Décision

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COMITÉ DE DISCIPLINE

Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

33-18-2088

 

DATE :

21 août 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Yves Clermont, avocat

Vice-président

M. Normand Gagnon, courtier immobilier

Membre

M. Salvatore Ciocca, courtier immobilier

Membre

 

 

SYLVIE JACQUES, ès qualités de syndique adjointe de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

Partie plaignante

c.

 

JOHANE LADOUCEUR, (D3962)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

[1]        Le 18 juillet 2018, le Comité de discipline de l’OACIQ se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 33-18-2088 ;

[2]        Lors de l’audition, la syndique adjointe était représentée par Me Emmanuelle Ouimet-Deslauriers. Quant à l’intimée, elle était représentée par Me Jean-Sébastien Roy;

I.             La plainte

[3]       La partie intimée fait l’objet d’une plainte comportant les deux (2) chefs d’accusation suivants :

 

1.     À compter du 11 avril 2014, concernant un immeuble sis à Oka, l’intimée Ladouceur n’a pas divulgué que celui-ci avait possiblement servi à la culture de cannabis alors que cette information apparaissait à une fiche descriptive précédente (no Centris 8083021), commettant ainsi une infraction aux articles 5, 62, 69 et 84 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

2.     À compter du ou vers le 29 juillet 2014, concernant un immeuble sis à Oka, l’intimée Ladouceur n’a pas effectué les démarches adéquates afin de vérifier si l’immeuble avait servi à la culture de cannabis alors que l’acheteuse avait soulevé des doutes à ce sujet, commettant ainsi une infraction aux articles 5, 15, 62, 83 et 84 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

II.             La preuve

[4]       L’intimée Ladouceur a plaidé non coupable aux deux (2) accusations. Les parties ont présenté leur preuve au soutien de leur position respective ;

[5]       La partie plaignante a déposé les pièces P-1 à P16. La partie intimée a déposé les pièces D-1 à D-7 ;

[6]       Un premier témoin, Madame Ratelle de la Chambre immobilière du Grand Montréal, a déposé l’ensemble des fiches Centris et la liste d’activités portant sur un immeuble situé à Oka. Le document compte soixante-dix-neuf (79) pages (pièce P-3) ;

[7]       Un deuxième témoin fut entendu. Madame Rossi a acheté cet immeuble situé à Oka ;

[8]       L’acheteuse a visité ladite maison au moins deux (2) fois ;

[9]       Lors de la deuxième visite, elle a entendu dire par le voisinage qu’il y aurait eu une culture de cannabis dans cette maison, antérieurement ;

[10]    L’acheteuse a tenté de confirmer cette information auprès de l’intimée Ladouceur qui aurait nié le bien-fondé de cette information ;

[11]    Finalement, Madame Rossi a acheté la maison vendue par la SCHL sans garantie légale ;

[12]    Une fois que d’importants travaux de rénovation ont été complétés dans la maison, l’acheteuse y a emménagé, mais l’a mise en vente peu de temps après, car elle voulait acquérir une maison au bord de l’eau ;

[13]    La déclaration du vendeur, complétée en 2015 par Mme Rossi, ne mentionnait pas la culture de cannabis antérieure. L’acheteuse ignorait toujours cette situation (pièce P-7);

[14]    Mme Rossi a appris par une autre courtière immobilière qu’il y avait eu de la culture de cannabis plusieurs années auparavant ;

[15]    Deux (2) dossiers en liasse provenant de la Cour municipale de la Ville de Deux Montagnes ont été déposés. Ces documents établissent clairement que la maison a servi antérieurement à la culture de cannabis (pièce P-8, en liasse) ;

[16]    Mme Rossi a précisé que le formulaire de divulgation du vendeur a été modifié pour cette raison. Cette situation a entraîné une réduction substantielle du prix de vente de cette maison;


 

[17]    Lors du contre-interrogatoire, Me Roy a fait répéter par Madame Rossi que la maison avait été achetée sans garantie légale ;

[18]    De plus, l’acheteuse a ajouté que lors de l’inspection de préachat, rien n’avait révélé cette situation et que le test de la qualité de l’air de la maison était normal ;

[19]    Me Roy a tenté de faire ressortir qu’il existait une contradiction entre les propos qu’elle aurait tenus auprès de la syndique adjointe, Mme Sylvie Jacques, lors de l’enquête et son témoignage lors de l’audience ;

