Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Autorité des marchés financiers c. Ordre des comptables professionnels agréés du Québec

2024 QCCA 1500

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-029792-215, 500-09-029795-218

(500-17-104171-189)

 

DATE :

12 novembre 2024

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

JULIE DUTIL, J.C.A.

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

 

No : 500-09-029792-215

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

APPELANTE/INTIMÉE INCIDENTE – mise en cause

c.

 

ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC

INTIMÉ/APPELANT INCIDENT demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

MIS EN CAUSE – défendeur

______________________________________________________________________

 

No : 500-09-029795-218

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

APPELANT/INTIMÉ INCIDENT – défendeur

c.

 

ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC

INTIMÉ/APPELANT INCIDENT demandeur

et

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

MISE EN CAUSE – mise en cause

 

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 18 octobre 2021 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Marc St-Pierre)[1], lequel accueille la demande --amendée de pourvoi en contrôle judiciaire de l’intimé l’Ordre des comptables professionnels agréés, et déclare l’article 17.0.1 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[2] inapplicable à ses membres.

[2]                Pour les motifs du juge Beaupré, auxquels souscrivent les juges Dutil et Vauclair, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE les appels, avec les frais de justice;

[4]                REJETTE les appels incidents, avec les frais de justice;

[5]                INFIRME le jugement de la Cour supérieure;

[6]                REJETTE la demande ré-ré-amendée de pourvoi en contrôle judiciaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés, avec les frais de justice.

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

 

 

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

Me Carl Souquet

Me François Lavigne-Massicotte

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Pour l’Autorité des marchés financiers

 

Me Karl Delwaide

Me Érik Morissette

Me Amélya Garcia

Me Marc André Boucher

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

Pour l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec

 

Me Mario Normandin

Me Francis Durocher

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Pour le Procureur général du Québec

 

Me Abdoul Karim Thiaw

SOUS-MINISTÉRIAT DES AFFAIRES JURIDIQUES

Pour le Procureur général du Québec

 

Date d’audience :

24 janvier 2023


 

 

MOTIFS DU JUGE BEAUPRÉ

 

 

[7]                Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 18 octobre 2021 par la Cour supérieure (l’honorable Marc St-Pierre)[3], lequel accueille la demande de pourvoi en contrôle judiciaire (« le pourvoi ») de l’Ordre professionnel intimé (« l’Ordre ») et déclare l’article 17.0.1 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[4] LESF ») inapplicable à ses membres (les « CPAs »).

[8]                Le juge retient l’un des arguments de l’Ordre et conclut essentiellement, d’une part, que cette disposition porte atteinte au droit au respect de la vie privée reconnu aux clients des CPAs par l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[5] (la « Charte ») et, d’autre part, que l’appelant Procureur général du Québec (le « PGQ ») n’a pas démontré que cette atteinte est justifiée suivant l’article 9.1 de la Charte.

[9]                Les appelants proposent que ces conclusions sont entachées d’erreurs révisables.

[10]           L’Ordre estime au contraire qu’elles sont à l’abri de toute intervention. Néanmoins, par ses appels incidents dans chacun des dossiers, il reproche au juge d’avoir erré en rejetant les autres arguments de nature quasi constitutionnelle et constitutionnelle qu’il lui avait soumis au soutien de son pourvoi, sur lesquels je reviendrai plus loin.

[11]           Au final, je suis d’avis d’accueillir les appels principaux et de rejeter les appels incidents.

[12]           Une brève revue du contexte sera d’abord utile à la compréhension du dispositif que je propose et des raisons qui le sous-tendent. À cette fin, je référerai au fil du propos à certaines dispositions législatives ou réglementaires, plutôt que d’y arriver lors de l’analyse des questions litigieuses.

1-     Contexte

[13]           L’Ordre, un ordre professionnel au sens du Code des professions[6] (« CP »), est constitué en vertu de la Loi sur les comptables professionnels agréés[7] (« LCPA »). Il a pour principale fonction d’assurer la protection du public[8].

[14]           L’article 26 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[9] interdit par ailleurs au CPA de prêter son concours à la préparation de documents qu’il sait ou devrait savoir contenir des informations erronées ou fallacieuses :

26. Le comptable professionnel agréé ne doit pas préparer, produire ni signer des déclarations, des lettres, des attestations, des opinions, des rapports, des exposés, des états financiers, des avis ou tout autre énoncé ou document, par complaisance ou alors qu’il sait ou devrait savoir:

1°soit qu’ils contiennent des informations fausses ou trompeuses;

2°soit qu’ils omettent ou dissimulent des informations dont l’omission ou la dissimulation est de nature à induire en erreur;

3°soit qu’ils contiennent des informations non conformes aux lois, aux règles de l’art ou aux normes applicables.

De la même façon, il ne doit pas non plus s’associer à de tels énoncés ou documents.

[Soulignements ajoutés]

[15]           L’Autorité des marchés financiers (« l’AMF ») est une personne morale de droit public dont la mission comporte notamment de veiller à la protection du public dans le domaine des produits et des services financiers; plusieurs des fonctions et pouvoirs dont le législateur l’a investie dans la LESF le reflètent, dont les suivants :

CHAPITRE II

SECTION I

MISSION

4. L’Autorité a pour mission de:

 […]

 veiller à ce que les institutions financières et autres intervenants du secteur financier respectent les normes de solvabilité qui leur sont applicables et se conforment aux obligations que la loi leur impose en vue de protéger les intérêts des consommateurs de produits et utilisateurs de services financiers et prendre toute mesure prévue à la loi à ces fins;

 […]

 assurer l’encadrement des activités de bourse et de compensation et l’encadrement des marchés de valeurs mobilières en administrant notamment les contrôles prévus à la loi relativement à l’accès au marché public des capitaux, en veillant à ce que les émetteurs et les autres intervenants du secteur financier se conforment aux obligations qui leur sont applicables et en prenant toute mesure prévue à la loi à ces fins;

4.1° […];

  […].

SECTION II

FONCTIONS ET POUVOIRS

7. L’Autorité est chargée d’exercer les fonctions et pouvoirs qui lui sont attribués par les lois énumérées à l’annexe 1 ou par d’autres lois et d’administrer toutes les lois ou dispositions d’une loi dont la loi ou le gouvernement lui confie l’administration.

L’Autorité agit également à titre de centre de renseignements et de référence dans tous les domaines du secteur financier.

Elle exerce de plus les fonctions et pouvoirs que lui attribue la présente loi.

8. L’Autorité exerce ses fonctions et pouvoirs de manière:

 à favoriser la confiance des personnes et des entreprises à l’égard des institutions financières et autres intervenants du secteur financier quant à leur solvabilité et à l’égard de la compétence des agents, des conseillers, des courtiers, des représentants et des autres intervenants qui oeuvrent dans le secteur financier;

 […]

 à assurer la mise en place d’un cadre réglementaire efficace favorisant le développement du secteur financier et permettant l’évolution des pratiques de gestion et des pratiques commerciales dans ce secteur;

 à donner aux personnes et aux entreprises un accès à une information fiable, exacte et complète sur les institutions financières et autres intervenants du secteur financier et sur les produits et services financiers offerts;

 à assurer la protection du public contre les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses et à donner accès aux personnes et aux entreprises lésées à divers modes de règlement de différends.

[Soulignements ajoutés]

[16]            Cela étant, le 13 juin 2018, l’Assemblée nationale adopte la Loi visant principalement à améliorer l'encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d'argent et le régime de fonctionnement des institutions financières[10] (la « Loi de 2018 »). Cette loi introduit notamment, dans la LESF, des dispositions visant la protection des personnes qui prennent l’initiative de communiquer certains renseignements à l’AMF. Parmi ces dispositions, que je reprends ici intégralement, l’article 17.0.1 est au coeur du présent litige :

SECTION II

PROTECTION DES DÉNONCIATEURS

17.0.1. Toute personne qui souhaite faire une dénonciation communique à l’Autorité tout renseignement qui, selon cette personne, peut démontrer qu’un manquement à une loi visée à l’article 7 a été commis ou est sur le point de l’être ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel manquement.

La personne qui effectue la dénonciation d’un tel manquement peut le faire malgré la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (chapitre P-39.1), toute autre restriction de communication prévue par d’autres lois du Québec, toute disposition d’un contrat ou toute obligation de loyauté ou de confidentialité pouvant la lier, notamment à l’égard de son employeur ou de son client.

Toutefois, la levée du secret professionnel autorisée par le présent article ne s’applique pas au secret professionnel liant l’avocat ou le notaire à son client.

17.0.2. L’Autorité doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’assurer que l’anonymat de la personne qui a effectué une dénonciation soit préservé. Elle peut toutefois communiquer l’identité de cette personne au directeur des poursuites criminelles et pénales ou à une autre autorité compétente.

17.0.3. Lorsqu’une personne effectue auprès de l’Autorité une dénonciation qui aurait dû l’être auprès du commissaire à la lutte contre la corruption ou d’une autre autorité compétente, l’Autorité doit informer cette personne de ce fait, à moins qu’il ne soit pas possible pour l’Autorité de communiquer avec cette personne.

17.0.4. Il est interdit d’exercer des mesures de représailles contre la personne qui, de bonne foi, fait une dénonciation à l’Autorité ou contre celle qui collabore à une enquête faite en vertu de la présente loi, ou encore de menacer une personne de mesures de représailles pour qu’elle s’abstienne de faire une dénonciation ou de collaborer à telle enquête.

17.0.5. Pour l’application de la présente section, sont présumées être des mesures de représailles contre une personne, sa rétrogradation, sa suspension, son congédiement ou son déplacement ainsi que toute sanction disciplinaire ou autre mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail.

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[17]           Le 18 juillet 2018, l’Ordre introduit son pourvoi et demande à la Cour supérieure de déclarer l’article 17.0.1 de la LESF l’article 17.0.1 ») nul, inconstitutionnel, sans effet et inopérant à l’égard de ses membres. Il recherche également le sursis de son application dans l’attente du jugement au fond, ce qui lui est refusé[11]. Dans la version modifiée de son pourvoi datée du 5 octobre 2021, l’Ordre demande désormais de déclarer l'article 17.0.1 inconstitutionnel, nul, sans effet et inopérant de façon générale.

[18]           L’instruction dure trois jours, les 4, 5 et 6 octobre 2021.

  1. Le jugement entrepris

[19]           Le juge conclut d’abord que le troisième alinéa de l’article 17.0.1 constitue, au sens de l’article 9 de la Charte, une « disposition expresse de la loi » autorisant la levée du secret professionnel des CPAs[12].

[20]           Ensuite, prenant appui sur l’arrêt rendu par la Cour suprême dans Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec[13], il conclut que l’article 17.0.1 porte atteinte au droit au respect de la vie privée que l’article 5 de la Charte reconnaît aux clients des CPAs[14], et ce, en raison de l’attente raisonnable que chacun de ces derniers entretient à l’égard de la confidentialité des informations qu’il communique à son CPA, ou dont ce dernier prend connaissance dans le cadre de la relation professionnelle[15].

[21]           Poursuivant son analyse, le juge conclut que cette atteinte ne satisfait pas le test de justification de l’article 9.1. Pour ce faire, il ne traite pas de l’objectif de la disposition attaquée, limite son propos au fait que l’article 17.0.1 ne constitue pas une atteinte minimale à l’article 5 de la Charte et escamote le critère de la proportionnalité. Ainsi, selon le juge, l’article 17.0.1 n’est pas justifiable en vertu de l’article 9.1 de la Charte au seul motif que la LESF devrait mieux encadrer la divulgation de renseignements à l’AMF par un CPA[16]. Il ajoute que le caractère volontaire, plutôt qu’obligatoire, de la dénonciation par un CPA n’a aucun impact sur le critère de l’atteinte minimale puisque le secret professionnel ne bénéficie pas au comptable, mais à son client[17].

[22]           Quant à savoir si l’article 17.0.1 contrevient à l’article 7 de la Charte canadienne, lequel garantit le droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, le juge répond négativement. Rejetant les deux volets de l’argumentaire de l’Ordre sur cette question, il conclut que l’article 17.0.1 n’est pas imprécis[18] et que le secret professionnel du CPA n’est pas, au contraire du secret professionnel de l’avocat, un principe de justice fondamentale au sens de l’article 7[19].

[23]           Enfin, comme le souligne l’Ordre, les motifs au soutien du jugement entrepris sont muets concernant la preuve d’expert et les 11 déclarations sous serment de CPAs et celle d’un avocat qu’il a invoquées au soutien de ses arguments, et ce, malgré que le juge eût confirmé leur admissibilité en preuve au terme de débats sur objections.

  1. Les questions en litige

[24]           Dans leurs six mémoires au total, les parties soulèvent de part et d’autre plusieurs questions et moyens, interreliés pour plusieurs.

[25]           J’estime que les questions suivantes permettent de les regrouper adéquatement, incluant les précisions que les observations lors de l’audience ont permis d’y apporter. Je place par ailleurs ces questions dans l’ordre logique que les moyens et les observations des parties commandent selon moi :

a)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en ne concluant pas que l’article 17.0.1 porte atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne en raison de son imprécision?

b)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que le troisième alinéa de l’article 17.0.1 constitue une « disposition expresse de la loi » au sens de l’article 9 de la Charte?

c)     dans la négative, cette limitation intrinsèque contenue à l’article 9 de la Charte met-elle l’article 17.0.1 à l’abri du test de justification de l’article 9.1 de la Charte?

d)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en rejetant les objections de l’AMF et du PGQ à l’admissibilité en preuve des sections II et III du rapport Rousseau et des déclarations sous serment de présentées par l’Ordre?

e)     dans la négative, a-t-il commis une erreur révisable en omettant d’analyser cette preuve?

f)       si la limitation intrinsèque contenue au deuxième alinéa de l’article 9 de la Charte ne met pas l’article 17.0.1 à l’abri du test de justification de l’article 9.1, l’article 17.0.1 porte-t-il atteinte au droit du client du CPA au respect du secret professionnel prévu au premier alinéa de l’article 9 et, si oui, satisfait-il le test de justification de l’article 9.1?

g)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que l’article 17.0.1 porte atteinte au droit au respect de la vie privée garanti aux clients des CPAs par l’article 5 de la Charte?

h)     dans la négative, le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que cette atteinte ne satisfait pas le test de justification de l’article 9.1 de la Charte?

i)        le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que l’article 17.0.1 ne porte pas atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanti aux clients des CPAs par l’article 7 de la Charte canadienne?

j)        dans l’affirmative, l’article 17.0.1 est-il justifié en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne?

