Décision

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Thibodeau c. Audi Canada inc.

2017 QCCQ 7141

 

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  DE

LOCALITÉ DE

TERREBONNE

ST-JÉRÔME

 

 

« Chambre civile »

N° :

700-32-032718-163

 

DATE :

19 juin 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE GEORGES MASSOL, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

Robert Thibodeau

 

Demandeur

c.

 

Audi Canada inc.

 

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le demandeur réclame compensation auprès d’un fabricant d’automobiles, alléguant que la corrosion apparaissant sur son véhicule est prématurée, enclenchant ainsi la garantie légale édictée par la Loi sur la protection du consommateur [1].


 

Les faits

[2]           Le 25 octobre 2010, monsieur Robert Thibodeau se porte acquéreur d’une automobile de marque Audi de l’année 2007 pour la somme de 28 500 $.

[3]           Au moment de l’achat, l’automobile avait parcouru 65 290 kilomètres.

[4]           Il ressort de la preuve que le véhicule a initialement été mis en location et que sa mise en service a débuté en novembre 2006.

[5]           L’automobile était assortie d’une garantie dite certifiée, comportant certaines modalités à l’égard de la carrosserie.

[6]           Ainsi, la peinture était garantie pour 4 ans ou 90 000 kilomètres. La perforation causée par la corrosion, peu importe le kilométrage, était garantie, quant à elle,  pour une période de 12 ans.

[7]           La garantie générale prévoyait une durée de 6 ans ou 160 000 kilomètres.

[8]           Au cours de l’année 2013, le demandeur se plaint de l’apparition de corrosion sur l’aile arrière droite. Le véhicule affiche déjà 141 077 kilomètres à l’odomètre.

[9]           Le fabricant prend alors la décision d’assumer cette réparation.

[10]        L’année suivante, soit vers le 23 juillet 2014, alors que le véhicule affiche 169 686 kilomètres à l’odomètre, le fabricant décide d’assumer sous garantie le remplacement du capot, lequel présentait des signes de corrosion.

[11]        L’année suivante, en 2015, alors que la voiture a parcouru 185 000 kilomètres, monsieur Thibodeau réalise que la corrosion affecte non seulement l’aile arrière droite qui avait été réparée en 2013, mais également les trois autres ailes.

[12]        Il se rend dans un centre d’inspection d’automobiles CAA, qui rédige un rapport d’expertise (pièce P-8). Essentiellement, la vérification fournit les observations suivantes :

1.     La corrosion de surface, causée par une délamination du rebord intérieur de l’aile, affecte les ailes avant gauches et droites.

2.     En ce qui concerne le panneau latéral droit, un début de corrosion a fait son apparition.

 

 

3.     Il y a également début de corrosion provenant de l’intérieur au niveau du panneau latéral gauche.

[13]        La cause de ce début de corrosion proviendrait, selon le rapport, d’une délamination de la peinture.

[14]        Fort de cette opinion, le demandeur se rend chez un carrossier pour la confection d’une soumission, laquelle comprend cependant non seulement les ailes et panneaux tels que décrits plus haut, mais également pare-chocs et portes.

[15]        L’estimation (pièce P-9) se solde au montant de 7 112 $.

[16]        En janvier 2016, à la suite de la demande de monsieur Thibodeau pour que le fabricant assume de nouveau ses réparations, Audi Canada inc. répond que celles-ci ne peuvent être couvertes par la garantie, en particulier celle d’une durée de 12 ans pour la perforation due à la corrosion, puisqu’il s’agissait essentiellement de corrosion de surface.

[17]        Dans son premier recours daté du 3 juin 2016, le demandeur réclame, outre les montants indiqués à l’estimation qu’il a fait préparer, une somme additionnelle pour dommages-intérêts généraux pour un montant total de 9 500 $.

[18]        Le 21 février 2017, il amende son recours pour le porter à 12 500 $.

[19]        Il estime que depuis l’introduction du recours, il a dû conserver le véhicule qu’il a acquis en 2010, ce qui lui a occasionné des frais de réparation et d’entretien qu’il n’aurait pas eu à supporter s’il avait pu vendre son automobile auparavant, ce qu’il n’a pu faire compte tenu de la corrosion qui avait atteint son bien.

[20]        Au moment de l’audience, le véhicule avait parcouru environ 240 000 kilomètres.

 

Analyse et décision

[21]        Il est sûr que le recours du demandeur n’est pas visé par la garantie de bon fonctionnement prévue aux articles 159 et suivants de la Loi sur la protection du consommateur.

[22]        La lecture des clauses de la garantie conventionnelle montre également que celle-ci n’est pas applicable en l’espèce.


 

[23]        En effet, outre la garantie générale couvrant le véhicule pendant 6 ans ou jusqu’à concurrence de 160 000 kilomètres, il est en preuve que l’intégrité de la peinture est couverte pour une durée de 4 ans ou 80 000 kilomètres, garantie qui ne peut donc s’appliquer en l’espèce.

[24]        Quant à la garantie de 12 ans contre la perforation due à la corrosion, il est clair que celle-ci ne s’applique pas non plus.

[25]        Les termes de la garantie stipulent clairement que cette protection exclut la corrosion de surface sans perforation (pièce D-1).

[26]        Or, l’expertise même réalisée pour le compte de monsieur Thibodeau montre que les endroits affectés le sont par une corrosion de surface due à la délamination de la peinture.

[27]        Les photographies déposées montrent que la corrosion a touché uniquement certaines surfaces limitées des ailes, sans que celle-ci se soit généralisée à l’ensemble de la carrosserie.

[28]        Dans sa réclamation, le demandeur estime que la corrosion est due à un défaut de fabrication, en s’appuyant sur les inspections pratiquées sur la voiture par CAA et par l’estimateur des travaux à effectuer. Or, aucune de celles-ci n’atteste cette assertion.

[29]        Un consommateur pourra bénéficier de la garantie de durabilité prévue aux articles 38 de la Loi sur la protection du consommateur et 1729 du Code civil du Québec [2], lesquelles établissent une présomption d’antériorité du vice, s’il fait la preuve de la durabilité de biens identiques ou de même espèce [3].

[30]        Dans certains cas, l’ampleur de la détérioration, eu égard à l’année de fabrication du bien, démontrera l’existence d’un vice prématuré.

[31]        En l’espèce, la preuve révèle que le fabricant a accepté d’assumer certaines réparations, en 2013 et en 2014, sans reconnaître qu’il en était tenu.


 

[32]        Les réparations exigées par le demandeur en 2015, soit 8 ans après l’entrée en service du véhicule et plus de 185 000 kilomètres après, ne peuvent, eu égard aux problèmes limités mis en preuve, être considérées comme un défaut ayant atteint un bien de façon prématurée au sens de l’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur.

[33]        Non seulement monsieur Thibodeau n’a-t-il pas fait la preuve d’un défaut de fabrication, mais la portée relative du problème à certains endroits seulement du véhicule montre plutôt qu’il ne s’agit pas de problèmes anormaux compte tenu de l’âge du bien ainsi que du kilométrage parcouru.

[34]        La réclamation principale du demandeur étant rejetée, il en va de même des dommages accessoires qui y étaient associés.

 

Pour tous ces motifs, le Tribunal :

          Rejette la demande ;

Condamne le demandeur au paiement des frais de justice.

 

 

 

 

__________________________________

Georges Massol, j.c.q.

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

8 juin 2017

 



[1]     Loi sur la protection du consommateur, chapitre P-40.1

 

[2]     Code civil du Québec, L.Q., 1991, c. 64

 

[3]     Sincennes c. Lavigne, 2010 QCCS 54

 

 

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