Décision

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Boivin & Associés c. Scott

2011 QCCQ 10324

COUR DU QUÉBEC

« Division de pratique »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-22-182429-111

 

 

 

DATE :

15 août 2011

 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DANIEL DORTÉLUS

 

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BOIVIN & ASSOCIÉS

Partie demanderesse

c.

JAMES WALTER SCOTT

CHERYL ELIZABETH VERNET

Me ROBERT ASTELL

Partie défenderesse

 

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MOTIFS DU JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE

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JD 2273

 

[1]           Voici les motifs du jugement rendu, séance tenante, accueillant la requête de la partie demanderesse pour mode spécial de signification par voie électronique.

[2]           La demanderesse a introduit devant cette cour un recours contre la défenderesse Cherryl Elisabeth Vernet et les co-défendeurs. Elle recherche, comme conclusion, leur condamnation solidaire pour la somme de 38 253,70 $.

[3]           La demanderesse allègue, dans sa requête, qu'après plusieurs démarches, il s'est avéré que la défenderesse n'a aucune adresse connue au Québec. Sa dernière adresse connue était en Floride mais elle a déménagé.

[4]           La demanderesse connaît l'adresse Facebook de la défenderesse. Elle soulève qu'il lui est possible de lui signifier la requête introductive d'instance par voie électronique de façon efficace et personnalisée.

[5]           La demanderesse produit la preuve des tentatives de signification de la requête à la dernière adresse de la défenderesse en Floride (pièce R-2). Elle produit en preuve une copie de la page Facebook de la défenderesse attestant son identité (pièce R-1). Elle demande l'autorisation de signifier la requête introductive d'instance à l'adresse de la défenderesse sur Facebook.

[6]           La signification de la requête introductive d'instance se fait par la remise d'une copie de l'acte à l'intention de son destinataire, c'est ce qui est énoncé à l'article 123 du Code de procédure civile qui prévoit plusieurs moyens pour remettre la copie de l'acte à son destinataire.

[7]           La signification peut se faire par huissier, par l'envoi par la poste de la copie à son destinataire et par publication d'un avis dans un journal.

[8]           La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information[1] (L.C.C.J.T.I.) énonce aux articles 28 et 74 :

Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n'exige l'emploi exclusif d'un mode spécifique de transmission.

         Lorsque la loi prévoit l'utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis. De même, lorsque la loi prévoit l'utilisation de la poste certifiée ou recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d'un document technologique, au moyen d'un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.

         Lorsque la loi prévoit l'envoi ou la réception d'un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cas d'un document technologique, d'un identifiant propre à l'emplacement où le destinataire peut recevoir communication d'un tel document.

[…]

74        L'indication dans la loi de la possibilité d'utiliser un ou des modes de transmission comme l'envoi ou l'expédition d'un document par lettre, par messager, par câblogramme, par télégramme, par télécopieur, par voie télématique, informatique ou électronique, par voie de télécommunication, de télétransmission ou au moyen de la fibre optique ou d'une autre technologie de l'information n'empêche pas de recourir à un autre mode de transmission approprié au support du document, dans la mesure où la disposition législative n'impose pas un mode exclusif de transmission.

[9]           Au sujet de l'interaction entre l'application de l'article 123 C.p.c.[2] et de L.C.C.J.T.I., pour l'utilisation du courriel comme mode de signification, les auteurs  Me Jean-François De Rico et  Me Dominique Jaar écrivent :

      Comme son nom l'indique, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information est une loi « chapeau» qui a amendé nommément plusieurs lois, mais qui a aussi eu pour effet d'amender toutes lois qui traitent de documents et de modes de transmission, incluant le C.p.c. Le législateur a été précurseur en comprenant que l'avènement des TI et la vitesse de leur évolution ne permettraient pas d'amender chacune des lois à chaque avancée technologique. Ainsi, il a favorisé un cadre juridique général qui chapeaute toutes les lois pertinentes pour éviter de recourir à l'amendement législatif de ces dernières.

      Il nous semble justifié d'appliquer les dispositions de la L.C.CJ.T.I. aux articles concernant la signification dans le Code de procédure civile. Rappelons que le principe juridique à la base de la signification est en fait « la remise d'une copie de l'acte à l'intention de son destinataire» (123 C.p.c.). Selon l'article 28 L.C.C.J.T.I., cette remise peut être effectuée « par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n'exige l'emploi exclusif d'un mode spécifique de transmission». Notons que la seule exception à l'article 28 L.C.CJ.T.I. tient dans l'exigence législative d'un mode exclusif de transmission. Or, à la lecture des articles 123 et 140.1 C.p.c., on constate l'usage du mot « peut» qui dénote une possibilité, i.e. tout le contraire d'une obligation exclusive. Considérant que le Code de procédure civile ne prévoit pas de mode exclusif de transmission pour effectuer une signification, retenant plutôt plusieurs modes (huissier, poste, télécopieur, etc.), nous croyons que l'article 28 L.C.CJ.T.I. peut recevoir pleine application et ainsi permettre au courriel d'être utilisé comme mode de signification.[3]

[…]

[10]        Le Tribunal partage l'avis de ces auteurs et estime que le même raisonnement pour l'usage du courriel comme mode de signification est aussi applicable pour une signification par Facebook.

[11]        L'article 31 de la L.C.C.J.T.I. encadre les modalités de la preuve d'une telle signification.

[12]        Nous sommes ici devant une situation où la partie demanderesse a tenté sans succès de faire signifier, en vertu des dispositions de l'article 137 C.p.c., la requête introductive d'instance à la défenderesse à sa dernière adresse connue en Floride.

[13]        Le seul moyen dont dispose la demanderesse pour transmettre à la défenderesse la requête introductive d'instance est par l'intermédiaire de son adresse Facebook. En effet, il s'agit d'un moyen direct et pratique d'aviser la défenderesse que des procédures sont entreprises contre elle afin qu'elle puisse préparer sa défense et d'être entendue, ce qui rencontre le principal but de la signification.

[14]        Pour les motifs exprimés précédemment, l'article 28 de la L.C.C.J.T.I. permet l'utilisation de ce mode de signification.

[15]        Le Tribunal tient compte que la partie demanderesse sera en mesure de faire la preuve de la signification de la requête introductive d'instance par la voie de Facebook[4].

[16]        L'ensemble de ces facteurs amène le Tribunal à conclure que les critères sont rencontrés pour autoriser la signification de la requête introductive d'instance à l'adresse de la défenderesse sur Facebook, et ce, en application de l'article 138 C.p.c.[5]

[17]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]        ACCUEILLE la requête;

[19]        AUTORISE la signification de la requête introductive d'instance en cette cause à la défenderesse Cheryl Elizabeth Vernet, et ce, par voie électronique à l'adresse : http://facebook.com/cheryl.e.vernet.

[20]        LE TOUT, frais à suivre.

 

 

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DANIEL DORTÉLUS, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

15 août 2011

 



[1]     L.R.Q. c.  C-1.1, art 28, 74.

[2]     Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 123 .

[3]     DE RICO J.-F. & JAAR D., « Le Cadre juridique des technologies de l'information », Congrès annuel du Barreau du Québec, Service de la formation continue, 2009, CAIJ, p. 17-18.

[4]     Précité note1, L.C.C.J.T.I. art. 31.

[5]     Précité, Code de procédure civile, note 2, art.138.

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