  1. Analyse

[26]           Comme la Cour l’a souligné dans l’arrêt Donaldson, le législateur a confié à l’AMF, dans l’intérêt public, une mission et un rôle de protection des investisseurs et du public en général, notamment aux fins de l'application de la LESF[20]. 

[27]           Les auteurs reconnaissent par ailleurs que les vérificateurs (ou « auditeurs » suivant l’anglicisme)[21], qualifiés par certains de gardiens (« gatekeepers »), jouent un rôle de premier plan, voire « crucial », dans le bon fonctionnement des marchés financiers, les investisseurs et épargnants étant bien fondés à se fier à leur intégrité et à leur indépendance dans l’exécution de leurs fonctions[22].

[28]           La teneur de l’article 4 de la LCPA permet de confirmer le rôle que les CPAs jouent sur le plan financier et économique, dans l’intérêt public :

4. L’exercice de la profession de comptable professionnel agréé consiste, à l’égard des activités économiques et du patrimoine d’une personne, d’une entreprise ou d’une organisation, sous l’aspect de la comptabilité, du management, de la finance ou de la fiscalité:

 à recueillir et à organiser l’information financière et non financière, à l’analyser, à l’évaluer, à en attester de la conformité ou à la certifier, à la communiquer et à donner des conseils à son sujet;

 à élaborer, à évaluer, à attester de la conformité ou à certifier des politiques, procédures, processus et contrôles liés à la gouvernance, à la stratégie, à la gestion des risques, à les mettre en oeuvre et à donner des conseils à leur sujet.

Ces activités professionnelles ont pour but d’optimiser la performance, la rentabilité et la croissance du patrimoine d’une personne, d’une entreprise ou d’une organisation, de favoriser une saine gouvernance ou la reddition de comptes ou d’accroître la fiabilité de l’information.

Dans le cadre de l’exercice de la profession, l’activité professionnelle réservée au comptable professionnel agréé est la comptabilité publique. Cette activité consiste à:

 exprimer une opinion visant à donner un niveau d’assurance à un état financier ou à toute partie de celui-ci, ou à toute autre information liée à cet état financier; il s’agit de la mission de certification, soit la mission d’audit et la mission d’examen ainsi que l’émission de rapports spéciaux;

 émettre toute forme d’attestation, de déclaration ou d’opinion sur des informations liées à un état financier ou à toute partie de celui-ci, ou sur l’application de procédés d’audit spécifiés à l’égard des informations financières, autres que des états financiers, qui ne sont pas destinés exclusivement à des fins d’administration interne;

 effectuer une mission de compilation qui n’est pas destinée exclusivement à des fins d’administration interne.

Rien dans les premier et deuxième alinéas ne doit porter atteinte aux droits d’un membre d’un autre ordre professionnel dans le domaine qui lui est reconnu par la loi.

[Soulignements ajoutés]

[29]           Ces brefs rappels étant faits, je passe maintenant à l’analyse des questions en litige.

a)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en ne concluant pas que l’article 17.0.1 porte atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne en raison de son imprécision?

[30]           Selon l’Ordre, l’article 17.0.1 est imprécis au sens constitutionnel du terme parce qu’il ne fournit pas aux clients des CPAs un « avertissement raisonnable ». Ces derniers, précise l’Ordre, ignorent en effet si, quand et comment le CPA dénoncera à l’AMF un renseignement qui, selon lui, peut démontrer qu’un manquement à une loi visée à l’article 7 de la LESF a été commis ou est sur le point de l’être, ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel manquement.

[31]           L’argument ne convainc pas.

[32]           Certes, la règle de la nullité d’une disposition législative pour cause d’imprécision est un élément essentiel d’une société fondée sur les règles de justice fondamentale, une valeur enchâssée dans l’article 7 de la Charte canadienne[23]. Cette règle est par ailleurs fondée sur deux principes : « une loi doit donner aux citoyens un avertissement raisonnable et elle doit limiter le pouvoir discrétionnaire de ceux qui sont chargés de son application »[24].

[33]           Cela étant, pour déterminer si une loi souffre d’imprécision au sens constitutionnel du terme, le décideur doit se demander « si le législateur a formulé une norme intelligible sur laquelle le pouvoir judiciaire doit se fonder pour exécuter ses fonctions »[25]. La précision requise d’un texte de loi n’implique toutefois pas une certitude quant au résultat de son application, pas plus qu’elle n’impose l’élimination de toute ambiguïté[26]. Le seuil au-delà duquel une disposition législative pourra être considérée constitutionnellement imprécise, donc nulle, est en conséquence exigeant :

Une disposition imprécise ne constitue pas un fondement adéquat pour un débat judiciaire, c'est-à-dire pour trancher quant à sa signification à la suite d'une analyse raisonnée appliquant des critères juridiques. Elle ne délimite pas suffisamment une sphère de risque et ne peut donc fournir ni d'avertissement raisonnable aux citoyens ni de limitation du pouvoir discrétionnaire dans l'application de la loi. Une telle disposition n'est pas intelligible, pour reprendre la terminologie de la jurisprudence de notre Cour, et ne donne par conséquent pas suffisamment d'indication[s] susceptible[s] d'alimenter un débat judiciaire. Elle ne donne aucune prise au pouvoir judiciaire. C'est là une norme exigeante, qui va au-delà de la sémantique. [27]

[Soulignements ajoutés]

[34]           En l’espèce, j’estime que le libellé de l’article 17.0.1 n’est pas imprécis; je ne vois pas en quoi il est inintelligible au point de ne pas offrir un encadrement suffisant à un débat judiciaire quant à sa signification.

[35]           En effet, on en comprend aisément qu’il autorise tout professionnel, sauf l’avocat et le notaire, à communiquer à l’AMF, malgré le secret auquel il est tenu, un renseignement pouvant, à son avis, démontrer qu’un manquement à l’une des lois énoncées à l’article 7 de la LESF a été commis ou est sur le point de l’être, ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel manquement. La conduite autorisée et les fins pour lesquelles elle l’est sont claires.

[36]           Rien donc dans cette disposition qui ne soit inintelligible pour le client du CPA ou pour le pouvoir judiciaire. Conclure autrement risquerait au surplus d’ouvrir la porte à des demandes de déclaration d’inconstitutionnalité, au motif d’imprécision, de dispositions législatives offrant une protection aux lanceurs d’alerte dans plus d’un domaine d’activités.

b)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que le troisième alinéa de l’article 17.0.1 constitue une « disposition expresse de la loi » au sens de l’article 9 de la Charte?

[37]           L’article 9 de la Charte prévoit ce qui suit :

9. Chacun a droit au respect du secret professionnel.

Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi.

Le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel.

[Soulignements ajoutés]

[38]           Je rappelle par ailleurs le texte de l’article 17.0.1, particulièrement celui de ses deuxième et troisième alinéas :

PROTECTION DES DÉNONCIATEURS

17.0.1. Toute personne qui souhaite faire une dénonciation communique à l’Autorité tout renseignement qui, selon cette personne, peut démontrer qu’un manquement à une loi visée à l’article 7 a été commis ou est sur le point de l’être ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel manquement.

La personne qui effectue la dénonciation d’un tel manquement peut le faire malgré la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (chapitre P-39.1), toute autre restriction de communication prévue par d’autres lois du Québec, toute disposition d’un contrat ou toute obligation de loyauté ou de confidentialité pouvant la lier, notamment à l’égard de son employeur ou de son client.

Toutefois, la levée du secret professionnel autorisée par le présent article ne s’applique pas au secret professionnel liant l’avocat ou le notaire à son client.

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[39]           Sauf dans le cas du prêtre ou d’un ministre du culte, ce n’est pas l’article 9 de la Charte qui impose le secret aux professionnels et en balise l’application, mais plutôt les lois des diverses professions[28]. Dans le cas du CPA, son obligation de respecter le secret professionnel prend sa source dans l’article 60.4 du CP[29] et dans l’article 39 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[30]. Incidemment, ces deux dispositions, dont la seconde émane de l’Ordre même, confirment elles aussi la possibilité pour législateur de relever le CPA de son secret professionnel au moyen d’une disposition expresse de la loi :

Code des professions

1. Dans le présent code et dans les règlements adoptés sous son autorité, à moins que le contexte n’indique un sens différent, les termes suivants signifient:

[…]

c)      «professionnel» ou «membre d’un ordre» : toute personne qui est titulaire d’un permis délivré par un ordre et qui est inscrite au tableau de ce dernier;

[…]

60.4.  Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession.

Il ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse.

[…]

Code de déontologie des comptables professionnels agréés

39. Le comptable professionnel agréé est tenu au secret professionnel et il ne peut divulguer les renseignements de nature confidentielle qui viennent à sa connaissance dans l’exercice de sa profession, à moins qu’il n’y soit autorisé par son client ou par une disposition expresse de la loi.

Le comptable professionnel agréé doit également faire preuve de discrétion à l’égard de tout renseignement concernant ses clients, qu’un tel renseignement soit ou non protégé par le secret professionnel.

[Soulignement ajouté]

[40]           Cela étant, je suis d’avis que la conclusion du juge selon laquelle l’article 17.0.1 constitue une « disposition expresse de la loi » au sens de l’article 9 de la Charte ne nécessite aucune intervention.

[41]           L’intention législative qui ressort d’une simple lecture combinée des alinéas 2 et 3 de l’article 17.0.1 est limpide : aux fins d’une dénonciation à l’AMF, l’alinéa 3 autorise la levée du secret de tout professionnel autre que l’avocat ou le notaire. Il s’agit là d’une « disposition expresse » dont la finalité ne nécessite aucun exercice d’interprétation et qui parle d’elle-même[31]. L’Ordre en a incidemment rapidement compris les implications en publiant à l’intention de ses membres, dès le 26 juin 2018, ses Lignes directrices temporaires émises par l’Ordre concernant la dénonciation prévue à la Loi sur l’AMF(sic)[32] (les « Lignes directrices »).

c)     dans la négative, cette limitation intrinsèque contenue à l’article 9 de la Charte met-elle l’article 17.0.1 à l’abri du test de justification de l’article 9.1 de la Charte?

[42]           L’Ordre propose d’abord que l’article 17.0.1 porte atteinte au droit des clients des CPAs au respect du secret professionnel consacré par le premier alinéa de l’article 9 de la Charte.

[43]           Cela étant, ajoute l’Ordre, à supposer même que le juge n’ait commis aucune erreur révisable en concluant que l’article 17.0.1 est une « disposition expresse de la loi » au sens du deuxième alinéa de l’article 9, constituant ainsi une dérogation législativement autorisée au droit du client au secret professionnel du CPA, telle dérogation demeure néanmoins assujettie au test de justification de l’article 9.1 de la Charte, lequel édicte ce qui suit :

9.1. Les libertés et droits fondamentaux s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice.[33] 

[44]           Autrement dit, pour l’Ordre, la limitation intrinsèque contenue à l’article 9, alinéa 2, de la Charte ne met pas l’article 17.0.1 à l’abri du test de justification de l’article 9.1. Or, ajoute encore l’Ordre, le juge a commis une erreur de droit en omettant d’examiner cet argument qui lui a pourtant été plaidé.

[45]           Faisant en quelque sorte écho à ce moyen, dans son mémoire, le PGQ reconnaît à mots à peine couverts que le juge n’a pas tenu cet argument de l’Ordre en compte[34] et l’AMF reconnaît dans le sien qu’il ne l’a pas analysé[35].

[46]           Le PGQ et l’AMF y répondent donc à nouveau en appel et proposent que la possibilité que s’est donnée le législateur d’autoriser la levée du secret professionnel au moyen d’une « disposition expresse de la loi » au deuxième alinéa de l’article 9 de la Charte constitue en soi une limitation intrinsèque au droit des clients des CPAs au respect du secret professionnel et qu’en conséquence, l’analyse du test de justification de l’article 9.1 est superflue et non nécessaire.

[47]           J’estime que l’Ordre a raison et que le PGQ et l’AMF ont tort. Ne serait-ce que parce que ladite « limitation intrinsèque » contenue à l’article 9, alinéa 2, de la Charte relève d’un jugement d’opportunité législative, alors que l’article 9.1 permet aux tribunaux de contrôler la légalité de ce jugement en analysant sa justification. Mais il y a plus.

[48]           L’argument du PGQ et de l’AMF repose essentiellement sur un extrait d’un article du professeur Chevrette paru en 1987[36], qu’il est opportun de reproduire ici dans sa composante essentielle :

B. Les droits et libertés assujettis à l’article 9.1

[…]

Quel est l’effet de l’article 9.1 sur les articles 6 (jouissance et libre disposition des biens) et 9 (secret professionnel), qui prévoyaient déjà, l’un que la garantie existait « sauf dans la mesure prévue par la loi », l’autre qu’elle pouvait être écartée « par une disposition expresse de la loi »? Peut-on prétendre que l’article 9.1, qui leur est postérieur, l’emporte sur ces clauses et remplace une discrétion pure et simple du législateur par les critères qu’il établit?

II semble évident que non. En effet, la clarté et le caractère exceptionnel de ces clauses en font des normes spéciales, qui I'emportent sur la norme générale et postérieure de I'article 9.1. […].

