Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Pneus Chartrand Distribution inc. et Nsimba Makiadi

2017 QCTAT 2473

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Laval

 

Dossiers :

604888-61-1605      629672-61-1702

 

Dossier CNESST :

143068575

 

 

Laval,

le 7 juillet 2017

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Guylaine Henri

______________________________________________________________________

 

604888

629672

 

 

Pneus Chartrand distribution inc.

Cédrick Nsimba Makiadi

Partie demanderesse

Partie demanderesse

 

 

et

et

 

 

Cédrick Nsimba Makiadi

Pneus Chartrand distribution inc.

Partie mise en cause

Partie mise en cause

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RECTIFIÉE

______________________________________________________________________

 

 

[1]        Le Tribunal administratif du travail a rendu, le 30 mai 2017, une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient des erreurs d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 48 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail RLRQ, c. T-15.1. (la LITAT).

[3]        Au paragraphe 40, nous lisons :

[40]     Le travailleur témoigne qu’au moment de l’événement du 29 octobre 2015, il habite […]

[4]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

[40]     Le travailleur témoigne qu’au moment de l’événement du 29 octobre 2014, il habite […]

[5]        Au paragraphe 69, nous lisons :

[69]     Dans la présente affaire, il ne fait pas de doute pour le Tribunal que, dans son rapport du 25 août 2014, la docteure Phaneuf […]

[6]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

[69]     Dans la présente affaire, il ne fait pas de doute pour le Tribunal que, dans son rapport du 25 août 2015, la docteure Phaneuf […]

[7]        Au paragraphe 70, nous lisons :

[70]     Or, dans la mesure où la CSST n’a rendu aucune décision excluant la relation causale entre ce nouveau diagnostic et l’événement du 29 octobre 2015, […]

[8]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

[70]     Or, dans la mesure où la CSST n’a rendu aucune décision excluant la relation causale entre ce nouveau diagnostic et l’événement du 29 octobre 2014, […]

[9]        À la page 18, nous lisons :

ANNULE la décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative;

[10]      Alors que nous aurions dû lire :

ANNULE la décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 mars 2016, à la suite d’une révision administrative;

 

 

__________________________________

 

Guylaine Henri

 

 

 

Madame Marie-France Pinard

MEDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC.

Pour l’employeur

 

Monsieur Michel Julien

G.M.S. CONSULTANTS

Pour le travailleur

 


Pneus Chartrand Distribution inc. et Nsimba Makiadi

2017 QCTAT 2473

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Laval

 

Dossiers :

604888-61-1605      629672-61-1702

 

Dossier CNESST :

143068575

 

 

Laval,

le 30 mai 2017

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Guylaine Henri

______________________________________________________________________

 

604888

629672

 

 

Pneus Chartrand distribution inc.

Cédrick Nsimba Makiadi

Partie demanderesse

Partie demanderesse

 

 

et

et

 

 

Cédrick Nsimba Makiadi

Pneus Chartrand distribution inc.

Partie mise en cause

Partie mise en cause

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 604888-61-1605

[1]           Le 2 mai 2016, l’entreprise Pneus Chartrand distribution inc. (l’employeur) dépose au Tribunal administratif du travail un acte introductif par lequel elle conteste une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission)[1] rendue le 21 mars 2016 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la Commission confirme en partie celle qu’elle a initialement rendue le 17 février 2016 donnant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale rendu le 5 février 2016 concernant l’événement du 29 octobre 2014.

[3]           La Commission déclare que monsieur Cédrick Nsimba Makiadi (le travailleur) est capable d’exercer son emploi à compter du 17 février 2016 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu puisque sa lésion est consolidée sans limitation fonctionnelle et qu’il est informé de sa capacité à exercer son emploi. La Commission déclare également que les soins et les traitements ne sont plus justifiés, mais que le travailleur avait droit de les recevoir jusqu’au 17 février 2016. La Commission ajoute que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné l’absence d’atteinte permanente. Elle déclare de plus que le travailleur n’a plus droit à l’assistance médicale depuis le 17 février 2016 puisque sa lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et qu’il est informé de la fin de son droit à l’assistance médicale. La Commission déclare donc qu’elle ne remboursera pas de prestations d’assistance médicale reçues par le travailleur après cette date.

Dossier 629672-61-1702

[4]           Le 15 février 2017, le travailleur dépose au Tribunal administratif du travail un acte introductif par lequel il conteste la décision de la Commission rendue le 7 février précédent à la suite d’une révision administrative.

[5]           Par cette décision, la Commission conclut que la demande de révision, soumise le 17 janvier 2017 à l’encontre de la décision du 17 février 2016, a été produite hors délai et qu’aucun motif raisonnable n’a été démontré permettant de relever le travailleur de son défaut. Elle déclare donc irrecevable la demande de révision du 17 janvier 2017.

