English et Salaison G. Lauzon inc. | 2023 QCTAT 1343 |
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL | |||
(Division de la santé et de la sécurité du travail) | |||
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Laval | |||
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Dossiers : | 1264181-61-2202 1264229-61-2202 1267398-61-2203 | ||
Dossier CNESST : | 126198225 | ||
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Québec, | le 20 mars 2023 | ||
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Guy Grantham | |||
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1267398 | |||
Diane English | Diane English | ||
Partie demanderesse | |||
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et | et | ||
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Salaison G. Lauzon inc. | Salaison G. Lauzon inc. | ||
Partie mise en cause | Partie mise en cause | ||
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| et | ||
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| Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail | ||
| Partie intervenante | ||
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[1] La travailleuse, madame Diane English, est agressée physiquement lors de son travail le 21 mai 2004. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail[1] (la Commission) reconnaît la survenance d’une lésion professionnelle, dont le diagnostic est un syndrome de stress post-traumatique.
[2] En 2006, 2009 et 2019[2], surviennent des récidives, rechutes ou aggravations introduisant de nouveaux éléments diagnostics, soit dépression majeure, trouble de concentration et troubles cognitifs. Une atteinte permanente de nature psychologique supérieure à 36 % est accordée, avec des limitations fonctionnelles. La travailleuse est inapte à tout emploi depuis 2012.
Dossier 1264181-61-2202
[3] Le 22 novembre 2021, la Commission refuse de payer des frais pour des travaux de peinture. Le 2 février 2022, à la suite d'une révision administrative, la Commission confirme son refus.
[4] La travailleuse conteste cette décision auprès du Tribunal. Elle allègue être incapable de faire elle-même de tels travaux et demande le remboursement des frais afférents. La Commission demande le maintien de sa décision.
[5] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal accueille la contestation de la travailleuse, selon les conclusions indiquées.
Dossier 1264229-61-2202
[6] Ce dossier est étroitement lié au dossier 1267398. Le 9 décembre 2021, la Commission accuse réception d’une demande du 11 novembre 2021 de la travailleuse concernant le remboursement de diverses dépenses pour son chien. La travailleuse dépose une demande de révision.
[7] Le 3 février 2022, à la suite d'une révision administrative, la Commission indique que l’accusé de réception n’était pas une décision.
[8] La travailleuse conteste cette décision auprès du Tribunal. Elle demande le remboursement des dépenses pour le vétérinaire et le promeneur de son chien.
[9] Comme cette demande est en partie la même que la demande qui fera l’objet d’une décision du Tribunal dans le dossier 1267398, il y a lieu de simplement confirmer la décision de la Commission en révision du 3 février 2022.
Dossier 1267398-61-2203
[10] Le 1er février 2022, la Commission refuse de payer les frais pour les services d’un vétérinaire et les soins du chien de la travailleuse.
[11] De même, le 1er février 2022, la Commission refuse de payer les frais d’entretien et de réparation de l’automobile de travailleuse.
[12] Le 4 mars 2022, à la suite d'une révision administrative, la Commission confirme les refus.
[13] La travailleuse conteste cette décision auprès du Tribunal. Concernant son chien, elle demande le remboursement des frais de vétérinaire et du promeneur de son chien. Concernant son automobile, elle demande le remboursement des frais d’entretien et de réparation.
[14] La Commission demande le maintien de sa décision.
[15] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal ne peut accueillir la contestation de la travailleuse.
Dossier 1264181-61-2202
Les frais pour les travaux de peinture
[16] Le cinquième alinéa de l’article
[17] Quant aux conditions de remboursement de tels coûts, l’article 165 prévoit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
[18] Dans le présent dossier, il est indéniable que la travailleuse est porteuse d’une atteinte permanente grave.
[19] À plusieurs reprises, le Tribunal a rappelé que la capacité d’effectuer les travaux d’entretien en cause doit être évaluée en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à effectuer de tels travaux[4].
[20] Le Tribunal estime d’abord que l’importante atteinte permanente d’ordre psychique dont la travailleuse est porteuse peut vraisemblablement entraîner des limitations fonctionnelles significatives dans les activités de vie quotidienne. Des répercussions au plan physique sont tout à fait envisageables. Rappelons que la travailleuse est déclarée inapte à tout emploi. Une telle atteinte permanente peut donner ouverture à la demande de la travailleuse[5].
[21] Lors de son témoignage à l’audience, la travailleuse explique ressentir généralement et constamment une grande fatigue physique, dans un contexte d’hypervigilance.
[22] Elle doit limiter et planifier ses sorties à l’extérieur, par exemple pour aller magasiner. Elle se dit incapable de garder ses petits-enfants.
[23] Cette preuve non contredite démontre qu’il serait irréaliste de considérer la travailleuse capable d’effectuer des travaux de peinture à son domicile. Conséquemment, il y a lieu d’accueillir la demande de la travailleuse dans le cadre de l’article
[24] Il reviendra donc à la travailleuse de présenter à la Commission une facture pour les travaux de peinture effectués à sa résidence, dont le remboursement sera fait par la Commission en respectant le montant maximum prévu à la Loi.
Dossiers 1264229-61-2202 et 1267398-61-2203
Les frais de soins vétérinaires et de promeneur de chien
[25] Aux fins de l’analyse, ajoutons au cadre juridique utilisé dans le dossier précédent le principe général devant nous guider en matière de réadaptation sociale, comme le précise à l’article
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
[26] Par ailleurs, l’article
[27] Lors de son témoignage à l’audience, la travailleuse insiste sur sa condition psychologique qui provoque des craintes et de l’hypervigilance.