Mais cela ne clôt pas le débat, il s’en faut. À l’intérieur même du chapitre I de la Charte, il y a superposition de certaines garanties, les unes ne comportant pas d’autolimitation – sauf celle de l’article 9.1 –, d’autres en comportant. Ainsi une expropriation pourra être rachetée par l’article 6 lui-même, dans la mesure où il s’agit d’une atteinte à la jouissance de biens ʺprévue par la loiʺ, alors même qu’elle ne pourra l’être que par l’article 9.1, eu égard à l’article 8 (respect de la propriété privée) qui ne comporte pas d’autolimitation.[37]

[Soulignements ajoutés, renvois omis]

[49]           Ainsi, prenant appui sur cet extrait, le PGQ et l’AMF avancent que, lorsqu’une atteinte au droit au respect du secret professionnel consacré par l’article 9 est invoquée, mais que le législateur l’a autorisée au moyen d’une « disposition expresse de la loi », comme en l’espèce, l’atteinte n’a pas à être davantage justifiée et l’article 9.1 de la Charte s’en trouve d’aucune utilité.

[50]           Avec égards pour l’opinion contraire, j’estime qu’une atteinte à l’un ou l’autre des droits et libertés reconnus aux articles 1 à 9 de la Charte, serait-elle même mitigée par une limitation intrinsèque, demeure néanmoins assujettie au test de justification de l’article 9.1. Je m’explique.

[51]           Premièrement, outre la référence qu’y fait le juge Bastarache dans son opinion dissidente dans l’arrêt Syndicat Northcrest c. Amselem[38], le PGQ et l’AMF n’ont soumis aucun précédent où l’opinion précitée du professeur Chevrette aurait été avalisée par la Cour suprême ou par la Cour. J’ajoute que le juge Bastarache y référait pour justifier la valeur accrue des droits et libertés prévus aux articles 1 à 9 de la Charte qui ne comportent pas de limitation intrinsèque (art. 1 à 5, 7 et 8), par rapport à ceux qui en comportent une (i.e. article 6, relatif au droit à la libre jouissance des biens, « sauf dans la mesure prévue par la loi », et l’article 9 qui nous occupe en l’espèce). Or, cette question ne participe pas de celle dont la Cour est saisie ici. Il en est de même d’autres arrêts dans lesquels la Cour suprême, notre Cour ou l’un de ses juges ont référé à cet article du professeur Chevrette, mais à un autre extrait portant celui-là sur l’interrelation entre l’article 10 de la Charte, qui consacre le droit à l’égalité dans la reconnaissance et l’exercice des droits et libertés, et l’article 9.1 qui le précède[39].

[52]           Ainsi, aucun propos qui émane de l’un ou l’autre de ces arrêts ou opinions dissidentes ne constitue un précédent utile dans le présent dossier.

[53]           Deuxièmement, l’ordonnancement préconisé par le législateur dans la Charte à l’époque de l’article du professeur Chevrette militait pour l’assujettissement de l’article 9 aux prescriptions de l’article 9.1. Ainsi, la rubrique intitulée « libertés et droits fondamentaux » coiffe, sous le chapitre 1, les articles 1 à 9.1, de sorte que ce dernier clôt ce chapitre et est forcément applicable à tous ceux qui le précèdent.

[54]           D’ailleurs, et troisièmement, quelques années après l’article du professeur Chevrette, la Cour suprême et certains de ses juges ont confirmé que le test de justification de l’article 9.1 de la Charte est applicable à une violation de l’un ou l’autre des libertés et droits fondamentaux énoncés aux articles 1 à 9, sans distinguer entre ceux comportant une limitation intrinsèque, tels les articles 6 et 9, et ceux qui n’en prévoient pas.

[55]           Dans l’arrêt Caron[40], le juge Rowe, dans son opinion concordante et non contredit en cela par les juges majoritaires, l’énonçait ainsi, autres arrêts à l’appui :

[89] L’article 52 de la Charte québécoise prévoit qu’à moins qu’une loi n’énonce expressément le contraire, aucune disposition de cette loi ne peut porter atteinte aux droits protégés par les art. 1 à 38 de la Charte québécoise. Ces articles de la Charte québécoise prévalent donc sur les autres textes de loi, en l’absence d’une dérogation expresse. Lorsqu’une disposition porte atteinte à ces articles de la Charte québécoise, elle est inopérante, sous réserve d’une justification fondée sur l’article 9.1 dans le cas des droits protégés par les articles 1 à 9 (Ford c. Québec (Procureur général), 1988 CanLII 19 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 712, p. 769771; voir aussi Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 R.C.S. 791).[41]

[Soulignement ajouté]

[56]           La Cour suprême réitérait cette approche plus récemment dans l’arrêt Ward[42], quoique dans le cadre de sa discussion sur l’interrelation entre l’article 10 de la Charte et l’article 9.1 :

[39] L’article 10, qui se trouve dans un chapitre différent des articles 1 à 9.1 de la Charte, demeure toutefois hors du champ d’application de l’art. 9.1.

[40] Dans un contexte où le recours en discrimination s’appuie sur un droit garanti par l’un ou l’autre des art. 1 à 9, et où le défendeur fait lui aussi valoir un droit prévu par ces dispositions, la portée respective des droits revendiqués doit être déterminée au regard de l’art. 9.1. Cet exercice de pondération doit être fait dans le cadre de l’analyse des éléments constitutifs de la discrimination. Nous partageons à cet égard l’avis de la juge Savard : le droit sur lequel s’appuie le défendeur ne constitue pas un moyen de défense, mais une limitation de la portée du droit invoqué par le demandeur. En effet, avant de conclure à l’existence d’une discrimination dans la reconnaissance ou l’exercice d’un droit prévu à l’un ou l’autre des art. 1 à 9, encore faut-il que la protection de ce droit s’impose au regard des « valeurs démocratiques, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec » dont il est question à l’art. 9.1, tel qu’il existait à l’époque pertinente.[43]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[57]           Enfin, outre ce qui précède, à l’époque où le professeur Chevrette exprime son opinion, le chapitre I de la Charte, regroupant les articles 1 à 9.1, est intitulé « Libertés et droits fondamentaux » et l’article 9.1, immédiatement suivi du chapitre I.1 (intitulé « Droits à l’égalité dans la reconnaissance et l’exercice des droits et libertés »), est libellé ainsi :

9.1 Les libertés et droits fondamentaux s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec[44].

[Soulignement ajouté]

[58]           Or, comme le soulignent à juste titre les auteurs Brunelle et Samson[45], en 2022 le législateur a modifié l’article 9.1 pour remplacer les mots « Les libertés et droits fondamentaux » au début du texte par les mots « Les droits et libertés de la personne », référant ainsi plus largement aux articles 1 à 38 de la Partie I de la Charte, elle-même intitulée en effet, « Les droits et libertés de la personne »[46]. Ainsi, dorénavant l’argument fondé sur l’ordonnancement de l’article 9.1 dans la Charte ne tient plus, le test de justification qu’il édicte n’étant plus restreint aux seuls « libertés et droits fondamentaux » prévus aux articles 1 à 9 qui le précèdent, mais rendu applicable à tous les « droits et libertés de la personne » de la Partie 1, dont les articles 1 à 38 font partie.

[59]           En somme, je suis d’avis, pour toutes ces raisons, que le troisième alinéa de l’article 17.0.1, « disposition expresse » au sens de l’article 9 alinéa 2 de la Charte, est néanmoins assujetti au test de justification de l’article 9.1, s’il porte atteinte au droit au respect du secret professionnel reconnu au premier alinéa de l’article 9.

[60]           Avant de répondre à cette question de savoir si l’article 17.0.1 porte effectivement atteinte au droit du client du CPA au respect du secret professionnel et, le cas échéant, s’il satisfait le test de justification de l’article 9.1, il importe de répondre aux deux questions suivantes :

d)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en rejetant les objections de l’AMF et du PGQ à l’admissibilité en preuve des sections II et III du rapport Rousseau et des déclarations sous serment présentées par l’Ordre? et,

e)     dans la négative, a-t-il commis une erreur révisable en omettant d’analyser cette preuve?

[61]           Le 13 novembre 2018, l’AMF et le PGQ déposent une demande conjointe en rejet partiel du rapport Rousseau en vertu de l’article 241 C.p.c., alléguant l’inadmissibilité de ses sections II et III. Ils invoquent essentiellement leur absence de pertinence et de nécessité pour permettre au juge de trancher le litige tel qu’engagé, et qu’elles relèvent de l’opinion juridique. Leur demande est rejetée oralement par le juge lors de l’audience du 6 octobre 2021. Ses motifs dénotent qu’il n’a pas pris connaissance des sections litigieuses du rapport avant de rendre sa décision, ni des sections des plans d’argumentation des parties sur la question, ce que permettent de confirmer plusieurs extraits de la transcription de ses échanges avec les parties lors des plaidoiries[47]. Pour le juge, la demande en rejet partiel du rapport Rousseau devait être présentée avant l’instruction, d’où son rejet :

LA COUR :

[…]

Je vais commencer par l’expertise. En vertu de 241 C.p.c., la demande de rejet d’expertise se fait avant l’instruction. Et pour une raison qui selon… la raison qui est retenue par la jurisprudence - notamment, il y a Lukasz Granosik qui avait écrit là-dessus il n’y a pas longtemps - c’est pour permettre aux autres de… c’est pour éviter aux autres de produire des contre-expertises si, de toute façon, l’expertise est rejetée. OK?

Alors moi, ce que je considère, c’est qu’à la présente étape, ce n’est plus utile de se prononcer sur la demande de rejet comme telle. Le juge du procès, évidemment, ce n’est peut-être pas le meilleur là, mais le juge du procès fait la part des choses dans l’examen de la teneur de l’expertise, à savoir si c’est des opinions juridiques ou pas.

Par ailleurs, maître Souquet et les autres, maître Delwaide, dans sa plaidoirie principale, n’a fait référence qu’à la section 1, que vous ne contestez pas, du rapport. Et je vous répète une chose que je vous ai déjà dit plusieurs fois à tout le monde : moi, mon jugement va être basé sur ce qui se dit à l’audience. Vous pouvez être certains que je ne me mettrai pas à la recherche d’autres choses, notamment, la section 2 et 3 du rapport et … donc voilà. [48].

[Soulignements ajoutés]

[62]           Qu’en est-il de ces conclusions?

[63]           Les articles 241 et 294 C.p.c. sont ainsi libellés :

SECTION III

LE RAPPORT D’EXPERTISE

 

241.  Une partie peut, avant l’instruction, demander le rejet du rapport pour cause d’irrégularité, d’erreur grave ou de partialité, auquel cas cette demande est notifiée aux autres parties dans les 10 jours de la connaissance du motif de rejet du rapport.

 

Le tribunal, s’il considère la demande bien fondée, ordonne la correction du rapport ou encore son retrait, auquel cas il peut permettre une autre expertise. Il peut également, dans la mesure qu’il indique, réduire le montant des honoraires dus à l’expert ou ordonner le remboursement de ce qui lui a été payé.

 

 

[…]

 

CHAPITRE II

L’ENQUÊTE

 

[…]

 

SECTION VI

LE TÉMOIGNAGE DE L’EXPERT

 

[…]

 

294. Chacune des parties peut interroger l’expert qu’elle a nommé, celui qui leur est commun ou celui commis par le tribunal pour obtenir des précisions sur des points qui font l’objet du rapport ou son avis sur des éléments de preuve nouveaux présentés au moment de l’instruction; elles le peuvent également, pour d’autres fins, avec l’autorisation du tribunal. Une partie ayant des intérêts opposés peut, pour sa part, contre-interroger l’expert nommé par une autre partie.

 

Les parties ne peuvent, cependant, invoquer l’irrégularité, l’erreur grave ou la partialité du rapport, à moins que, malgré leur diligence, elles n’aient pu le constater avant l’instruction.

 

 

 [Soulignements ajoutés]

DIVISION III

EXPERT REPORT

 

241.  Before the trial begins, a party may apply for the dismissal of an expert report on the grounds of irregularity, substantial error or bias, in which case the application must be notified to the other parties within 10 days after the party becomes aware of the grounds for dismissing the report.

 

If the court considers the application well-founded, it orders that the report be corrected or that it be withdrawn. In the latter case, the court may allow other expert evidence to be appointed. It may also, to the extent it specifies, reduce the amount of the fee payable to the expert or order that the expert repay any amount already received.

 

[…]

 

CHAPTER II

EVIDENCE STAGE AT TRIAL

 

[…]

 

DIVISION VI

EXPERT TESTIMONY

 

[…]

 

294. Each of the parties may examine an expert that it has appointed, a joint expert or a court-appointed expert to obtain clarifications on points covered in the expert report or to obtain the expert’s opinion on new evidence introduced during the trial; they may also examine such an expert for other purposes, with the authorization of the court. A party adverse in interest may cross-examine an expert appointed by another party.

 

 

 

The parties cannot, however, raise a ground of irregularity, substantial error or bias against the expert report unless they were unable, despite their diligence, to know of the irregularity, substantial error or bias before the trial.

 

  [Underlinings added]

[64]           Certes, ces dispositions comportent une nouveauté par rapport au droit antérieur, soit le délai à l’intérieur duquel la partie qui demande le rejet d’un rapport d’expertise pour cause d’irrégularité[49], d’erreur grave ou de partialité doit notifier sa demande, et son obligation, en principe, de présenter sa demande avant l’instruction[50].

