Décision

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Restaurant Brands International inc. c. Deschatelets

2025 QCCA 1020

COUR D’APPEL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE MONTRÉAL

 

No :

500-09-031615-255

      (500-06-001306-246)

 

 

PROCÈS-VERBAL D’AUDIENCE

 

 

DATE : Le 15 août 2025

 

L’HONORABLE BENOÎT MOORE, J.C.A.

 

 

 

PARTIES REQUÉRANTES

AVOCATS

 

RESTAURANT BRANDS INTERNATIONAL INC.

RESTAURANT BRANDS INTERNATIONAL LIMITED PARTNERSHIP

GROUPE TDL CORPORATION

FONDS DE PUBLICITÉ ET PROMOTION TIM HORTONS (CANADA) INC.

 

 

Me PIERRE-PAUL DAUNAIS

Me JEAN-FRANÇOIS FORGET

Me JULIEN DEMERS-POITRAS

(Stikeman Elliott)

Absents

PARTIE INTIMÉE

AVOCATS

 

JONATHAN DESCHATELETS

 

 

Me JOEY ZUKRAN

Me LÉA BRUYÈRE

(LPC Avocats)

Absents

 

 

DESCRIPTION :

Demande de permission d'appeler d’un jugement rendu le 27 juin 2025 par l’honorable Donald Bisson de la Cour supérieure, district de Montréal (Art. 357 et 578 C.p.c.).

 

Greffière-audiencière : Chloé Côté-Sauvageau

Salle : RC-18

 

AUDIENCE

 

 

Continuation de l’audience du 14 août 2025. Les avocats ont été dispensés d’être présents à la Cour.

PAR LE JUGE : Jugement – voir page 3.

 

 

 

 

Chloé Côté-Sauvageau, Greffière-audiencière

 


 

JUGEMENT

 

 

 

  1.                 Les requérantes souhaitent se pourvoir en appel d’un jugement de la Cour supérieure du 27 juin 2025 (l’honorable Donald Bisson)[1], lequel accueille en partie une demande d’autorisation d’exercer une action collective.
  2.                 Le contexte est celui du concours « Déroule pour gagner » qui a eu lieu entre le 4 mars 2024 et le 31 mars 2024 dans les restaurants Tim Hortons.
  3.                 Le 17 avril 2024, un courriel a été envoyé à un certain nombre de participants (environ 500 000) rappelant les prix qu’ils avaient gagnés lors de ce concours. Ce courriel indiquait erronément aux participants qu’ils avaient gagné un bateau d’une valeur de 68 751 $. Dans les heures qui ont suivi, un nouveau courriel a informé les participants de l’erreur.
  4.                 L’intimé intente donc une demande d’autorisation d’action collective, à la fois sur le fondement de la violation de certains articles de la Loi sur la protection du consommateur[2] « LPC », plus spécialement ses articles 41 et 42, et sur celui de l’article 1812 du Code civil du Québec portant sur la promesse de donation. À l’audience en Cour supérieure, l’intimé renonce à ce second fondement.
  5.                 Le jugement entrepris autorise le recours fondé sur les dispositions de la LPC. En essence, le juge conclut que le concours est l’accessoire du contrat de vente d’un produit de Tim Hortons et qu’en ce sens, le courriel annonçant aux participants qu’ils ont gagné un bateau constitue une représentation aux termes des articles 41 et 42 LPC, liant ainsi les requérantes. Le juge reporte au stade du mérite certaines questions soulevées par celles-ci, notamment de savoir s’il s’agit ici d’une représentation post-contractuelle et, dans un tel est le cas, si elle peut être visée par les articles 41 et 42 LPC.
  6.                 Le juge identifie ainsi les questions en litige de même que les conclusions recherchées :

[99] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait ou de droit qui seront traitées collectivement :

a) Tim Hortons a-t-elle l'obligation légale en vertu de la Loi sur la protection du consommateur de livrer les bateaux et les remorques aux membres du groupe qui ont reçu un courriel de Tim Hortons indiquant qu'ils ont gagné ces prix?

b) Alternativement, les membres du groupe ont-ils droit à des dommages-intérêts équivalents à la valeur du bateau Tracker Targa 18 WT 2024 et de la remorque?

c) Les membres du groupe ont-ils droit à d'autres dommages-intérêts?

d) Tim Hortons est-elle tenue de payer des dommages punitifs aux membres du groupe et, le cas échéant, quel en est le montant?

