Décision

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Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 26 juillet 2023

Référence neutre : 2023 QCTAQ 07470

Dossier  : SAI-M-318526-2210

Devant le juge administratif :

JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER

 

GESTION LPDP INC.

Partie requérante

c.

VILLE DE MONTRÉAL

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 


 


APERÇU

[1]                    Le recours porte sur l’exactitude de la catégorie et de la classe inscrites au rôle d’évaluation foncière 2020-2021-2022 pour l’unité dont les coordonnées sont les suivantes :

 

Numéro de matricule :  9744-65-3976-1-000-0000

 

Adresse de l’unité :  5955, avenue Papineau

 

Catégorie et classe de l’immeuble : Non résidentielle classe 10

 

[2]                    L’audience se tient par visioconférence le 25 mai 2023 devant le Tribunal administratif du Québec (Tribunal). Chaque partie a l’opportunité de faire ses représentations et le délibéré débute le même jour.

[3]                    Dans sa demande de révision et sa requête introductive, la partie requérante demande que la catégorie et la classe de son unité d’évaluation soient modifiées pour désormais être un terrain vague desservi. Selon elle, son terrain vacant n’étant plus utilisé comme stationnement, il est justifié de changer sa catégorie.

[4]                    La requérante ne conteste pas la valeur inscrite au rôle d’évaluation foncière.

[5]                    Le rapport d’expertise de M. Torida Té, évaluateur agréé de la Ville de Montréal (Ville), conclut qu’aucun événement prévu à l’article 174 de la Loi sur la fiscalité municipale (LFM)[1] ne justifie une modification de classe de l’immeuble et recommande le maintien de la catégorie et de la classe à immeuble non résidentiel (INR) de classe 10.

[6]                    Le Tribunal doit décider de la catégorie et de la classe de cette unité d’évaluation.

[7]                    Pour les motifs ci-dessous, le Tribunal établit que cette unité d’évaluation est un immeuble de catégorie non résidentiel et de classe 10.

CONTEXTE

[8]                    Gestion LPDP Inc. (LPDP) acquiers la propriété le 28 février 2022. Avant la vente, le vendeur de cet immeuble l’utilise comme terrain de stationnement depuis 1998.

[9]                    Préalablement à son achat, LPDP effectue plusieurs démarches auprès de la Ville notamment une demande de modification de la classe et de l’utilisation du terrain, afin qu’il soit identifié comme un terrain vague desservi. C’est à ce moment que la Ville l’informe qu’il faut condamner de façon permanente l’accès par véhicule au terrain.

[10]               LPDP n’a pas l’intention de l’utiliser comme terrain de stationnement et, d’ailleurs, il a déposé une demande de permis pour construire sur ce terrain un projet multi résidentiel. LPDP n’est pas une entreprise de location de stationnements.

[11]               Suite à l’achat du terrain par LPDP, M. Té visite les lieux. Ce dernier constate que l’entrée rue Papineau a été condamnée au moyen de deux blocs de béton et que l’accès par la ruelle est bloqué par cinq poteaux mobiles avec panneau reliés par un ruban barricade. Aucun véhicule n’est stationné sur le terrain au moment de cette visite[2].

[12]               Au cours des mois suivants, M. Té effectue trois autres visites de lieux et il constate à chaque fois que l’entrée charretière sur la rue Papineau et l’accès par la ruelle ne sont plus condamnés et que des véhicules sont stationnés sur le terrain[3].

[13]               Après ses constatations, l’évaluateur de la Ville refuse de modifier l’utilisation du terrain et maintien la classe de mixité commerciale à INR 10.

PREUVE ET ANALYSE

[14]               L’article 244.31 LFM[4] détermine les immeubles qui composent la catégorie des immeubles non résidentiels. Cet article exclut notamment du groupe des immeubles non résidentiels, les unités d’évaluation constituées uniquement de terrain non exploité[5].