[6]           Le Tribunal tient une audience à Laval les 2 septembre 2016, 16 janvier et 4 avril 2017. Le 2 septembre 2016, le travailleur, l’employeur et la représentante de ce dernier sont présents. À compter du 16 janvier 2017, le travailleur est également représenté.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 604888-61-1605

[7]           L’employeur ne conteste que la portion de la décision concernant la date de capacité à exercer l’emploi ainsi que la date de la fin du droit à l’indemnité de remplacement du revenu. L’employeur demande en effet de déclarer que le travailleur était capable d’exercer son emploi à compter du 31 août 2015, vu la consolidation de la lésion professionnelle sans traitement additionnel et sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter de cette date.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[8]           Le travailleur soulève l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale à laquelle la Commission a donné suite par les décisions qui sont à l’origine des contestations dont le Tribunal est saisi. Il soutient que cette procédure étant irrégulière, son dossier doit, pour ce motif, être retourné à la Commission.

Dossier 629672-61-1702

[9]           Le travailleur demande de déclarer recevable la demande de révision soumise le 17 janvier 2017 à l’encontre de la décision du 17 février 2016. Le travailleur réitère que l’avis du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier et que, pour ce motif, son dossier doit être retourné à la Commission.

[10]        Sur le fond du litige, le travailleur soutient que, si le Tribunal conclut que la procédure d’évaluation médicale est régulière, la contusion à la cheville droite n’a été consolidée que le 15 février 2016, alors que celle au pied droit ne l’est pas encore, de sorte qu’il n’est pas encore capable d’exercer son emploi.

LES FAITS

[11]        Le travailleur occupe un emploi d’homme d’entrepôt pour l’employeur et est âgé de 24 ans lorsqu’il subit une lésion professionnelle, le 29 octobre 2014. Sa jambe gauche est alors coincée entre deux transpalettes. Le travailleur cesse de travailler et est conduit par ambulance à l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal.

[12]        Dans les notes de la consultation du 29 octobre 2014, on rapporte une blessure par compression à la cheville et à la jambe inférieure droite lorsque la jambe a été prise entre un chariot à transpalette immobile et un autre qui était en mouvement. Le travailleur présente une douleur importante à la malléole interne droite, à la face antérieure de la cheville et au tiers inférieur du tibia et il allègue également un léger engourdissement du pied droit. Une radiographie de la cheville et de la jambe droites est prescrite parce que le médecin soupçonne des fractures.

[13]        Les radiographies de la jambe, de la cheville et du pied droits effectuées le jour même ne révèlent « aucune anomalie ostéoarticulaire traumatique ou autre ».

[14]        Le travailleur est examiné le lendemain, le 30 octobre 2014, par le docteur Michel Malo, chirurgien orthopédiste, qui diagnostique une contusion de la cheville droite sans fracture. Il prescrit de la physiothérapie et un arrêt de travail. Le médecin rapporte que la radiographie et le scan n’indiquent aucune fracture à la cheville de sorte qu’il conclut à l’absence de fracture et à une probable contusion.

[15]        Le docteur Alexandre Lamarre, qui interprète les résultats d’un scan de la cheville droite, effectué le 30 octobre 2014, conclut ce qui suit :

Pas de trait de fracture identifié. Pas de coalition osseuse identifiée. On voit une infiltration et un épaississement des tissus mous sous-cutanés au versant interne de la cheville, qui pourraient être en lien avec une atteinte ligamentaire.

 

 

[16]        Le docteur Malo maintient le diagnostic de contusion de la cheville droite sur le rapport médical du 13 novembre suivant et rapporte la présence d’ankylose alors que sur celui du 4 décembre, il ajoute des traitements d’ergothérapie.

[17]        L’examen radiologique de la jambe et de la cheville droites, effectué le 13 novembre 2014, ne révèle pas d’anomalie ostéo-articulaire significative.

[18]        Dans les notes de la consultation du 8 janvier 2015, le docteur Malo indique que, vu l’évolution favorable, il suggère un retour au travail progressif selon le plan établi en physiothérapie.

[19]        Le travailleur retourne au travail au cours du mois de janvier 2015 et cesse les traitements au cours du mois de février suivant.

[20]        Sur le rapport médical du 18 mars 2015, le docteur Malo mentionne que le travail en assignation temporaire doit respecter la restriction voulant que le travailleur ne doive pas « soulever/transporter » de charges de plus de 25 livres. Dans les notes de cette consultation, il indique que la reprise du travail régulier est bien tolérée, mais que depuis un changement de poste où il y a eu augmentation de charges lourdes, le travailleur ressent de la douleur à la surface médiale de la cheville. Il rapporte à l’examen l’absence d’œdème, mais une douleur à la palpation interne au niveau du tendon. Il conclut à des séquelles d’entorse et autorise un retour au travail en travaux légers.

[21]        Le médecin qui analyse les résultats d’un examen radiologique de la cheville droite, effectué ce jour-là, conclut à un bon alignement des os de la cheville et à l’absence de « trait de fracture ».

