SBFD inc. c. Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures | 2023 QCCS 107 | ||
COUR SUPÉRIEURE | |||
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CANADA | |||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||
DISTRICT DE QUÉBEC | |||
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N° : | 200-17-030957-203 | ||
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DATE : | 17 janvier 2023 | ||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE FRANCE BERGERON, j.c.s. | |||
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SBFD INC., ayant son siège au 32, rue François Bertrand, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Québec G3N 3C8 | |||
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SIMON BOUFFARD, domicilié et résidant au [...], Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Québec [...] | |||
Demandeurs | |||
c. | |||
VILLE DE SAINT-AUGUSTIN-DE-DESMAURES, ayant son siège au 200, route de Fossambault, Saint-Augustin-de-Desmaures, Québec G3A 2E3 | |||
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Défenderesse | |||
JUGEMENT | |||
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[1] SBFD Inc. (« SBFD ») et Simon Bouffard (« Bouffard ») poursuivent Ville de Saint‑Augustin‑de‑Desmaures (« Saint-Augustin ») en expropriation déguisée, à la suite de l’inclusion du lot [1] (« Lot »), propriété de SBFD, situé dans le rang des Mines, au sein du site patrimonial du Domaine des Pauvres. La procédure est signifiée le 28 mai 2020.
[2] L’inclusion du Lot au Site du Domaine des Pauvres fait en sorte qu’il est situé au cœur d’un triangle composé d’un calvaire, des vestiges d’une chapelle situés sous une grange et de la maison portant le numéro civique [...] (Maison Couture)[1].
[3] Les demandeurs allèguent que l’effet combiné du Règlement 2019-595 (« Règlement 595 ») et du Règlement de zonage no 480-85, tel que modifié par le Règlement 2019-597 (« Règlement 597 ») est d’interdire toute nouvelle construction sur le Lot.
[4] De son côté, Saint-Augustin soumet que les règlements adoptés en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel (« Loi »)[2] n’ont pas pour effet d’interdire toute construction sur le Lot.
LE CONTEXTE
[5] Bouffard est président et unique actionnaire de SBFD.
[6] Il est le conjoint de Marie-Ève Lajoie (« Lajoie »)[3]. Ils ont deux enfants.
[7] Ayant vendu leur maison et ayant loué temporairement une maison appartenant à des amis, cette maison ayant été mise en vente, ils doivent trouver un endroit où habiter.
[8] La preuve révèle, depuis de nombreuses années, que Bouffard est à la recherche d’un terrain situé dans le rang des Mines, en raison de la tranquillité du secteur et de la vue sur les montagnes, afin d’y construire sa résidence.
[9] En septembre 2018, Bouffard, lors d’une balade, remarque une pancarte « à vendre » » sur le terrain situé à l’est de la Maison Couture.
[10] Indiquant, à ce moment, son intérêt au propriétaire du lot, Jean-Guy Couture (« Couture »), ce dernier offre de vendre à Bouffard le terrain situé à l’ouest, soit le Lot. La pancarte à vendre avait été mise le matin même. Couture recevra, le soir même, une offre du couple Bouffard-Lajoie.
[11] Couture informe Bouffard qu’il a entamé des démarches de lotissement de son lot portant le numéro [4], sur lequel est située la maison Couture, maison qu’il habite.
[12] N’ayant pas de nouvelles de Couture et des démarches de lotissement, Bouffard et Lajoie achètent une maison à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, à la fin du mois de novembre 2018. Quelques jours après, Couture les informe qu’il a obtenu confirmation du lotissement de son lot. La subdivision a lieu le 30 novembre 2018[4].
[13] L’acte de vente du Lot est signé chez le notaire le 6 décembre 2018[5]. SBFD acquiert le Lot, à la suite des recommandations du comptable de Bouffard, en raison d’une question de financement et de liquidités.
[14] Le 1er mars 2019, Bouffard et Lajoie décident de mettre en vente le Lot, en raison de leur fardeau financier. Malgré cela, ils continuent tout de même leurs démarches pour obtenir les autorisations de construction.
[15] Le Lot étant situé en territoire agricole, Bouffard et Lajoie entreprennent des démarches auprès de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (« Commission »), à la fin mars 2019, afin que les droits acquis résidentiels dont bénéficie le Lot, soient reconnus[6]. Le plan d’implantation de la résidence qu’ils projettent de construire est déposé[7]. L’avis de conformité sera émis le 22 mai 2019[8].
[16] Une demande de permis de construction auprès de Saint-Augustin est aussi déposée pour la construction d’une habitation unifamiliale isolée[9], ainsi qu’un formulaire de déclaration d’exercice d’un droit auprès de la Commission, rempli par Saint-Augustin, le même jour[10].
[17] Selon le service de l’urbanisme de Saint-Augustin, le propriétaire a un délai d’un an à compter du lotissement, pour entreprendre la construction d’une résidence, soit jusqu’au 30 novembre 2019, et ce, afin de ne pas perdre les droits acquis résidentiels[11].
[18] Un certificat d’autorisation pour l’abattage d’arbres est délivré, le 17 mai 2019[12]. Ayant obtenu l’avis de conformité, le 22 mai 2019[13], Bouffard et Lajoie explorent les modèles de maison qu’ils aimeraient construire sur le Lot.
[19] Le 12 juillet 2019, ils reçoivent une offre d’achat pour le Lot au montant de 110 000 $[14]. Leur contre-offre de 185 000 $ est refusée[15]. Ils décideront de conserver le Lot.
[20] Le 24 juillet 2019, Saint-Augustin tient une séance extraordinaire. Elle adopte la résolution 2019-268 par laquelle elle demande à la ministre de la Culture et des Communications d’émettre une ordonnance en vertu de l’article
[21] Il ressort de la preuve qu’aucun des propriétaires concernés n’aurait été avisé de la tenue de cette séance extraordinaire. Un journaliste ayant informé Bouffard, Bouffard et Cloutier, le propriétaire du lot [3], se rendent à la séance.
