Décision

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Ministère de la Sécurité publique et Caron

2025 QCCFP 15

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER N :

2000111

 

DATE :

10 juillet 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

 Nour Salah

______________________________________________________________________

 

 

 

MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

Partie demanderesse

 

et

 

DANIEL CARON

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 123, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

______________________________________________________________________

INTRODUCTION

  1.                Le 12 février 2024, M. Daniel Caron dépose un recours à la Commission de la fonction publique (Commission), en vertu de l’article 33 de la Loi sur la fonction publique (Loi), à l’encontre de son employeur, le ministère de la Sécurité publique.
  2.                M. Caron est chef d’unité, cadre, classe 7, à l’établissement de détention de Québec. Il conteste sa suspension d’une journée imposée par le ministère qui lui reproche d’avoir eu « recours à la force inapproprié » lors d’une intervention auprès d’une personne incarcérée en utilisant de l’oléorésine de capsicum (poivre de cayenne).
  3.                M. Caron prétend, entre autres, que son intervention était dictée par l’urgence d’imposer un « arrêt d’agir » à une personne incarcérée en crise et qu’au surplus, elle a été effectuée en conformité avec les politiques, les instructions et les procédures administratives en vigueur dans l’établissement de détention.
  4.                Le 21 janvier 2025, la Commission conclut dans sa décision[1] que la preuve du ministère, sur qui repose le fardeau, n’est pas convaincante et que les motifs invoqués dans la lettre de suspension de M. Caron ne sont pas des fautes :

[76] D’abord, le Ministère n’a pas démontré que le recours à la force est inapproprié, lors de la situation en cause, ni que cette dernière ne requiert aucune intervention de nature urgente. La Commission ne voit pas non plus quels règlements de la Direction générale des services correctionnels auraient été enfreints. Aucune preuve n’a révélé que l’intervention va à l’encontre du rôle de gestionnaire ou de celui d’agent de la paix en mettant notamment en péril la sécurité d’une PI. Les obligations relatives à l’éthique et à la discipline dans la fonction publique ont été respectées. Les obligations et les responsabilités de gestionnaires l’ont également été. Bref, aucune faute n’a été prouvée à la satisfaction du Tribunal.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.                La Commission accueille donc le recours de M. Caron et annule la suspension d’une journée qui lui avait été imposée par son employeur.

DEMANDE DE RÉVISION

  1.                Le 19 février 2025, le ministère demande la révision de la décision de la Commission au motif qu’elle contient des vices de fond de nature à l’invalider, conformément au paragraphe 3o du deuxième alinéa de l’article 123 de la Loi. Cette demande de révision fait l’objet de la présente décision.
  2.                Le 7 avril 2025, M. Caron réplique par écrit au ministère. À ce sujet, certaines mises en garde doivent être effectuées.
  3.                La réplique de M. Caron omet de répondre aux motifs de révision soulevés par le ministère. En effet, ses écrits reflètent son désaccord avec le ministère et il défend son point de vue avec fougue.
  4.                Le ministère a raison en indiquant que M. Caron ajoute des éléments nouveaux qui n’ont pas été mis en preuve lors de l’audience. De plus, le tout est difficile à suivre et plusieurs paragraphes font référence à des sources externes.
  5.            La Commission en révision ne tiendra donc pas compte de ces éléments nouveaux dans la présente analyse de la demande de révision. Cela dit, elle juge quand même que le ministère échoue à faire la démonstration d’un vice de fond de nature à invalider la décision contestée.
  6.            En conséquence, la demande de révision du ministère est rejetée, car aucune erreur grossière et déterminante n’a été commise par la Commission dans cette décision.

ANALYSE DE LA COMMISSION EN RÉVISION

  1.            Le ministère allègue que la Commission a commis des erreurs fondamentales, sérieuses et de nature à invalider la décision contestée dans l’analyse de la seconde question en litige, soit celle à savoir si les faits reprochés à M. Caron constituent ou non une faute, plus particulièrement pour les deux motifs suivants :
  1. La Commission aurait écarté le cadre légal encadrant l’usage de la force applicable en milieu carcéral.
  2. La Commission aurait omis d’examiner si M. Caron a respecté son obligation de prendre les moyens nécessaires pour rendre le poivre de cayenne inaccessible.
  1.            Avant de se pencher sur chacune des prétentions du ministère, la Commission en révision présente, dans les prochains paragraphes, l’ensemble des critères d’intervention et plus spécifiquement ceux en matière de vice de fond sur lesquels elle s’appuie dans son analyse.

Critères d’intervention en matière de vice de fond

  1.            La soussignée rappelle que, même si les décisions de la Commission sont finales et sans appel, elles peuvent sous certaines conditions être révisées conformément à l’article 123 de la Loi :

123. Une décision de la Commission doit être rendue par écrit et motivée. Elle fait partie des archives de la Commission.