[15]               Avant l’acquisition de cette propriété par LPDP, le terrain est exploité comme stationnement par l’entreprise qui le possède et le pourcentage de son usage non résidentiel est de 100 %. Il ne fait aucun doute qu’il est alors un immeuble non résidentiel de classe 10.

[16]               Il faut donc analyser s’il y a eu un changement d’utilisation qui permettrait de l’exclure de l’application de l’article 244.31 LFM et menant ainsi à un changement de catégorie d’immeuble.

[17]               Les modifications en cours de rôle ne sont effectuées que pour les raisons édictées à l’article 174 LFM. Un changement de catégorie d’une unité d’évaluation est prévu au paragraphe 13.1.1 de l’article 174, lequel se lit comme suit :

174  L’évaluateur modifie le rôle d’évaluation foncière pour:

[…]

13.1.1°  eu égard à l’article 57.1.1, ajouter une mention indûment omise ou supprimer une mention indûment inscrite et, dans la mesure où le rôle doit contenir des renseignements à ce sujet, tenir compte du fait qu’une unité d’évaluation:

a)  devient visée à l’article 57.1.1 ou cesse de l’être;

b)  change de classe parmi celles que prévoit l’article 244.32;

c)  devient visée à l’article 244.51 ou 244.52 ou cesse de l’être;

d)  devient visée à l’article 244.54, cesse de l’être ou change de classe parmi celles que prévoit cet article;

[…]

[18]           La requérante prétend qu’à la suite de son achat, cette propriété est devenue un terrain vague desservi. M. David Powell, vice-président de LPDP, mentionne lors de son témoignage qu’il n’effectue aucune location d’espace de stationnement, qu’il s’y stationne parfois et que tout autre véhicule qui s’y stationne le fait sans son consentement et de façon illégale. Il mentionne aviser tous ceux qui se stationnent sans droit sur le terrain dès qu’il le peut.

[19]           D’ailleurs, M. Powell dépose en preuve une facture de remorquage[6] et une soumission pour des services de surveillance et de remorquage[7]. Il indique qu’il ne donne pas suite à la soumission et qu’il cesse d’effectuer les remorquages, car les coûts sont trop élevés. En plus, il constate que le remorquage des véhicules n’a pas l’effet escompté.

[20]           LDPD a un projet de construction multi résidentiel sur cette unité d’évaluation et le processus d’obtention des permis est en cours. M. Powell précise que le réaménagement de ce terrain, notamment l’enlèvement du pavage, se fera au moment de la construction de son nouvel immeuble.

[21]           M. Torida Té, à titre d’expert de la Ville, indique dans son rapport et lors de son témoignage que le changement d’usage doit être concret et réel. Il constate d’ailleurs lors de sa visite du 22 mars 2022 que l’accès au terrain est condamné autant par la ruelle que par la rue Papineau. À cette date, aucun véhicule n’est stationné sur la propriété.

[22]           Lors de son témoignage, M. Powell indique qu’il a bloqué l’accès à la suggestion de M. Té, mais qu’il a retiré ce qui bloquait pour lui permettre de conserver un accès personnel au terrain.

[23]           C’est ce que M. Té constate lors de ses visites subséquentes. Ce dernier observe aussi que le terrain est de nouveau utilisé comme stationnement. Il conclut que l’usage du terrain n’a pas changé et qu’il n’y a aucun élément lui permettant de modifier la classe de l’unité d’évaluation à terrain vague desservi.

[24]           Le Tribunal est aussi de cet avis. Pour qu’une modification du rôle soit effectuée, il faut que le changement soit réel et continu. LDPD installe des éléments pour bloquer l’accès, mais les enlève par la suite. En enlevant les éléments qui bloquaient entièrement l’accès à la propriété, LDPD a remis les lieux dans la même situation qu’avant. Le terrain est donc redevenu un stationnement.