[20]    Afin de renforcer cet élément de preuve, Me Roy a déposé les enregistrements de conversations avec la syndique adjointe sous la cote D-7 ;

[21]    Mme Rossi a confirmé qu’elle avait fait une réclamation d’assurance auprès du FARCIQ ;

[22]    De plus, elle a reconnu qu’elle avait déposé qu’en juin 2016, une demande d’assistance auprès de l’OACIQ;

[23]    Elle a également ajouté qu’elle avait payé la maison un prix assez bas ;

[24]    Mme Rossi a mentionné également que si cette information lui avait été transmise avant l’achat de la maison, elle ne l’aurait pas achetée ;

[25]    Un troisième témoin fut entendu. Madame Gina Beaulieu est courtière immobilière depuis 2005 ;

[26]    Elle représentait des acheteurs potentiels de cette même maison située à Oka;

[27]    Elle a mentionné qu’après la deuxième visite de la maison, elle avait consulté toutes les fiches MLS expirées, soit environ 14 fiches qui portaient sur cet immeuble ;

[28]    De plus, elle a révélé qu’après cette visite de la maison, suite à une information fournie par un voisin, elle avait écrit au Palais de justice de St-Jérôme. Ensuite, elle a obtenu les documents confirmant que la maison avait servi à de la culture de cannabis, une quinzaine d’années plus tôt ;

[29]    En consultant toutes les fiches MLS, la courtière Beaulieu a constaté que deux (2) fiches mentionnaient cette situation antérieure ;

[30]    À son avis, il y avait quelques indices qui permettaient de penser que la maison avait été utilisée pour la culture de cannabis ;

[31]    Un quatrième témoin fut entendu. Madame Sylvie Jacques est syndique adjointe à l’OACIQ ;

[32]    Essentiellement, elle a précisé que depuis plusieurs années, l’OACIQ avait préparé des capsules d’information et de sensibilisation portant sur le fait que dès qu’un courtier immobilier avait un doute sur une situation de culture de cannabis, il devait faire toutes les vérifications nécessaires afin de bien informer ses clients ;

[33]    De plus, elle a mentionné que les informations étaient facilement accessibles aux courtiers en utilisant le système SYNBAD opéré par l’OACIQ (pièces P-12 à P-15) ;

[34]    Elle a ajouté qu’à son avis, le courtier doit divulguer à des clients tout ce qu’il sait au sujet de la propriété, même s’il s’agit de ouï-dire. De plus, s’il s’agit d’une vente faite par la SCHL, sans garantie légale, le courtier immobilier doit augmenter son niveau de vigilance;

 

III.        Preuve de la partie intimée

 

[35]    Le premier témoin qui fut entendu se nomme M. Patrick Juanéda. Il est courtier immobilier, directeur d’agence sur la Rive Nord et président de la Fédération des chambres immobilières du Québec;

[36]    Le témoin a précisé qu’il connaissait l’intimée Ladouceur depuis longtemps. Il l’a qualifiée de courtière consciencieuse, minutieuse et laborieuse. Dans le domaine du courtage immobilier, elle jouit d’une très bonne réputation ;

[37]    Il a également précisé qu’à titre de Directeur d’agence, il a sensibilisé tous les courtiers à la nécessité de fournir aux clients toutes les informations nécessaires. Il s’assure rigoureusement auprès des courtiers immobiliers du respect de ces consignes ;

[38]    Finalement, l’intimée Ladouceur fut entendue. Elle est courtière immobilière depuis 2004. Elle s’est présentée comme étant une courtière très active sur le marché immobilier ;

[39]    Au sujet de la maison d’Oka, l’intimée Ladouceur a précisé que cette propriété constituait une « reprise de finance » vendue par la SCHL qui présentait des vices majeurs ;

[40]    De plus, la courtière Ladouceur a raconté qu’elle avait fait des vérifications sommaires au sujet des ouï-dire du voisinage portant sur la culture de cannabis dans la maison, sans résultats ;

[41]    Elle a également ajouté que la maison avait été rénovée quelques années plus tôt ;

[42]    De plus, l’intimée Ladouceur a mentionné que c’était une vente faite par la SCHL sans garantie légale et qu’en pareil cas, l’acheteuse aurait dû faire les vérifications nécessaires complémentaires si elle le jugeait utile ou nécessaire ;