La Commission peut, sur demande, réviser ou révoquer toute décision qu’elle a rendue :

1o lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente ;

2o lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre ;

3o lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

Dans le cas visé au paragraphe 3° du deuxième alinéa, la décision ne peut être révisée ou révoquée par le membre qui l’a rendue.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            Le vice de fond, assimilé à l’erreur de droit ou de fait, doit être déterminant et présenter des caractéristiques de gravité et d’évidence[2].
  2.            Dans la décision Ourtani[3], la Commission cite la Cour d’appel[4] et rappelle qu’un vice de fond de nature à invalider une décision est plus qu’une simple erreur de droit ou d’interprétation :

[…] En conférant au Tribunal administratif le pouvoir d’invalider sa propre décision pour un vice de fond, les législateurs/es lui confèrent en quelque sorte le pouvoir de la Cour supérieure d’invalider une décision d’un tribunal inférieur qui a été rendue illégalement. Il y a évidemment une différence entre une décision mal fondée et une décision invalide. Les mots « de nature à invalider » n’ont pas été utilisés à la légère. Le Tribunal administratif ne peut invalider sa propre décision qu’en présence d’un vice de fond qui rend la décision, non seulement mal fondée, mais illégale. […]

Une divergence d’opinion, même sur une question importante, ne constitue pas un vice de fond.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.                Dans sa demande de révision, le ministère s’appuie notamment sur le jugement Rona[5] rendue par la Cour supérieure en insistant uniquement sur le paragraphe qui suit :

[94] Dans la décision CLP-2, la commissaire pose correctement les paramètres du pouvoir de révision :

[12] Ainsi, il y a une erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose plutôt sur des hypothèses, lorsqu’elle s’appuie sur de fausses prémisses, fait une appréciation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine.

  1.            Cependant, les autres paragraphes du jugement Rona sont également forts intéressants puisque, même si la Commission des lésions professionnelles pose correctement les paramètres du pouvoir de révision, la Cour supérieure indique qu’elle a erré et outrepassé son pouvoir de révision :

[95] Elle examine ensuite la décision CLP-1 et conclut que le premier décideur a commis des erreurs manifestes et déterminantes parce qu’il s’est mépris sur le l’interprétation de l’expression « fait essentiel » et qu’il a mal apprécié la preuve.

[96] Elle lui reproche d’avoir ignoré le témoignage du vérificateur, de ne pas avoir discuté les arguments soumis par la CSST et de ne pas avoir retenu l’approche développée par la CLP dans l’affaire Carrosserie D. Lapierre[…]. Selon elle, le point de départ du calcul du délai de 6 mois qui est prévu au Règlement n’est pas quand la CSST a soupçonné ou constaté un problème d’imputation des masses salariales, mais plutôt quand la CSST a eu connaissance des informations qui étaient essentielles pour la détermination de la nouvelle cotisation.

[97] Il n’était pas déraisonnable pour le premier décideur de conclure comme il l’a fait. L’interprétation d’un texte législatif ne conduit pas nécessairement à une seule et même conclusion. D’autre part, certains éléments de la preuve indiquaient que la CSST avait connaissance d’un problème dès le mois de décembre 2004 et que le vérificateur était en possession de 95 % des documents qu’il avait demandé dès le 26 mai 2005. Il est inexact de prétendre que ses conclusions ne trouvaient pas d’assise rationnelle dans la preuve.

[…]

[99] En substituant son opinion à celle du premier décideur, parce qu’il existait une divergence d’opinions sur l’interprétation de l’expression « fait essentiel » et sur l’approche jurisprudentielle qui devait être privilégiée, la CLP a rendu une décision déraisonnable. Compte tenu de ce qui précède, la demande de révision judiciaire de la demanderesse doit être accueillie et la décision CLP-2 doit être infirmée.

[Soulignements de la Commission en révision, référence omise]

  1.            Pour la Commission, cela démontre à quel point « les tribunaux d’appel administratifs ou de révision doivent bien souvent faire preuve de réserve plus ou moins importante. Le décideur doit alors préférer l’appréciation des faits par celui ou celle qui a pu directement entendre la preuve. Puisque la CFP a pour mission de réviser ses propres décisions, son pouvoir de révision est donc encadré et limité[6] ».
  2.            La Cour d’appel[7] s’est aussi prononcée sur les limites du pouvoir de révision :

[13] […] Cela étant, et pour éviter que la révision ne devienne un appel ou ne mime [mine] le contrôle judiciaire, la jurisprudence définit strictement le « vice », et en particulier le « vice de fond » dont il est ainsi question (la notion de « vice » étant utilisée dans plusieurs lois québécoises prévoyant un recours comme celui de l’art. 49 al. 1 [3] L. i. t.a.t. 15). Ainsi, comme l’écrit la Cour :

[65] Nous l’avons vu, un vice de fond n’est pas une divergence d’opinions ni même une erreur de droit. Un vice de fond de nature à invalider une décision est une erreur fatale qui entache l’essence même de la décision, sa validité même.