[28] Elle témoigne se sentir ainsi plus en sécurité avec le chien qu’elle a acquis en 2016, un « montagnard » pesant environ 85 livres. Le chien l’accompagne constamment. Il dort à proximité d’elle. Cela procure « une structure à sa vie », dit-elle.
[29] Nous retrouvons au dossier une lettre émise le 9 mai 2019 par le médecin psychiatre Thu-Van Dao, médecin traitant de la travailleuse. Cette lettre mentionne brièvement qu’elle a « besoin de la présence de son chien chez elle pour la rassurer… madame pourrait bénéficier d’une aide financière pour son chien… Ce dernier lui permet d’être moins anxieuse… ».
[30] Les décisions du Tribunal en cette matière sont relativement peu nombreuses. La travailleuse en dépose quelques-unes[6].
[31] Le Tribunal constate toutefois que ces décisions concernent un chien de service, un chien-guide ou un chien d’assistance, ce qui suppose que l’animal possède des qualités propres et des aptitudes à ces fins, et qu’il a été dressé en conséquence. L’aide concrète que peut procurer ce type de chien permet de le distinguer d’un simple chien de compagnie, qui peut certainement apporter un certain réconfort, voire un sentiment de sécurité, mais qui ne possède pas les qualités permettant de l’intégrer dans un programme de réadaptation sociale.
[32] Avec égard, le témoignage de la travailleuse sur les effets bénéfiques de la présence de son chien est insuffisant. Il en est de même de la recommandation peu explicite du docteur Dao à sujet.
[33] La preuve prépondérante ne démontre pas que le chien de la travailleuse possède des qualités spécifiques et a été dressé pour agir comme chien-guide, chien d’assistance ou de service. Il doit plutôt être considéré comme « un chien de compagnie dans un contexte de zoothérapie »[7].
[34] En somme, bien qu’il soit plausible que le chien de la travailleuse lui apporte un certain réconfort, la preuve ne permet pas de conclure de façon probante que cette situation s’inscrit véritablement dans une aide visant à surmonter les conséquences personnelles et sociales de la lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de la lésion ou à redevenir autonome dans l’accomplissement des activités habituelles.
[35] Conséquemment, il n’y a pas lieu d’accueillir la contestation de la travailleuse sur ce volet de la décision de la Commission.
Les frais d’entretien et de réparation de l’automobile
[36] Lors de l’audience, la travailleuse témoigne avoir acheté une automobile en 2015. Elle conduit elle-même cette automobile et se déplace sur des distances totalisant environ 7 000 kilomètres annuellement.
[37] Elle invoque le besoin d’avoir cette automobile pour reprendre sa vie normale, « pour aller voir ses petits-enfants… pour aller au magasin… ».
[38] Encore une fois, elle met de l’avant la lettre du 9 mai 2019 de docteur Dao. Il y est mentionné : « Depuis de nombreuses années, elle se déplace seulement en voiture car c’est le seul endroit où elle se sent en sécurité. »
[39] Elle réclame ainsi le remboursement des frais d’entretien et de réparation du véhicule.
[40] Avec égard, le Tribunal est d’avis que cette demande est mal fondée.
[41] En effet, la Loi prévoit limitativement la prise en charge par la Commission des frais relatifs à l’adaptation du véhicule principal d’un travailleur, lorsque cette adaptation est nécessaire suite à sa lésion professionnelle, afin de le rendre capable de conduire lui‑même ce véhicule ou de lui permettre d’y avoir accès[8].
[42] Ainsi, en l’absence de mesures d’adaptation dans un véhicule, son entretien courant repose sur la responsabilité d’un travailleur[9].
[43] La Loi ne contient pas de disposition générale couvrant les frais d’entretien d’un véhicule pour une personne victime d’une lésion professionnelle.
[44] Conséquemment, la contestation de la travailleuse ne peut être accueillie sur ce volet de la décision de la Commission.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
Dossier 1264181-61-2202
ACCUEILLE la contestation de madame Diane English, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue le 2 février 2022 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement de frais pour des travaux de peinture à son domicile, sur présentation d’une pièce justificative et selon le montant maximum prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dossier 1264229-61-2202
REJETTE la contestation de madame Diane English, la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue le 3 février 2022 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative.
Dossier 1267398-61-2203
REJETTE la contestation de madame Diane English, la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue le 4 mars 2022 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative.
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| Guy Grantham |
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Mme Diane English | |
Pour elle-même | |
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M. Ghislain Marcil | |
Pour l’employeur | |
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Me Abira Selvarasa | |
PINEAULT AVOCATS CNESST | |
Pour la partie intervenante | |
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[1] Depuis janvier 2016, la CNESST assume les compétences autrefois dévolues à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).
[2] Voir la décision du 5 octobre 2021 du Tribunal (dossier 1200411-61-2010).
[3] RLRQ, c. A-3.001.
[4] Voir par exemple : Desjardins et Distribution Vital Desjardins inc.,
[5] Voir par exemple : Perreault et Matawinie (MRC de),
[6] Rossignol et Alliance de la fonction publique du Canada,
[7] Dubois et Saint-Germain Transport ltée,
[8] Art.
[9] Vézina et Canada (Ministère de la Défense nationale) (ADM. PERS. CIVIL),
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