[22] Questionnés sur les raisons de cette demande, les élus répondent que la ville l’avait échappé en octroyant les autorisations de lotissement, les demandes de permis de construction et la demande de reconnaissance de droit acquis résidentiel auprès de la Commission[17]. Concernant les étapes à venir, le maire Sylvain Juneau (« Juneau ») indiquera à Bouffard qu’ils attendront la réponse du ministère sur leur intention de protection.
[23] Bouffard et Lajoie sont en vacances pour les deux semaines des vacances de la construction. Ils quittent le Canada du 30 juillet au 6 août 2019. Bouffard demande à la ville d’attendre son retour de vacances avant d’adopter de telles résolutions[18].
[24] Le 1er août 2019, Saint-Augustin tient une séance extraordinaire, lors de laquelle la résolution 2019-296 est adoptée. Une ordonnance, en vertu de l’article
« Considérant que le lot sur lequel était construit le bâtiment portant le numéro civique [...] a été subdivisé en trois lots distincts, soit les lots [1], [2] et [3];
Considérant qu’un certificat d’autorisation d’abattage d’arbres affectant le lot [1] a été émis le 17 mai 2019 en prévision d’une construction résidentielle;
Considérant qu’il y a urgence d’agir pour protéger l’intégrité du Domaine des Pauvres.
(…) »
[25] Lors de cette séance du conseil, le lot [3], le lot de Cloutier, est exclu du périmètre à protéger et le conseil donne un avis de motion que le Règlement 595 sera adopté lors d’une séance ultérieure, lequel cite des lots comme immeubles patrimoniaux, dont le Lot.
[26] Le 12 août 2019, le ministère indique qu’il ne fera pas droit à la demande d’ordonnance puisque le Domaine des Pauvres ne présente pas un intérêt à l’échelle nationale[20]
[27] Le 27 août 2019, Saint-Augustin donne avis de motion et présente les Règlements 596, 597 et 598. Il s’agit des modifications au plan directeur d’aménagement et de développement, afin de créer une zone à protéger correspondant au site patrimonial du Domaine des Pauvres et au règlement de zonage et de lotissement[21].
[28] Le 3 septembre 2019, Saint-Augustin donne avis de motion d’une nouvelle version du Règlement 597 afin de préciser que « toute nouvelle construction » sur le site patrimonial du Domaine des Pauvres est dorénavant visée par une prohibition[22].
[29] Le 9 septembre 2019, les avocats de SBFD transmettent une mise en demeure à Saint-Augustin, demandant de retirer le Lot de ceux visés par le projet de règlement de citation patrimoniale du Domaine des Pauvres[23].
[30] À cette même date, le conseil tient une séance extraordinaire, lors de laquelle les Règlements 596, 597 et 598 sont adoptés[24].
[31] Le 11 septembre 2019, lors de la séance du Conseil local du patrimoine (« Conseil du patrimoine »), Bouffard et Lajoie sont présents. Concernant la citation du Domaine des Pauvres et le Règlement 595, le Conseil du patrimoine recommande au Conseil municipal de trouver une solution à la situation problématique du lot [1] (Bouffard et Lajoie) et son contexte[25]. Il est résolu de transmettre un avis au conseil d’adopter le Règlement 595.
[32] Le 17 septembre 2019, Saint-Augustin tient une consultation publique[26] et adopte les Règlements 596, 597 et 598[27].
[33] Questionné par Bouffard et Lajoie quant à l’intention de la municipalité, à l’égard du Lot de SBFD, le maire Juneau répondra que l’intention c’est qu’il ne s’y fasse rien.[28]
[34] À la suite d’une autre question, le maire Juneau mentionne que vous êtes propriétaire d’un terrain, mais vous ne pouvez pas construire dessus et puis vous ne pouvez pas rien faire dessus…on ne vous doit rien pis c’est toute… on peut s’asseoir avec vous en temps et lieu et essayer de voir s’il n’y a pas quelque chose qu’on pourrait faire pour essayer de, je ne sais pas quel terme utiliser là minimiser, mitiger, diminuer votre préjudice[29].
[35] Le 19 novembre 2019, le conseil adopte le Règlement 595 pour la citation patrimoniale du Domaine des Pauvres, en vigueur le 22 novembre 2019[30].
[36] Bouffard s’adresse alors à l’évaluateur de la Ville de Québec afin de demander une révision du rôle d’évaluation foncière, le maire ayant confirmé que rien ne pouvait être construit sur le Lot[31]. L’évaluateur, contactant Bouffard par la suite, lui indique que la valeur foncière ne sera pas modifiée, car il est possible de construire sur le Lot, en respectant certains critères. Bouffard dira, après avoir demandé à Saint-Augustin les critères qui lui permettraient de construire, que les Règlements 595, 596 et 597 lui auraient été transmis, le 19 août 2020[32].
[37] SBFD envoie donc une nouvelle demande de permis de construction[33], accompagnée d’un plan d’implantation, d’une modélisation 3D, d’un plan de construction et devis, afin que la demande soit étudiée. La demande est refusée le 6 juillet 2021[34].
ANALYSE ET DÉCISION
[38] Le Code civil du Québec prévoit, en matière de propriété, les dispositions suivantes :
947. La propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi.
(…)
952. Le propriétaire ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est par voie d’expropriation faite suivant la loi pour une cause d’utilité publique et moyennant un juste et préalable indemnité.
[39] Or, la municipalité peut exproprier un immeuble en respectant les dispositions édictées par le législateur[35].
[40] La Cour suprême dans Ville de Lorraine[36], qualifie d’expropriation déguisée les cas où l’expropriation est effectuée en dehors du cadre législatif et l’explique ainsi :
2 Dans les cas où une expropriation est effectuée en dehors de ce cadre législatif, pour des motifs obliques, notamment afin d'éviter le paiement d'une indemnité, on dit alors qu'il s'agit d'une expropriation déguisée. Ainsi, lorsqu'une administration municipale exerce abusivement son pouvoir de réglementer les usages permis sur son territoire dans le but de procéder à une expropriation sans verser d'indemnité, deux modes de réparation s'offrent alors au propriétaire lésé. Il peut demander que la réglementation qui a entraîné l'expropriation soit déclarée nulle ou inopposable à son égard. Dans l'éventualité où cette avenue ne lui était plus ouverte, il lui est loisible de réclamer le paiement d'une indemnité correspondant à la valeur du bien dont il est spolié.