[66] Les qualificatifs utilisés par la Cour ne manquent pas : « serious and fundamental defect, fatal error, unsustainable finding of facts or law », décision ultra vires ou légalement nulle […].

[14] On parle donc ici d’une erreur si grossière qu’elle invalide la décision ou en fait une décision qui, à sa lecture même, est indéfendable (un qualificatif fort), une erreur, en somme, dont « la gravité, l’évidence et le caractère déterminant » […] sautent aux yeux […]. C’est à l’identification et à la correction de ce genre d’erreur qu’est limité le pouvoir de révision conféré au TAT par l’art. 49 al. 1 (3°) L. i. t.a.t.

[Soulignement de la Commission en révision, références omises]

  1.            D’ailleurs, très récemment, la Cour d’appel est intervenue afin de rétablir des décisions rendues par la Commission qui avait été annulées par la Cour supérieure « qui n’aurait pas dû intervenir sur cette question[8] » :

[38] En conclusion, la décision CFP-1 n’était pas déraisonnable. Il n’a pas été établi qu’elle « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »[[9]]. La juge de première instance a substitué son opinion à celle de la CFP. Deux interprétations étaient possibles et celle retenue par la CFP était raisonnable.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            En résumé, l’étendue du pouvoir d’intervention en vertu de l’article 123 de la Loi a toujours reçu une interprétation restrictive de la part de la Commission en révision et, une fois de plus, c’est avec réserve et retenue que ce pouvoir sera exercé dans la présente décision.

Premier motif

La Commission aurait écarté le cadre légal encadrant l’usage de la force applicable en milieu carcéral

  1.            Le ministère indique avoir adopté des procédures pour encadrer l’usage de la force en milieu carcéral, dont la Procédure sur le recours à la force nécessaire en milieu carcéral[10] et la Procédure sur l’agent inflammatoire OC[11], qui ont un caractère obligatoire et contraignant pour les membres du personnel travaillant dans les établissements de détention, y compris M. Caron.
  2.            Il précise qu’un des articles de cette Procédure sur le recours à la force nécessaire en milieu carcéral constitue la pierre angulaire du recours à la force, car il établit les balises à l’intérieur desquels une intervention en milieu carcéral doit s’effectuer.
  3.            Pour sa part, la Procédure sur l’agent inflammatoire OC circonscrit les cas où le poivre de cayenne peut être utilisé et prescrit ses conditions d’utilisation. Cette seconde procédure est complémentaire à la première et toute utilisation du poivre de cayenne doit se faire en conformité avec ces deux procédures.
  4.            Dans les paragraphes suivants, la Commission en révision ne reprendra pas les articles de ces procédures puisque, pour des raisons de sécurité du personnel, une ordonnance de confidentialité a été émise. Mais, il suffit de mentionner qu’elles ont été lues et analysées par la Commission en révision en tenant compte des prétentions du ministère.
  5.            Il faut retenir de ces procédures que le recours à la force doit s’appuyer sur des motifs raisonnables et probables et que la force utilisée doit être nécessaire. De plus, pour utiliser le poivre de cayenne, il faut être capable de démontrer que c’est le mode d’intervention le plus sûr et le plus raisonnable dans les circonstances. Aucun recours excessif à la force n’est permis.
  6.            Le ministère ajoute que le personnel en établissement de détention doit respecter les procédures administratives et demeure imputable de ses manquements. Ainsi, tout manquement à l’une ou l’autre de ces procédures constitue une faute susceptible de donner lieu à une mesure disciplinaire.
  7.            En résumé, le ministère est d’avis que, malgré le caractère obligatoire du cadre normatif qu’il a mis en place, la Commission a omis d’évaluer si M. Caron respecte les procédures en vigueur au moment de déterminer si les faits qui lui sont reprochés constituent une faute. Ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit évidente, grossière et qui aurait un impact déterminant sur l’ensemble de son analyse et sur les conclusions de sa décision.
  8.            Le ministère insiste sur le fait que la Commission élabore son propre cadre d’analyse et appuie son raisonnement sur une fausse prémisse qui est de déterminer si l’intervention de M. Caron avec le poivre de cayenne fait partie des « options possibles » et si sa décision était « raisonnable ».
  9.            Or, la Commission en révision considère que les arguments du ministère consistent essentiellement à expliquer leur désaccord avec la décision contestée. Il met de l’avant la manière dont sa preuve aurait dû être interprétée, selon lui, en première instance.
  10.            En effet, la Commission en révision remarque que le ministère semble choisir, pour appuyer ses prétentions, des parties de paragraphes ou encore des mots, lorsque le juge administratif utilise des synonymes de termes juridiques, afin de lui reprocher son incompréhension du cadre normatif applicable en milieu carcéral, voire son omission d’analyser si la force employée par M. Caron s’est limitée à ce qui était nécessaire dans les circonstances.
  11.            Le ministère est convaincu que le juge administratif élabore son propre cadre d’analyse. En réalité, il n’en est rien.
  12.            En fait, la Commission avait bien saisi le cadre normatif entourant l’usage de la force lors d’une intervention d’urgence. D’ailleurs, en lisant notamment les paragraphes 30, 31 et 34 de la décision contestée, il apparaît clair que le juge administratif cerne bien la prémisse de départ et commence à y répondre en appréciant l’ensemble de la preuve et des arguments soumis par les parties :