[22]        Le 25 juin 2015, le docteur Malo remplit un rapport médical où il indique, à la section Diagnostic, que le travailleur présente des séquelles de contusion à la cheville droite. Il ajoute en commentaires additionnels que le travailleur a des pieds plats symptomatiques depuis l’accident pour lesquels il prescrit des orthèses plantaires. Il prescrit également des travaux légers pour six semaines et demande qu’une évaluation soit faite en vertu de l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2]. Dans les notes de cette consultation, le docteur Malo indique que le travailleur, qui est retourné au travail en travaux légers, allègue de la douleur au pied en fin de journée.

[23]        Le médecin qui analyse les résultats d’un examen radiologique de la cheville droite effectué ce jour-là conclut qu’elle ne démontre pas de « fracture devenue apparente » comparativement à l’examen du 18 mars 2015.

[24]        Par une décision rendue le 22 juillet 2015, la CSST refuse de rembourser les orthèses plantaires parce qu’elles ne sont pas reliées au traitement de la lésion professionnelle.

[25]        À compter du 25 août 2015, c’est la docteure Louise Phaneuf qui assure le suivi de la lésion professionnelle. Elle remplit ce jour-là un rapport médical où elle retient, à la section Diagnostic, « trauma pied/cheville d [droits] ». Elle prescrit une imagerie par résonance magnétique ainsi qu’une scintigraphie osseuse de la cheville et du pied droits, en raison d’un trauma par compression à ces niveaux, ainsi que des orthèses et des bottes de travail adaptées. Elle recommande également une consultation en orthopédie. Dans les notes de cette consultation, elle indique que le travailleur s’est blessé à la cheville et au pied droits lorsqu’il les a coincés entre deux « lifts ». Le travailleur lui rapporte de la douleur au niveau du pied droit lorsqu’il est une heure en station debout.

[26]        La CSST dirige le travailleur au docteur Serge Tohmé, chirurgien orthopédiste, qui l’examine le 31 août 2015, pour donner son avis sur la date de consolidation de la lésion, la nécessité de soins ou de traitements, l’existence et le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ainsi que l’existence de limitations fonctionnelles à la suite de la lésion professionnelle dont le diagnostic est celui de contusion à la cheville droite.

[27]        À l’Historique, le docteur Tohmé rapporte que le travailleur ne travaille pas et ne reçoit pas de traitements. À l’examen subjectif, le travailleur allègue une sensation de blocage à la cheville, une « fatigabilité » quand il est debout plus de deux heures ainsi qu’une diminution de l’endurance. Il allègue une douleur de type brûlure et chaleur à la face médiale du pied, à la face médiale de la cheville ainsi qu’à la face plantaire du talon. Son examen objectif, qui concerne tous les membres inférieurs, étant normal, sauf pour une douleur à l’insertion tarsienne du tendon tibial postérieur, le docteur Tohmé conclut qu’aucun autre traitement n’est indiqué pour le diagnostic de contusion à la cheville droite. Il consolide ce diagnostic à la date de son examen sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitation fonctionnelle.

[28]        L’agente de la CSST note au dossier, le 1er septembre 2015, qu’elle communique avec l’employeur qui lui demande si le travailleur s’est présenté à l’examen du docteur Tohmé. L’agente indique qu’elle l’ignore, mais qu’elle suppose que tel est le cas et que le travailleur a vu son médecin le 25 août 2015 qui a prescrit une imagerie par résonance magnétique, une scintigraphie osseuse ainsi que des orthèses et des bottes adaptées.

[29]        La docteure Phaneuf revoit le travailleur, le 14 septembre suivant. Elle réitère sur le rapport médical signé ce jour-là les diagnostics de contusions à la cheville et au pied droits et autorise des travaux légers pendant un mois (alternance position assise/debout). Elle prescrit de nouveau une imagerie par résonance magnétique et une scintigraphie osseuse de la cheville et du pied droits.

[30]        Le 16 septembre 2015, l’agente de la CSST note au dossier qu’elle autorise une imagerie par résonance magnétique de la cheville et du pied droits du travailleur, imagerie qui est effectuée le 25 septembre 2015. La radiologiste Danielle Bédard conclut comme suit son analyse de cet examen :

Opinion :

 

A la cheville et au pied, aucune anomalie traumatique ou autre décelée. Cet examen ne permet donc pas d’expliquer la symptomatologie douloureuse du patient. Douleur irradiée?

 

 

[31]        Un examen radiologique du pied droit est réalisé le même jour. Le docteur Stéphane Breault interprète comme suit les résultats de cet examen en les comparant à ceux du 29 octobre 2014 :

Examen comparatif du 29 octobre 2014.

 

Alignement osseux préservé. Pas de lésion osseuse focale. Pas de fracture identifiée. Pas de changement dégénératif significatif. Pas d’épanchement intra-articulaire au niveau de la cheville compte tenu d’un examen non dédié. Cet examen a été obtenu en prévision d’une IRM de la cheville et du pied droit et nous vous référons à cet examen pour évaluation complète.

 

 

[32]        Le 28 septembre 2015, l’agente de la CSST note au dossier qu’elle laisse ce jour-là un message à l’employeur pour l’informer qu’elle n’a pas encore reçu le rapport du docteur Tohmé.