[43]    La courtière Ladouceur a nié catégoriquement le fait que l’acheteuse Madame Rossi lui ait mentionné ses interrogations portant sur l’existence possible de culture de cannabis antérieure dans cette maison ;


 

[44]    Elle a affirmé qu’elle avait eu connaissance de cette situation seulement lors de la réception d’une mise en demeure de la part de l’avocat de Madame Rossi, en juin 2017 ;

[45]    Elle a précisé qu’elle avait consulté plusieurs fiches MLS et elle n’avait rien remarqué de particulier ;

[46]    De plus, l’intimée Ladouceur a affirmé qu’elle n’avait retracé aucun indice qui aurait pu la mettre sur la piste d’une culture de cannabis antérieure ;

[47]    L’intimée Ladouceur a ajouté que les fiches MLS contenaient souvent du ‘’blabla’’ de courtiers, ce qui expliquait qu’elle prenait connaissance des fiches rapidement et sommairement ;

[48]    Elle a même consulté plusieurs collègues-courtiers qui lui auraient dit que la consultation systématique de toutes les fiches MLS n’était pas une pratique courante dans le milieu du courtage immobilier ;

[49]    Par ailleurs, lors du contre-interrogatoire, Me Ouimet-Deslauriers a fait ressortir qu’à la deuxième page (sous la rubrique addenda) de la pièce D-1 imprimée par l’intimée Ladouceur en février 2014 cette situation antérieure était mentionnée clairement;

[50]    De plus, elle a reconnu que le contrat de courtage initial ne contenait pas de déclaration du vendeur ;

 

IV.       Argumentation de la partie plaignante

 

Chef 1)

[51]    Pour Me Ouimet-Deslauriers, l’information portant sur la culture de cannabis dans la maison située à Oka existait, car seulement onze (11) fiches MLS se trouvaient avant celle de l’intimée Ladouceur. D’ailleurs, les pages neuf et dix-sept (9 et 17) de la pièce P-3 confirment clairement ce fait ;

[52]    De plus, même dans la liasse de pièces déposées par la partie intimée on retrouve dans la pièce D-1 un document intitulé « addenda », qui mentionnait cette situation expressément ;

[53]    À son avis, cette information était accessible facilement et l’intimée Ladouceur ne l’a pas transmise à l’acheteuse, alors qu’elle la connaissait ;

[54]    Pour Me Ouimet-Deslauriers il s’agit d’une situation grave, car la culture de cannabis antérieure constitue un « stigmate » permanent pour une maison, et ce, même si la maison a été totalement rénovée ;

[55]    À l’appui de son argumentation, Me Ouimet-Deslauriers a déposé les décisions suivantes :

       OACIQ c. Desgagnés, 2016 CanLII 28819 (QC OACIQ);

       OACIQ c. Gervais, 2017 CanLII 89440 (QC OACIQ);

       OACIQ c. Labonté, 2015 CanLII 7972 (QC OACIQ);

       OACIQ c. Dumas, 2017 CanLII 45341 (QC OACIQ);

       OACIQ c. Remanjon, 2015 CanLII 41216 (QC OACIQ);

 

[56]    Elle conclut que l’intimée Ladouceur a contrevenu nettement soit à l’article 5 soit à l’article 84 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité (RLRQ, c. C-73.2, r. 1) ;

Chef 2)

[57]    Sur ce chef, Me Ouimet-Deslauriers fait valoir que bien que l’intimée Ladouceur ait nié que Mme Rossi lui ait mentionné des ouï-dire au sujet de la culture de cannabis dans cette maison, cette dernière a toujours été catégorique à ce sujet, elle lui en aurait parlé dès la deuxième visite ;

[58]    À son avis, cette information était importante et elle aurait dû être vérifiée sérieusement par l’intimée Ladouceur ;

[59]    Mme Ouimet-Deslauriers a fait valoir que l’intimée Ladouceur aurait dû approfondir ses vérifications. En effet, la courtière Beaulieu a témoigné sur le fait qu’elle avait trouvé l’information sur la culture de cannabis antérieure en scrutant toutes les fiches MLS. Elle a validé cette information auprès du plumitif criminel de la Cour ;