[30] Pour l’employeur, il s’agit d’une faute puisque le recours à la force est inapproprié et que la situation ne requiert aucune intervention d’urgence. En agissant de la sorte, M. Caron aurait enfreint plusieurs règlements de la Direction générale des services correctionnels. Pire encore, il aurait mis en péril la santé et la sécurité d’une PI. L’intervention va à l’encontre de son rôle de gestionnaire ainsi que de son rôle d’agent de la paix.

[31] Pour M. Caron, il respecte en tous points les procédures en vigueur et il y a urgence d’intervenir pour faire cesser le comportement violent d’une PI en crise afin de protéger une autre PI ainsi que le personnel. Il a eu recours à la force en respectant le « continuum de l’usage de la force ». Bref, il s’agit d’une intervention préventive qui est urgente pour des raisons de sécurité.

[…]

[34] La Commission ne doit pas se demander s’il s’agit de la meilleure intervention en pareille situation, mais bien si celle-ci constitue une faute, au sens juridique du terme, en considérant que le fardeau de preuve incombe à l’employeur. Ainsi, il lui revient de justifier sa décision d’imposer une sanction disciplinaire à M. Caron et de convaincre le Tribunal des fautes qui lui sont reprochées.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            La Commission en révision ne voit rien de déraisonnable dans l’analyse effectuée par le juge administratif. Sa décision se lit comme un tout et l’appréciation du contexte et de la trame factuelle est importante.
  2.            La Commission pose d’abord les jalons du milieu dans lequel évolue M. Caron qui comprend une clientèle difficile :

[13] […] Au moment des évènements, il est assigné au secteur F3, constitué des départements 10, 11 et 12.

[14] Il s’agit d’un « secteur de protection » réservé à une clientèle masculine hétéroclite, qui ne peut pas être en contact avec les autres PI pour des raisons de sécurité. En effet, à titre d’exemples, il peut s’agir de personnes ayant des problèmes de santé mentale, des personnes ayant commis des crimes qui compromettent leur sécurité ou des personnes ayant des troubles de comportement. Bref, selon la preuve, ce n’est pas une « clientèle » facile.

  1.            Par la suite, la Commission établit l’expertise de M. Caron comme chef d’unité à l’établissement de détention de Québec depuis 2014. Ce dernier a suivi de nombreuses formations pertinentes concernant les matières faisant l’objet du litige :

[32] M. Caron est expérimenté puisqu’il travaille à l’EDQ depuis 2014. Il est chef d’unité intérimaire de 2015 jusqu’à sa nomination officielle en 2017. Il a également d’autres expériences pertinentes. Il a suivi de nombreuses formations à l’EDQ, notamment sur l’usage de la force et sur l’utilisation de l’OC. Il a aussi fait partie de l’équipe correctionnelle d’intervention d’urgence (ÉCIU) pendant six années.

[33] Lors de son témoignage, il a démontré une excellente connaissance du Cadre de l’emploi de la force des Services correctionnels qui est une illustration que l’on retrouve dans le Guide théorique sur le Cadre de l’emploi de la force des Services correctionnels […]. Il connaît cet outil depuis une formation suivie en 2014 et y fait référence à plusieurs reprises pour expliquer et justifier son intervention.

[Soulignements de la Commission en révision, référence omise]

  1.            Dans sa demande de révision, le ministère reproche au juge administratif de fonder son raisonnement sur la croyance erronée que le cadre d’usage de la force en détention offre « une panoplie d’options possibles » et condamne l’utilisation des termes soulignés dans les paragraphes suivants de la décision de la Commission :

[38] L’intervention suggérée par M. Girard fait partie du spectre des décisions possibles. Mais, cela n’a pas pour effet de convaincre le Tribunal que l’intervention de M. Caron est empreinte des fautes qui lui sont reprochées. Pour M. Girard, la meilleure approche est de ne pas intervenir et de se désengager. M. Caron a plutôt choisi d’intervenir et sa décision est raisonnable dans les circonstances.