[33]        Le 30 septembre suivant, l’agente demande au médecin-conseil de la CSST, le docteur André Brodeur, si le rapport du docteur Tohmé est conforme, ce que confirme le docteur Brodeur.

[34]        Le 7 octobre suivant, l’agente de la CSST transmet à la docteure Phaneuf copie du rapport du docteur Tohmé ainsi qu’un rapport complémentaire.

[35]        Le travailleur revoit la docteure Phaneuf, le 20 octobre 2015, qui réitère, sur le rapport médical de ce jour, les diagnostics de contusions à la cheville et au pied droits et rapporte que l’imagerie par résonance magnétique de la cheville et du pied droits est normale. Elle réitère la prescription d’orthèses et indique qu’une scintigraphie osseuse est « à venir ».

[36]        La CSST soumet une demande au Bureau d’évaluation médicale, le 9 novembre 2015. Dans cette demande, la CSST indique que le diagnostic de la lésion est une contusion de la cheville droite et ajoute que le rapport du 31 août 2015 du médecin désigné, le docteur Tohmé, diverge de celui de la docteure Phaneuf du 25 août 2015, qui est le rapport contesté en regard de la date de consolidation, de la nécessité ou non de soins ou traitements, de l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles. La CSST précise sur ce document qu’elle a reçu le rapport du docteur Tohmé le 28 septembre 2015.

[37]        Le 19 novembre 2015, une autre imagerie par résonance magnétique de la cheville droite est réalisée par le docteur Alexandre Lamarre qui conclut ce qui suit :

Opinion :

 

A ce jour, pas de lésion pour expliquer les symptômes persistants du patient. En octobre 2014, on avait décrit au scan un peu d’infiltration en médial de la malléole interne, suggérant que le patient avait peut-être eu une atteinte ligamentaire. Cette atteinte ligamentaire devait être très discrète parce qu’à l’examen d’aujourd’hui, on ne perçoit plus aucune anomalie dans ce territoire, en particulier le ligament deltoïdien m’apparaît intact.

 

 

[38]        Le 25 novembre 2015, le Bureau d’évaluation médicale informe par télécopieur l’agente de la CSST que le travailleur est convoqué à un examen médical le 3 décembre suivant à 8 h 15 avec le docteur Masri au 35, rue Port-Royal Est, à Montréal.

[39]        L’agente de la CSST note au dossier, le 30 novembre 2015, que le travailleur l’informe qu’il rencontre un membre du Bureau d’évaluation médicale, le 3 décembre suivant.

[40]        Le travailleur témoigne qu’au moment de l’événement du 29 octobre 2015, il habite sur le boulevard Lévesque à Laval. Au cours du mois de novembre suivant, il déménage sur le boulevard Cartier, à Laval et, en juillet 2016, il déménage finalement dans la ville de Boisbriand. Il explique qu’il n’a pas immédiatement informé la CSST de son changement d’adresse de la rue Lévesque à la rue Cartier, qu’il l’a fait plus tard, mais qu’il ne se souvient pas de la date exacte. Il ajoute que, dans l’intervalle, il retournait de temps en temps à l’adresse du boulevard Lévesque pour récupérer son courrier.

[41]        Le travailleur raconte à l’audience qu’il arrive en retard à la première convocation au Bureau d’évaluation médicale parce qu’il s’est trompé d’adresse. Une fois arrivé au Bureau d’évaluation médicale, bien qu’il soit en retard, il demande à la réceptionniste de rencontrer le médecin du Bureau d’évaluation médicale, parce qu’il veut être examiné. Après avoir vérifié auprès du médecin, la réceptionniste informe le travailleur que le médecin ne peut l’examiner à cause de son retard et elle lui conseille de communiquer avec son agente pour qu’il soit convoqué à nouveau.

[42]        Le travailleur tente ensuite de joindre son agente par téléphone, mais il ne réussit pas à lui parler. Il parle alors avec une autre agente à qui il explique ce qui vient de se passer, et cette agente dit au travailleur qu’il recevra une nouvelle date de convocation au Bureau d’évaluation médicale par téléphone ou par la poste.

[43]        L’agente de la CSST note ce qui suit au dossier le 3 décembre 2015 :

Titre : Retard du T [travailleur] au BEM [Bureau d’évaluation médicale]

 

- ASPECT MÉDICAL :

T s’est perdu pour se rendre au BEM.

Il est arrivé à 9h00, alors que le RDV était prévu à 8h30.

T croyait qu’il devait se rendre à Mont-Royal. L’adresse se situant sur Port-Royal.

Le BEM n’a pas voulu procéder à l’examen. Il aura une nouvelle date pour la semaine prochaine.

 

 

[44]        Le 17 décembre 2015, l’agente de la CSST note au dossier qu’elle laisse un message au Bureau d’évaluation médicale pour savoir si une nouvelle date de rencontre avec le Bureau d’évaluation médicale « a été planifiée ». Elle informe l’employeur le même jour qu’elle est « toujours en attente de la nouvelle date » au Bureau d’évaluation médicale.

