Guénette c. Tecnica Mécanique |
2018 QCCQ 4386 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEDFORD |
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LOCALITÉ DE |
COWANSVILLE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
455-32-700731-176 |
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DATE : |
13 juin 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
LA JUGE |
SOPHIE LAPIERRE |
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Daniel GUÉNETTE, domicilié et résidant au […], Terrebonne (Québec) […]
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Partie demanderesse / défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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TECNICA MÉCANIQUE s.e.n.c., ayant un établissement au 125, rue Hanson, Cowansville (Québec) J2K 3E8
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Partie défenderesse / demanderesse reconventionnelle |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur, M. Daniel Guénette, réclame 9 816,40 $ en dommages à la défenderesse, Tecnica Mécanique s.e.n.c. (Tecnica), un garage de mécanique. Il allègue qu’en effectuant des travaux sur son véhicule, Tecnica l’a endommagé. La somme réclamée représente les coûts encourus pour faire réparer son véhicule par un tiers.
[2] Tecnica nie avoir endommagé le véhicule et fait valoir que certaines des réparations faites par le tiers n’ont aucun lien avec les travaux effectués par elle.
[3] Tecnica se porte demanderesse reconventionnelle pour la somme de 200 $ représentant les frais découlant d’un arrêt de paiement commandé par M. Guénette.
[4] Il s’agit d’une poursuite en responsabilité contractuelle contre Tecnica. Pour trancher le litige, le Tribunal identifie les questions pertinentes suivantes :
· Quelles sont les obligations de Tecnica dans le contexte particulier où M. Guénette fournit les pièces et participe aux décisions techniques nécessaires à l’exécution des travaux?
· Tecnica a-t-elle contrevenu à ses obligations ou endommagé le véhicule de M. Guénette?
[5] Et quant à la demande reconventionnelle, le Tribunal identifie la question suivante :
· M. Guénette a-t-il fautivement commandé l’arrêt du paiement destiné à Tecnica?
[6] M. Guénette est propriétaire d’une Subaru Impreza WRX 2010 qu’il utilise entre autres pour faire un type de course automobile en slalom entre des cônes.
[7] Au cours du mois de juin 2017, M. Guénette constate que l’antigel remonte dans le réservoir. Son mécanicien et lui concluent que la tête des cylindres du moteur doit être aplanie, le moteur n’étant plus hermétique.
[8] M. Guénette déniche une promotion sur internet, offerte par Tecnica. Il contacte Tecnica et convient d’apporter son véhicule pour les travaux d’usinage de la tête des cylindres du moteur.
[9] En débutant les travaux, Tecnica constate que plusieurs pièces sont endommagées. Le mécanicien les photographie, les commente et les transmet à M. Guénette. Le Tribunal note que :
· un collet est à changer sur le retour d’huile;
· un connecteur est brisé sur le boîtier de la bobine d’allumage (coil pack), et qu’une réparation de fortune a été faite avec des attaches-plastiques (Ty-rap);
· le volant-moteur (fly wheel) et l’embrayage sont finis.
[10] Après discussion, les parties conviennent de refaire le moteur au complet et de changer l’embrayage de même que le volant-moteur. Le radiateur est aussi changé. M. Guénette cherche et achète des pièces moins chères chez différents fournisseurs et les fait livrer chez Tecnica qui accepte de travailler avec les pièces fournies par M. Guénette.
[11] Les parties s’échangent des informations techniques tout au long des travaux, des photographies ou images des pièces, et chaque étape est discutée et acceptée par M. Guénette.
[12] Au remontage, l’alternateur saisit. Les connecteurs ne sont pas les bons au niveau des ventilateurs. M. Guénette demande à Tecnica de faire ce qui semble le mieux et le moins « broche à foin » pour réparer le tout.
[13] Survient ensuite un problème de connexion dans une couette de fils. Des attaches-plastiques sont installées parce qu’il est trop dispendieux de changer la couette de fils. Tecnica est d’avis que cela fera l’affaire.
[14] M. Guénette reprend son véhicule le 3 juillet 2017. Quelques jours plus tard, le moteur connaît des ratés et surchauffe.
[15] M. Guénette conduit son véhicule chez un concessionnaire Subaru le 6 juillet pour un diagnostic[1]. Plusieurs échanges interviennent entre les parties pour tenter de comprendre la cause du problème. Guidé à distance par Tecnica, M. Guénette effectue des tests mais rien n’est concluant.
[16] Le 9 août 2017, il est question que M. Guénette rapporte son véhicule chez Tecnica pour un examen plus approfondi mais il refuse.