[41] Dans le présent contexte, le paiement d’une indemnité est demandé. Or, les conditions d’ouverture visant une indemnité pour expropriation déguisée sont-elles remplies?
[42] Dans l’arrêt Ville de Québec, madame la juge Bélanger, pour la Cour, décrit ce qui constitue une expropriation déguisée[37] :
[63] Il est depuis longtemps reconnu que pour constituer de l’expropriation déguisée, la réglementation doit être à ce point restrictive qu’elle rend impossible l’exercice du droit de propriété et qu’elle équivaut à une confiscation, dans la mesure où le zonage est utilisé pour exproprier sans indemniser.
[64] Pour être considérée illégale, une restriction réglementaire doit équivaloir à une suppression de toute utilisation raisonnable du lot, une négation de l’exercice du droit de propriété ou encore, à une « véritable confiscation » ou à une appropriation de l’immeuble.
[65] L’expropriation déguisée par une municipalité peut prendre diverses formes, telle l’occupation illégale d’un terrain engendrant une dépossession physique ou encore l’adoption d’un règlement qui a pour effet de retirer tout usage au terrain.
[Renvois omis]
[43] La Cour d’appel dans l’arrêt Wallot explique ainsi la négation absolue de l’exercice du droit de propriété[38] :
47 Les tribunaux ont donc reconnu que, pour être considérée illégale, une restriction réglementaire doit équivaloir à une « négation absolue » de l'exercice du droit de propriété ou encore à «une véritable confiscation» de l'immeuble. Les limitations qui tendent à ne stériliser qu'une partie de ce droit sans toutefois priver son titulaire de l'utilisation raisonnable de sa propriété ne seront pas jugées abusives.
[44] Dans un tel cas, l’arrêt Ville de Léry ajoute que le règlement qui ne permet au propriétaire d’exercer aucun usage sur son terrain n’est pas un règlement de zonage, mais une expropriation. La question de la bonne ou mauvaise foi de la municipalité, ou de sa « faute », devient alors tout à fait secondaire, pour ne pas dire sans pertinence[39].
[45] Ainsi, même si la municipalité a agi de bonne foi, il demeure que les restrictions qu’elle impose peuvent entraîner une expropriation déguisée.
[46] Dans la présente affaire, le Tribunal conclut qu’il y a, dans le présent contexte, expropriation déguisée. Voici pourquoi.
[47] Tout d’abord, après analyse de faits et en regard des enseignements, l’utilisation raisonnable du Lot par la construction d’une résidence unifamiliale, n’est, dans les faits, pas possible.
[48] Le pouvoir d’une municipalité de citer un site patrimonial vient de l’article
127. Une municipalité peut, de sa propre initiative ou sur proposition de toute personne intéressée, par règlement de son conseil et après avoir pris l’avis de son conseil local du patrimoine, citer en tout ou en partie un bien patrimonial situé sur son territoire dont la connaissance, la protection, la mise en valeur ou la transmission présente un intérêt public.
Lorsqu’il s’agit d’un site patrimonial, il doit, dans le cas d’une municipalité locale, être compris dans une zone identifiée à son plan d’urbanisme comme zone à protéger ou, dans le cas d’une municipalité régionale de comté, être compris à l’intérieur d’une partie du territoire identifiée à son schéma d’aménagement et de développement comme partie présentant un intérêt en application du paragraphe 6° du premier alinéa de l’article
Le pouvoir prévu au premier alinéa relativement à des documents, à des objets ou à des ensembles patrimoniaux est limité à ceux dont la municipalité est propriétaire.
[49] L’article
[50] Pour une meilleure compréhension, il y a lieu de reproduire les dispositions pertinentes des Règlements en cause, adoptés par Saint-Augustin :
RÈGLEMENT NO 2019-595
(…)
3 Quiconque désire effectuer des travaux assujettis à l’intérieur du site patrimonial du Domaine des Pauvres doit :
4 les propriétaires des immeubles patrimoniaux cités doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la préservation de la valeur patrimoniale de ces biens.
5 Les immeubles doivent être conservés en bon état en tout temps.
6 quiconque altère, restaure, répare ou modifie de quelque façon, quant à leur apparence extérieure, ces immeubles patrimoniaux, doit se conformer aux conditions relatives à la conservation des caractères propres aux immeubles auxquelles le conseil peut l’assujettir et qui s’ajoutent à la réglementation municipale.
7 Nul ne peut, sans l’autorisation du conseil démolir ou déplacer tout ou partie d’un immeuble situé dans le site patrimonial cité, ni diviser, subdiviser, rediviser ou morceler un terrain dans ce site.
8 En outre, nul ne peut poser l’un des actes prévus aux articles 6 et 7 sans donner à la Ville un préavis d’au moins 45 jours. Dans le cas où un permis municipal est requis, la demande de permis tient lieu de préavis.
Avant d’imposer les conditions, le conseil prend l’avis du conseil local du patrimoine.
Une copie de la résolution fixant les conditions accompagne, le cas échéant, le permis municipal délivré par ailleurs et qui autorise l’acte concerné.
9 Le conseil municipal doit, sur demande de toute personne à qui une autorisation prévue aux articles 6 et 7 est refusée, lui transmettre un avis motivé de son refus et une copie de l’avis du conseil local du patrimoine.
10 L’inspecteur de bâtiments reçoit le préavis ou toute demande de permis portant sur cet immeuble patrimonial et le transmet au conseil local du patrimoine.
11 Le conseil local du patrimoine étudie toute demande portant sur cet immeuble cité et transmet son avis motivé au conseil municipal et ses recommandations quant aux conditions à imposer, s’il y a lieu.