[45]        Le 13 janvier suivant, l’agente de la Commission note au dossier qu’elle appelle au Bureau d’évaluation médicale pour savoir s’il y a une nouvelle date de convocation concernant le travailleur et qu’on lui confirme que c’est le 15 janvier à 8 h 15. Elle indique qu’elle appelle le travailleur, mais que sa boîte vocale n’est pas activée.

[46]        Le 2 février 2016, l’agente de la Commission note ce qui suit au dossier :

Titre : Appel au BEM - décision sur dossier

 

- ASPECT MÉDICAL :

On nous confirme que le BEM était prévu le 15 janvier 2016. Ils ont tenté de joindre le T, sans succès. Le md du BEM a rendu une décision sur dossier.

On nous explique que lorsque le T ne se présente pas après 2 fois, le md rend une décision sur dossier s’il est en mesure de le faire.

 

 

[47]        Le 15 février 2016, le travailleur consulte le docteur Nguyen qui diagnostique une entorse à la cheville droite et une douleur persistante au pied droit. (T-1)

[48]        Le 17 février suivant, la Commission donne suite à l’avis du docteur Masri, membre du Bureau d’évaluation médicale. Il appert de cette décision que la Commission la transmet au travailleur en la lui envoyant à son adresse sur le boulevard Lévesque.

[49]        La décision du 21 mars 2016, rendue à la suite d’une révision administrative demandée par l’employeur, qui confirme en partie celle initialement rendue le 17 février précédent, est transmise à l’adresse du travailleur sur le boulevard Cartier, tel qu’il appert de cette décision.

[50]        Le travailleur raconte à l’audience qu’il n’a pas reçu de convocation au second rendez-vous avec le membre du Bureau d’évaluation médicale ni par la poste ni par téléphone. Il n’a pas communiqué à ce sujet avec son agente parce qu’on lui avait dit qu’il serait convoqué.

[51]        Le travailleur affirme qu’il a appris que son dossier était fermé lorsqu’il a reçu ce que le Tribunal comprend être la décision rendue le 21 mars 2016 à la suite d’une révision administrative. Il ne pense pas avoir reçu la décision initiale du 17 février 2016, bien qu’au cours des journées d’audience tenues par le Tribunal son témoignage est pour le moins nébuleux sur ce sujet. C’est dans ce contexte qu’il communique avec son agente qui lui explique que son dossier est fermé parce qu’il ne s’est pas présenté au second rendez-vous avec le Bureau d’évaluation médicale. Le travailleur explique qu’il conteste donc au Tribunal la décision initiale du 17 février 2016 dont celle du 21 mars faisait état parce qu’il a encore mal au pied droit.

[52]        Lors de la seconde journée d’audience, le travailleur, qui est alors représenté, demande au Tribunal de se déclarer sans compétence sur la contestation qu’il a déposée au Tribunal[3] alors qu’il aurait dû la soumettre à la Commission dans le cadre d’une demande de révision. Le Tribunal acquiesce à cette requête et, à la suite du dépôt d’une demande de révision qui est refusée par la Commission parce qu’elle est hors délai, le travailleur dépose une nouvelle contestation, ce qui donne lieu au dossier 629672-61-1702.

[53]        L’employeur communique avec le Bureau d’évaluation médicale après la première journée d’audience afin d’obtenir des précisions concernant les convocations au Bureau d’évaluation médicale. À la suite de cette démarche, la docteure Martine Martin, médecin-conseil au Bureau d’évaluation médicale lui écrit un courriel auquel elle joint divers documents, le 13 septembre 2016. Dans ce courriel, elle écrit ce qui suit :

Tel que discuté, vous trouverez ci-joint les captures d’écran de notre système informatique concernant la convocation de ce travailleur. Malheureusement, ce système ne nous permet pas lorsque la convocation a déjà été faite de réimprimer celle-ci. Vous noterez cependant que la deuxième convocation soit celle du 15 janvier 2016 a été créée le 21 décembre 2015 pour remplacer celle du 3 décembre 2015 où le travailleur s’était présentée [sic] une heure en retard selon l’information notée sur le dossier (voir document ci-joint). Nous envoyons la convocation par la poste (ou par Purolator si le délai est court, soit 10 jours et moins) le jour même où elle a été créée. Le travailleur reçoit sa copie et l’information sur la convocation est envoyée également à toutes les parties impliquées au dossier. Cependant, il m’est impossible de vous confirmer de façon absolue que la convocation a bien été envoyée, mais il s’agit de notre procédure habituelle. De plus, tous les rendez-vous sont confirmés par téléphone deux jours à l’avance.

 

Nous avons envoyé les documents à l’adresse indiquée au système (première capture d’écran) qui est celle indiquée sur le formulaire de demande de BEM. Nous n’avons eu aucune indication que ce soit par le travailleur ou la CSST qu’il y ait eu un changement d’adresse.