[60]    À son avis, l’intimée Ladouceur devrait être trouvée coupable sur le deuxième chef, car l’acheteuse Rossi est plus crédible que l’intimée Ladouceur qui a tout simplement nié les faits. Un témoin qui affirme un fait doit être préféré à celui qui le nie ;

V.        Argumentation de la partie intimée

[61]    En premier lieu, Me Roy a déposé trois (3) décisions portant sur la notion de faute disciplinaire :

       Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c. Bouzaglou, 2013 CanLII 62913 (QC OPPQ);

       Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143;

       Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette (2016) CanLII 89824 (QC CDM);

[62]    À son avis, dans le présent dossier, afin de conclure à l’existence d’un manquement déontologique par l’intimée Ladouceur, il était nécessaire de prouver un écart marqué de conduite professionnelle par rapport à la norme professionnelle applicable aux courtiers immobiliers, ce que la partie plaignante n’a pas démontré;

Chef 1)

[63]    Me Roy a fait valoir que l’intimée Ladouceur avait fait une recherche raisonnable dans les fiches MLS, même si elle n’a pas lu tout le « blabla » des courtiers immobiliers qui s’y retrouve souvent ;

[64]    Il a aussi fait ressortir que plusieurs autres courtiers qui avaient précédé l’intimée Ladouceur n’avaient pas consulté d’une façon exhaustive l’ensemble des fiches MLS et n’avaient pas relevé le fait que la maison avait servi à des fins de culture de cannabis ;

[65]    À son avis, comme l’intimée Ladouceur n’avait aucun indice sérieux l’incitant à faire une vérification plus poussée, elle n’a pas scruté davantage les fiches MLS qu’elle avait imprimées en février 2014 ;

Chef 2)

[66]    Me Roy a fait valoir que sur le chef 2), les témoignages de l’acheteuse Rossi et de l’intimée Ladouceur étaient contradictoires ;

[67]    À son avis, c’est le témoignage de l’intimée Ladouceur qui doit être retenu, car il est plus crédible. Or, l’intimée Ladouceur a nié avoir eu cette information avant la réception de la mise en demeure de la part de l’avocat de l’acheteuse Rossi en juin 2017. Personne ne lui avait parlé de cette situation avant ;

[68]    Me Roy a fait valoir que l’acheteuse avait caché cette information, car elle avait un intérêt personnel et financier à ne pas la divulguer ;

[69]    Me Roy a ajouté que l’acheteuse n’avait pas subi de préjudice réel résultant de cette situation, car elle avait même réalisé un profit lors de la vente de la maison. La maison était même en bon état, lorsqu’elle l’a achetée en 2014 ;

[70]    Il a même ajouté que l’intimée Ladouceur avait elle-même été intéressée par l’achat de cette maison, mais qu’elle avait préféré qu’une autre personne profite de la chance de l’acquérir ;

[71]    À son avis, l’acheteuse Rossi n’a pas fait preuve d’une grande curiosité, car si elle détenait une information au sujet d’une culture de cannabis antérieure, elle aurait dû approfondir sa recherche et ses vérifications;

[72]    Il a rappelé que le témoin Juanéda avait fait l’éloge de la courtière Ladouceur soulignant qu’elle était méticuleuse et avait une bonne éthique de travail ;

[73]    Pour Me Roy, tout au plus, il s’agit d’une erreur technique commise de bonne foi par l’intimée Ladouceur ;

[74]    Pour Me Roy, la partie plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de la preuve sur le chef 2) de la plainte ;

[75]    Il a conclu que l’arrêt Kienapple s’appliquait dans le présent dossier et il a déposé cette décision :

       Kienapple c. La Reine [1975] 1 R.C.S. 729 ;

[76]    Il a demandé le rejet des deux (2) chefs de la plainte, car les manquements déontologiques reprochés à l’intimée Ladouceur ne sont pas fondés en faits et droit ;

 

VI.       Analyse et décision

 

A.        Préambule

[77]    La notion de faute disciplinaire a fait l’objet de nombreuses décisions et jugements. De plus, plusieurs auteurs ont écrit sur cette notion juridique. À cet égard, qu’il suffise de mentionner ce qu’écrivait le président du Comité de discipline de l’OACIQ, Me Patrick de Niverville[1] sur cette question :

