition de l’indu; elle distingue le paiement qui est dû de celui qui ne l’est pas. Lorsque le paiement est dû, il ne peut y avoir d’obligation de restitution puisque le paiement est destiné à décharger le payeur d’une obligation existante; dans ce cas, le payé est en droit de conserver le paiement reçu. […][55]

[76]        En l’espèce, selon les conclusions du juge de première instance, les coûts pour le matériel et les services nécessaires à l’exhaussement du terrain étaient inclus dans les travaux visés par la directive de chantier transmise par Gémel, pour lesquels Unibec a soumissionné, ce qui a donné lieu à la formation du contrat forfaitaire pour l’aménagement de la surface à asphalter et les travaux de drainage :

[28] Après l’acceptation par la Ville de la soumission P-4 et l’autorisation du 18 juillet de commencer les travaux, MM. Pronovost et Blackburn d’Unibec ont cru de bonne foi que le rehaussement du terrain ne faisait pas partie des travaux prévus dans P-3.

[29] De l’avis du Tribunal, ils ont erré même si seulement une partie des plans avait été redéposée et que le rehaussement n’était pas spécifié dans la directive de chantier P-3. Une lecture des plans de P-3 mène à cette conclusion : « l’asphalte doit reposer sur quelque chose » comme l’a si bien dit l’avocate de la Ville. Ils savaient, en outre, que les plans exigent la pose d’un réseau pluvial surélevé.[56]

[77]        Le juge indique que toute tentative de stopper ce contrat aurait été « fatale » à la réclamation d’Unibec[57]. Cette constatation n’a pas été remise en question par Unibec lorsque l’affaire a été plaidée devant cette Cour en 2019 :

[25] Le juge de première instance examine en premier lieu la question de savoir si la directive de chantier du 14 mai 2013 adressée par l’appelante à Unibec inclut le coût des travaux de rehaussement du terrain. Il conclut que les plans annexés à la directive prévoient un réseau pluvial surélevé. Les coûts pour le matériel nécessaire à l’exhaussement du terrain étaient donc inclus dans les travaux visés par la directive de chantier de l’appelante, pour lesquels Unibec a soumissionné, et qui a donné lieu à la formation du contrat à forfait pour l’aménagement de la surface et les travaux de drainage. Cette détermination, qui repose sur la preuve testimoniale et documentaire, n’est pas remise en cause en appel. Il faut se rappeler que M. Savard, ingénieur à l’emploi de Gémel, explique que la directive de chantier du 14 mai 2013 et les plans qui l’accompagnent indiquent que les travaux ainsi que le matériel de remblai - notamment le sable - font partie du contrat à forfait. Unibec a exprimé son désaccord avec cette interprétation lors du procès, mais sa position n’a pas été retenue.[58] 

[Soulignement et caractères gras ajoutés.]

[78]        Conséquemment, la deuxième condition d’ouverture au régime de la réception de l’indu, c’est-à-dire que la prestation de services d’Unibec soit effectuée en l’absence de dette entre les parties, n’est pas satisfaite. Unibec n’a donc pas droit à la restitution des prestations fondée sur la réception de l’indu.

[79]        Si cette solution peut apparaître inéquitable pour Unibec, compte tenu des constatations du juge de première instance selon lesquelles la non-inclusion des coûts pour l’exhaussement résulte d’une erreur de sa part, qu’Unibec était de bonne foi et qu’elle a soulevé la question à la première occasion, il faut néanmoins recadrer le débat dans une optique commerciale de partage de risques et plus largement dans un esprit de saine gestion des deniers publics par les autorités municipales québécoises.

[80]        Il existe des règles sophistiquées et strictes portant sur la gestion et l’octroi de contrats publics par les municipalités, particulièrement en ce qui concerne les contrats de construction. Ces règles ont été renforcées au cours des dernières années.

[81]        Dans ce contexte, le contrat forfaitaire offre une prévisibilité aux parties, tant pour le client que pour l’entrepreneur. Évidemment, le contrat à forfait pose des risques commerciaux tant pour le client que pour l’entrepreneur. Il est possible que l’exécution du contrat coûte moins cher que prévu ou, à l’inverse, que l’entrepreneur doive engager des frais plus importants que prévu pour l’exécuter. En principe, dans l’un ou l’autre cas, le client et l’entrepreneur sont néanmoins tenus aux termes du contrat.