[17] Ce n’est que le 13 décembre 2017 que M. Guénette apporte son véhicule chez un tiers, Mécanik MG, pour réparation. M. Guénette n’en n’informe pas Tecnica.
[18] M. Guénette produit un rapport d’expertise de Mécanik MG. Son auteur ne témoigne pas à l’audience. Le rapport fait état de diverses constatations mécaniques mais ne se prononce pas sur la cause des problèmes de ratés et surchauffe du moteur, ni sur la conformité aux règles de l’art des travaux faits par Tecnica.
[19] Finalement, la preuve révèle qu’après négociation sur le montant de la facture de Tecnica, M. Guénette a payé, par carte de crédit, la somme de 2 682,18 $. Fort des constatations faites par Mécanik MG, M. Guénette entreprend des démarches auprès de l’émetteur de sa carte de crédit pour se faire rembourser, avec succès.
[20] Des frais de 200 $ ont été chargés à Tecnica par l’émetteur de la carte de crédit. Tecnica les réclame à M. Guénette par demande reconventionnelle. Les travaux faits par Tecnica demeurent impayés à ce jour.
[21] M. Guénette réclame :
· pour la reconstruction du moteur.................................... 5 641,85 $
· pour les pièces utilisées dans la reconstruction du moteur ............................................................ 2 191,54 $
· pour un nouvel embrayage............................ 1 468,53 $
· pour une couette de fils..................................... 379,96 $
· pour les frais d’inspection par le concessionnaire Subaru............................................................. 134,52 $
Total 9 816,40 $
[22] Le garagiste ou mécanicien qui accepte d’effectuer une réparation sur un véhicule, à la demande d’un client, conclut un contrat de service[2]. Le mécanicien a le libre choix des moyens d’exécution du contrat[3]. Lorsque des pièces sont fournies au mécanicien par son client, le mécanicien est tenu d’en user avec soin et de rendre compte de cette utilisation. Si les biens sont manifestement impropres à l’utilisation à laquelle ils sont destinés ou sont affectés d’un vice, le mécanicien est tenu d’en informer son client[4].
[23] Il est depuis longtemps reconnu en jurisprudence que le garagiste et le mécanicien ont une obligation de résultat[5]. Même si M. Guénette possède certaines connaissances en mécanique, suffisamment pour questionner Tecnica, comprendre les informations techniques reçues de cette dernière, faire lui-même des recherches pour des pièces et suggérer certaines façons de faire, rien ne permet au Tribunal de conclure autrement quant à l’intensité de l’obligation de Tecnica. Tecnica a conservé le libre choix des moyens d’exécution ainsi que le dernier mot quant au choix des pièces à utiliser.
[24] Ainsi, le garagiste ou mécanicien doit corriger le problème pour lequel un véhicule lui est confié. La simple constatation de l’absence du résultat suffit à faire présumer la faute du garagiste. Pour se dégager de sa responsabilité, ce dernier doit administrer plus qu’une simple preuve d’absence de faute. Il doit démontrer que l’inexécution provient d’une force majeure[6].
[25] De plus, le contrat intervenu entre M. Guénette et Tecnica est protégé par la Loi sur la protection du consommateur. L’article 176 de cette loi prévoit qu’une réparation effectuée par un garagiste ou un mécanicien est garantie pour trois mois ou 5 000 km, selon le premier terme atteint. Cette garantie prend effet au moment de la livraison de l’automobile.
[26] Tecnica devait donc procéder à refaire le moteur au complet, changer l’embrayage ainsi que le volant-moteur. Tecnica devait livrer à M. Guénette son automobile réparée sans retour d’antigel dans le réservoir, problème initial pour lequel M. Guénette a confié son véhicule à Tecnica. Ces travaux sont garantis pour trois mois ou 5 000 km.
[27] Cette protection offerte par la Loi sur la protection du consommateur ne vise que les réparations effectuées. Quant aux autres dommages que M. Guénette prétend avoir été causés par les travaux de Tecnica, il doit établir la faute de Tecnica qui aurait causé de tels dommages à son véhicule[7].
[28] Il y a lieu maintenant de se pencher sur la preuve des problèmes rencontrés par M. Guénette suite aux travaux, et leur cause.
[29] Le moteur du véhicule de M. Guénette connaît des ratés et surchauffe quelques jours après en avoir pris livraison.
