Décision

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Ghiorghita c. Méga Meubles Superprix

2018 QCCQ 8272

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-703411-175

 

DATE :

13 novembre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

NATHALIE CHALIFOUR, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

VOICU GHIORGHITA

Demandeur

c.

 

MÉGA MEUBLES SUPERPRIX

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]         Le demandeur réclame 2 154 $ de la défenderesse Méga Meubles Superprix (ci-après : Méga Meubles) en remboursement du prix payé pour l’achat d’un ensemble de salon composé de trois (3) morceaux, soit deux sofas et un fauteuil.

[2]         Le demandeur se plaint de l’usure prématurée du revêtement des meubles.

LES FAITS

[3]   En mars 2014, le demandeur achète un ensemble pour son salon chez Méga Meubles[1].

[4]         En novembre 2014, soit quelques mois après l’achat, Méga Meubles accepte de les reprendre et de les remplacer, le revêtement de cuirette s’étant détérioré.

[5]         Le demandeur, qui choisit alors en remplacement un modèle différent, doit cependant payer un supplément de 804,82 $[2].

[6]         À l’automne 2017, le demandeur contacte à nouveau Méga Meubles pour se plaindre de la détérioration du revêtement de ses sofas et de son fauteuil remplacés en novembre 2014.

[7]         M. Cinelli, le propriétaire de Méga Meubles, se rend chez le demandeur et constate que la structure des meubles est en bon état, mais que leur revêtement de cuirette est effectivement prématurément usé[3].

[8]         Selon M. Cinelli, la situation ne peut s’expliquer autrement que par l’utilisation de produits de nettoyage inappropriés, mais le demandeur le nie.

[9]         Néanmoins, M. Cinelli offre au demandeur de lui faire faire un autre mobilier de salon, mais lui suggère de choisir un revêtement de tissus plutôt que de cuirette.

[10]        Le demandeur se rend chez le fabricant pour faire son choix et est informé qu’il devra payer un certain montant pour le nouveau mobilier.

[11]        M. Cinelli explique qu’il exigeait 600 $ du demandeur, tenant compte de la valeur du nouvel ensemble de meubles et du fait que le demandeur avait profité des trois (3) morceaux endommagés pendant trois (3) ans.

[12]        Le demandeur refuse de payer un montant supplémentaire puis exige, par lettre de mise en demeure, d’être remboursé de 2 154,40 $, ce qui représente presque l’entièreté des sommes payées en mars et novembre 2014[4].

[13]        Méga Meubles ne donnant pas suite à cette lettre, le demandeur se départit des meubles endommagés et fait l’acquisition d’un nouvel ensemble auprès d’un autre magasin moyennant 2 299 $[5].


ANALYSE

[14]        En vertu de l’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur[6] (ci-après : LPC), un bien doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, le commerçant et le fabricant étant tenus à cette garantie légale.

[15]        En l’espèce, même si les sofas et le fauteuil pouvaient toujours servir, leur apparence constitue un élément essentiel de leur fonction, ce que M. Cinelli reconnaît.

[16]        Il est admis qu’il est anormal que la cuirette des meubles soit si endommagée après seulement trois (3) ans d’usage.

[17]        Même s’il doutait fortement que le dommage soit le résultat d’un mauvais entretien par le demandeur, M. Cinelli s’est immédiatement montré ouvert à trouver une solution de manière à satisfaire le demandeur.

[18]        Méga Meubles était donc disposée à ne pas soulever le défaut d’entretien du demandeur malgré que M. Cinelli en était certain et à satisfaire la garantie légale à laquelle elle était tenue. Mais le demandeur l’en a empêché par son comportement.

[19]        En effet, notons que le demandeur ne pouvait se départir de ses meubles sans aviser Méga Meubles et lui permettre de les récupérer.

[20]        M. Cinelli souligne que, non seulement l’ensemble avait tout de même une valeur, mais qu’il aurait pu faire valoir son droit auprès du fabricant.

[21]        Par ailleurs, le demandeur ne pouvait exiger d’être soit remboursé de presque l’entièreté du prix payé trois ans auparavant ou d’avoir un nouvel ensemble sans aucuns frais.

[22]        Dans les circonstances de cette affaire, cela revenait à un enrichissement du demandeur. Or, les recours prévus à la LPC ont pour fonction de protéger le consommateur et ne doivent pas servir à l’enrichir[7].

[23]        Un droit n’est jamais absolu et doit s’exercer de façon raisonnable et dans la coopération[8].

[24]        À ce sujet, les articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec édictent :

6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.

(Le Tribunal souligne)

[25]        Or, en l’espèce, les exigences du demandeur ont été excessives et Méga Meubles s’est trouvé empêchée, malgré elle, d’honorer la garantie qu’elle cherchait à agréer.

[26]        En conséquence, le recours du demandeur doit être rejeté.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la réclamation du demandeur;

AVEC LES FRAIS DE JUSTICE, soit le timbre judiciaire payé par la défenderesse au montant de 150 $.

 

 

 

 

__________________________________

L’honorable Nathalie Chalifour, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

 

5 novembre 2018

 



[1] Facture P-6

[2] Facture P-5

[3] Voir photos P-1 à P-3

[4] Voir mise en demeure P-4, octobre 2017

[5] Facture P-7

[6] RLRQ c P-40.1

[7] Voir les auteurs L’Heureux et Lacoursière, Droit de la consommation, 6e éd., Éditions Yvon Blais, pp.620 et 621 et, à titre illustratif : Systèmes techno pompes inc. c. Tremblay, EYB 2006-108578 (C.A.) et Richard c. Time inc. 2012 CSC 8

[8] Parmalat Canada inc. c. Puremed Canada inc. 2012 QCCA 833 et voir aussi Groupe Van Houtte Inc. c. Les Développements Industriels et commerciaux de Montréal Inc., C.A., 2010 QCCA 1970.

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