[65]           Néanmoins, dans l’arrêt Cardinal c. Bonnaud[51], la juge Roy souligne que la distinction entre l’admissibilité et la valeur probante d’un rapport d’expertise peut être ténue et qu’en certains cas, le juge du fond est le mieux placé pour en décider :

[33] Avec respect pour l’opinion contraire, je ne suis pas prête à affirmer qu’en toutes circonstances, l’admissibilité d’un rapport d’expert puisse être décidée de manière préliminaire. L’introduction du nouveau Code de procédure civile se veut certainement un incitatif à limiter les coûts et les délais inutiles, mais je crains que d’exiger, dans tous les cas, une décision judiciaire sur l’admissibilité d’une preuve au stade préliminaire n’entraîne l’effet inverse. […]. Je crois qu’il est suffisant de conclure ici que, si une partie a connaissance qu’un rapport est irrégulier, partial ou comporte une erreur grave, elle devrait en saisir le tribunal sans délai. Mais il y a des cas où le juge du fond sera mieux placé pour statuer; je pense ici particulièrement aux critères de pertinence et de nécessité, critères qui ne sont pas spécifiquement énumérés à l’article 241 C.p.c. Parfois, la distinction entre l’admissibilité et la valeur probante peut être ténue et, dans un tel cas, il est possible qu’un juge saisi d’une requête sur l’article 241 C.p.c. choisisse de déférer la question au juge du fond. […].

[Soulignements ajoutés]

[66]           Dans des motifs concourants, la juge Gagné exprimait la même préoccupation[52].

[67]           Bien que je sois d’avis, pour ces raisons, que le juge erre en rejetant sans nuance la demande de l’AMF et du PGQ en rejet des sections II et III du rapport de l’expert Rousseau au seul motif que, lors de l’instruction, il n’est « plus utile de se prononcer sur la demande de rejet comme telle », j’estime que le résultat de cette décision, soit d’admettre ces sections en preuve aux fins des questions dont il était saisi, ne nécessite pas l’intervention de la Cour. Je m’en expliquerai plus en détail plus loin.

[68]           Quant aux déclarations sous serment, l’AMF s’est opposée à leur admissibilité au motif qu’elles ne relatent pas des faits, mais des hypothèses, et qu’elles versent dans l’opinion juridique ou la plaidoirie. Le juge rejette cette objection oralement, pour des motifs difficiles à cerner, après avoir, là encore, informé les parties qu’il n’avait pas pris connaissance de ces déclarations, sinon que d’un sous-paragraphe de l’une d’entre elles et d’une seconde auxquelles l’avocat de l’Ordre l’avait plus spécifiquement référé[53]. Le juge s’en justifie notamment par le fait qu’il n’a « pas juste un dossier »[54] et qu’il « n’ir[a] pas à la pêche pour essayer de trouver des choses »[55] :

LA COUR :

Alors, sur les déclarations assermentées du demandeur, maître Souquet en particulier, contrairement à ce que je vous ai dit hier, l'engagement que j'avais pris hier, je ne suis pas allé voir les passages identifiés dans vos notes, non pas parce que je n'avais pas le temps, mais parce que ça donnait ouverture, dans mon esprit, à une réplique de maître Delwaide là-dessus ou de maître Morissette, là, comprenez-vous? Alors...

Me CARL SOUQUET :

Oui.

LA COUR :

À date, là... à date, maître Delwaide, qui a parlé en plaidoirie principale pour le demandeur, n'a fait référence qu'à certains passages. Vous étiez là, là, notamment, vous rappelez-vous un passage dans une déclaration de monsieur Alain Lajoie, que je n'ai pas par... que je n'avais pas par écrit, là, avant les clés USB, vous comprenez, alors il me les a lus, même si le procédé ne me convient pas tellement habituellement, parce que je suis plus visuel qu'auditif, mais il me les a lus, les passages.

Et vous vous rappellerez probablement aussi que je les ai discartés (sic) immédiatement parce que, justement, ça constituait des... des opinions, à mon avis à moi, comme, je comprends, au vôtre.

Alors je considère comme inutile de se livrer à un exercice pour faire, pour aller à la recherche de la preuve de l'autre, dont le juge ne tiendra pas compte de toute façon puisque la... le demandeur lui-même ne l'a pas invoquée.

Encore là, les parties... Si, alors... donc c'est ça. Alors donc, c'est pour ça que je n'ai pas fait ça et c'est pour ça que je vais rejeter aussi votre demande de rejet des déclarations assermentées. Alors ce qui, évidemment, ce qu'on comprend que ça... l'impact de cette décision-là est très limité, compte tenu de ce que je viens de vous dire. [56]

[Soulignements ajoutés]

[69]           Malgré que je ne partage pas non plus ces propos et motifs du juge, j’estime qu’il n’y a pas matière à intervenir. Les déclarations sous serment étaient admissibles aux fins du litige opposant les parties, sous réserve de leur valeur probante.

[70]           Je m’explique maintenant plus amplement, tant en ce qui concerne l’admissibilité des sections litigieuses du rapport Rousseau que celle des déclarations sous serment.

[71]           D’abord, outre le cas exceptionnel où elle se présente sous la forme d’une pure question de droit[57], la contestation constitutionnelle d’une disposition législative, qu’elle soit fondée sur la Charte canadienne ou sur la Charte[58], nécessite que le juge procède à un examen contextuel afin d’éviter qu’elle ne soit débattue dans un vide factuel[59].

[72]           Cela étant, le devoir et le rôle de l’expert consistent à assister le tribunal en l'instruisant de faits techniques (des faits appartenant à un domaine particulier, spécialisé, de l'activité ou de la connaissance) ou scientifiques (dans un sens large, qui inclut les sciences humaines et sociales, les lettres, etc.) ou en exprimant une opinion sur le fondement de ces faits. Il s'agit ainsi de renseigner le juge afin de lui permettre de bien comprendre le contexte particulier du litige et de résoudre de façon éclairée les questions de droit qui s'y rattachent[60].

[73]           Quant à elle, l’expertise de nature juridique sera en principe irrecevable, puisque relevant du domaine privilégié du juge[61]. Cette règle n’est toutefois pas sans exception, par exemple lorsque l’expertise contient une analyse contextuelle du droit passé ou qu’elle établit un contexte social et historique pertinent à l’examen de la problématique en cause[62].

[74]           Ainsi, lexpert n'est pas l'arbitre des faits en litige, tâche qui ressortit exclusivement au juge du procès, lequel n'est d'ailleurs pas lié par l'opinion de l’expert[63]. L'expert n'a pas davantage à donner son opinion sur le droit applicable, ou autrement sur une question de droit, ce qui usurperait aussi la fonction judiciaire[64].

[75]           Ces règles doivent toutefois être appliquées avec « souplesse et largeur de vues » dans le cadre de litiges de nature constitutionnelle[65]. Non seulement la preuve des faits en litige (c’est-à-dire « laquelle des parties au litige a fait quoi, où, quand, comment et dans quelle intention »)[66] est-elle généralement nécessaire, mais la preuve, au moyen parfois d’expertises, de faits législatifs (dont les conditions de recevabilité sont moins sévères[67] et qui touchent à une loi ou un principe judiciaire[68] ou qui établissent l'objet et l'historique de la loi, y compris son contexte social, économique et culturel[69]) peut aussi s’avérer utile et pertinente[70]. Il en va de même des répercussions ou effets concrets (réels ou anticipés) d'une disposition législative contestée. Le juge Sopinka le rappelait dans l’arrêt Danson c. Ontario, citant le juge Cory pour une Cour unanime dans MacKay c. Manitoba[71] :

Les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées.  La présentation des faits n'est pas, comme l'a dit l'intimé, une simple formalité; au contraire, elle est essentielle à un bon examen des questions relatives à la Charte […]  Les décisions relatives à la Charte ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses non étayées qui ont été formulées par des avocats enthousiastes.

Plus loin, le juge Cory affirme, à la p. 366 :

Un contexte factuel est d'une importance fondamentale dans le présent pourvoi.  On ne prétend pas que c'est l'objet visé par la loi qui viole la Charte, mais ses conséquences.  Si les conséquences préjudiciables ne sont pas établies, il ne peut y avoir de violation de la Charte ni même de cause.  Le fondement factuel n'est donc pas une simple formalité qui peut être ignorée et, bien au contraire, son absence est fatale à la thèse présentée par les appelants.

[…]

On ne peut donc distinguer le présent litige de l'affaire MacKay, et, avec égards, je ferais miennes et j'appliquerais les remarques du juge Cory dans cet arrêt.  L'appelant veut contester les règles en raison des effets qu'elles auraient sur la profession juridique en Ontario. À mon avis, il serait difficile sinon impossible au juge saisi de la motion d'apprécier le bien-fondé de la requête de l'appelant selon la règle 14.05(3)h) sans preuve de ces effets par l'apport de faits en litige (c'est-à-dire des cas réels d'utilisation ou de menaces d'utilisation des règles contestées) et de faits législatifs (c'est-à-dire l'objet et l'historique des règles contestées ainsi que la perception qu'en ont les membres de la profession).[72]

[Soulignements ajoutés]

[76]           Considérées à l’aune de ces principes, les sections litigieuses du rapport Rousseau étaient admissibles en preuve. La section II aborde à quelques reprises le cadre réglementaire applicable au secteur des valeurs mobilières[73], mais certaines incursions dans le domaine du droit peuvent être tolérées si elles ne constituent pas le cœur des propos de l’expert[74]. D’autant plus que l’essentiel de cette section traite du modèle de gouvernance des sociétés faisant un appel public à l’épargne et du rôle des différents acteurs impliqués dans leur gestion. En ce sens, elle constitue une mise en contexte socio-économique, laquelle pouvait éventuellement s’avérer pertinente aux fins de l’analyse de certaines questions dont le juge était saisi. En ce qui concerne la section III du rapport, elle porte sur les effets anticipés de l’article 17.0.1 sur la gouvernance des entreprises assujetties à la LESF et sur le rôle des CPAs œuvrant auprès d’elles. Une preuve de cette nature pouvait être admise[75].

[77]           Quant aux déclarations sous serment, il s’agit d’un moyen de preuve usuel dans le cadre d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire[76]. Ces déclarations ne peuvent par ailleurs être admises en preuve que si elles portent sur des faits au sujet desquels le déclarant peut légalement déposer[77]. Bien qu’en l’espèce certains propos identifiés par l’AMF dans ces déclarations semblent effectivement participer de l’opinion juridique[78], ce qui n’est pas le rôle d’un témoin ordinaire[79], leur teneur porte aussi sur la gouvernance, les activités professionnelles des CPAs et les pratiques et usages y ayant cours, ce qui est admissible en preuve[80], sur le lien avec leurs clients ainsi que sur les effets préjudiciables, selon eux, de l'article 17.0.1[81]. Or, une preuve visant à présenter des effets préjudiciables, réels ou appréhendés[82], d’une loi contestée peut être administrée au moyen de déclarations sous serment[83]. Qui plus est, comme l’avocat à l’origine du litige dans l’affaire Danson, en l’espèce l’Ordre conteste l’article 17.0.1 en raison notamment des effets qu’il engendrerait sur l’exercice de la profession. Dans un tel cas, la Cour suprême, dans le même arrêt, souligne que la perception des membres de la profession peut être pertinente[84], sans évidemment être déterminante.

[78]           En somme, pour toutes ces raisons, malgré les lacunes des propos et motifs précités du juge à ces sujets, je suis d’avis que le résultat ultime de ses décisions, soit l’admissibilité en preuve des sections II et III du rapport Rousseau et des déclarations sous serment des CPAs, ne nécessite aucune intervention. L’appréciation de la valeur probante et de la fiabilité de ces éléments de preuve aux fins d’analyse des questions en litige demeure toutefois indiquée.

-          le juge a-t-il commis une erreur révisable en omettant d’analyser cette preuve?

[79]           Certes, le juge n’a pas à traiter dans son jugement de tous les éléments admis en preuve lors de l’instruction et à soupeser dans le détail tous et chacun des arguments des parties[85]. Toutefois, le juge ayant en l’espèce déclaré admissibles les sections litigieuses du rapport Rousseau et les déclarations sous serment, il devait, compte tenu du litige et afin de rendre justice aux parties dans les circonstances, expliquer minimalement pourquoi il n’en tenait aucunement compte, ce qu’il a omis de faire, commettant là selon moi une erreur révisable.

[80]           Dans certaines circonstances, lomission manifeste du juge d’instance de prendre en considération un élément de preuve admissible constitue le genre d'erreur pouvant justifier le réexamen par une cour d'appel, laquelle procède alors à sa propre appréciation des éléments non considérés en première instance[86]. La Cour le rappelait dans l’arrêt 6169970 Canada inc. c. Sévigny :

[38] Cette Cour a écrit ceci au sujet de l’insuffisance des motifs d’un jugement :

[9] L'insuffisance des motifs d'un jugement ne signifie pas nécessairement que le juge s'est trompé ni qu'il n'a pas apprécié toute la preuve devant lui. L'insuffisance de motifs ne donne pas un droit automatique à un nouveau procès en première instance.

[10] Il pourra arriver, en cas d'omission par le juge d'analyser ou encore de tenir compte de la preuve apportée devant lui, qu’une cour d’appel puisse et doive, dans l'intérêt des parties, pallier la difficulté en évaluant elle-même la preuve, pour ensuite disposer du litige. […][87]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[81]           En somme, un examen valable des motifs pour lesquels le juge a évacué la preuve constituée du rapport Rousseau et des déclarations sous serment n’étant pas possible, faute de tout motif proprement dit, il me sera loisible de la tenir en compte aux fins de l’analyse des questions qui suivent.

[82]           Il importe par ailleurs de rappeler que la décision d’une cour d’appel de réévaluer la preuve ne signifie pas nécessairement qu’elle en arrivera à une conclusion différente de celle tirée par le juge de première instance. Il se peut en effet que des éléments non considérés par ce dernier, mais qui le sont par la cour d’appel, ne mènent pas à une conclusion différente, notamment en raison de la force probante qui doit leur être accordée.