 

 

[54]        La docteure Martin joint à ce courriel une Feuille de route qui indique ce qui suit :

[…]

CONVOCATION

 

DATE et HEURE           3 déc 8 :15

15 janvier 8 :15

 

NOTES

[…]

Convocation faxée CSST le 25 nov

2015-12-03 : (T) en retard 1h, MD ne pouvait pas le voir CSST avisé [sic].

 

 

LES MOTIFS SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[55]        Dans le dossier 604888-61-1605, la contestation de l’employeur ne vise que la portion de la décision rendue par la Commission concernant la date de la fin du droit pour le travailleur aux bénéfices de la loi à la suite de l’avis rendu par le docteur Masri, membre du Bureau d’évaluation médicale. Compte tenu des prétentions du travailleur voulant que la procédure d’évaluation médicale qui a donné lieu à cet avis du docteur Masri soit irrégulière, le Tribunal doit donc d’abord déterminer si cette procé-dure d’évaluation médicale initiée par la CSST est conforme aux prescriptions de la loi.

[56]        Si le Tribunal conclut que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière, la décision de la Commission, qui est à la base des prétentions de l’employeur et qui a été rendue à la suite de cet avis, doit être annulée.

[57]        La loi prévoit ce qui suit concernant le processus d’évaluation médicale ainsi que les cas où cette opinion lie la Commission :

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

206.  La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

215.  L'employeur et la Commission transmettent, sur réception, au travailleur et au médecin qui en a charge, copies des rapports qu'ils obtiennent en vertu de la présente section.

 

La Commission transmet sans délai au professionnel de la santé désigné par l'employeur copies des rapports médicaux qu'elle obtient en vertu de la présente section et qui concernent le travailleur de cet employeur.

__________

1985, c. 6, a. 215; 1992, c. 11, a. 17.

 

216. Est institué le Bureau d'évaluation médicale.

 

Le ministre dresse annuellement, après consultation des ordres professionnels concernés et du Comité consultatif du travail et de la main-d'œuvre visé à l'article 12.1 de la Loi sur le ministère du Travail (chapitre M-32.2), une liste des professionnels de la santé qui acceptent d'agir comme membres de ce bureau.

 

La liste des professionnels de la santé qui acceptent d'agir comme membres de ce Bureau pour une année reste en vigueur jusqu'à ce qu'elle soit remplacée.

__________

1985, c. 6, a. 216; 1992, c. 11, a. 18; 2011, c. 16, a. 83.

 

217.  La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.

__________

1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.

 

220.  Le membre du Bureau d'évaluation médicale étudie le dossier soumis. Il peut, s'il le juge à propos, examiner le travailleur ou requérir de la Commission tout renseignement ou document d'ordre médical qu'elle détient ou peut obtenir au sujet du travailleur.

 

Il doit aussi examiner le travailleur si celui-ci le lui demande.

__________

1985, c. 6, a. 220; 1992, c. 11, a. 22.

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

224.1.  Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

Délai de la procédure d’évaluation médicale

[58]        Le Tribunal rejette le premier argument du travailleur concernant la régularité de la procédure d’évaluation médicale.

[59]        Le travailleur soutient que la Commission n’a pas respecté le délai de 30 jours prévu à l’article 212 de la loi pour contester le rapport du médecin traitant. Le Tribunal constate toutefois que, contrairement aux prétentions du travailleur, le délai prévu à l’article 212 de la loi s’applique à l’employeur et non à la Commission.

[60]        En effet, vu l’abrogation, en 1992, de l’article 214 de la loi tel qu’il se lisait alors, lequel prévoyait que la CSST devait « obtenir dans un délai de 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport » qu'elle désirait contester, et vu que « les amendements apportés par la loi précitée sont muets sur un quelconque délai imposé à la Commission à cet effet », il s’ensuit que la loi n’impose plus de délai à la Commission pour obtenir un rapport médical du médecin qu’elle désigne en vertu de l’article 204 de la loi d’un médecin désigné[4].

[61]        La jurisprudence enseigne cependant que la Commission doit respecter un « délai raisonnable », qu’elle doit « agir avec diligence, compte tenu des circonstances de chaque cas d'espèce »[5].

[62]        Dans le présent dossier, la preuve ne permet pas de savoir la date exacte où la CSST a reçu le rapport de la docteure Phaneuf, portant la date du 25 août 2015. Il faut toutefois conclure des notes évolutives du 1er septembre 2015 que la CSST a reçu ce rapport au plus tard ce jour-là puisque l’agente fait référence au contenu de ce rapport. La preuve démontre par ailleurs que le travailleur a été examiné par le docteur Tohmé le 31 août 2015 et que la CSST a reçu ce rapport entre le 28 septembre à 11 h, moment où l’agente informe l’employeur qu’elle n’a pas encore reçu le rapport du docteur Tohmé, et le 30 septembre suivant à 9 h 30, moment où elle demande au docteur Brodeur, médecin-conseil, son opinion sur les conclusions du docteur Tohmé. Le docteur Brodeur l’informe le jour même que le rapport du docteur Tohmé est « conforme ». La CSST demande un avis au Bureau d’évaluation médicale, le 9 novembre suivant.