[25]           L’intention du propriétaire d’une unité d’évaluation n’a pas d’incidence sur le changement de catégorie. Seul l’usage effectif de cette unité est important. Même si LPDP a l’intention d’y construire un immeuble multi résidentiel, les aménagements actuels se trouvant sur le terrain sont liés à un usage de stationnement.

[26]           Le fait que plusieurs véhicules y sont stationnés sans autorisation et de façon illégale n’est pas un facteur déterminant, tout comme le fait de ne pas facturer des frais de location d’espace de stationnement. C’est l’usage qui est important et à cet effet, la preuve démontre que l’unité d’évaluation n’a pas cessé d’être exploitée comme terrain de stationnement depuis 1998, si ce n’est que pour la courte période durant laquelle l’accès a été bloqué.

[27]           Pour que l’évaluateur puisse modifier le rôle d’évaluation foncière, il faut que ce terrain cesse d’être soumis à l’article 57.1.1 LFM[8], c’est-à-dire que son usage de stationnement doit cesser. Ainsi, il ne serait plus un immeuble non résidentiel selon l’article 244.31 LFM et ne serait plus visé par 57.1.1 LFM.

[28]           Le changement d’usage doit être effectif et définitif. Ce qui n’est pas le cas pour la propriété de LPDP, car l’accès par véhicule au terrain est encore possible et qu’il est toujours utilisé comme terrain de stationnement. Pour obtenir un changement de catégorie, LPDP doit condamner l’accès complètement et empêcher que celui-ci soit utilisé comme stationnement.

[29]           L’utilisation actuelle du terrain ne permet pas de l’exclure de la catégorie des immeubles non résidentiels, car il s’agit d’un terrain qui est exploité. L’unité d’évaluation de LPDP n’est pas une unité d’évaluation visée par le paragraphe 3 de l’alinéa 2 de l’article 244.31 LFM.

[30]           De plus, le principe de stabilité du rôle d’évaluation foncière a pour effet que des changements d’usage à répétition sur de courtes périodes ne peuvent avoir lieu. Ainsi, même si, lors de la visite du 22 mars 2022, M. Té constate que le terrain n’est plus utilisé comme stationnement, les gestes posés par LPDP par la suite redonnent une vocation de stationnement au terrain. Des changements d’usage ponctuels et temporaires rendraient le rôle trop instable.

[31]           La requérante a le fardeau de prouver qu’il y a eu changement d’usage et qu’il a cessé d’exploiter le terrain pour que le Tribunal accorde le changement de catégorie. Cependant, selon la preuve présentée devant lui par LPDP, le Tribunal est d’avis que la requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de la preuve.

[32]           Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut que l’unité d’évaluation est un immeuble de catégorie non résidentiel et de classe 10; il maintient donc la catégorie et la classe inscrites au rôle d’évaluation foncière.

[33]           Considérant les particularités et circonstances du recours, le Tribunal prononce sa décision sans frais de justice.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE le recours;

MAINTIENT la catégorie de l’immeuble à non résidentiel et à la classe à 10 ;

LE TOUT sans frais de justice.

 


 

 

JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER, j.a.t.a.q.


 


 


[1] RLRQ chapitre F-2.1.

[2] Cette visite à lieu le 22 mars 2022.

[3] Pièce I-1 : Lors de la visite du 6 mai 2022, il constate que neuf véhicules sont stationnés sur le terrain, lors de celle du 8 juillet 2022, il constate aussi neuf véhicules et enfin, lors de la visite du 12 août 2022, il constate que 14 véhicules sont stationnés sur le terrain.

[4] L’article 244.32 alinéa 2 LFM apporte une précision sur la définition d’immeuble non résidentiel.

[5] Article 244.31 alinéa 2 paragraphe 3 LFM.

[6] Pièce R-3.

[7] Pièce R-4.

[8] Article 174 paragraphe 13.1.1 alinéa a) LFM.

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