(…)
RÈGLEMENT NO 2019-596
Le conseil municipal de la ville de Saint-Augustin-de-Desmaures décrète ce qui suit :
1 Le Règlement sur le Plan directeur d’aménagement et de développement, R.V.Q. 990, est modifié par l’insertion, après l’article 4.3.1, de l’article suivant :
«4.3.2 Zone(s) patrimoniale(s) à protéger
4.3.2.1 Désignation du Domaine des Pauvres
La Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures souhaite reconnaître et protéger le site patrimonial du Domaine des Pauvres identifié ainsi :
Les immeubles constitués des lots 3 056 295, 4 712 491, [1] et [2] ainsi que d’une partie du lot 3 056 305 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Portneuf, tels qu’illustrés à l’annexe III, ainsi que toutes les structures suivantes : le calvaire, les vestiges de la chapelle situés sous la grange et la maison portant le numéro civique [...].
4.3.2.1.1. Description historique du site patrimonial du Domaine des Pauvres
On y retrouve les vestiges de la chapelle de 1804, une maison ainsi que le calvaire de 1850, qui est considéré par le ministère de la Culture et des Communications comme l’un des clavaires (sic) les plus intéressants du Québec. La maison faisant partie du site patrimonial est le [...]. Cette maison a été identifiée comme ayant une valeur patrimoniale exceptionnelle, dans un inventaire architectural réalisé à la demande de la Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures. Ces éléments constituent donc les témoins bâtis de l’époque où les Augustine opéraient le site appelé le Domaine des Pauvres.
4.3.2.1.2. Cadre réglementaire pour la gestion des interventions à l’intérieur du site patrimonial du Domaine des Pauvres
Le site patrimonial du Domaine des Pauvres est identifié comme étant une zone à protéger au plan d’urbanisme et le cadre réglementaire suivant est mis en place à l’intérieur de ce site patrimonial :
1 La carte de l’annexe I du présent règlement est intégrée en tant qu’annexe III au Règlement sur le Plan directeur d’aménagement et de développement, R.V.Q. 990.
2 Le présent règlement entre en vigueur conformément à la loi.
RÈGLEMENT NO 2019-597
2.20.1 Site patrimonial du «Domaine des Pauvres»
Le site patrimonial du Domaine des Pauvres est identifié comme étant une zone à protéger au Règlement sur le Plan directeur d’aménagement et de développement, R.V.Q. 990 et le cadre réglementaire suivant est mis en place à l’intérieur de ce site patrimonial :
RÈGLEMENT NO 2019-598
Le conseil municipal de la ville de Saint-Augustin-de-Desmaures décrète ce qui suit :
1 Le Règlement de lotissement no 481-85 est modifié par l’ajout de l’article 2.2.7 :
«2.2.7 DISPOSITIONS PARTICULIÈRES APPLICABLES AUX ZONES À PROTÉGER IDENTIFIÉES À L’ANNEXE III DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DIRECTEUR D’AMÉNAGEMENT ET DE DEVELOPPEMENT, R.V.Q. 990
2.2.7.1 Site patrimonial du domaine des Pauvres
Le site patrimonial du Domaine des Pauvres est identifié comme étant une zone à protéger au Règlement sur le Plan directeur d’aménagement et de développement, R.V.Q. 990.
Nul ne peut, sans l’autorisation du conseil municipal, diviser, subdiviser, rediviser ou morceler tout ou une partie d’un immeuble situé dans le site patrimonial du Domaine des Pauvres, sous réserve des conditions établies par un règlement à être adopté pour la citation patrimoniale de ce site.»
2 Le présent règlement entre en vigueur conformément à la loi.
(…)
[51] Les motifs de la citation spécifiés à l’article 2 du Règlement 595 montrent que ce sont les vestiges de la Chapelle de 1804 situés sous la grange, la Maison Couture ainsi que le calvaire, que Saint-Augustin souhaite protéger en adoptant le règlement.
[52] Ainsi, Saint-Augustin a protégé le Domaine des Pauvres, en tant que site, tel que le décrit le Règlement 596, lequel modifie le règlement sur le plan directeur d’aménagement et de développement R.V.Q. 990, relativement à la création d’une zone à protéger, correspondant au site patrimonial du Domaine des Pauvres.
[53] L’article
138. Toute personne doit se conformer aux conditions relatives à la conservation des valeurs patrimoniales d’un site patrimonial cité, auxquelles le conseil peut l’assujettir et qui s’ajoutent à la réglementation municipale, notamment celle adoptée en vertu de l’article 150, lorsque dans un site patrimonial:
1° elle érige une nouvelle construction;
2° elle modifie l’aménagement et l’implantation d’un immeuble, le répare ou en modifie de quelque façon l’apparence extérieure;
3° elle procède, même à l’intérieur d’un bâtiment, à l’excavation du sol, sauf si l’excavation a pour objet de creuser pour une inhumation ou une exhumation sans qu’aucun des actes mentionnés à l’un des paragraphes 1º et 2º ne soit posé;
4° elle fait un nouvel affichage ou modifie, remplace ou démolit une enseigne ou un panneau-réclame.
[54] La Loi prévoit aussi que le conseil peut établir des orientations :
143. Aux fins de guider l’application des articles 136 à 139 et 141, le conseil peut établir, pour un bien patrimonial cité, ses orientations en vue de la préservation, de la réhabilitation et, le cas échéant, de la mise en valeur de ce bien en fonction de sa valeur patrimoniale et de ses éléments caractéristiques.
144. Avant d’établir ses orientations ou de les mettre à jour, le conseil prend l’avis du conseil local du patrimoine et demande au propriétaire de l’immeuble ou du site patrimonial cité de lui faire part de ses observations.
[55] Saint-Augustin n’a pas établi d’orientations. Non plus, elle a attribué de valeur patrimoniale au Lot.