[82]        En effet, selon le premier alinéa de l’article 2109 du Code civil du Québec, lorsqu’un contrat est à forfait, « le client doit payer le prix convenu et il ne peut prétendre à une diminution du prix en faisant valoir que l’ouvrage ou le service a exigé moins de travail ou a coûté moins cher qu’il n’avait été prévu ». De manière similaire, « l’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut prétendre à une augmentation du prix pour un motif contraire »[59].

[83]        Se pose fréquemment, en matière de construction, la question de savoir si tel ou tel bien ou service était visé par les termes du contrat à forfait. Les réclamations pour travaux supplémentaires dans le cadre de contrats de construction à forfait ont fait l’objet d’une jurisprudence abondante.

[84]        La règle cardinale en matière de contrats à forfait reste « celle de l’immuabilité des obligations respectives des parties, sous réserve de l’application stricte des clauses permettant les modifications aux travaux et au prix »[60]. En effet, bien que le prix soit fixe ou unitaire, les parties peuvent prévoir la possibilité de modifier les conditions d’exécution initialement prévues en cours de chantier[61]. Par conséquent, « le droit d’effectuer des réclamations pour des travaux imprévus en cours d’exécution émane du contrat, si les parties en conviennent dans une clause explicite »[62].

[85]        Autrement dit, conformément au principe codifié à l’article 2109 du Code civil du Québec, « dans les cas où l’entrepreneur se voit contraint d’effectuer des travaux supplémentaires imprévus, il doit en principe en supporter les coûts, à moins que le contrat ne stipule le contraire »[63].

La conclusion

[86]        Pour ces motifs, j’estime qu’il y a lieu d’accueillir l’appel de la Ville, d’infirmer le jugement de première instance et de rejeter la réclamation d’Unibec, avec frais de justice.

[87]        Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question de la responsabilité de Gémel. L’appel de la Ville contre Gemel doit être rejeté.

[88]        Je tiens cependant à ajouter ce qui suit.

[89]        Gémel n’a pas été invitée et n’était pas partie aux procédures devant la Cour suprême. Elle n’en a été informée que le ou vers le 9 janvier 2020, lorsque la Cour suprême a renvoyé l’affaire pour reconsidération en conformité avec l’arrêt Octane.

[90]        Gémel soutient que la lecture des articles 40 et 43 de la Loi sur la Cour suprême permet de conclure que « l’affaire » dont il est question dans ces dispositions réfère à ce qui fait l’objet de la demande d’autorisation d’appel qui a été déposée par Unibec.

[91]        La décision rendue par la Cour suprême le 9 janvier 2020 énonce en effet que « l’affaire à l’origine de la demande d’autorisation d’appel de l’arrêt […] 2019 QCCA 38 […] est renvoyée à la Cour d’appel du Québec pour qu’elle statue en conformité avec [l’arrêt Octane] »[64]. [Soulignement ajouté.]

[92]        Gémel n’a pas été appelée à participer aux débats en Cour suprême. Elle n’a pas eu l’opportunité d’être entendue. Il apparaît injuste et contraire au principe de la stabilité des jugements qu’elle se retrouve partie de novo devant la Cour dans le présent pourvoi.

[93]        Le juge de première instance avait conclu à l’absence de faute de la part de Gémel, qui s’est acquittée de ses tâches conformément à ses obligations déontologiques et en faisant preuve d’impartialité dans ses rapports entre la Ville et l’entrepreneur Unibec[65].

[94]        Dans l’arrêt de 2019, la Cour rejette l’action en garantie contre Gémel compte tenu de sa conclusion selon laquelle la Ville n’est pas tenue de rembourser les sommes réclamées par Unibec, ce qui emporte le sort de l’action en garantie[66].

[95]        Ces conclusions sont inattaquables et ne pouvaient être remises en question par la Ville devant cette Cour dans le cadre de la reconsidération de l’affaire.

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 



[1] Construction Unibec inc. c. Ville de Saguenay, 9 janvier 2020, no 38545, 2020 CanLII 212 (CSC).

[2] Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, ch. S-26.

[3] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38.

[4] Construction Unibec inc. c. Saguenay (Ville de), 2016 QCCS 4816 [jugement entrepris].

[5] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, (« l’arrêt Octane »).

[6] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 9-24.

[7] Jugement entrepris, paragr. 28-29.

