Décision

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CANADA

Chambre de la sécurité financière c. Beaudoin

2021 QCCDCSF 59

 

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1445

DATE:

18 octobre 2021

le comité :

Me Madeleine Lemieux

M. Michel Dubé, Pl. Fin.

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Président

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

JACQUES ARTHUR BEAUDOIN, conseiller en sécurité financière et conseiller en régimes d’assurance collective (numéro de certificat 101456)

 

Partie intimée

décision sur culpabilité ET SANCTION

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et prénom du consommateur concerné par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de l’identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]           L’intimé a reconnu avoir été négligent en omettant de communiquer avec son client qui avait reçu un « Avis de déchéance » de sa police d’assurance-vie.
[2]           L’intimé a reconnu les faits à l’origine de la plainte.  Ils seront brièvement relatés plus bas.
[3]           Les parties, représentées par procureurs, ont présenté une recommandation commune de sanction.  Le comité doit donc évaluer s’il retient cette recommandation de sanction qui est d’imposer à l’intimé une radiation de trente jours.

la plainte

[4]           La plainte comprend un chef d’infraction qui se lit comme suit :

À Roberval, entre le 11 mai 2017 et le 4 juin 2017, l’intimé a été négligent en omettant de communiquer avec son client A.L. et d’assurer un suivi auprès de lui à la suite de la réception d’un « Avis de déchéance » concernant la police numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 12 et 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

[5]           Considérant le plaidoyer de culpabilité de l’intimé d’avoir contrevenu aux articles 12 et 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (« le Code »), le comité l’a déclaré coupable séance tenante d’avoir contrevenu aux articles 12 et 23 du Code.  En application des principes interdisant les condamnations multiples, il y aura une ordonnance de suspension des procédures quant à l’article 23 du Code.

LES FAITS

[6]           Les parties se sont entendues sur un énoncé conjoint des faits :

·               Au moment des faits ayant mené à la plainte disciplinaire, M. Beaudoin détenait un certificat d’exercice de l’Autorité des marchés financiers  valide dans les disciplines de l’assurance de personnes et en régimes d’assurance collective, depuis l’année 2000;

 

·               Dans ces deux disciplines, jusqu’au mois de février 2021, il était rattaché au cabinet BEAUDOIN CABINET DE SERVICES FINANCIERS LTÉE pour lequel il est le dirigeant responsable.  M. Beaudoin est semi-retraité depuis le mois de février 2019;

 

·               En 2007, M. […] souscrivait au contrat d’assurance vie # […], auprès de Canada Vie par le biais de l’intimé;

 

·               Au terme de ce contrat de type T-10 et prenant effet à partir du 5 avril 2007, le capital assuré était de 400 000,00 $ et la prime annuelle de 600,00$ (via des paiements mensuels d’environ 59,40 $);

 

·               Ce contrat était renouvelable à chaque période de 10 ans; la prime annuelle passait de 600,00$ à 3 184,00$, à partir du 5 avril 2017;

 

·               En 2015, le cabinet BEAUDOIN CABINET DE SERVICES FINANCIERS LTÉE a commencé à faire affaires avec l’agent général GROUPE CLOUTIER qui agissait comme intermédiaire entre le cabinet et les assureurs;

 

·               Le 6 février 2017, Canada Vie (antérieurement Great West Life), transmettait un avis de renouvellement de la police # […] à M. […] et au GROUPE CLOUTIER;

 

·               Au terme de cet avis, la prime mensuelle de la police # […] passait de 59,40 $ à 291,96 $ (pièce P-6);

 

·               Vers le 16 février 2017 à la suite d’un appel de M. […], M. Beaudoin se rendait à son domicile, afin de discuter du renouvellement de la police d’assurance # […];

 

·               Lors de cette rencontre, M. […] informe M. Beaudoin qu’un montant de 291,96$ à titre de prime mensuelle était trop onéreux pour lui et qu’il souhaitait une diminution de sa couverture d’assurance afin de diminuer le montant de la prime, tout en maintenant une protection;

 

·               Lors de cette rencontre, M. […] apprenait notamment à M. Beaudoin qu’il avait été opéré pour des polypes cancéreux à l’intestin au cours de la dernière année;

 

·               Au terme de cette rencontre, M. […] a requis de M. Beaudoin qu’il diminue le montant du capital assuré à 100 000,00 $ pour ramener la prime mensuelle à moins de 100,00 $;

 

·               Vers le 24 mars 2017, M. […] s’est rendu à la Caisse Desjardins afin de faire cesser les prélèvements automatiques mensuels de sa police d’assurance # […] dont la prime s’élevait maintenant à 291,96 $;

 

·               Ce n’est que le 11 avril 2017 que M. Beaudoin transmettait à Canada Vie une lettre l’informant que M. […] souhaite baisser le capital assuré de la police # […] à 100 000,00 $;

 

·               Le 13 avril 2017, Canada Vie transmettait un avis de prime impayée pour la police # […] à M. […] et au GROUPE CLOUTIER, les avisant qu’à défaut d’un paiement d’ici au 6 mai 2017, la protection d’assurance tomberait en déchéance;

 

·               Quelques jours plus tard, Canada Vie transmettait au cabinet de M. Beaudoin une confirmation de la diminution du capital assuré de la police # […] à 100 000,00 $, avec une prime mensuelle de 89,01 $;

 

·               Vers le 20 avril 2017, M. Beaudoin transmettait un courriel à M. […] avec pour titre « Ton assurance de 400 000 est passé à 100 000 prime mensuelle de 89 par mois, je te reviens! »;

 

·               Le 22 avril 2017, Canada Vie transmettait un second Avis de prime impayée pour la police # […] à M. […] et au GROUPE CLOUTIER, les avisant à nouveau qu’à défaut d’un paiement d’ici au 6 mai 2017, la protection d’assurance de M. […] serait perdue;