[56] Après avoir demandé l’avis au Conseil du patrimoine, ce dernier a demandé au Conseil municipal de voir à régler la problématique du Lot. Il appert que Saint-Augustin n’a rien fait. Par ailleurs, le maire Juneau, lors de l’assemblée de septembre 2019, avait déclaré que les parties devraient s’asseoir et voir si quelque chose pouvait être fait pour essayer de minimiser, mitiger, diminuer le préjudice. Or, Saint-Augustin n’a pas donné suite à cette déclaration. De plus, des courriels ont été transmis afin de tenir une rencontre[40]. Saint‑Augustin n’a pas donné suite à la demande de rencontre.
[57] À la suite de la dernière demande de permis de construction, laquelle a été refusée, Saint-Augustin a requis l’avis d’une architecte concernant le projet de construction[41]. Bouffard et Lajoie ont appris l’existence de cet avis quelques jours avant l’instruction, soit lors de la transmission de la pièce, après l’introduction de la Demande introductive d’instance.
[58] À la lecture de la réglementation, le Tribunal conclut que Saint-Augustin, dépourvue devant la demande de permis de construction formulée, parce que n’ayant établi aucun véritable critère permettant d’octroyer ou non un permis de construction pour une résidence unifamiliale sur le site du Domaine des Pauvres, requiert l’avis de l’architecte.
[59] Ainsi, la réglementation donne une discrétion au Conseil parce que les critères sont imprécis. En raison de cette situation, les Bouffard-Lajoie ne peuvent comprendre de quelle manière le projet de construction va être analysé et sur quelle base. L’analyse laisse donc place à l’arbitraire.
[60] Le mandat de l’architecte, une spécialiste du domaine patrimonial, selon ce qu’elle représente dans l’avis, est d’analyser et d’émettre un avis sur l’adéquation entre le projet soumis et les exigences patrimoniales répondant aux objectifs de la citation du Domaine des Pauvres et à la réglementation afférente. La lecture de l’avis convainc le Tribunal que sa recommandation principale est de ne permettre aucune construction sur le Lot parce que cela nuirait à la cohérence de l’ensemble et à la compréhension du site patrimonial[42].
[61] Ainsi, comme constat général, l’architecte écrit :
Suite à l’étude du site, et à la lumière des exigences patrimoniales et des objectifs de la citation du Domaine des Pauvres, il nous semble peu avisé d’autoriser une construction sur le terrain, soit sur le Lot. La construction d’un bâtiment au cœur du triangle formé par la grange, le calvaire et le cottage de style « Regency » nuirait à la cohérence de l’ensemble et à la compréhension du site patrimonial. Ce bâtiment serait très certainement en covisibilité avec les bâtiments patrimoniaux, et ce depuis plusieurs points de vue, ce qui aurait pour effet d’altérer l’aspect et le caractère du site. C’est pourquoi nous recommandons à la municipalité de Saint-Augustin-de-Desmaures de ne pas autoriser de construction sur le Lot[43].
[62] Ensuite, si la municipalité souhaitait tout de même permettre de construire une résidence familiale, l’architecte effectue quelques recommandations pour une intégration au sein du site patrimonial[44] :
8.2 Relation avec les bâtiments du Domaine-des-Pauvres
Considérant la relation entre le calvaire, la maison Couture et la grange, la nouvelle construction devrait chercher à éviter d’être en covisibilité avec l’un ou l’autre des bâtiments pour ne pas nuire à la cohérence du site patrimonial et à sa lecture.
Malgré la présence de la station de pompage, il serait à propos d’implanter la nouvelle résidence suffisament (sic) en retrait du chemin pour que la façade latérale ouest de la maison Couture demeure visible depuis le calvaire (figure 30). Pour cela, la façade avant de la nouvelle construction devrait être au moins à l’alignement de la façade arrière de la maison Couture. La municipalité doit néanmoins être consciente que cela peut nuire au sentiment d’intimité des occupants de la maison Couture et qu’une ou plusieurs dérogations mineures seraient requises.
Ainsi, cette implantation en retrait peut permettre de dissimuler la nouvelle maison derrière la maison Couture depuis l’est sur le rang des Mines, de la même façon que la rangée d’arbres le long de la ligne de lot latérale droite (est) du 222 dissimule cette résidence (figure 14).
8.3 Percées visuelles et paysages
Tel que mentionné précédemment, il est certain que quelque construction que ce soit aura pour conséquence de bloquer, au moins en partie, la percée visuelle sur les champs et le mont Bélair qui existe présentement. La nouvelle construction peut néanmoins contribuera maintenir le caractère paysager historique en protégeant les haies brise-vent, les cours avant et les bois.
Nous recommandons la plantation d’une nouvelle rangée d’arbres vis-à-vis la maison, le long de la ligne de lot, de façon à créer une haie brise-vent entre le terrain du [...]. La plantation d’une haie brise-vent en pendant, de l’autre côté du terrain, peut aussi s’avérer bénéfique pour bien distinguer la nouvelle propriété des bâtiments avoisinants.
Choisir des essences forestières indigènes et respecter les aménagements en place. Éviter les aménagements paysagers de type urbain tels que les murets en blocs de béton, les surfaces en pavé de béton et les surfaces asphaltées.
8.4 Langage architectural
Favoriser une nouvelle construction qui s’inspire des caractéristiques historiques du milieu et qui contribue à la continuité visuelle du cadre bâti. Choisir des matériaux traditionnels, tels que la brique rouge, le bardeau de cèdre ou les revêtements de planches de bois. Il ne s’agit pas d’imiter les bâtiments existants, mais de viser une intégration harmonieuse par la prise en compte des caractéristiques qui donnent sa valeur patrimoniale au Domaine-des-Pauvres.
Privilégier des volumes semblables à ceux des bâtiments du milieu d’insertion. Privilégier l’utilisation de plans simples, dont des plans carrés ou rectangulaires, sans décrochés ni retrait. Utiliser des toitures aux formes simples, sans décrochés. Privilégier l’ajout de volumes secondaires au corps principal plutôt que l'utilisation de décrochés au volume principal. Favoriser l’utilisation d’éléments de transition entre les espaces intérieurs et extérieurs tels que des galeries.