[49] […] Le fait de participer activement à l’intervention est une décision de gestionnaire qui peut être qualifiée de raisonnable dans les circonstances. […]

[50] […] Le choix d’intervenir et l’intervention elle-même ne sont peut-être pas parfaits en tous points, mais ils entrent dans le spectre des décisions et des actions justifiables et raisonnables dans les circonstances.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            Ce faisant, le ministère oblitère complètement l’analyse du juge administratif par rapport à l’intervention de M. Caron qui doit agir rapidement auprès d’un individu incarcéré dans un « milieu difficile » pour mettre fin au danger qu’il représente pour sa sécurité, celle de ses collègues et celle du secteur au complet.
  2.            M. Caron réussit à faire la démonstration à la Commission qu’il doit intervenir immédiatement plutôt que de se désengager et qu’il veut prendre les choses en main pour éviter que la situation ne dégénère.
  3.            De plus, il considère être en situation d’agression et ne pas pouvoir effectuer un désengagement sécuritaire dans les circonstances :

[39] D’ailleurs, M. Caron démontre à la Commission qu’il connaît le désengagement. Au surplus, il explique les raisons pour lesquelles il n’a pas utilisé cette option. D’une part, il considère que de se désengager avec deux autres agents en abandonnant la PI assise sur le banc n’est pas sécuritaire. D’autre part, il considère qu’il doit mettre fin au danger le plus rapidement possible pour la sécurité de tous. Il veut également conserver l’accès au secteur.

[40] Pour lui, il n’est pas en mesure de respecter les quatre conditions pour se désengager de façon sécuritaire, soit isoler, circonscrire, contenir et réévaluer. La preuve vidéo montre clairement un individu agité au comportement erratique et imprévisible qui sera manifestement difficile à isoler et à contenir. L’utilisation de l’OC à quatre ou cinq reprises est d’ailleurs nécessaire.

[41] La décision retenue devait se prendre en quelques secondes dans le feu de l’action. Celle préconisée par M. Girard est expliquée au Tribunal au terme d’une analyse minutieuse basée notamment sur le visionnement de la vidéo de l’intervention sous plusieurs angles et sur la lecture des documents pertinents.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            L’analyse effectuée par le témoin du ministère, M. Girard, de la situation et de la manière adéquate d’agir dans les circonstances, soit se « désengager », n’a pas convaincu la Commission. Or, rappelons que c’est sur le ministère que repose le fardeau de la preuve et qu’il échoue lors de l’audience à convaincre le juge administratif des fautes qui sont reprochées à M. Caron.
  2.            Aussi, le juge administratif considère, en analysant la preuve soumise, que M. Caron a respecté les procédures contenues dans le Guide théorique sur le recours à la force dédié aux agents des services correctionnels et dans le Guide théorique sur le recours à la force dédié aux gestionnaires de premier niveau :

[42] Avant d’intervenir, M. Caron s’est manifestement inspiré des trois composantes du processus d’évaluation d’une situation, soit la situation elle-même, le comportement du sujet ainsi que les perceptions et les considérations tactiques. Tout se passe en quelques secondes. Ces trois composantes se retrouvent autant dans le Guide théorique sur le recours à la force dédié aux agents des services correctionnels (version 1 — mai 2023) que dans le Guide théorique sur le recours à la force dédié aux gestionnaires de premier niveau (version 1-mars 2023) de la Direction générale à la sécurité.

  1.            La Commission souligne aussi que M. Caron sait que la personne incarcérée est détenue pour des crimes violents et que son parcours contient plusieurs manquements aux règlements, dont certains avec violence, notamment des agressions envers un agent, des conflits et des altercations avec d’autres détenus. Cela est bien exposé dans la décision contestée.
  2.            La Commission en révision ne comprend pas comment le ministère peut affirmer qu’il existe « une faille décisive dans la décision » et que le juge administratif erre en examinant uniquement si le choix d’utiliser du poivre de cayenne est raisonnable sans analyser si la force « nécessaire » a été employée lors de l’intervention.
  3.            Il apparaît plutôt à la Commission en révision que, tout au long de son analyse, le juge administratif examine judicieusement si, en vertu des procédures, le choix d’action constitue « le plus raisonnable des choix possibles » et si la force utilisée est nécessaire.
  4.            Cela transcende de la décision qui, au-delà des mots utilisés pour décrire l’urgence et la gravité de la situation, fait état de la lecture des évènements effectuée par M. Caron. Cette dernière lui dicte, en fonction de la dangerosité de la personne incarcérée, une imminence d’agir, voire une nécessité.
  5.            Le juge administratif soutient tout au long de son raisonnement, que le personnel d’un établissement de détention, qui évolue dans un environnement sous pression, doit pouvoir démontrer pour chaque intervention que c’est la plus sûre et la plus raisonnable dans les circonstances et qu’il faut user de la force « nécessaire ».
  6.            Il suffit de lire, notamment, les paragraphes suivants :

[52] Le temps pour réagir est court et le nombre d’interventions diverses lors d’un quart de travail est généralement élevé. Que ce soit pour des alarmes d’incendie (pré-signal), pour des raisons médicales, pour des propos ou des gestes suicidaires, pour la présence de drones ou encore pour des agressions, les agents doivent constamment intervenir dans des situations urgentes.