[100] IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées qui s'y rattachent:

  1.       ACCUEILLIR l'action du demandeur contre les défenderesses en son nom et au nom de tous les membres du groupe;
  2.       ORDONNER aux défenderesses solidairement de livrer le bateau Tracker Targa 18 WT 2024 et sa remorque au demandeur et à chacun des membres du groupe;

Alternativement :

CONDAMNER les défenderesses solidairement à payer au demandeur et aux membres du groupe des dommages équivalents à la valeur totale des bateaux Tracker Targa 18 WT 2024 et de leur remorque;

  1.       CONDAMNER les défenderesses solidairement à payer des dommages-intérêts au représentant des demandeurs et aux membres du groupe pour un montant à déterminer;
  2.       CONDAMNER les défenderesses solidairement à payer des dommages punitifs au demandeur et aux membres du Groupe au montant de 10 000 $ chacun;
  3.       ORDONNER le recouvrement collectif de tous les dommages octroyés aux membres du groupe;
  4.         CONDAMNER les défenderesses solidairement à payer les intérêts et l'indemnité additionnelle sur les sommes ci-dessus conformément à la loi, à compter de la date de signification de l’Application to Authorize the Bringing of a Class Action;
  5.       ORDONNER aux défenderesses solidairement de déposer au greffe de la Cour la totalité des sommes faisant partie du recouvrement collectif, avec intérêts et indemnité additionnelle et frais de justice;
  6.       ORDONNER que les réclamations individuelles des membres du groupe fassent l'objet d'une liquidation collective si la preuve le permet, et sinon alternativement, d’une liquidation individuelle;
  7.         CONDAMNER solidairement les défenderesses à supporter les frais de justice de la présente action à tous les niveaux, y compris le coût de toutes les pièces, les avis, les frais de gestion des réclamations et les frais d'experts, le cas échéant, y compris les frais d'experts nécessaires à l'établissement du montant du recouvrement collectif;
  1.                 Essentiellement, les requérantes soulèvent que le jugement entrepris comporte trois erreurs en lien avec le syllogisme juridique proposé par l’intimé : 1) l’assujettissement de la participation au concours au régime du contrat de vente; 2) la portée des articles 41 et 42 LPC en matière de représentation post-contractuelle; et 3) le caractère indemnisable de dommages moraux découlant de l’excitation, du stress et de la déception à la suite du message les informant de l’erreur.
  2.                 La permission d’appeler d’un jugement autorisant une action collective est régie par l’article 578 du Code de procédure civile, lequel se lit ainsi :

578. Le jugement qui autorise l’exercice de l’action collective n’est sujet à appel que sur permission d’un juge de la Cour d’appel. Celui qui refuse l’autorisation est sujet à appel de plein droit par le demandeur ou, avec la permission d’un juge de la Cour d’appel, par un membre du groupe pour le compte duquel la demande d’autorisation a été présentée.

 

L’appel est instruit et jugé en priorité.

578. A judgment authorizing a class action may be appealed only with leave of a judge of the Court of Appeal. A judgment denying authorization may be appealed as of right by the applicant or, with leave of a judge of the Court of Appeal, by a member of the class on whose behalf the application for authorization was filed.

 

 

 

The appeal is heard and decided by preference.

  1.                 Il est bien établi en jurisprudence que le seuil à satisfaire pour obtenir l’autorisation d’exercer une action collective est peu élevé et se limite à évaluer si l’action propose un syllogisme défendable afin d’écarter les demandes frivoles[3]. Il s’agit là de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire du juge de première instance à l’égard duquel la Cour doit faire preuve de déférence.
  2.            En conséquence de ces principes, le fardeau à satisfaire pour obtenir une permission d’appeler d’un tel jugement est très élevé. Cela n’implique toutefois pas qu’une telle permission ne puisse jamais être accordée[4].
  3.            Je rappelle ce qu’écrivait notre Cour dans l’arrêt Allen[5] :

[55]        La vérification des critères énoncés à l’article 575 n.C.p.c. est souple et peu exigeante. Le seuil de preuve requis à ce stade est peu élevé; le fardeau du requérant en est un de démonstration sommaire et non de persuasion quant au bien-fondé du recours. Le juge saisi de la requête en autorisation d’exercice de l’action collective jouit d’une vaste latitude; en corollaire, la norme d’intervention en appel d’une décision autorisant, ou refusant, l’exercice de l’action collective est exigeante. Le jugement autorisant l’exercice de l’action collective ne met pas fin au litige et ne décide pas du fond de l’affaire. Le processus d’autorisation ne doit pas constituer un frein au bon déroulement de l’instance.