Privilégier l’utilisation d’un seul type de porte et de fenêtre. Favoriser un alignement vertical des ouvertures d’un étage à l’autre et l’alignement de la partie supérieure des ouvertures sur un même étage.
Les fondations ne doivent pas posséder une partie visible hors sol trop importante.
Pour les couleurs, respecter les principes traditionnels. Limiter à trois le nombre de couleurs et de matériaux par bâtiment. Privilégier une couleur claire pour les murs et contrastante pour l’ornementation. La palette choisie doit s’harmoniser avec le paysage architectural du rang des Mines. Privilégier les toitures en tôle, ou sinon un matériau avec une couleur foncée.
Privilégier un garage détaché sobre, sans saillie ni ornementation élaborée. Privilégier l’implantation d’un garage de façon à ce que sa ligne faîtière soit parallèle à celle du bâtiment principal. Favoriser un gabarit de dimension nettement inférieure à celui du bâtiment principal.
8.5 Implantation et emprise au sol
En général, il est bien avisé de choisir une implantation de la façade principale comparable à celle des bâtiments voisins, en respectant l’alignement ainsi que les marges latérales et arrière.
Ceci dit, dans ce cas particulier, il peut être à propos de reculer la nouvelle construction suffisamment pour dissimuler celle- ci depuis les points de vue à l’est et à l’ouest et empêcher les covisibilités. Voir 7.2. La marge latérale droite (est) doit être suffisamment large pour ne pas donner l’impression que la nouvelle construction est trop proche de la maison Couture et ne pas nuire à la préservation de son caractère de maison de ferme.
Pour ce faire, nous recommandons d’implanter la nouvelle maison à 2 m de la ligne de lot du côté ouest, soit au minimum permis du côté opposé à la maison Couture. Cette marge peut être un peu plus grande si les propriétaires désirent planter une seconde haie brise-vent de ce côté, pour faire pendant à celle que nous recommandons le long de la ligne de lot ouest. Voir 7.3.
8.6 Gabarit
Favoriser la construction de maisons dont la hauteur et le volume sont semblables à la hauteur et au volume des maisons existantes du secteur. Nous recommandons de limiter la hauteur de la maison proposée à un étage et demi. Il serait même préférable d’opter pour un profil bas, de plan rectangulaire et implanté selon un axe est-ouest, à l’instar de la résidence contemporaine sise au [...], et de la maison Couture.
[63] Suivant le libellé du Règlement 595 quant à l’article 6, le caractère propre du Lot est, en fait, qu’il soit vacant.
[64] De plus, après lecture, examen des photographies et des documents effectuant l’historique du calvaire, de la Maison Couture et du Domaine des Pauvres, le Tribunal ne peut se résoudre à conclure qu’une résidence unifamiliale pourrait être construite sur le Lot, autant en raison de la localisation des biens composant le Domaine des Pauvres qu’en raison de leur proximité par rapport au Lot[45]. Le Lot est au centre du triangle formé par les biens patrimoniaux, au cœur du site patrimonial.
[65] La lecture de la documentation permet de constater que ce lieu existe depuis 1850, pour le calvaire, et 1739, pour la Maison Couture. Quant aux vestiges de la Chapelle, dont la grange est assise sur leurs murs, cette grange est située à proximité de la Maison Couture.
[66] Or, étant consciente depuis bien des années de l’existence du Domaine des Pauvres, Saint-Augustin réagit en juillet 2019, après avoir autorisé la subdivision du lot de Couture et signé la demande logée à la Commission concernant le permis de construction.
[67] En fait, ce qui ressort du refus de la demande de permis de construction inclus à la résolution 2021-315[46], des motifs du Conseil du patrimoine[47] et de l’avis de l’architecte[48], c’est que la construction sur le Lot est refusée parce qu’elle aurait pour effet de nuire à la cohérence, soit à l’ensemble du site patrimonial, cette construction étant située au cœur d’un triangle composé de la grange, du calvaire et de la Maison Couture.
[68] La Loi prévoit un pouvoir d’expropriation aux municipalités :
147. Une municipalité peut, par règlement de son conseil:
1° prescrire la communication par toute personne de renseignements ou documents aux fins de permettre l’application des articles 137 à 139 et 141;
2° prescrire le paiement de frais pour la délivrance d’une autorisation prévue à l’article 141.
Lorsqu’il s’agit d’un règlement d’une municipalité régionale de comté, le greffier-trésorier de celle-ci doit en transmettre une copie à la municipalité locale. Cette dernière est responsable de l’application du règlement. Dans les plus brefs délais, elle transmet à la municipalité régionale de comté tout renseignement ou document qui lui a été communiqué et lui remet tous frais perçus.
[69] Saint-Augustin a choisi d’inclure le Lot dans le site patrimonial du Domaine des Pauvres au lieu d’exercer son pouvoir d’expropriation. Agissant ainsi, elle exproprie le Lot, de façon déguisée, puisque l’effet des règlements est de retirer tout usage du Lot, voire l’exercice du droit de propriété.
[70] Concernant les recommandations de l’architecte soumises s’il advenait que Saint‑Augustin décide de maintenir la possibilité de construire une résidence familiale, malgré son constat général de ne pas autoriser de construction sur le Lot, rappelons que ces recommandations n’avaient pas été élaborées lors de la demande de permis de SBFD. Le Tribunal souligne que ces recommandations ne sont pas des critères édictés par le conseil.
[71] Aussi, après examen des recommandations de l’architecte, le Tribunal est d’avis que ces recommandations sont si sévères, particulières, restreintes et nombreuses, qu’elles sont de nature à annihiler le droit de propriété.
[72] Le Lot étant vacant, cette situation où une construction ne peut être érigée, anéantit la possibilité d’utiliser le Lot, alors que le Lot était destiné à un usage résidentiel et acquis dans le but d’ériger une résidentielle familiale.
[73] Les contraintes imposées sont prohibitives, elles privent SBFD de construire et d’une utilisation raisonnable du Lot.