[…]

[62] La Procédure sur le recours à la force indique à l’article 5.1 qu’un tel recours doit toujours s’appuyer sur des motifs raisonnables et probables afin d’accomplir ce qu’il est requis ou permis de faire. La Commission juge que les motifs ayant motivé M. Caron à agir de la sorte étaient de cette nature. La décision d’utiliser l’intervention directe auprès d’une PI ayant un comportement dangereux et imprévisible et qui, par surcroît, est connue pour être sournoise et violente ne peut être assimilée à une faute aux yeux de la Commission. Sans être la seule décision possible dans les circonstances, celle-ci s’avère fondée sur des motifs raisonnables et probables.

[63] La décision de M. Caron d’intervenir immédiatement s’appuie sur une croyance honnête et sincère qu’il s’agit de la bonne solution dans les circonstances. Cette décision est basée sur un ensemble de faits observables et objectivement vérifiables. Il ne s’agit pas de simples doutes ou de soupçons, mais bien d’une conviction sincère basée sur des faits. Au moment des évènements, M. X est une bombe à retardement, ce qui justifie une intervention ferme et immédiate.

[64] L’article 5.4.1 de la même procédure mentionne que l’urgence de l’intervention directe s’explique par la nécessité d’agir sans délai, en raison d’une situation qui pourrait porter atteinte à la sécurité de certaines personnes. Lors des évènements, M. X est agité, lance des projectiles de façon erratique et adopte un comportement hautement imprévisible. Il est dangereux pour lui-même, pour une autre PI et pour le personnel. Il est difficile de reprocher à M. Caron d’être intervenu pour contenir le plus rapidement possible une PI en situation d’agression. Les rouleaux de papier hygiénique ne représentent peut-être pas l’arme la plus percutante, mais M. Caron sait très bien qu’à l’intérieur du sac se trouvent aussi des contenants de détergent et des pastilles d’urinoir qui sont des projectiles dangereux.

[65] Toujours au même article, il est bien spécifié que si les membres du personnel sont convaincus que l’évènement en cause peut porter atteinte à leur sécurité, celle des autres et celle des lieux, ils doivent déployer rapidement tous les efforts pour isoler et circonscrire la zone d’intervention et entreprendre leurs actions à l’aide des outils disponibles dans l’environnement immédiat. C’est exactement ce qui explique la décision de M. Caron d’intervenir, muni de l’OC, avec les deux agents.

[…]

[68] La Commission considère que le choix de M. Caron d’utiliser l’intervention directe est raisonnable et ne peut, encore une fois, certainement pas être qualifié de faute. Sa perception légitime de la situation l’amène à considérer qu’il est face à une PI qui l’agresse et qui constitue un danger et qu’il doit recourir à la force et à l’utilisation d’une bonbonne d’OC.

[69] Une décision raisonnable se caractérise par l’analyse rapide et rigoureuse d’un ensemble de facteurs et la prise en considération de ceux-ci dans le processus décisionnel, tel que le comportement du sujet, la connaissance de celui-ci, la sécurité des personnes impliquées, l’environnement physique et les considérations tactiques.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            Il semble donc à la Commission en révision que M. Caron s’est appuyé « sur des motifs raisonnables et probables » avant de recourir à la force et que la décision du juge administratif ne s’écarte pas de manière « désincarnée et erronée » des conditions prescrites par le cadre normatif relatif à l’utilisation de la force dans un établissement de détention.
  2.            De plus, contrairement à ce que prétend le ministère, le juge administratif analyse judicieusement les dispositions du cadre normatif applicable qui sont en adéquation avec les principes énoncés par l’article 25 du Code criminel[12] :

[54] Le Code criminel permet l’usage de la force par un agent de la paix à certaines conditions :

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier ;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public ;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public

d) soit en raison de ses fonctions, est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

  1.            Il examine également cet article en corrélation avec les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nasogaluak[13] et en arrive à la conclusion que la force employée par M. Caron était celle qui était nécessaire dans les circonstances :

[56] Le témoignage de M. Caron a convaincu la Commission qu’il croyait sincèrement avoir des motifs raisonnables pour utiliser la force nécessaire afin de mettre fin à une situation qu’il considérait dangereuse. Les motifs évoqués précédemment pour justifier l’intervention sont suffisamment convaincants. Il a agi sur la foi d’un probable danger imminent qui nécessitait une intervention immédiate.

[Soulignement de la Commission en révision]

  1.            Le ministère ne réussit donc pas à démontrer une erreur de droit, mais exprime plutôt son désaccord avec la conclusion retenue par le juge administratif à la suite de son examen de la preuve présentée et du cadre normatif.
  2.            Conséquemment, la Commission en révision écarte le premier motif soumis par le ministère et considère comme inexact d’affirmer que le juge administratif a substitué ses propres critères d’analyse au cadre normatif applicable en matière d’utilisation de la force dans un établissement de détention.