[…]

[57]        À mon avis, les intimés ont donc raison de soutenir que le test relatif doit être exigeant.

[58]        L’appel doit être réservé à des cas somme toute exceptionnels.

[59]        Le juge accordera la permission de faire appel lorsque le jugement lui paraîtra comporter à sa face même une erreur déterminante concernant l’interprétation des conditions d’exercice de l’action collective ou l’appréciation des faits relatifs à ces conditions, ou encore, lorsqu’il s’agira d’un cas flagrant d’incompétence de la Cour supérieure.

[60]        Ce test est fidèle à l’intention du législateur voulant que l’appel ne porte que sur les conditions d’exercice de l’action collective. Il est de nature à écarter les appels inutiles ou ne portant que sur des éléments accessoire, sans incidence sur l’autorisation d’exercer l’action collective. Il est respectueux de la discrétion du juge qui a autorisé l’action collective. Il n’est pas à ce point souple qu’il alourdirait indirectement le fardeau de ceux qui cherchent à exercer une action collective et à la mener à terme dans des délais raisonnables. Il permet aussi d’assurer qu’une action collective ne procède pas sur une base erronée, évitant ainsi aux parties d’être entrainées dans un débat judiciaire, long et coûteux.

[Renvoi omis]

  1.            Considérant les représentations des parties et les circonstances de l’espèce, je suis d’avis que les conditions sont satisfaites et qu’il convient de soumettre les questions que soulève ce dossier à une formation de la Cour. L’article 578, paragraphe 2 C.p.c. prévoit que l’appel d’un jugement autorisant l’exercice d’une action collective est instruit et jugé en priorité. En conséquence, j’ai procédé à une gestion de l’instance.

POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :

  1.            ACCUEILLE la demande de permission d’appeler;
  2.            PERMET aux parties requérantes d’en appeler du jugement rendu le 27 juin 2025 par l’honorable Donald Bisson de la Cour supérieure, dans le dossier portant le numéro 500-06-001306-246;
  3.            FIXE au 25 septembre 2025 l'échéance du délai de notification et de dépôt au greffe de l’exposé des parties appelantes. Celui-ci doit comporter une argumentation écrite d’au plus 15 pages ainsi que trois annexes (art. 13 et 58 R.C.a.Q.m.civ. et Avis du greffier no 7);
  4.            FIXE au 6 novembre 2025 l'échéance du délai de notification et de dépôt au greffe de l’exposé de la partie intimée. Celui-ci doit comporter une argumentation écrite d’au plus 15 pages et, si nécessaire, un complément à l’une ou l’autre des annexes des parties appelantes (art. 13 et 58 R.C.a.Q.m.civ. et Avis du greffier no 7);
  5.            DÉFÈRE le dossier au maître des rôles pour qu’il fixe la date d’audience du pourvoi une fois le dossier en état, pour une durée totale de 90 minutes (45 chaque partie);
  6.            LE TOUT, frais à suivre selon le sort de l’appel;

 

 

 

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 


[1]  Deschâtelets c. Restaurant Brands International Inc., 2025 QCCS 2157 [jugement entrepris].

[2]  RLRQ, c. P-40.1

[3]  L'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 58; Godin c. Aréna des Canadiens inc., 2020 QCCA 1291, paragr. 117.

[4]  Voir : Maruyasu Industries Co. Ltd. c. Asselin, 2018 QCCA 526 (Mainville, j.c.a.); Aimia Canada inc. c. Taillon, 2017 QCCA 1985 (Hilton, j.c.a.); Ameublements Tanguay inc. c. Cantin, 2017 QCCA 135 (Kasirer, j.c.a.); Banque de Montréal c. Chevrette, 2022 QCCA 1159 (Beaupré, j.c.a.).

[5]  Centrale des syndicats du Québec c. Allen, 2016 QCCA 1878.

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