[74] La preuve convainc le Tribunal qu’il y a expropriation déguisée.
LES DOMMAGES
[75] En raison de la conclusion du Tribunal, les demandeurs sont en droit d’être indemnisés conformément à l’article
[76] L’indemnité accordée à SBFD est établie en tenant compte de l’entièreté de la perte[49] :
43 Que l'indemnité qui sera accordée au justiciable qui se voit dépossédé de sa propriété soit établie en tenant compte de l'entièreté de sa perte va de soi: l'article
[77] L’évaluation doit être sous l’angle le plus avantageux pour l’exproprié[50].
L’IMMEUBLE
[78] Le rapport d’expertise de Frédéric Poulin[51] établit la valeur du lot à 138 000 $.
[79] Saint-Augustin produit l’expertise de Laleu. Il établit la valeur à 95 000 $.
[80] À l’audience, l’expert de la municipalité dira ne pas avoir été informé que SBFD avait reçu une offre d’achat ni que ses services étaient retenus dans le cadre d’un dossier d’expropriation déguisée.
[81] Le Tribunal estime qu’il y a lieu de retenir la valeur octroyée par Poulin, soit 138 000 $, en raison d’une meilleure connaissance de la situation du Lot et de l’histoire. Le témoignage de cet expert est crédible.
[82] La valeur retenue sera de 138 000 $. SBFD est en droit de recevoir une indemnité en fonction de l’évaluation la plus avantageuse à l’exproprié[52].
LES FRAIS DE RECHERCHE DE SUBSTITUTS
[83] Il s’agit de frais de recherche pour retrouver une propriété similaire.
[84] Bouffard soumet qu’il s’agit de frais de courtier immobilier, du temps qu’il devrait investir dans ces démarches et qu’il n’investira pas dans SBFD et des droits de mutation qui devront à nouveau être payés.
[85] Une somme de 11 486 $ est demandée, conformément à l’analyse de l’expert Poulin.
[86] La preuve ne soutenant pas que de tels frais seront requis de SBFD, le Tribunal ne fera pas droit à cette demande.
FRAIS ENGAGÉS POUR LE PROJET DE CONSTRUCTION
[87] Des frais de 1 941,78 $ seront octroyés. Ces frais comprennent les frais engagés pour l’acquisition du terrain (815 $), la reconnaissance du droit acquis résidentiel (75 $), les frais de plan d’arpentage (287,44$), le permis pour la coupe d’arbres (40 $) et la coupe d’arbres (724,34 $)[53].
[88] De plus, des frais de 4 580,79 $, engagés dans le cadre de la deuxième demande de permis de construction seront octroyés[54].
PRÉJUDICE MORAL, STRESS, TROUBLES, ENNUIS ET INCONVÉNIENTS
[89] À ce titre, Bouffard réclame 14 000$.
[90] Il ressort de la preuve que Bouffard a dû faire des démarches précipitées pendant les vacances de l’été 2019. Devant la situation, le Tribunal est convaincu qu’il n’est pas parti en vacances, en paix.
[91] L’inclusion du Lot dans le site patrimonial a assurément occasionné un stress à Bouffard, ce dernier ayant rêvé de l’acquisition d’un lot dans le rang de Mines, en raison du lieu, de la vue sur les montagnes et investi des sommes. Devant la situation, il risquait de tout perdre.
[92] De plus, la preuve révèle que cette histoire a mené à la séparation du couple Bouffard-Lajoie. Cette séparation l’a affecté tel qu’il appert de son témoignage.
[93] Bouffard raconte avoir passé beaucoup de temps à réviser les documents avec Lajoie, rencontrer l’expert et ses avocats dans le cadre de procédure.
[94] Après analyse de la situation, le Tribunal accorde 5 000 $ à Bouffard.
LES TAXES MUNICIPALES
[95] SBFD demande le remboursement des taxes municipales depuis le 22 novembre 2019.
[96] Le Tribunal fera droit à la demande de SBFD. Il y aura remboursement des taxes municipales acquittées sur le Lot, puisqu’un propriétaire étant l’objet d’une expropriation déguisée a droit au remboursement de ses taxes municipales depuis le moment de cette expropriation[55].
[97] Bien que SBFD ait soumis une deuxième demande de permis de construction, le Tribunal, après examen de la preuve, estime, dès le 22 novembre 2019, qu’il y avait concrétisation de l’expropriation déguisée.
[98] Le Tribunal fera droit à la demande de SBFD. Il y aura remboursement des taxes municipales acquittées sur le Lot, à partir du 22 novembre 2019.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[99] ACCUEILLE la demande;
[100] DONNE ACTE de l’offre de SBFD Inc. de céder à Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, bon et valable titre sur la propriété connue et désignée comme étant le lot [1] du cadastre du Québec, circonscription foncière de Portneuf;
[101] DÉCLARE Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures unique propriétaire du lot numéro [1] du cadastre du Québec, circonscription foncière de Portneuf en date du 22 novembre 2019;
[102] CONDAMNE Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures à payer à SBFD Inc. la somme de 138 000$, pour l’expropriation déguisée du lot numéro [1] du cadastre du Québec, circonscription foncière de Portneuf, avec intérêt au taux légal et une indemnité additionnelle prévue à l’article
[103] CONDAMNE Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures à payer à SBFD Inc. la somme de 6 522,57 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité, à compter de la demeure;
[104] CONDAMNE Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures à rembourser à SBFD Inc. les taxes municipales acquittées sur le lot numéro [1] du cadastre du Québec, circonscription foncière de Portneuf depuis le 22 novembre 2019;
[105] CONDAMNE Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures à payer à Simon Bouffard la somme de 5 000 $ à titre de préjudice moral, stress, troubles, ennuis et inconvénients, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle, à compter de la demeure;
[106] Avec les frais de justice incluant les frais d’expertise.