[83]           Ce qui m’amène maintenant à la question hybride suivante.

f)       la limitation intrinsèque contenue au deuxième alinéa de l’article 9 ne mettant pas l’article 17.0.1 à l’abri du test de justification de l’article 9.1, l’article 17.0.1 porte-t-il atteinte au droit du client du CPA au respect du secret professionnel prévu au premier alinéa de l’article 9 et, si oui, satisfait-il le test de justification de larticle 9.1?

f.1) l’article 17.0.1 porte-t-il atteinte au droit du client du CPA au respect du secret professionnel prévu au premier alinéa de l’article 9?

[84]           Le droit au respect de la vie privée, reconnu à l’article 5 de la Charte, fonde le droit au respect du secret professionnel que consacre le premier alinéa de l’article 9, et de l’obligation du professionnel de préserver la confidentialité des renseignements qu’il détient à ce titre[88]. Ainsi, en l’espèce, le droit du client du CPA au respect du secret professionnel, garanti par le premier alinéa de l’article 9 de la Charte, subsume les composantes pertinentes de son droit au respect de sa vie privée en vertu de l’article 5, que sont le droit au secret et le droit à la confidentialité[89]. Comme l’observent d’ailleurs les auteurs, la dimension du droit au respect de la vie privée relative à la confidentialité de renseignements personnels est renforcée par l'article 9[90]. 

[85]           Ainsi, vu ce dénominateur commun au droit reconnu à l’article 9 et à celui reconnu à l’article 5, l’analyse de l’atteinte doit débuter avec l’examen contextuel de l’expectative raisonnable de vie privée des clients du CPA dans les circonstances de l’espèce. On ne saurait escamoter cet examen aux fins de déterminer l’existence ou non d’une atteinte au droit au respect professionnel reconnu par le premier alinéa de l’article 9 de la Charte, alors qu’il s’imposerait pour une atteinte alléguée à l’article 5. Il me paraîtrait en effet incongru que l’on puisse conclure à une atteinte au droit au respect du secret professionnel en évitant l’examen préliminaire de l’expectative raisonnable de vie privée des clients des CPAs à l’égard des renseignements visés par l’article 17.0.1, alors que l’analyse de l’atteinte au droit au secret et à la confidentialité des mêmes renseignements sous l’article 5 de la Charte commanderait cet examen.

[86]           Or, pour les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’en l’espèce cette expectative raisonnable n’est pas au rendez-vous et que, partant, l’article 17.0.1 ne viole pas le droit des clients des CPAs au respect du respect professionnel garanti par l’article 9 de la Charte. Voici pourquoi.

[87]           Bien qu’il jouisse d’une protection quasi constitutionnelle, le secret professionnel n’est pas absolu et revêt un caractère indubitablement relatif, notamment en raison de la possibilité offerte au législateur de relever le professionnel de son obligation, dans l’intérêt public général, au moyen d’une disposition expresse[91]. De plus, l’intensité et la portée du droit au respect du secret professionnel que consacre l’article 9 de la Charte varient selon la nature des fonctions exercées par les membres des ordres professionnels, le type de services qu’ils sont appelés à rendre et les autres composantes du régime juridique qui les encadre[92]. Par exemple, comme le soulignait le juge Giroux pour la Cour dans l’arrêt Pagé c. Henley (Succession de), la portée du secret professionnel des non-juristes est plus restreinte que celle des avocats et des notaires[93].

[88]           Ce caractère davantage restrictif du secret professionnel dans les professions autres que celles de l’avocat et du notaire trouve aussi appui dans l’article 131 de la Loi sur le Barreau[94], lequel prévoit, comme l’article 14.1 de la Loi sur le notariat[95] pour les notaires, mais à la différence des autres lois professionnelles, que l’avocat doit conserver « le secret absolu des confidences qu’il reçoit en raison de sa profession » [soulignement ajouté].

[89]           Incidemment, le juge se dirige de façon inadéquate en droit en analysant l’expectative raisonnable de vie privée des clients des CPAs en référant sans nuance à l’arrêt Chambre des notaires du Québec[96]. Dans cet arrêt, la Cour suprême ne traite que des attentes raisonnables de vie privée de clients à l’égard de renseignements et de documents en possession d’un juriste[97], ses enseignements étant fondamentalement basés sur la spécificité du secret professionnel de l’avocat. Celui-ci, précise la Cour, bénéficie en effet d’une protection accrue par l’« importance particulièrement critique » qu’il occupe dans la société et le système juridique[98]. Cette protection conférée spécialement au secret professionnel de l’avocat participe au surplus d’un principe de justice fondamentale au sens de l’article 7 de la Charte canadienne[99]. C’est pourquoi, dans le cadre des communications entre un avocat et son client, le contexte entourant la mesure étatique concernée importe peu :

[38] […] Toutefois, l’attente raisonnable à l’égard de la confidentialité des communications protégées par le secret professionnel de l’avocat est invariablement élevée, peu importe le contexte. Le principal élément moteur de cette attente élevée en matière de respect de la vie privée est la nature particulièrement protégée de la relation avocat-client, et non le contexte dans lequel l’État cherche à s’ingérer dans cette zone particulièrement protégée. […][100].

[Soulignements ajoutés]

[90]           Le type de renseignements et de documents visés n’est donc pas pertinent. Une fois ceux-ci entre les mains de l’avocat, les attentes raisonnables de vie privée du client sont « du plus haut niveau » :

[35] […] Le client a une attente raisonnable au respect du caractère privé de tous les documents en la possession de son avocat, lesquels constituent des renseignements dont l’avocat est tenu, sur le plan de l’éthique, de préserver la confidentialité, et son attente est du plus haut niveau lorsque ces documents sont protégés par le privilège du secret professionnel de l’avocat. […][101]

[Soulignement ajouté]

[91]           Ces principes ne peuvent être appliqués sans nuance au secret professionnel du CPA et à sa relation avec sa clientèle.

[92]           D’autant plus que le juge ne pouvait conclure à l’expectative de vie privée des clients des CPAs dans le litige spécifique dont il était saisi sans se livrer à une analyse multifactorielle et contextuelle tenant compte du régime législatif qui nous occupe, de la nature de la relation entre le client et le CPA et de la teneur des informations que l’article 17.0.1 autorise ce dernier à divulguer à l’AMF[102].

[93]           Il convient d’entreprendre cet examen.

-          le régime législatif en cause

[94]           Le régime législatif dans lequel s’inscrit la disposition contestée constitue nécessairement l’un des éléments à prendre en considération aux fins de l’analyse de l’expectative de vie privée des clients des CPAs concernés par ce régime et cette disposition[103].

[95]           D’abord, il est pertinent de rappeler l’objet de la Loi de 2018. À l’article 1, le législateur a expressément énoncé que les modifications apportées par la loi, dont l’ajout de l’article 17.0.1 à la LESF, ont « principalement » pour objet une meilleure protection du consommateur.

[96]           En outre, l’expectative de vie privée des acteurs d’une activité réglementée est forcément moindre[104], notamment parce qu’ils doivent s’attendre à pouvoir faire l’objet de vérifications, d’enquêtes, d’inspections ou de procédures administratives.

[97]           Dans l’arrêt Tabah[105], le juge Cory rappelle ce principe, tel qu’énoncé précédemment dans les arrêts Thomson Newspapers Ltd.[106], Wholesale Travel Group[107] et McKinlay Transports Ltd.[108]. Je me permets de reprendre de larges extraits de ses propos :

Il y a un certain nombre de concessions qui doivent être faites au départ. Les documents saisis en l'espèce sont de nature commerciale. Le droit à la vie privée relativement à ces documents ne saurait donc être identique à celui qui se rattache aux documents personnels. L'attente en matière de respect de la vie privée relativement aux documents commerciaux est nécessairement faible. Ceuxci ne contiennent généralement pas le genre d'information personnelle qui est au coeur de la protection constitutionnelle du droit à la vie privée. De plus, il faut admettre que l'État doit avoir le pouvoir de réglementer le commerce, tant pour des raisons économiques que pour protéger l'individu vulnérable contre un pouvoir de nature privée. C'est ce que le juge La Forest a si éloquemment exprimé dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce, […]. Aussi, puisqu'en l'espèce la perquisition a été effectuée en application d'une loi de nature réglementaire dans le domaine fort réglementé de la restauration et de l'hôtellerie, l'attente en matière de respect de la vie privée doit nécessairement être réduite.

Ceux qui se lancent dans un domaine réglementé doivent accepter que la réglementation fait partie intégrante de leurs activités commerciales. On a reconnu qu'il existe une distinction marquée entre les fouilles, perquisitions et saisies effectuées conformément à une loi de nature réglementaire et celles fondées sur le Code criminel, […], ou des lois de nature quasi criminelles. […].

Dans l'arrêt  R. c. Wholesale Travel Group, […], même s'il y avait désaccord quant à son application, huit des neuf juges ont confirmé le principe énoncé dans les arrêts Thomson Newspapers et McKinlay Transport, selon lequel il faut faire une distinction utile et importante entre une loi criminelle et une loi qui est de nature réglementaire, en examinant l'application de la Charte canadienne des droits et libertés à ces lois.

Dans l'arrêt Wholesale Travel Group, j'ai tenté d'expliquer le fondement de cette distinction. Elle peut à bon droit être fondée tant sur la notion de l'acceptation des conditions que sur la nécessité de protéger les personnes vulnérables. Dans la société complexe d'aujourd'hui, les particuliers se trouvent fréquemment en position de vulnérabilité. Il arrive souvent qu'une personne ne possède pas et ne peut pas posséder la connaissance ou la formation requise pour déterminer ce qui est sûr et ce qui ne l'est pas. […]. La protection de tous, et en particulier des personnes vulnérables, par règlement requiert que les organismes gouvernementaux soient autorisés à inspecter des lieux et à examiner des livres et dossiers. Ceux qui se lancent dans un domaine réglementé doivent en connaître les règlements et, ce faisant, ils acceptent que leur entreprise soit réglementée.[109]

[Soulignements ajoutés]

[98]           Tel est aussi le cas du secteur des valeurs mobilières[110] et, cela me semble aller de soi, du secteur des services financiers considéré plus largement.

[99]           Les personnes et sociétés œuvrant dans ces secteurs sont en effet soumises elles aussi à une réglementation rigoureuse, dont l’AMF assure la surveillance et l’application, et ce, dans divers domaines[111], incluant l’évaluation de crédit[112], les assurances[113], la distribution de produits et services financiers[114], les dépôts[115], les instruments dérivés[116], les fiducies et sociétés d’épargne[117], de même que les valeurs mobilières[118]. Ces lois prévoient d’ailleurs que l’autorisation de l’AMF est nécessaire pour exercer les activités qu’elles encadrent[119].

[100]      Les clients des CPAs qui ont choisi d’exercer des activités dans les secteurs visés par les lois énumérées à l’article 7 de la LESF, auquel réfère l’article 17.0.1, l’ont fait dans le but évident de générer des profits. Or, cet objectif, légitime certes, emporte l’obligation d’assumer, en corollaire, certaines obligations visant à assurer le bienêtre et la confiance du public. Les commentaires suivants de la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Branch, bien que formulés dans un contexte à certains égards différent, demeurent néanmoins d’une pertinence indéniable dans le secteur élargi des services financiers :

77. Deuxièmement, bien que l'activité dans le secteur des valeurs mobilières ait une valeur économique considérable pour l'ensemble de la société, il faut se rappeler que les participants s'y adonnent de leur propre gré et, en fin de compte, dans un but de profit, et que cette activité requiert un permis. La société permet à des personnes de jouir des fruits de leur participation dans ce secteur, mais elle exige en contrepartie que les participants au marché assument également certaines obligations correspondantes dans le but d'assurer le bienêtre et la confiance du public. Les participants doivent respecter le vaste ensemble de règlements et d'exigences établis par les commissions provinciales des valeurs mobilières. Bon nombre de ces exigences sont essentielles au maintien d'un marché rentable et concurrentiel dans un contexte où l'information incomplète est endémique. Elles sont également essentielles pour prévenir et décourager les abus de telles asymétries sur le plan de l'information et, en conséquence, pour préserver l'intégrité du régime des valeurs mobilières et protéger l'intérêt public. [120]

[101]      Dans ce contexte où individus et entreprises cherchent à maximiser leurs profits, l’application efficace de la loi est cruciale, tant pour des raisons économiques que pour protéger l'individu de pouvoirs de nature privée[121].

[102]      De façon aussi pertinente aux fins qui nous occupent, dans le cadre d’une enquête sur une société, une personne morale ou une autre entité instituée par l’AMF aux fins d’assurer le respect des lois sous son égide, l’article 15.1 de la LESF prévoit qu’un CPA ne peut refuser de lui communiquer un renseignement ou un document, malgré qu’il soit tenu au secret professionnel :

15.1. Un comptable professionnel agréé ne peut refuser de communiquer à l’Autorité, ou à une personne qu’elle a autorisée, un renseignement ou un document relatif à une personne morale, à une société ou à une autre entité qui fait l’objet d’une enquête instituée en vertu de l’article 12 de la présente loi, de l’article 116 de la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) ou de l’article 239 de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1) et qu’il a obtenu ou préparé dans le cadre d’une vérification ou dans le cadre de l’examen des états financiers intermédiaires de cette personne, de cette société ou de cette autre entité, au motif qu’il en résulte la divulgation de renseignements protégés par le secret professionnel auquel il est tenu.

De même, il ne peut refuser qu’un document visé au premier alinéa soit examiné, copié ou saisi par l’Autorité ou par une personne qu’elle a autorisée à enquêter dans le cadre d’une perquisition effectuée en vertu du Code de procédure pénale (chapitre C-25.1).

Le présent article n’a pas pour effet de permettre la communication, l’examen, la copie ou la saisie d’un document ou d’un renseignement protégé par le secret professionnel auquel est tenu un membre d’un ordre professionnel autre que celui d’un comptable professionnel agréé.