[63]        Le Tribunal considère que, dans ces circonstances, la preuve ne permet pas de conclure que la Commission n’a pas agi dans un délai raisonnable ou qu’elle n’a pas fait preuve de diligence.

Sujets de divergences d’opinions médicales

[64]        Le Tribunal considère toutefois que la procédure d’évaluation est irrégulière parce que la CSST n’a pas soumis au Bureau d’évaluation médicale le nouveau diagnostic de trauma au pied droit.

[65]        Le travailleur soutient que l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier parce que la CSST n’a pas demandé l’avis du Bureau d'évaluation médicale sur le diagnostic alors que les opinions des docteurs Phaneuf et Tohmé divergeaient sur cette question : la docteure Phaneuf retient en effet les diagnostics de traumas à la cheville et au pied droits alors que le docteur Tohmé ne retient que celui de contusion à la cheville droite.

[66]        Le Tribunal considère que ce motif doit être accueilli.

[67]        Le Tribunal retient en effet que, s’il est vrai que lorsqu’elle obtient un rapport médical infirmant celui du médecin traitant, la Commission peut décider de le soumettre ou non à un membre du Bureau d’évaluation médicale. Si elle ne le soumet pas à la procédure d’évaluation médicale, elle est alors liée par le rapport du médecin traitant. Toutefois, si elle décide de soumettre le rapport médical du médecin désigné et celui du médecin traitant au processus d’évaluation médicale, elle ne peut pas choisir parmi les sujets contredits ceux sur lesquels elle désire que le membre du Bureau d’évaluation médicale se prononce.

[68]        Le Tribunal fait siens les propos tenus par la Commission des lésions professionnelles dans Bigras et Paysagistes Saro inc.[6] en faisant les adaptations nécessaires :

[28]      Il est évident que le rapport visé par la contestation de la CSST, soit celui du 6 novembre 2013, faisait état d’un nouveau diagnostic. En principe, selon la jurisprudence, la CSST, si elle décide d’avoir recours à la procédure d’évaluation médicale, ne peut limiter sa contestation d’un rapport médical à une partie de celui-ci. Elle doit soumettre au Bureau d’évaluation médicale toutes les questions qui sont contredites par le rapport du médecin désigné3.

 

[29]      Une nuance est apportée par la jurisprudence lorsqu’on est en présence d’un nouveau diagnostic comme c’est le cas en l’espèce. La CSST peut alors choisir de se sentir liée par ce diagnostic en vertu de l’article 224 de la loi et de rendre une décision sur l’admissibilité de ce nouveau diagnostic en vertu de l’article 354 de la loi. Si elle ne veut pas être liée par le nouveau diagnostic, elle doit alors le soumettre au Bureau d’évaluation médicale si elle est en possession ou si elle obtient un avis contraire de son médecin désigné4.

 

[29]      Le tribunal fait siens les propos tenus par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Sanchez et Service de main-d’œuvre président5 portant sur cette même question :

 

[57]      La Commission des lésions professionnelles ne peut s’expliquer que la CSST ait requis l’opinion du docteur Décarie et celle du Bureau d'évaluation médicale sur le seul diagnostic de fracture de la cheville gauche alors que le rapport d’évaluation médicale du médecin traitant, rédigé conformément aux dispositions de l’article 203 de la loi, fait état de plusieurs autres diagnostics. La CSST ne pouvait ignorer ces diagnostics.

 

[58]      Pourtant, il n’y a aucune décision écrite au dossier rendue conformément aux dispositions de l’article 354 de la loi ni même d’indication au dossier que la CSST aurait procédé à l’analyse de la relation causale entre ces diagnostics et la lésion professionnelle et aux conséquences de ceux-ci pour le travailleur.

 

[59]      Des deux avenues qui s’offraient à elle, la CSST a renoncé à rendre une décision sur la relation causale concernant ces diagnostics et a plutôt choisi de se prévaloir de la procédure d'évaluation médicale.

 

[60]      Toutefois, en décidant de requérir la procédure d'évaluation médicale, la CSST devait procéder conformément aux dispositions prévues à la loi.

 

[61]      Le choix de la CSST de requérir l’avis du Bureau d'évaluation médicale plutôt que de rendre une décision sur la relation causale ne lui permet pas d’écarter des diagnostics et ainsi priver les parties de l’exercice de leur droit de contestation en cas d’élimination d’un diagnostic émis par le médecin qui a charge.

 

[note omise]

 

[31]      Dans le présent cas, la preuve démontre que la CSST ne voulait pas se positionner sur le nouveau diagnostic. D’une part, parce qu’elle n’a jamais rendu de décision sur ce nouveau diagnostic conformément à l’article 354 de la loi. D’autre part, elle a ignoré deux demandes du travailleur faites dans ce sens6.