[8] Jugement entrepris, paragr. 101.

[9] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 25.

[10] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 53.

[11] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 35-37.

[12] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 39.

[13] Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19.

[14] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 40-42.

[15] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 32-33 et 49-52.

[16] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 43.

[17] Ville de Montréal c. Octane Stratégie inc.2018 QCCA 223.

[18] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 44-46.

[19] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 48.

[20] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 2.

[21] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 3.

[22] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 31.

[23] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 34-45.

[24] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 53.

[25] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38./

[26] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 58-59.

[27] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 59, citant Québec (Ville) c. GM Développement inc., 2017 QCCA 385, paragr. 32.

[28] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 65.  

[29] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 68.

[30] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 68.

[31] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 73.

[32] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 77-78. 

[33] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 79-83.

[34] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 85-87.

[35] Construction Unibec inc. c. Ville de Saguenay, 9 janvier 2020, no 38545, 2020 CanLII 212 (CSC).

[36] Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675, 2016 QCCA 163, paragr. 3, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 août 2016, no 36914, faisant référence à Metzner v. Metzner, 2000 BCCA 474; United States of America v. Gillingham, 2004 BCCA 226, paragr. 9; R. c. Polches, 2008 NBCA 1, paragr. 18, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 8 mai 2008, no 31495; Ahousaht Indian Band and Nation v. Canada (Attorney General), 2013 BCCA 300, paragr. 2, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 30 janvier 2014, no 34387; British Columbia (Ministry of Forests) v. Teal Cedar Products Ltd., 2015 BCCA 263, infirmée en partie par Teal Cedar Products Ltd. c. Colombie-Britannique, 2017 CSC 32.

[37] Titre abrégé de la Loi visant à contrôler les dépenses du gouvernement du Canada à l'égard de l'emploi, L.C. 2009, c. 2, art. 393.

[38] Meredith c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 2.

[39] Association de la police montée de l'Ontario c. Canada (Procureur général)2015 CSC 1.

[40] Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675, 2016 QCCA 163, paragr. 10, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 août 2016, no 36914.

[41] R. c. Polches, 2008 NBCA 1, paragr. 20, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 8 mai 2008, no 31495.

[42] Deslauriers Custom Cabinets Inc. v. 1728106 Ontario inc., 2017 ONCA 293, paragr. 14, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 19 octobre 2017, no 37039. Voir également Sankar v. Bell Mobility Inc., 2017 ONCA 295, paragr. 9, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 19 octobre 2017, no 37045.

[43] Aylmer (Ville) c. 174736 Canada inc., 1997 CanLII 10176 (C.A.).

[44] Ville de Québec c. GM Développement inc., 2017 QCCA 385.

[45] Ville de Québec c. GM Développement inc., 2017 QCCA 385, paragr. 41.

[46] Ville de Québec c. GM Développement inc., 2017 QCCA 385, paragr. 16 et 21.

[47] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 59.

[48] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 39.

[49] Adricon Ltée c. East Angus (Ville d’), [1978] 1 R.C.S. 1107.

[50] Adricon Ltée c. East Angus (Ville d’), [1978] 1 R.C.S. 1107, p. 1117-1118.

[51] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 40-42.

[52] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 47.

[53] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 69.

[54] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 68.

[55] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, paragr. 69.

[56] Jugement entrepris, paragr. 28-29.

[57] Jugement entrepris, paragr. 30.

[58] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 25.

[59] Code civil du Québec, art. 2109, al. 2.

[60] Consortium MR Canada ltée c. Commission scolaire de Laval, 2015 QCCA 598, paragr. 33.

[61] Cegerco inc. c. Équipements JVC inc., 2018 QCCA 28, paragr. 55; Code civil du Québec, art. 2109, al. 3.

[62] Cegerco inc. c. Équipements JVC inc., 2018 QCCA 28, paragr. 55, faisant référence à Stéphane Pitre, « L'importance de la transmission des avis en droit de la construction », (2012) 354 Développements récents en droit de la construction 105, p. 107.

[63] Construction Infrabec inc. c. Paul Savard, Entrepreneur électricien inc., 2012 QCCA 2304, paragr. 49.

[64] Construction Unibec inc. c. Ville de Saguenay, 9 janvier 2020, no 38545, 2020 CanLII 212 (CSC).

[65] Jugement entrepris, paragr. 113.

[66] Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 53.

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