[Soulignements ajoutés]

[103]      Je note aussi que, contrairement à cet article 15.1 qui oblige le CPA à communiquer certains renseignements à l’AMF dans certaines situations malgré le secret professionnel auquel il est tenu, rien dans l’article 17.0.1 n’impose au CPA une obligation de dénoncer à l’AMF un manquement à l’une des lois visées à l’article 7 de la LESF. Rien n’empêche ainsi un CPA qui estime qu’un renseignement peut démontrer qu’un manquement à une loi visée à l’article 7 a été commis par son client ou est sur le point de l’être, d’en discuter d’abord avec le client, notamment afin de corriger la situation, laquelle peut être survenue par inadvertance ou sans mauvaise intention. Il est d’ailleurs raisonnable de penser que ce sera là la première voie privilégiée par le professionnel, comme l’y incitent d’ailleurs les paragraphes introductifs des Lignes directrices de l’Ordre ainsi que l’article 50 de son code de déontologie. Quant au renseignement suivant lequel le client a demandé à son CPA de commettre un tel manquement, ce dernier demeure libre de ne pas le communiquer à l’AMF, malgré ce que devraient lui imposer à première vue ses obligations déontologiques et légales[122].

[104]      J’estime aussi pertinent de noter que les articles 9 et 10 de la LCPA, qui présentent un lien de parenté évident avec le régime de l’article 17.0.1 de la LESF, prévoient la possibilité pour le conseil d’administration de l’Ordre, au nom de la protection du public, de conclure une entente avec l’AMF aux fins de la divulgation de certaines informations de nature confidentielle nécessaires à l’exercice des fonctions de cette dernière. Cette entente bénéficie aux CPAs individuellement, comme le prévoit l’article 10 :

9. Le Conseil d’administration peut conclure une entente avec les organismes suivants qui exercent des fonctions complémentaires de protection du public: l’Autorité des marchés financiers et le Conseil canadien sur la reddition de comptes constitué en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes (S.R.C. 1970, c. C-32). La durée d’une telle entente ne peut excéder cinq ans.

L’entente peut, dans la mesure requise pour sa mise en oeuvre, déroger aux lois et règlements qui régissent l’Ordre à l’égard de la confidentialité des renseignements qu’il détient. Elle doit prévoir la nature et l’étendue des renseignements que l’Ordre et l’organisme pourront échanger sur l’inspection, la discipline ou toute enquête entreprise par l’organisme ou par l’Ordre qui concernent un professionnel ou une société de professionnels regroupant des membres de l’Ordre, préciser les fins de cet échange et les conditions de confidentialité, notamment celles portant sur le secret professionnel, qui doivent être respectées et établir l’usage qui peut être fait des renseignements ainsi obtenus.

Les renseignements qui peuvent être communiqués dans le cadre de l’entente doivent être nécessaires à l’exercice des fonctions de la partie qui les reçoit.

Les renseignements transmis par l’Ordre en application de l’entente doivent recevoir, auprès de l’organisme qui les reçoit, la même confidentialité que s’ils avaient été obtenus ou étaient détenus par l’Ordre dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont accordés par le Code des professions (chapitre C-26). Toutefois, cette obligation n’a pas pour objet de restreindre les pouvoirs conférés en matière de communication de renseignements par une loi du Québec à l’Autorité des marchés financiers.

[…]

10. Tant que l’entente visée à l’article 9 est en vigueur, le comptable professionnel agréé est autorisé, malgré l’existence du secret professionnel auquel il est tenu, à fournir, dans la mesure prévue à l’entente, à un représentant de cet organisme qui agit dans le cadre de ses activités au Québec les renseignements relatifs à ses activités professionnelles ou à ses clients.

Les renseignements transmis par un comptable professionnel agréé en application de l’entente doivent recevoir, auprès de l’organisme qui les reçoit, la même confidentialité que s’ils avaient été obtenus ou étaient détenus par l’Ordre dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont accordés par le Code des professions (chapitre C-26). Toutefois, cette obligation n’a pas pour objet de restreindre les pouvoirs conférés en matière de communication de renseignements par une loi du Québec à l’Autorité des marchés financiers.

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[105]      Je note enfin qu’avant l’ajout de l’article 17.0.1 dans la LESF par la Loi de 2018, l’article 17.1 prévoyait déjà, et prévoit toujours, une immunité de responsabilité civile pour toute personne dénonçant à l’AMF un manquement à l’une des lois visées par l’article 7 :

17.1.  Toute personne qui, de bonne foi, dénonce à l’Autorité un manquement à une loi visée à l’article 7 n’encourt aucune responsabilité civile de ce fait.

[106]      Ainsi, l’objectif central de ces dispositions, ainsi que de celles prévues dans les diverses lois sous l’égide de la LESF, demeure la surveillance des activités qui y sont assujetties, tout particulièrement afin de protéger le public[123]. Dans ce contexte, les propos de la Cour suprême au sujet de la Securities Act[124] de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Branch revêtent une pertinence indéniable en l’espèce, avec les adaptations qui s’imposent :

[59] En conséquence, la Securities Act est essentiellement un régime de réglementation économique destiné à décourager les formes préjudiciables de comportement commercial. Les dispositions adoptées par la législature sont des sanctions pragmatiques destinées à inciter au respect de la Loi. Après tout, la Loi vise vraiment à réglementer certaines facettes de léconomie et des affaires. […]. Alors, lefficacité de la mise en œuvre des lois en matière de valeurs mobilières dépend de la volonté quont les gens qui choisissent deffectuer des opérations sur ce marché de respecter les normes de conduite établies. À cet égard, nous sommes tout à fait daccord avec le commentaire du juge Wilson, selon lequel « [i]l vient en effet un moment où le droit de lindividu au respect de sa vie privée doit céder le pas à lintérêt plus grand qua lÉtat à ce que soient communiqués des renseignements ou un document » : Thomson Newspapers, à la p. 495.[125]

[Soulignement ajouté; renvoi omis]

[107]      En effet, la confidentialité peut céder le pas dans certaines situations afin de protéger des intérêts concurrents[126].

[108]      En somme, le nouveau mécanisme de protection des dénonciateurs instauré par les articles 17.0.1 à 17.0.5 de la LESF s’inscrit dans un régime législatif plus large impliquant notamment la surveillance par l’AMF de plusieurs aspects du domaine des services financiers et emporte ainsi, nécessairement, une diminution significative des attentes raisonnables de vie privée des personnes et sociétés qui font le choix d’y exercer leurs activités.

-          la nature des informations visées par l’article 17.0.1

[109]      La nature des informations dont la divulgation est autorisée et le but dans lequel elles sont communiquées sont également essentiels à l’analyse multifactorielle. Par exemple, la vigilance s’imposera davantage à l’égard des renseignements qui touchent à la dignité humaine, renseignements que l’article 17.0.1 ne concerne toutefois pas :

[65] Comme l’a reconnu la Cour, notre société accorde une grande valeur à la vie privée pour ce qui est de la personne, c’estàdire à l’égard de notre corps, notamment l’accès visuel à celuici. Tous les aspects de la protection de la vie privée — visàvis tant de l’État que d’autres particuliers — servent à véhiculer les valeurs de dignité, d’intégrité et d’autonomie dans notre société, mais le lien entre la vie privée de la personne et la dignité humaine est particulièrement tangible.

[66] En examinant la notion de droit au respect du caractère privé des renseignements personnels, notre Cour a accepté que les particuliers ont le droit de [traduction] « ‟déterminer euxmêmes le moment, la manière et la mesure dans lesquels des renseignements les concernant sont communiqués” ». La sauvegarde des renseignements personnels, qui est aussi étroitement liée à la dignité et à l’intégrité de la personne, revêt une importance capitale dans la société contemporaine : (…). Lorsque le tribunal se demande s’il existe une attente raisonnable de protection des renseignements personnels, la nature et la qualité des renseignements en cause sont pertinentes.[127]

[Soulignements et caractères gras ajoutés, renvois omis]

[110]      En l’espèce, suivant l’article 17.0.1, seuls les renseignements démontrant, selon le CPA, un manquement survenu ou anticipé à une loi visée à l’article 7 de la LESF, ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel manquement, sont visés. Ainsi, étant donné au surplus le régime législatif général évoqué précédemment, c’est essentiellement le droit au secret des renseignements de nature commerciale ou autrement financière détenus par les CPAs et qui, selon ces derniers, peuvent démontrer une violation de lois d’intérêt public qui est ici en cause.

[111]      Or, les attentes en matière de vie privée à l’égard de tels renseignements sont faibles. Outre qu’ils participent d’une activité réglementée, il ne s’agit pas de ce type d'information fondamentalement personnelle touchant, par exemple, le droit à l'autonomie dans l'aménagement de sa vie personnelle et familiale, le droit à l'inviolabilité du domicile, à l'utilisation de son nom, les éléments relatifs à l'état de santé, la vie amoureuse ou l'orientation sexuelle. Les observations du juge La Forest pour la majorité dans l’arrêt Thomson Newspapers me paraissent pleinement transposables en l’espèce aux renseignements visés par l’article 17.0.1 de la LESF :

Ces dossiers et documents ne contiennent habituellement pas de renseignements relatifs au mode de vie d'une personne, à ses relations intimes ou à ses convictions politiques ou religieuses. Bref, ils ne traitent pas de ces aspects de l'identité personnelle que le droit à la vie privée vise à protéger de l'influence envahissante de l'État. Au contraire, comme je l'ai déjà souligné, il est impératif que l'État ait le pouvoir de réglementer le commerce et le marché tant pour des raisons économiques que pour protéger l'individu d'un pouvoir de nature privée. Cela étant dit, les demandes de l'État relatives aux activités et aux opérations internes des entreprises sont maintenant choses courantes et prévisibles en matière commerciale. Compte tenu de ces circonstances, je ne crois pas qu'il puisse y avoir de très grandes attentes en matière de vie privée à l'égard des dossiers et des documents qui contiennent des renseignements de cette nature. [128]

[Soulignements ajoutés]

[112]        Cela étant, l’argument de l’Ordre voulant que les dossiers que tiennent les CPAs puissent renfermer des informations purement personnelles concernant des individus[129] paraît opportuniste. Sans compter que, dans certaines des déclarations sous serment, les allégations de « renseignements extrêmement privés » sont difficiles à apprécier et ont ainsi peu de valeur probante. Au surplus, il est difficile d’imaginer en quoi un tel renseignement, de nature purement personnelle à l’individu ou « extrêmement privé », peut démontrer un manquement à l’une des lois spécifiquement visées à l’article 7 de la LESF, qu’un tel manquement est sur le point d’être commis ou qu’il a été demandé au CPA de commettre un tel manquement.

[113]      Par ailleurs, en ce qui concerne les renseignements que pourraient détenir les CPAs et qui pourraient bénéficier de la protection accordée au secret professionnel du conseiller juridique[130], qu’il suffise de rappeler que la levée du secret prévue par l’article 17.0.1 ne s’applique pas à l’avocat et au notaire, d’une part, et que, d’autre part, le privilège relatif au litige, dont l’Ordre souhaite ni plus ni moins draper certaines des informations contenues dans les dossiers de ses membres, continuera de s’étendre aux échanges pertinents entre l’avocat et les autres professionnels ou experts qu’il peut être amené à consulter dans le cadre ou aux fins de la préparation d’un litige[131], dont les CPAs[132].

[114]      Enfin, comme le démontrent plusieurs d’entre elles, les déclarations sous serment des CPAs échouent à convaincre que les informations ou renseignements que l’article 17.0.1 autorise le CPA à divulguer sont couverts par une réelle expectative raisonnable de vie privée de leurs clients. Elles font en effet généralement état du caractère « confidentiel », voire « hautement confidentiel », « sensible », « personnel » ou « privé » de certains renseignements de manière générique et sans en démontrer le lien réel avec les renseignements que l’article 17.0.1 autorise le CPA à divulguer à l’AMF[133]. Pour d’aucuns, certaines laissent même entrevoir que le secret professionnel du CPA pourrait être invoqué par une société cliente comme un moyen de camoufler d’éventuels comportements frauduleux ou de malversation[134].

[115]      En tout état de cause, peu importe la nature des renseignements auxquels les CPAs réfèrent dans ces déclarations, toutes escamotent le fait que l’article 17.0.1 n’impose aucune obligation de divulgation au CPA.

-          la relation CPA/ client

[116]      Selon l’Ordre, les CPAs jouent un rôle structurant dans la société et le secret professionnel est nécessaire à l’exercice de leurs activités. Jusque-là, je suis d’accord. Je ne peux toutefois suivre l’Ordre lorsqu’il va plus loin et soutient qu’en conséquence, le secret professionnel du CPA devrait en toute logique être considéré comme un principe de justice fondamentale au sens de l’article 7 de la Charte canadienne, au même titre que le secret professionnel de l’avocat, et jouir d’une protection similaire, au bénéfice des clients.

[117]      Je réitère, en effet, que la relation CPA/client ne participe pas d’un « principe de justice fondamentale » au même titre que la relation professionnelle liant le client à son avocat ou à son notaire.

[118]      La reconnaissance d’un principe de justice fondamentale exige la présence de trois caractéristiques :

[87]  Le principe de justice fondamentale présente trois caractéristiques. Il doit s’agir d’un principe juridique à l’égard duquel il existe « un consensus substantiel dans la société » sur le fait que ce principe est « essentiel au bon fonctionnement du système de justice », et ce principe doit être suffisamment précis pour « constituer une norme fonctionnelle permettant d’évaluer l’atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne ».[135]

[Renvois omis]

[119]      S’il est bien établi dans la jurisprudence que le secret professionnel de l’avocat ou du notaire présente ces caractéristiques[136], rien ne permet de conclure qu’il en est de même pour le secret professionnel du CPA et qu’il faudrait ériger ce dernier au rang de principe de justice fondamentale. Tout principe de justice fondamentale trouve son « sens dans la jurisprudence et les traditions qui, depuis longtemps, exposent en détail les normes fondamentales applicables au traitement des citoyens par l’État »[137], et l’Ordre ne me convainc pas que la relation client/CPA revêt ces caractéristiques. Au surplus, comme l’ont observé d’autres cours d’appel, la relation entre le CPA et son client n’est protégée par aucun privilège ailleurs au Canada[138].