 

[32]      La CSST devait donc soumettre la question du diagnostic au Bureau d’évaluation médicale. Elle n’avait pas non plus à obtenir un nouvel avis du docteur Bah sur cette question. De l’avis du tribunal, le docteur Bah, dans la discussion rapportée plus haut portant sur la date de consolidation, parle aussi du diagnostic. En effet, le docteur Bah mentionne sans équivoque que la résonnance magnétique ne démontre pas de hernie discale. Pour le tribunal, cette affirmation du docteur Bah contredit, du moins en partie, le diagnostic du docteur Mascussi qui évoque une hernie discale D6-D7 dans son rapport du 6 novembre 2013.

 

[33]      Le tribunal est donc d’avis que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier et doit donc être annulé.

_________________

3.      Place Aylwin My ltée et Paquette, C.L.P. 227923-62-0402, 14 février 2005, R. L. Beaudoin.

4.       Jean et Serv. entretien distinction inc., C.L.P. 155009-71-0102, 26 avril 2004, T. Giroux, révision rejetée, 26 novembre 2004, B. Roy.

5.      C.L.P. 253136-71-0501, 16 juin 2006, F. Juteau.

6.      Voir la note évolutive du 16 avril 2014 ainsi que la pièce T-1, qui est une demande écrit de la part du travailleur concernant la hernie discale D6-D7.

 

 

[69]        Dans la présente affaire, il ne fait pas de doute pour le Tribunal que, dans son rapport du 25 août 2014, la docteure Phaneuf ajoute un nouveau diagnostic qui n’avait pas été posé auparavant : il s’agit de celui de trauma au pied droit.

[70]        Or, dans la mesure où la CSST n’a rendu aucune décision excluant la relation causale entre ce nouveau diagnostic et l’événement du 29 octobre 2015, en décidant de soumettre le dossier du travailleur à la procédure d’évaluation médicale, la CSST n’avait d’autre choix que de soumettre également la question du diagnostic de trauma au pied droit au Bureau d’évaluation médicale, ce qu’elle n’a pas fait.

[71]        Contrairement à ce que soutient l’employeur, ce diagnostic ne peut être considéré comme étant un diagnostic « provisoire » puisque la docteure Phaneuf a maintenu ce diagnostic ou celui, similaire, de contusion au pied droit tout au long de son suivi médical de la condition du travailleur, et ce, même après l’imagerie par résonance magnétique du 25 septembre 2015.

[72]        L’argument de l’employeur voulant que le diagnostic de trauma au pied droit doive être écarté vu les imageries qui auraient démontré l’absence de pathologie à ce niveau ne peut être retenu dans le cadre du présent dossier. En l’absence d’un processus d’évaluation médicale régulièrement tenu, le Tribunal ne peut disposer de cet argument qui relève du fond d’un litige concernant la procédure d’évaluation médicale, ce dont le Tribunal n’est pas saisi.

[73]        Dans la mesure où le docteur Masri ne s’est pas prononcé sur ce nouveau diagnostic de trauma au pied droit, ce qui aurait pu régulariser le processus d’évaluation médicale[7], le Tribunal doit conclure que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière.

[74]        Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’autre argument du travailleur concernant la régularité du processus d’évaluation médicale.

[75]        De plus, vu ce qui précède, la contestation du travailleur dans le dossier 629672-61-1702 devient sans objet.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE la question préliminaire de monsieur Cédrick Nsimba Makiadi, le travailleur dans le dossier 604888-61-1605;

DÉCLARE irrégulière la procédure d’évaluation médicale;

ANNULE la décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative;

RETOURNE le dossier à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail ;

DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que, dans ces circonstances, la contestation du travailleur dans le dossier 629672-61-1702 est devenue sans objet.

 

 

__________________________________

 

Guylaine Henri

 

 

 

Madame Marie-France Pinard

MEDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC.

Pour l’employeur

 

Monsieur Michel Julien

G.M.S. CONSULTANTS

Pour le travailleur

 

Date de la dernière audience :      4 avril 2017

 



[1]           Depuis, l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2016, de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, RLRQ, c. T-15.1, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) assume les compétences auparavant dévolues à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).

[2]           RLRQ, c. A-3.001.

[3]           T.A.T. 605888-61-1605.

[4]           St-Yves et Natrel inc, [1996] C.A.L.P. 1278.

[5]           Id.; voir également : Robert Mitchell inc., C.L.P. 128440-61-9912, 21 juillet 2000, G. Morin; Montigny et Nettoyeurs Prof. de conduits d'air, C.L.P. 225935-71-0401, 29 mars 2005, R. Langlois; Archambault Pilon et Place des Aînés de Laval, C.L.P. 271462-64-0509, 9 novembre 2006, D. Armand, révision rejetée, 3 juillet 2007, S. Moreau; voir au même effet : Beghdadi et Les Tricots Mains inc., C.L.P. 193426-71-0210, 19 décembre 2006.

[6]           2015 QCCLP 62. Outre les décisions citées dans cette affaire, voir également Major et Givesco inc., 2015 QCCLP 3277.

[7]           Major et Givesco inc., précitée, note 6.

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