[30] M. Guénette produit l’expertise de Mécanik MG à qui il apporte son véhicule environ cinq mois plus tard en raison du problème de surchauffe. Le rapport produit pour valoir témoignage d’expert conclut :
· têtes de moteur : ok
· joint de culasse : ok
· boulons et tarots ARP : ok
· couple de serrage : ne respecte pas les « specs »
· base de moteur : la surface de la base du moteur est mal nettoyée et n’est pas parfaitement droite. Ce problème est dû à la surchauffe du moteur;
· en raison de la température trop élevée du moteur, constatation d’un phénomène d’ovalité des cylindres et un nouveau bloc-moteur est nécessaire;
· le nouvel embrayage est bleui en raison de la graisse appliquée lors de son installation;
· il y a un retour d’huile dans le turbo en raison d’une fuite d’un tuyau;
· il existe un mauvais contact dans le filage électrique du moteur et le filage doit être remplacé.
[31] En somme, les travaux de Tecnica pour la reconstruction du moteur, le changement de l’embrayage et la réparation du filage sont inadéquats. Le résultat n’est pas atteint. La preuve que le Tribunal retient démontre l’absence de problème de surchauffe du moteur avant les travaux de Tecnica et l’apparition de ce problème dès la livraison du véhicule à M. Guénette. La surchauffe a causé des dommages qui nécessitent le remplacement du bloc moteur. Ce sont des travaux dont Tecnica demeure responsable.
[32] Quant au retour d’huile dans le turbo, la preuve ne permet pas de relier ce problème aux travaux de Tecnica.
[33] M. Guénette fait effectuer des réparations pour un total de 9 816,40 $ incluant les frais d’inspection chez Subaru de 134,52 $. M. Guénette ne peut pas réclamer un montant de près de 70 % supérieur à celui facturé par Tecnica pour des travaux supposément semblables, sans une preuve convaincante qui expliquerait cet écart surprenant.
[34] Tecnica avance que certaines pièces utilisées sont de qualité supérieure à celle des pièces que M. Guénette a fournies, que certaines réparations faites par Mécanik MG ne sont pas en lien avec les travaux effectués par elle et qu’au final, M. Guénette a investi pour améliorer son véhicule.
[35] Ainsi, le Tribunal ne peut considérer la facture de Mécanik MG comme une juste mesure des dommages subis par M. Guénette. C’est plutôt à partir de la facture initiale de Tecnica que le Tribunal doit apprécier et mesurer les dommages subis.
[36] En retranchant ce qui a été facturé pour le trouble de l’alternateur (163,84 $) de la facture initiale de Tecnica au montant de 2 332,84 $ (avant taxes), le Tribunal accorde à M. Guénette la somme de 2 169 $ plus taxes, soit 2 493,81 $.
[37] La démarche de M. Guénette auprès de l’émetteur de sa carte de crédit pour annuler le paiement des travaux à Tecnica, sans avertissement, n’était pas justifiée. M. Guénette ne pouvait pas faire annuler le paiement des travaux, refuser que Tecnica examine le véhicule et tente de le réparer, puis le faire réparer par un tiers pour un montant considérablement supérieur au montant des travaux en litige, laissant Tecnica impayée.
[38] Non seulement Tecnica demeure impayée mais elle a dû assumer un montant de 200 $ en raison de cette démarche de M. Guénette. Il devra rembourser cette somme à Tecnica.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[39] ACCUEILLE partiellement la demande introductive d’instance;
[40]
CONDAMNE Tecnica Mécanique s.e.n.c. à payer à Daniel Guénette la somme de
DEUX MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT-TREIZE DOLLARS ET QUATRE-VINGT-UN CENTS (2 493,81 $),
avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[41] CONDAMNE Tecnica Mécanique s.e.n.c. aux frais de justice de 187 $;
[42] ACCUEILLE la demande reconventionnelle;
[43]
CONDAMNE Daniel Guénette à payer à Tecnica Mécanique s.e.n.c. la somme de
DEUX CENTS DOLLARS (200 $), avec intérêts au taux légal et l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
[44] CONDAMNE Daniel Guénette aux frais de justice de 150 $.
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__________________________________ SOPHIE LAPIERRE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
25 avril 2018 |
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N.B. - Un an après la date du présent jugement, les pièces produites au dossier seront détruites à moins que les parties n'en reprennent possession avant cette échéance.
[1] Un rapport incomplet du concessionnaire Subaru est produit par M. Guénette. Ce rapport montre qu’une ligne d’information a été effacée. Le Tribunal considère que ce rapport n’a aucune valeur probante quant à son contenu. Il prouve simplement que M. Guénette a fait inspecter son véhicule pour établir un diagnostic.
[2] Code civil du Québec, article 2098.
[3] Code civil du Québec, article 2099.
[4] Code civil du Québec, article 2104.
[5]
Code civil du Québec, article 2100; Fortin c. Gagnon,
[6] Royal & Sun Alliance c. André Ressort Service inc., 2004 CanLII 7424 (QC CS).
[7]
Sciotto c Ressorts Lasalle inc.,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.