[120]      Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que les clients des CPAs exerçant leurs activités dans les domaines concernés par les lois visées à l’article 7 de la LESF ne peuvent, au mieux, prétendre qu’à une expectative raisonnable de vie privée très peu élevée quant aux renseignements détenus par le CPA et qui permettent de démontrer un manquement à l’une de ces lois ou qu’un tel manquement est sur le point d’être commis. La preuve soumise par l’Ordre n’établit pas selon moi en quoi ces renseignements d’ordre essentiellement commercial ou financier se rattachent à une expectative de vie privée suffisante pour conclure que, par la levée du secret professionnel qu’il autorise, l’article 17.0.1 viole le droit des clients des CPAs au respect du secret professionnel suivant l’article 9 de la Charte.

f.2) si oui, l’article 17.0.1 satisfait-il le test de justification de larticle 9.1?

[121]      Vu la réponse négative que je propose à la sous-question précédente, il n’est pas nécessaire de répondre à celle-ci.

g)     le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que l’article 17.0.1 porte atteinte au droit au respect de la vie privée garanti aux clients des CPAs par l’article 5 de la Charte?

h)     dans la négative, le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que cette atteinte n’est pas justifiée en vertu de l’article 9.1 de la Charte?

[122]      Vu la réponse que je propose plus avant à la question f.1), il n’est pas nécessaire de traiter de l’article 5 de la Charte.

[123]      Il n’y a pas lieu, en effet, de répéter ici l’analyse effectuée précédemment concernant l’expectative de vie privée réduite des clients des CPAs eu égard à la levée du secret professionnel du CPA aux fins prévues par l’article 17.0.1, laquelle analyse est transposable ici et justifie en effet de répondre positivement ici à la question g).

[124]      Ce qui, en retour, rend inutile l’analyse de la question h).

i)       le juge a-t-il commis une erreur révisable en concluant que l’article 17.0.1 ne porte pas atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanti aux clients des CPAs par l’article 7 de la Charte canadienne?

[125]      L’article 7 de la Charte canadienne est ainsi libellé :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[126]      L’analyse fondée sur l’article 7 s’effectue par ailleurs en deux étapes, dont la seconde consiste à se demander si une atteinte au droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne est conforme aux principes de justice fondamentale :

[69] L’analyse fondée sur l’art. 7 de la Charte se fait en deux étapes. Dans un premier temps, on doit déterminer si les dispositions contestées restreignent le droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Dans l’affirmative, on passe alors à la seconde étape de l’analyse, qui consiste à se demander si cette restriction est conforme aux principes de justice fondamentale. [139]

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[127]      Or, les commentaires et la conclusion que j’ai formulés précédemment[140], selon lesquels la relation CPA/client ne revêt pas les attributs d’un principe de justice fondamentale, scellent le sort de la deuxième étape du cadre analytique et suffisent à répondre négativement à la présente question.

j)       dans l’affirmative, l’article 17.0.1 est-il justifié en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne?

[128]      Compte tenu de la réponse à la question précédente, il n’est pas nécessaire de trancher celle-ci.

* * *

[129]      Pour tous ces motifs, je propose d’accueillir les appels principaux, avec les frais de justice, de rejeter les appels incidents, avec les frais de justice, d’infirmer le jugement rendu par la Cour supérieure le 18 octobre 2021 et de rejeter la demande de pourvoi en contrôle judiciaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, avec les frais de justice.

 

 

 

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 


[1]  Ordre des comptables professionnels agréés du Québec c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4327 (le « jugement entrepris »).

[2]  Loi sur l’encadrement du secteur financier, RLRQ, c. E-6.1.

[3]  Ordre des comptables professionnels agréés du Québec c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4327 (le « jugement entrepris »).

[4]  Loi sur l’encadrement du secteur financier, RLRQ, c. E-6.1.

[5]  Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.

[6]  Code des professions, RLRQ, c. C-26.

[7]  Loi sur les comptables professionnels agréés, RLRQ, c. C-48.1.

[8]  Code des professions, supra, note 6, art. 23.

[9]  Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ, c. C-48.1, r.6.1; ce Code entré en vigueur le 9 mai 2024 ((2024) 156 G.O.Q. II 2127, p. 2165) a entièrement remplacé le précédent (r.6), en vigueur lors de l’audience et qui contenait, à son article 34, selon un libellé différent, les obligations déontologiques prévues par l’article 26 actuel.

[10]  Loi visant principalement à améliorer l'encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d'argent et le régime de fonctionnement des institutions financières, L.Q. 2018, c. 23.

[11]  Ordre des comptables professionnels agréés du Québec c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 3382.

[12]  Jugement entrepris, paragr. 14-17.

[13]  Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20.

[14]  Jugement entrepris, paragr. 20-21.

[15]  En outre, ajoute le juge, le libellé de l’article 17.0.1 ne permet pas de conclure à une intention législative, suivant l’article 52 de la Charte, de déroger à l’article 5 : jugement entrepris, paragr. 21 (cette conclusion du juge ne fait pas l’objet des appels).

[16]  Jugement entrepris, paragr. 33-34.

[17]  Id., paragr. 35.

[18]  Id., paragr. 27.

[19]  Id., paragr. 28-32.

[20]  Donaldson c. Autorité des marchés financiers, 2020 QCCA 401, paragr. 42, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 10 décembre 2020, no 39158. Voir aussi, concernant l’ancienne Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2 : Autorité des marchés financiers c. Fournier, 2012 QCCA 1179, paragr. 28-29, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 20 décembre 2010, no 34979, et Stéphane Rousseau, « L’application de la législation sur les valeurs mobilières au Québec : une étude du rôle du Tribunal administratif des marchés financiers », (2017) 76 R. du B. 1, p. 13.

[21]  Les CPAs n’exercent pas tous leur profession dans le domaine de la vérification ou de l’audit, comme l’illustrent notamment certaines des déclarations sous serment admises en preuve.

[22] Voir notamment Raymonde Crête, Jean Bédard et Stéphane Rousseau, « Les vérificateurs et la fiabilité de l’information financière : les messages de l’environnement institutionnel et juridique », (2004) 45:2 C. de D. 219, p. 221, cité par l’Ordre dans son mémoire présenté à la Commission des finances publiques dans le cadre des consultations particulières et des audiences publiques sur le projet de loi n°141 ayant mené à l’adoption de la Loi de 2018 (pièce P-2, p. 5). Dans le même sens: Stéphane Rousseau et Bastien Gauthier, « Les nouvelles normes relatives à l’indépendance des vérificateurs : l’implantation d’un cadre conceptuel fondé sur l’autoréglementation », (2006) 85 R. du B. can. 29, p. 30.

[23]  R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, p.  632-633.

[24]  R. c. Levkovic, 2013 CSC 25, paragr. 32. 

[25]  Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 983.

[26]  Procureur général du Québec c. Gallant, 2021 QCCA 1701, paragr. 134, citant R. c. Levkovic, supra, note 24, paragr. 34.

[27]  R. c. Nova Scotia Pharmaceutical, supra, note 23, p. 639-640; voir également p. 632.
Voir aussi Procureur général du Canada c. Caisse Desjardins de Limoilou, 2020 QCCA 1612, paragr. 48, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 10 juin 2021, no 39573.

[28]  Cordeau c. Cordeau, [1984] R.D.J. 201, 1984 CanLII 2837, paragr. 23 (C.A.).

[29]  Code des professions, supra, note 6.

[30]  Code de déontologie des comptables professionnels agréés, supra, note 9.

[31]  Voir notamment en ce sens : Archambault c. Comité de discipline du barreau du Québec, [1992] R.J.Q. 606, 1992 CanLII 3997, p. 15 (C.A.) (motifs du j. Brossard pour la Cour).

[32]  Pièce P-8, Lignes directrices temporaires émises par l’Ordre concernant la dénonciation prévue à la Loi sur l’AMF, Annexes conjointes (« A.C. »), p.  1867 et s.

[33]  Tel qu’en vigueur au moment de l’adoption de l’article 17.0.1 de la LESF. L’article 9.1 a toutefois été modifié à deux reprises et, depuis le 1er juin 2022, son premier alinéa est ainsi libellé : « Les droits et libertés de la personne s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de la laïcité de l’État, de l’importance accordée à la protection du français, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec » : Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, L.Q. 2022, c. 14, articles 139 et 218. Le texte du deuxième alinéa est demeuré le même. C’est en fonction du texte en vigueur au moment où elle se prononce qu’une cour d’appel doit dire le droit : Devine c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 790, 805.

[34]  A.M.C. (PGQ), p. 13, paragr. 56.

[35]  A.I.I. (AMF), p. 22-23, paragr. 71, 72 et 74.

[36]  François Chevrette, « La disposition limitative de la Charte des droits et libertés de la personne : le dit et le non-dit » (1987) 21:3 R.J.T. 461.

[37]  Id., p. 468-469.

[38]  Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47, paragr. 174.

[39]  Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43, paragr. 41; Devine c. Québec (Procureur général), supra, note 33, p. 818-819; Ward c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Gabriel et autres), 2019 QCCA 2042, paragr. 96 (motifs dissidents de la juge Savard, telle qu’elle était alors); Droit de la famille  191850, 2019 QCCA 1484, note infrapaginale 238, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 30 avril 2020, no 38912.

[40]  Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron, 2018 CSC 3.

[41]  Id., paragr. 89.

[42]  Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43.

[43]  Id., paragr. 39-40.

[44]  Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, L.Q. 1982, c. 61, art. 2.

[45]  Christian Brunelle et Mélanie Samson, « Les limites aux droits et libertés » dans École du Barreau, Collection de droit 2024-2025, vol. 8 « Droit public et administratif », Montréal, CAIJ, 2024, 131, p. 142.

[46]  Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, L.Q. 2022, c. 14, art. 139.

[47]  A.C., vol. 9, p. 3089-3093, 3096, 3097, 3101-3105, 3117-3121, 3141-3145 et 3169-3171, notamment.

[48]  Décision du 6 octobre 2021, A.C., vol. 9, p. 3156, lignes 14 à 25.

[49]  Le motif d’« irrégularité » comme fondement possible d’une demande en rejet d’un rapport d’expert réfère incidemment aux critères de recevabilité énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Mohan soit la pertinence, la nécessité d'aider le juge des faits, l'absence de toute règle d'exclusion et la qualification suffisante de l'expert (R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, p. 20-25; voir aussi Excavations Payette ltée c. Ville de Montréal, 2022 QCCA 1393, paragr. 26).

[50]  Commentaires de la ministre de la Justice, Code de procédure civile, chapitre C-25.01, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, p. 200 (article 241 C.p.c.).

[51]  Cardinal c. Bonnaud, 2018 QCCA 1357.

[52]  Id., paragr. 58.

[53]  A.C., vol. 9, p. 3105, lignes 4-7.

[54]  Id., p. 3096, ligne 22 et p. 3118, ligne 19.

[55]  Id., p. 3118, lignes 22-23.

[56]  Décision du 6 octobre 2021, A.C., vol. 9, p. 3158, ligne 12, à p. 3159, ligne 23.

[57]  Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, p. 133.

[58]  Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, paragr. 35.

[59]  Colombie-Britannique (Procureur général) c. Conseil des Canadiens avec déficiences, 2022 CSC 27, paragr. 70; Ernst c. Alberta Energy Regulator, 2017 CSC 1, paragr. 22; MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, p. 361-362; Chahinian c. R., 2022 QCCA 499, paragr. 90.

[60]  Presse ltée (La) c. Poulin, 2012 QCCA 2030, paragr. 13; art. 231 C.p.c.

[61]  Propriétés Bullion inc. c. Ville de Montréal, 2017 QCCA 1051, paragr. 8 (Kasirer, j.c.a.); Landry c. SteFoy (Ville de) (Québec), 2010 QCCA 2351, paragr. 26, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 12 mai 2011, no 34115. Voir aussi Poirier c. R., 2018 QCCA 1802, paragr. 92, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 2 mai 2019, no 38497.

[62]  Dans l'affaire: Renvoi à la Cour d'appel du Québec portant sur la validité constitutionnelle des dispositions de l'article 35 du Code de procédure civile qui fixent à moins de 85 000 $ la compétence pécuniaire exclusive de la Cour du Québec et sur la compétence d'appel attribuée à la Cour du Québec, 2019 QCCA 1492, paragr. 13-14, confirmé par Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35, 2021 CSC 2.

[63]  Art. 238 al. 3 C.p.c.

[64]  Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, p. 431; Presse ltée (La) c. Poulin, supra, note 60, paragr. 14.

[65]  Presse ltée (La) c. Poulin, supra, note 60, paragr. 15.

[66]  Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086, p. 1099.

[67]  Ibid.

[68]  R. c. Spence, 2005 CSC 71, paragr. 56.

[69]  Danson c. Ontario (Procureur général), supra, note 66, p. 1099.

[70]  Ibid.; Presse ltée (La) c. Poulin, supra, note 60, paragr. 15 (la nécessité de la preuve de faits « sociaux » (issus de « la recherche en sciences sociales servant à établir le cadre de référence ou le contexte pour trancher des questions factuelles cruciales pour le règlement d'un litige » : R. c. Spence, supra, note 68, paragr. 57) peut parfois aussi s’imposer).

[71]  MacKay c. Manitoba, supra, note 59, p.  361-362 et 366.

[72]  Danson c. Ontario (Procureur général), supra, note 66, p.1101.