 

·               Le 28 avril 2017, l’intimé indique à GROUPE CLOUTIER que M. […] souhaite diminuer à 75 000 $ son capital assuré si la chose est possible;

 

·               Le même jour, Groupe Cloutier confirme qu’une telle diminution n’est pas possible;

 

·               Vers le 1er mai 2017, M. Beaudoin transmettait à M. […] un courriel daté du 28 avril 2017 qu’il avait reçu de GROUPE CLOUTIER, indiquant que le capital minimum pour la police d’assurance # […] était de 100 000 $;

 

·               Un peu plus tard dans la même journée, M. Beaudoin transmettait un courriel à M. […] avec pour objet « Inclus ton nouveau contrat d’assurance-vie. Remis les feuilles dans ta police, C’est important ! »;

 

·               Le 11 mai 2017, Canada Vie transmettait un avis de déchéance de la police # […] à M. […] et à GROUPE CLOUTIER les avisant que la police était en déchéance depuis le 6 mai 2017 et qu’à défaut d’un paiement de la somme de 533,46 $ au plus tard le 4 juin 2017, une preuve d’assurabilité serait exigée pour remettre le contrat en vigueur;

 

·               Le 17 mai 2017, M. […] transmettait un courriel à M. Beaudoin, dans lequel il écrivait « Salut Jacques, appel-moi le plus vite possible au […].[…] »;

 

·               Entre le 11 mai 2017 et le 4 juin 2017, M. Beaudoin n’a pas effectué le retour d’appel, ni de suivi auprès de M. […] concernant sa police d’assurance vie # […];

 

·               Le 30 novembre 2017, à la suite d’un appel de M. […], M. Beaudoin lui transmettait un courriel dans lequel il écrivait ce qui suit : « […], tu avais un très bon contrat que tu as volontairement annulé. Ça me déçoit énormément. Et comment faire pour t’en fournir un nouveau? Je ne peux faire mieux que de te recommander de faire affaire avec un autre bureau. »;

 

·               En juillet 2018, M. […] transmettait une mise en demeure à M. Beaudoin lui reprochant notamment la perte de sa protection d’assurance; il a également porté plainte auprès de l’Autorité des marchés financiers.

 

[7]           L’article 12 du Code impose au représentant d’agir de façon consciencieuse et de lui donner tous les renseignements nécessaires ou utiles. Quant à l’article 23 du Code, il impose au représentant un devoir de disponibilité et de diligence. Il y a eu contravention à ces deux articles par l’intimé.
[8]           L’intimé sera acquitté d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

 

LA SANCTION
[9]           Il est maintenant bien établi que la sanction disciplinaire vise non pas à punir le professionnel, mais bien à assurer la protection du public[1].  La sanction doit dissuader la récidive et être un exemple pour les autres représentants.
[10]        La sanction doit tenir compte des particularités de chaque cas, dont le contexte et les facteurs aggravants ou atténuants propres au dossier.
[11]        Lorsque la sanction fait l’objet d’une recommandation commune que des avocats expérimentés ont négociée, le comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction recommandée.  Il doit y donner suite sauf s’il considère que cette recommandation est contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[2].
[12]        Le comité est d’avis que la recommandation commune des parties n’est pas contraire à l’ordre public et imposera donc à l’intimé la sanction recommandée.
LES FACTEURS OBJECTIFS ET SUBJECTIFS
[13]        L’intimé est un représentant d’expérience, âgé de 70 ans au moment de l’audition, qui entend cesser ses activités de représentant en février 2022.  Il est semi-retraité.
[14]        Le manque de suivi a eu des conséquences pour le consommateur; tout d’abord, il n’a pas été avisé des conséquences de son défaut de paiement des primes et il n’a pas été avisé de la possibilité de rétablir la police.  Il s’est donc retrouvé sans couverture d’assurance puis avec une couverture beaucoup moins importante.  Assurer le suivi des polices d’assurance auprès des consommateurs fait partie des devoirs du représentant auprès de ses clients; sans un suivi adéquat, ils sont à risque de perdre des droits.
[15]        Toutefois, l’intimé est sans antécédent disciplinaire et il y a absence d’intention malveillante ou malhonnête.  La plainte ne vise qu’un seul consommateur et constitue bel et bien un événement isolé.
[16]        L’intimé ne détient plus de certificat en assurance de personnes et ne pratique que dans la discipline de l’assurance collective.  Les risques de récidive sont donc très faibles.
[17]        Enfin, le comité constate que la sanction recommandée se situe à l’intérieur des fourchettes de sanction qu’on peut retrouver dans des décisions du comité[3].

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé pour avoir contrevenu aux articles 12 et 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ACQUITTE l’intimé de l’accusation d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trente jours;

ORDONNE à la secrétaire du comité de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Président du comité de discipline

 

 

(S) M. Michel Dubé

 

M. MICHEL DUBÉ, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(S) M. Shirtaz Dhanji

 

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Vivianne Pierre-Sigouin

CDNP AVOCATS

Avocats de la plaignante

Me Valérie Lemaire

Me Victoria Lemieux-Brown

LANGLOIS AVOCATS, S.E.N.C.R.L.

Avocats de l’intimé

Date d’audience : 7 juin 2021

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

A1340



[1]      Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA)

[2]      R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.

[3]      Chambre de la sécurité financière c. Lacasse, 2016 CanLII 47381 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Houle, 2018 QCCDCSF 64 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Parent, 2015 QCCDCSF 15 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Morteau, 2016 CanLII 29395 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Caccia, 2018 QCCDCSF 15 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Simard, 2016 CanLII 32446 (QC CDCSF).

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