Deuxième motif

La Commission aurait omis d’examiner si M. Caron a respecté son obligation de prendre les moyens nécessaires pour rendre le poivre de cayenne inaccessible

  1.            Le ministère indique qu’en ce qui concerne l’obligation pour M. Caron de prendre les mesures nécessaires pour rendre le poivre de cayenne inaccessible, le juge administratif se contente d’exposer ses motifs dans un seul paragraphe de sa décision et omet d’asseoir son analyse sur les dispositions de la Procédure sur l’agent inflammatoire OC.
  2.            Ce faisant, il errerait et éviterait de trancher la véritable question en litige qui serait de déterminer si M. Caron a pris les moyens nécessaires pour rendre le poivre de cayenne inaccessible aux personnes incarcérées.
  3.            Le ministère ajoute que, si la Commission avait réellement examiné cette question, la seule conclusion à laquelle elle aurait pu en arriver est que M. Caron a commis une faute.
  4.            La Commission en révision constate qu’une fois de plus, le ministère désapprouve l’interprétation retenue par le juge administratif et n’est pas d’accord avec sa conclusion.
  5.            Or, la Cour d’appel[14] affirme que, lorsque la norme d’intervention est celle de la décision raisonnable, le rôle du tribunal, saisi de la révision d’une décision, n’est pas de rechercher laquelle de plusieurs interprétations rationnelles s’harmonise le mieux avec la lettre de la loi pour ensuite la substituer à celle, tout aussi rationnelle, mais divergente, du premier décideur.
  6.            La Commission en révision rappelle qu’une divergence d’interprétation ne constitue pas un vice de fond de nature à invalider une décision et que le ministère, sur qui le fardeau de la preuve repose, n’a seulement pas su convaincre le juge administratif lors de l’audience sur le fond.
  7.            De plus, la Commission en révision confirme que celui-ci a très bien cerné ce que reproche le ministère à M. Caron puisque, dès le paragraphe 71, il l’aborde :

[71] La Procédure sur l’utilisation de l’agent inflammatoire a pour objet d’encadrer l’utilisation appropriée et sécuritaire de l’OC. Le Ministère reproche essentiellement à M. Caron de ne pas avoir respecté la distance recommandée avec M. X et également de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour rendre la bonbonne inaccessible après l’intervention.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            Certes, son analyse ne tient pas sur plusieurs pages et se résume au paragraphe 73 qui se lit ainsi :

[73] En ce qui concerne l’accessibilité de la bonbonne d’OC, la preuve vidéo permet de constater qu’elle se retrouve à la hauteur du tibia gauche de M. X, qui est cloué au sol puis menotté. Il aurait peut-être été plus judicieux pour M. Caron de laisser un autre agent menotter M. X afin de s’éloigner avec la bonbonne, mais il demeure que celle-ci était difficilement atteignable, voire impossible à atteindre.

  1.            Le ministère comprend de ce paragraphe que la Commission reconnaît que M. Caron « aurait aisément pu prendre des mesures pour rendre [le poivre de cayenne] inaccessible aux personnes incarcérées et qu’en omettant de le faire, il a manqué de jugement ».
  2.            Avec respect, la Commission en révision considère que le ministère interprète très librement ce paragraphe et prête des intentions au juge administratif qu’elle ne peut partager. Ce dernier analyse la preuve présentée et conclut que le poivre de cayenne est « difficilement atteignable, voire impossible à atteindre ».
  3.            La Commission en révision rappelle que, conformément à la jurisprudence, un juge administratif n’a pas l’obligation de reprendre ni de décortiquer dans sa décision l’intégralité de la preuve qui lui a été présentée, mais uniquement les éléments qui lui paraissent nécessaires[15].

[27] Or, il y a d’importantes nuances à faire. Une décision qui n’est pas suffisamment motivée n’est toutefois pas une décision dont le raisonnement n’apparaît pas assez solide ou suffisamment étayé. C’est une décision dont le raisonnement n’est pas suffisamment exposé pour que les motifs menant à ses conclusions soient compréhensibles.

  1.            À cet égard, dans l’arrêt Baker[16], la Cour suprême du Canada énonce :

[41] Cela dit, et comme le reconnaît également la Cour suprême dans l’arrêt Baker, l’exigence de motivation laisse une dose importante de latitude au décideur dans l’expression de ses explications. L’on n’exige par ailleurs pas la perfection et ce n’est pas là la norme à laquelle il faut mesurer les jugements. Comme l’a déjà écrit, dans un autre contexte, la juge McLachlin, maintenant juge en chef, « il est aussi utopique de chercher la perfection dans les institutions judiciaires que de la chercher dans tout autre organisme social » […]. Ces propos sont transposables à la motivation des jugements. La facture d’un jugement peut donc n’être pas parfaite, elle peut même être médiocre sans pour autant que le raisonnement ou les conclusions soient erronés, certaines failles étant par ailleurs sans effet sur l’issue du litige.