[73]  Voir par exemple la section 2.1 du rapport, P-26, A.C., vol.  6, p. 2034 et s.

[74]  Presse ltée (La) c. Poulin, supra, note 60, paragr. 36.

[75]  Danson c. Ontario (Procureur général), supra, note 66, p. 1099; MacKay c. Manitoba, supra, note 59, p. 361; Presse ltée (La) c. Poulin, supra, note 60, paragr. 15.

[76]  Art. 106 al. 2 C.p.c.

[77]  Art. 2870 al. 1 C.c.Q.

[78]  Voir notamment Déclaration de Geneviève Mottard, paragr. 9-10 et 13-14; Déclaration de Paule Bouchard, paragr. 20-23, 32, 35-36 et 39; Déclaration d’Alain Dugal, paragr. 7, 9, 11 22C-22E, 22H, 24, 25, 79-81 et 84; Déclaration de Gilles Henley, paragr. 11-13, 23 et 27-28; Déclaration de Clemens Mayr, paragr. 18, 22 et 25; Déclaration de Guylaine Saucier, paragr. 20, 25-26 et 35; Déclaration de Pierre Seccareccia, paragr. 34, 45-46 et 54-57; Déclaration de Luc Bédard, paragr. 1819, 22, 26-27 et 29; Déclaration de Michel; Gallant, paragr. 20-22 et 28; Déclaration de Stéphan Drolet, paragr. 20-21 et 25; Déclaration d’Alain Lajoie, paragr. 24-25 et 29; Déclaration de Jean Gagnon, paragr. 22-23 et 27-28.

[79]  Graat c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 819, p. 839.

[80]  Murray c. Prestige Gabriel Ouest, 2021 QCCA 1394, paragr. 28; Laval (Ville de) (Service de protection des citoyens, département de police et centre d'appels d'urgence 911) c. Ducharme, 2012 QCCA 2122, paragr. 174-175; Smith c. Desjardins, 2005 QCCA 1046, paragr. 34, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 20 avril 2006, no 31247.

[81]  Sur les observations générales sur l’exercice de la profession : Déclaration de Paule Bouchard, paragr. 6-8, 14 et 34; Déclaration d’Alain Dugal, paragr. 10-11, 13-14, 16, 18-20, 22A, 24A, 26-28, 32, 39, 42, 47-50, 65, 70-74, 76-78 et 82; Déclaration de Gilles Henley, paragr. 15-21 et 25-26; Déclaration de Clemens Mayr, paragr. 2-15; Déclaration de Guylaine Saucier, paragr. 5, 8-17, et 30-31; Déclaration de Pierre Seccareccia, paragr. 4-6, 9-14, 17-22, 24-25, 37, 40 et 49-50; Déclaration de Luc Bédard, paragr. 9-10, 12-14, 17, 23, 27 et 28; Déclaration de Michel; Gallant, paragr. 6, 9, 11-19, 23 24 et 29; Déclaration de Stéphan Drolet, paragr. 11, 14-17, 19 et 26; Déclaration d’Alain Lajoie, paragr. 11, 1429, 21, 23 et 30; Déclaration de Jean Gagnon, paragr. 12-17, 19, 21 et 28. Sur les effets potentiellement préjudiciables de l’article 17.0.1 : Déclaration de Geneviève Mottard, paragr. 10 et 15-23; Déclaration de Paule Bouchard, paragr. 15, 19, 24-29, 32 et 41-43; Déclaration d’Alain Dugal, paragr. 22, 22E, 22G, 25, 29-30, 34, 54, 79 et 86; Déclaration de Gilles Henley, paragr. 11, 27 et 29; Déclaration de Me Clemens Mayr, paragr. 16-17 et 21-23; Déclaration de Guylaine Saucier, paragr. 18-19, 23-24, 26-29 et 32-34; Déclaration de Pierre Seccareccia, paragr. 27-28, 41, 47 et 53-54; Déclaration de Luc Bédard, paragr. 18, 20-21, 24 et 29; Déclaration de Michel; Gallant, paragr. 20, 25-27 et 29; Déclaration de Stéphan Drolet, paragr. 20, 22-23 et 26; Déclaration d’Alain Lajoie, paragr. 24, 26-27 et 30; Déclaration de Jean Gagnon, paragr. 22, 24-26 et 28.

[82]  Presse ltée (La) c. Poulin, supra, note 60, paragr.15.

[83]  MacKay c. Manitoba, supra, note 59, p. 366, citant Danson c. Ontario (Procureur général), supra, note 66, paragr. 32.

[84]  Danson c. Ontario (Procureur général), supra, note 66, p. 1101.

[85]  Tiger-Vac Intrenational inc. c. Mambro, 2021 QCCA 53, paragr. 19; Lecavalier c. 9036-5560 Québec inc., 2015 QCCA 551, paragr. 6.

[86]  Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, paragr. 34, cité dans Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, paragr. 156.

[87]  6169970 Canada inc. c. Sévigny, 2019 QCCA 1068, paragr. 38. Voir aussi Benisty c. Kloda, supra, note 86, paragr. 156, citant Schwartz c. Canada, supra, note 86, paragr. 34 et Bédard Martin c. Intact Compagnie d'assurance inc., 2024 QCCA 730, paragr. 155.

[88]  Frenette c. Métropolitaine (La), cie d'assurance-vie, [1992] 1 R.C.S. 647, p. 673-674. Voir aussi Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, p. 1189-1190 et 1191, nos XII-6.115 et XII-6.121.

[89]  Gazette (The) (Division Southam inc.) c. Valiquette, 1996 CanLII 6064, p. 10 et 11 (C.A.) (motifs du Juge en chef Michaud pour la Cour), cité avec approbation dans Laroche c. Lamothe, 2018 QCCA 1726, paragr. 58 et Syndicat des professionnelles du Centre jeunesse de Québec (CSN) c. Desnoyers, 2005 QCCA 110, paragr. 26.

[90]  Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, supra, note 88, p. 1191, no XII6.122.

[91]  Frenette c. Métropolitaine (La), cie d'assurance-vie, supra, note 88, p. 673-674.

[92]  Société d'énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d'élimination des déchets (SIGED) inc., 2004 CSC 18, paragr. 35.

[93]  Pagé c. Henley (Succession de), 2016 QCCA 964, paragr. 41-42, cité avec approbation dans Béton Laurentide inc. c. Lafarge Canada inc., 2018 QCCA 2100, paragr. 26.

[94]  Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B-1, art. 131.

[95]  Dans le même sens, voir la Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 14.1.

[96]  Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, supra, note 13.

[97]  Id., paragr. 28-35.

[98]  Société d'énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d'élimination des déchets (SIGED) inc., supra, note 92, paragr. 35. Voir aussi R. c. McClure, 2001 CSC 14, paragr. 28 et 31-33.

[99]  Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général); White, Ottenheimer & Baker c. Canada (Procureur général); R. c. Fink, 2002 CSC 61, paragr. 49.

[100]  Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, 2015 CSC 7, paragr. 38.

[101]  Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général); White, Ottenheimer & Baker c. Canada (Procureur général); R. c. Fink, supra, note 99, paragr. 35.

[102]  Ste-Marie c. Placements J.P.M. Marquis inc., 2005 QCCA 312, paragr. 22 et 27, citant Srivastava c. Hindu Mission of Canada (Québec) inc., [2001] R.J.Q. 1111, 2001 CanLII 27966 (C.A.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 février 2022, dossier n° 28686.

[103]  Voir, par analogie, les motifs majoritaires de la juge Deschamps dans R. c. Gomboc, 2010 CSC 55, paragr. 31-32.

[104]  Voir notamment Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash; Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Sélection Milton, [1994] 2 R.C.S. 406, p. 420; Petit c. Gagnon, 2021 QCCA 745, paragr. 11; Desbois c. R., 2019 QCCA 1788, paragr. 18; Rémillard c. Canada (Revenu national), 2022 CAF 63, paragr. 68.

[105]  143471 Canada Inc. c. Québec (Procureur général); Tabah c. Québec (Procureur général), [1994] 2 R.C.S. 339.

[106]  Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425.

[107]  R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154.

[108]  R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627.

[109]  143471 Canada Inc. c. Québec (Procureur général); Tabah c. Québec (Procureur général), supra, note 105, p.  377-378. Dans le même sens, mais concernant plus spécifiquement les sociétés, voir l’opinion de la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), supra, note 106, p. 589590 (motifs concourants de la j. L’Heureux-Dubé).

[110]  British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, 1995 CanLII 142, paragr. 5758.

[111]  En vertu de l’art. 7 al. 1 de la LESF, l’AMF « est chargée d’exercer les fonctions et pouvoirs qui lui sont attribués par les lois énumérées à l’annexe 1 ou par d’autres lois et d’administrer toutes les lois ou dispositions d’une loi dont la loi ou le gouvernement lui confie l’administration ». Voir aussi les articles 9,10 et 12 concernant ses pouvoirs d’inspection et d’enquête.

[112]  Loi sur les agents d'évaluation du crédit, RLRQ, c. A-8.2, art. 28.

[113]  Loi sur les assureurs, RLRQ, c. A-32.1, art. 20.

[114]  Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2, art. 184. Voir aussi la Loi sur les coopératives de services financiers, RLRQ, c. C-67.3, art. 552-554.

[115]  Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts, RLRQ, c. I-13.2.2, art. 2.

[116]  Loi sur les instruments dérivés, RLRQ, c. I-14.01, art. 49-53 et 115-116.

[117]  Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, RLRQ, c. S-29.02, art. 16.

[118]  Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c. V-1.1, art. 151.1-151.5 et 276.

[119]  Loi sur les assureurs, supra, note 113, art. 21; Loi sur la distribution de produits et services financiers, supra, note 114, art. 12-14; Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts, supra, note 115, art. 23; Loi sur les instruments dérivés, supra, note 116, art. 12 et 17; Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, supra, note 117, art. 17; Loi sur les valeurs mobilières, supra, note 118, art. 11-12 et 151.

[120]  British Columbia Securities Commission c. Branch, supra, note 110, paragr. 77 (j. l’Heureux-Dubé).

[121]  Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), supra, note 106, p. 518.

[122]  Art. 26 du Code de déontologie des comptables agréés, supra, paragr. 14 des présents motifs et note infrapaginale correspondante.

[123]  Loi sur l'encadrement du secteur financier, supra, note 4, art. 8; Loi sur les assureurs, supra, note 113, art. 1; Loi sur la distribution de produits et services financiers, supra, note 114, art. 184 et 312; Loi sur les coopératives de services financiers, supra note 114; Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts, supra, note 115, art. 1 et 2; Loi sur les instruments dérivés, supra, note 116, art. 1 et 2; Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, supra, note 117, art. 1; Loi sur les valeurs mobilières, supra, note 118, art. 276.

[124]  S.B.C. 1985, ch. 83.

[125]  British Columbia Securities Commission c. Branch, supra, note 110, paragr. 59.

[126]  Glegg c. Smith & Nephew Inc., 2005 CSC 31, paragr. 17. Voir Dominion Nickel Investments Ltd. c. Mintz, 2016 QCCA 1939, paragr. 24; Société d'énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d'élimination des déchets (SIGED) inc., supra, note 92, paragr. 37.

[127]  R. c. Jarvis, 2019 CSC 10, paragr. 65-66. Dans le même sens : R. c. Gomboc, supra, note 103, paragr. 27; Ste-Marie c. Placements J.P.M. Marquis Inc., supra, note 102, paragr. 22, citant Srivastava c. Hindu Mission of Canada (Quebec) Inc., supra, note 102, paragr. 71-72.

[128]  Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), supra, note 106, p. 517-518 (motifs du j. La Forest). Dans le même sens, voir British Columbia Securities Commission c. Branch, supra, note 110, paragr. 62-64; 143471 Canada Inc. c. Québec (Procureur général); Tabah c. Québec (Procureur général), supra, note 105, p. 377-378.

[129]  Voir par exemple : Déclaration d’Alain Dugal, paragr. 70 et 71; Déclaration de Stéphan Drolet, paragr. 22 b); Déclaration d’Alain Lajoie, paragr. 26 c) et 30 h); Déclaration de Jean Gagnon, paragr. 13.

[130]  Voir par exemple Déclaration d’Alain Dugal, paragr. 20, 32-33 et 71; Déclaration d’Alain Lajoie, paragr. 26 e); Déclaration de Jean Gagnon, paragr. 7, 24 e) et f).

[131]  Lizotte c. Aviva, Compagnie d’assurance du Canada, 2016 CSC 52, paragr. 19.

[132]  Voir Redhead Equipment v Canada (Attorney General), 2016 SKCA 115, paragr. 44.

[133]  Déclaration d’Alain Dugal, paragr. 19, 47, 70, 71 et 86 b); Déclaration de Pierre Seccareccia, paragr. 40; Déclaration de Luc Bédard, paragr. 13; Déclaration de Michel Gallant, paragr. 29 b); Déclaration de Stéphan Drolet, paragr. 15-16, 22 b) et 26 h); Déclaration d’Alain Lajoie, paragr. 12 b), 17, 26 c), 27 f) et g) et 30 h); Déclaration de Jean Gagnon, paragr. 13 et 28 c).

[134]  Déclaration d’Alain Lajoie, paragr. 17-19.

[135]  Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, supra, note 100, paragr. 87. Voir aussi R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, 2003 CSC 74, paragr. 113.

[136]  Société d'énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d'élimination des déchets (SIGED) inc., supra, note 92, paragr. 34; Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires, supra, note 13, paragr. 28.

[137]  Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, supra, note 100, paragr. 95, citant Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4, paragr. 8.

[138]  Redhead Equipment v. Canada (Attorney General), supra, note 132, paragr. 44; Tower v. M.N.R. (F.C.A.), 2003 CAF 307, paragr. 38, 43 et 46.

[139]  Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, supra, note 100, paragr. 69.

[140]  Voir, supra, les paragr. 89-91 et 116-119 des présents motifs.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.