« En résumé, la faute déontologique est surtout caractérisée par son absence de précision puisqu’elle doit s’analyser comme une violation de principes généraux de moralité et d’éthique professionnelle. »

[78]    Au sujet de la notion de prépondérance de preuve, l’auteur Patrice Garant écrit ce qui suit[2] :

« La prépondérance signifie que l’existence d’un fait est plus probable que son inexistence, que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable plutôt qu’improbable. Si la preuve permet au Tribunal de conclure en ce sens, le fardeau est satisfait ; si les probabilités sont d’égale force, le fardeau n’est pas satisfait. »

[79]    Nous appliquerons ces principes juridiques au présent dossier;

 

B.        Le chef 1)

[80]    Après avoir analysé l’ensemble de la preuve testimoniale et documentaire qui lui a été soumise par les deux parties, le Comité croit que la connaissance de l’information portant sur la culture de cannabis antérieur dans sa maison située à Oka n’a pas été prouvée, on peut difficilement reprocher à l’intimée Ladouceur de ne pas avoir divulgué cette information;

[81]    De l’avis du Comité, la partie plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de la preuve de façon suffisamment convaincante pour permettre au Comité de conclure à la culpabilité de l’intimée sur ce chef;

[82]    Suivant une jurisprudence bien établie, « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » [3];

[83]    Cette exigence fut rappelée récemment par la Cour d’appel dans l’arrêt Bisson c. Lapointe[4];

[84]    Conséquemment, comme la preuve n’est pas claire sur ce chef, l’intimée doit être acquittée;

 

C.      Le chef 2)

[85]    Après avoir évalué la preuve documentaire et testimoniale qui a été soumise lors de l’audience. Le Comité conclut qu’en regard du chef 2) la partie plaignante s’est déchargée de son fardeau de la preuve;

[86]    Elle a établi clairement que l’intimée Ladouceur n’avait pas fait preuve de beaucoup de curiosité en lisant les fiches MLS qu’elle avait en sa possession, portant sur la maison située à Oka;

[87]    En effet, on retrouve dans la pièce D-1 les mêmes fiches MLS que l’intimée Ladouceur a imprimées en février 2014. À la lecture de la page deux (2) de ce même document (addenda), il est impossible de conclure que l’information n’était pas accessible à l’intimée Ladouceur;

[88]    En ignorant cette information, l’intimée Ladouceur a fait preuve de négligence ou de laxisme qui constitue clairement une faute disciplinaire et ce, conformément à la jurisprudence et la doctrine portant sur cette notion juridique;

[89]    À cet égard, rappelons que le courtier immobilier a une obligation « positive » de vérification des informations qui lui sont soumises ou qui lui sont disponibles et facilement accessibles[5];

[90]    L’intimée n’a clairement pas fait preuve de diligence raisonnable dans le présent dossier;


POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

ACQUITTE l’intimée de l’infraction reprochée au chef 1 de la plainte ;

DÉCLARE l’intimée coupable du chef 2 et plus particulièrement comme suit :

Pour avoir contrevenu à l’article 84 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité (RLRQ, c. C-73.2, r. 1).

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien du chef 2.

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction.

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Yves Clermont, avocat

Vice-président

 

 

____________________________________

M. Normand Gagnon, courtier immobilier

Membre

 

 

____________________________________

M. Salvatore Ciocca, courtier immobilier

Membre

 

 

 

Me Emmanuelle Ouimet-Deslauriers

Procureure de la partie plaignante

 

Me Jean-Sébastien Roy

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 18 juillet 2018

 

 



[1] Patrick de Niverville, La rédaction d’une plainte disciplinaire dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire 2008, Barreau du Québec, p. 167; voir également Guy Cournoyer, la faute déontologique : sa formation, ses fondements et sa preuve, dans Développements récents en déontologie, droit disciplinaire, Barreau du Québec, 2016, p, 235 et ss.

[2] Patrice Garant, La justice invisible ou méconnue, propos sur la justice et la justice administrative, Éditions Yvon Blais, 2014, pp. 614-615.

[3] Vaillancourt c. Avocats2012 QCTP 126 (CanLII).

[4] Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078.

[5] Alexandre Dumas, le droit du courtage immobilier au Québec, Wilson et Lafleur, 2017, pp. 157 et ss.

 

AVIS :
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