[42] De plus, la motivation des jugements, qu’ils soient judiciaires ou administratifs, ne signifie pas que les tribunaux doivent faire état par le menu de chaque élément de preuve et de chaque argument, puis analyser ces derniers un à un. Le tribunal ne fera normalement état que de ce qui lui paraît essentiel. Il ne lui est pas imposé de discuter de tous les arguments des parties, certains ne méritant pas d’être traités en long et en large ni même d’être traités tout court. En outre, l’implicite a forcément sa place dans le jugement.

[Soulignements de la Commission en révision]

  1.            Dans la décision Verreault[17], la doctrine au sujet de l’obligation de rendre une décision écrite et motivée avait été analysée par la soussignée :

[58] La doctrine précise aussi l’obligation de rendre une décision écrite et motivée en ces mots :

8.9 […] La motivation doit être suffisamment explicite pour permettre d’évaluer les bases d’un éventuel pourvoi en contrôle judiciaire de la décision et pour permettre aux tribunaux supérieurs de vérifier le raisonnement tenu par l’arbitre. Ainsi, l’arbitre doit exposer dans sa décision les articles de la convention collective sur lesquels il s’appuie ainsi que les principaux arguments des parties.

8.10 L’absence de motivation suffisante n’a pas pour effet de rendre la décision nulle, dans la mesure où la décision de l’arbitre est justifiée et démontre la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel. Ainsi, comme le rappelait la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Brideau, la motivation d’une décision est suffisante dans la mesure où le juge de révision peut être en mesure de saisir ce qui en explique la conclusion.

8.11 L’arbitre n’est cependant pas tenu de répondre à chacun des arguments soulevés devant lui, mais il doit exposer toutes les questions de fait et toutes les questions de droit qui ont basé sa décision. Autrement dit, il doit exposer toutes les questions de fait et de droit qu’il a considérées comme étant pertinentes pour résoudre le litige devant lui. Lorsqu’il rejette le témoignage d’un expert ou d’un témoin principal important, l’arbitre doit expliquer les motifs de sa décision. De même, l’arbitre doit donner les motifs justifiant une décision dans toute matière dans laquelle il a discrétion.

[Références omises; soulignements de la Commission en révision]

  1.            La Commission en révision considère que le juge administratif a bien compris ce qui était reproché à M. Caron par le ministère, soit s’il a pris les moyens nécessaires pour rendre le poivre de cayenne inaccessible.
  2.            La Commission a déterminé si M. Caron a commis une faute en motivant ses conclusions clairement et en considérant l’ensemble de la preuve soumise. Il ne revient pas à la soussignée de substituer son opinion, quant à l’interprétation du droit applicable ou à l’appréciation de la preuve, à celle du premier juge administratif. Il n’a pas été démontré que la décision contestée est entachée d’une erreur grave, manifeste et déterminante sur l’issue du litige.
  3.            En résumé, le juge administratif n’a pas écarté le cadre normatif sur l’utilisation de la force applicable en milieu carcéral ni omis d’examiner l’obligation de M. Caron de prendre les moyens nécessaires pour rendre le poivre de cayenne inaccessible.
  4.            Conséquemment, la Commission en révision juge que les motifs invoqués par le ministère ne peuvent donner ouverture à la révision de cette décision, conformément au paragraphe 3o du deuxième alinéa de l’article 123 de la Loi.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

REJETTE la demande de révision du ministère de la Sécurité publique.

 

                                                                        Original signé par :

 

__________________________________

Nour Salah

 

 

Me Natacha Lavoie

Procureure du ministère de la Sécurité publique

Partie demanderesse

 

 

M. Daniel Caron

Partie défenderesse

 

Date de la prise en délibéré : 24 avril 2025

 

 


[1]  Caron et Ministère de la Sécurité publique, 2025 QCCFP 2.

[2]  Ministère de la Justice et Morin-Chartier, 2023 QCCFP 20, par. 16.

[3]  Centre de services partagés du Québec et Ourtani, 2017 QCCFP 10.

[4]  M.L. et Procureur général du Québec, 2007 QCCA 1143, par 22-23.

[5]  Rona inc. et Commission des lésions professionnelles, 2012 QCCS 3949.

[6]  Paquette et Commission de la fonction publique, 2015 QCCS 6227, par. 19.

[7]  Valentina Corbi et Ville de Montréal et Tribunal administratif du travail, 2021 QCCA 1899, par. 13-14.

[8]  Morin-Chartier et Ministère de la Justice, 2025 QCCA 672, par. 36 et 38.

[9]  Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) et Vavilov, 2019 CSC 65, par. 100.

[10]  Recours à la force nécessaire en milieu carcéral, procédure administrative 3.1.S.01 du 1er novembre 2005 et ses modifications.

[11]  Agent inflammatoire OC (utilisation), procédure administrative 3.1.S.05 du 8 mars 2010 et ses modifications.

[12]  L.R.C. 1985, ch. C-46.

[13]  R. c. Nasogaluak, 2010 1 R.C.S. 206.

[14]  Préc., note 4.

[15]  Verreault et Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, 2014 QCCFP 30.

[16]  Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817.

[17]  Verreault et Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, 2023 QCCFP 2.

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