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| FRANCE BERGERON, j.c.s. | |
Me Audrey-Anne Béland | Casier 12 | |
BCF S.E.N.C.R.L. | ||
Avocats des demandeurs | ||
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Me Benjamin Bolduc Me Pierre Laurin | Casier 4 | |
TREMBLAY BOIS MIGNAULT LEMAY S.E.N.C.R.L. | ||
Avocats de la défenderesse | ||
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[1] Par résolution du conseil de ville de Saint-Augustin, cette maison est dénommée Maison Couture.
[2] RLRQ, c. P-9.002.
[3] Au moment de l’audience, Bouffard et Lajoie ont cessé la vie commune. Lajoie dira que c’est en raison des événements au soutien de la procédure.
[4] Pièce P-3. En liasse, copie de l’index aux immeubles de l’ancien lot [4] et du plan des lots.
[5] Pièce P-2. En liasse, copie de l’acte de vente passé devant Me Émilie Brassard, notaire, sous le numéro 2990 de ses minutes et de l’index aux immeubles.
[6] Pièce P-5. Copie du plan préparé par Yannick Le Moignan, arpenteur-géomètre sous le numéro 853 de ses minutes.
[7] Pièce P-5.
[8] Pièce P-7. Copie de l’avis de conformité émis le 22 mai 2019 par la Commission de protection du territoire agricole du Québec.
[9] Pièce P-5.1. Demande de permis numéro 2019-00088 du 29 mars 2019.
[10] Pièce P-4. Copie du formulaire de déclaration d’exercice d’un droit à la Commission de protection du territoire agricole du Québec.
[11] Pièce P-37. Courriel de la CPTAQ.
[12] Pièce P-6. Copie du certificat d’autorisation no. 2019-00202 émis le 17 mai 2019.
[13] P-7, préc., note 8.
[14] Pièce P-35. En liasse, promesse d’achat du 12 juillet 2019, annexes et déclaration du vendeur.
[15] Pièce P-36. Contre-proposition à une promesse d’achat.
[16] Pièce P-8. Copie du procès-verbal de la séance extraordinaire du 24 juillet 2019 (résolution 2019-268).
[17] Pièce P-34. Enregistrement vidéo de la séance du conseil municipal du 25 juillet 2019.
[18] Pièce P-32. Courriel de Simon Bouffard à Sylvain Juneau, Yannick Lebrasseur et Dany Cloutier en date du 31 juillet 2019.
[19] Pièce P-9. Copie du procès-verbal de la séance extraordinaire du 1er août 2019.
[20] Pièce P-11. Copie de la lettre de la sous-ministre de la Culture et des Communications datée du 12 août 2019.
[21] Pièce P-12. Copie du procès-verbal de la séance ordinaire du 27 août 2019.
[22] Pièce P-13. Copie du procès-verbal de la séance extraordinaire du 3 septembre 2019.
[23] Pièce P-14. En liasse, copie de la mise en demeure transmise le 9 septembre 2019 et de sa preuve de signification.
[24] Pièce P-15.
[25] Pièce P-16. Copie du procès-verbal de la réunion du conseil local du patrimoine du 11 septembre 2019; pièce P-16.1. Copie de la présentation PowerPoint présentée lors de la réunion du conseil local du patrimoine du 11 septembre 2019.
[26] Pièce P-17. Copie du procès-verbal de la séance ordinaire du 17 septembre 2019.
[27] Pièce P-18. En liasse, copie des Règlement no 2019-596, Règlement no 2019-597 et Règlement 2019-598.
[28] Pièce P-26. Enregistrement vidéo de la séance du conseil du 17 septembre 2019.
[29] Id.
[30] Pièce P-19. Copie du procès-verbal de la séance ordinaire du 19 novembre 2019.
[31] Id.
[32] Pièce P-27. Réponse à la demande d’accès à l’information en date du 28 août 2020.
[33] Pièce D-2. Demande de permis de construction en date du 26 janvier 2021 (en liasse).
[34] Pièce P-30. Résolution 2021-315 du 6 juillet 2021.
[35] Loi sur l’expropriation, RLRQ, c E-24.
[36] Ville de Lorraine et Municipalité régionale de comté de Thérèse de Blainville c. 2646 8926 Québec inc. et Communauté métropolitaine de Montréal et Association des professionnels de la construction et de l’Habitation du Québec inc.,
[37] Ville de Québec c. Rivard,
[38] Wallot c. Ville de Québec.
[39] Ville de Léry c. Procureure générale du Québec.2019 QCCA 1375, par. 17.
[40] Pièce P-23. Copie de l’échange courriel de septembre 2019 avec le maire.
[41] Pièce D-12. Avis professionnel de Marie-Josée Deschênes, architecte, avril 2021.
[42] Id., p. 19.
[43] Pièce D-12, p. 19.
[44] Pièce D-12, pages 19, 20 et 21.
[45] Pièce D-9. Documents utilisés pour établir la valeur patrimoniale du Domaine des Pauvres.
[46] Pièce P-30. Résolution 2021-315 du 6 juillet 2021.
[47] Pièce D-10. PV CLP 2021-05-05.
[48] D-12, préc., note 41.
[49] Ville de Saint-Rémi c. 9120-4883 Québec inc.
[50] Dupras c. Ville de Mascouche.
[51] Pièce P-29. Rapport d’expertise préparé par Frédéric Poulin, DAR de la firme Yvon Poulin et Associés inc. en date du 6 novembre 2020.
[52] Montréal (Ville) c. Benjamin,
[53] Pièce P-21. En liasse, copie de l’état des recettes et débours de l’acquéreur préparé par Notarié inc., de la facture no 2040 de la firme Arpenta inc., de la facture no 26660 de Services d’Arbres Juneau inc. et du chèque no 009 de SBFD inc. en paiement des frais divers acquittés par M. Simon Bouffard pour le terrain; Pièce P-21.1. Copie du détail explicatif du chèque 009.
[54] Pièce P-33. En liasse, factures et reçus des montants engagés dans le cadre de la préparation de la demande de permis de construction; Pièce P-33.1. En liasse, preuve de remboursement des montants de SBFD inc. à Marie-Ève Lajoie.
[55] Préc. 52, par. 94 à 99.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.