Décision

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Re/Max 1er choix inc. c. Grenon

2018 QCCQ 6921

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

Québec

LOCALITÉ DE

Québec

« Chambre civile »

N° :

200-22-080031-164

 

DATE :

6 septembre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

Nathalie vaillant, j.c.q.

 

______________________________________________________________________

 

 

Re/max 1er choix inc.

 

Partie demanderesse

c.

Lynn Grenon

 

Partie défenderesse / demanderesse reconventionnelle

 

et

Me Audrey LACHANCE

 

Partie mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Re/Max 1er Choix inc. (« Re/Max ») réclame de Mme Lynn Grenon (« Mme Grenon ») le paiement de la rétribution de M. Carl Poirier (« M Poirier ») qui a agi comme courtier dans le cadre de la vente de sa résidence. Le montant réclamé est de 20 781,73 $.

[2]           Mme Grenon refuse de payer la somme, invoquant qu’il n’a jamais été de son intention d’assumer la rétribution du courtier de l’acheteur et que son consentement donné à la promesse d’achat quant aux modalités de paiement de sa rétribution a été obtenu par les réticences et le silence de M. Poirier à son endroit.

[3]           La position de Re/Max est à l’effet que Mme Grenon a été informée que la rétribution serait déduite de son prix de vente lors de la signature de la promesse d’achat et qu’un temps de réflexion lui a été donné avant sa signature pour lui permettre de se renseigner sur le contenu de ladite promesse d’achat. De plus, par sa signature, celle-ci confirme qu’elle a pris connaissance de la clause prévoyant le paiement de la rétribution du courtier.

[4]           À titre de demanderesse reconventionnelle, Mme Grenon réclame de Re/Max 5 000 $ à titre de troubles et inconvénients subis en raison des manœuvres dolosives du courtier.

[5]           En défense, Re/Max allègue que M. Poirier a toujours agi de bonne foi et a donné les explications nécessaires à la compréhension de Mme Grenon concernant le paiement de sa rétribution.

La mise en cause, la notaire Audrey Lachance est gardienne de la rétribution de Re/Max depuis la réalisation de la vente à la demande des parties.

Questions en litige

[6]           Est-ce que le consentement de Mme Grenon à assumer la rétribution du courtier a été obtenu par dol négatif, soit par réticence et silence à son endroit de la part du courtier ?

[7]           Dans l’affirmative, a-t-elle droit à une indemnisation pour troubles et ennuis ?

le Contexte

[8]           M. Poirier, un courtier auprès de l’agence immobilière Re/Max, est mandaté par Mme Sophie Genois (« Mme Genois ») pour l’aider dans sa recherche d’une maison à acheter.

[9]           À cette occasion, M. Poirier fait signer à Mme Genois un contrat de courtage intitulé « contrat de courtage/courtier ».

[10]        Mme Grenon a, quant à elle, mise sa résidence de la rue Jean-De-Quen en vente en novembre 2015 via la plateforme DuProprio, et ce, dans le but avoué de n’encourir aucune rétribution de courtier.

[11]        En mai 2016, Mme Grenon est en attente de la réalisation d’une offre à 360 000 $ conditionnelle à la vente de la propriété de ses éventuels acheteurs.

[12]        Le 17 mai 2016, M. Poirier contacte par téléphone Mme Grenon pour lui offrir de visiter sa résidence avec sa cliente. Dès ce premier contact, Mme Grenon dénonce ne pas vouloir payer de « commission ». M. Poirier la rassure en lui disant avoir un mandat de courtage avec l’acheteur.

[13]        Mme Grenon consent à la visite.

[14]        Il sera de nouveau question entre M. Poirier et Mme Grenon du refus de celle-ci d’assumer la rétribution du courtier.

[15]        Mme Grenon comprend des explications données par M. Poirier que sa rétribution est payée par l’acheteur dans le cadre du contrat de courtage qu’il détient avec sa cliente, l’acheteuse.

[16]        L’acheteuse de M. Poirier est intéressée par la résidence. Elle formule une offre. Mme Grenon lui présente une contre-offre sur le prix de vente. Les parties concluent la promesse d’achat au montant de 361 500 $ conditionnelle à une inspection préachat.

[17]        Le 21 mai 2016, Mme Grenon signe la promesse d’achat, celle qui contient les modalités de rétribution du courtier. M. Poirier fait avec Mme Grenon une lecture rapide des termes.

[18]        Le 9 juin 2016, les parties signent l’avis de réalisation des conditions et la date du 4 juillet a été retenue pour la signature de l’acte de vente devant notaire.

[19]        Les parties ont officialisé leurs négociations et entente sur les formulaires de l’OACIQ et non sur les formulaires de DuProprio tel que souhaité par Mme Grenon.

[20]        Le 20 juin 2016, au cours d’une conversation téléphonique avec la notaire Lachance, celle qui instrumente la vente, Mme Grenon apprend que le montant de la rétribution de M. Poirier est prélevé à même le produit de la vente de l’immeuble.

[21]        Mme Grenon n’est pas d’accord. Elle explique à la notaire qu’elle n’a pas à payer la rétribution du courtier, qu’il revient à l’acheteuse de la payer. Elle ne comprend pas. La notaire lui explique que malgré le fait qu’il soit indiqué que l’acheteuse paye la rétribution, celle-ci est prélevée sur le produit de vente qui lui revient suivant les termes de l’annexe R de la promesse d’achat.

[22]        Le 4 juillet 2016, les parties se présentent pour la finalisation de la vente. Après discussion avec la notaire instrumentant, Mme Grenon accepte de signer l’acte de vente. Toutefois, le montant de rétribution sera conservé en fiducie par la notaire Lachance, le temps de soumettre la question au Tribunal.

ANALYSE ET MOTIFS

Le droit applicable

[23]        Les recours basés sur le dol ou l’erreur sont ouverts lorsque le consentement d’une des parties au contrat n’a pas été libre, volontaire et éclairé :

1399. Le consentement doit être libre et éclairé.

Il peut être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion.

1400. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elles lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.

L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

1401. L’erreur d’une partie, provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.

Le dol peut résulter du silence ou d’une réticence.

[…]

1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d’erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s’il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu’il eût été justifié de réclamer.

[24]        Dans le cas présent, Mme Grenon opte pour invoquer le dol du courtier. Elle allègue que le dol dont elle a été victime résulte du silence du courtier de ne pas lui avoir dévoilé un fait important qui allait à l’encontre de ce qui pour elle, est essentiel à leur entente et à la conclusion de la vente : soit le fait qu’elle ne paye pas de rétribution au courtier.

[25]        Il s’agit là d’un dol négatif, [1] relevant des notions de réticences et de silence :

[…]

b) Formes de dol

i. La réticence et le silence

224 - Notion - Le droit cherche à réprimer le dol dans toutes ses manifestions. Ainsi, la réticence et le silence sont apparus dans les textes du Code civil depuis la réforme. La réticence est un dol négatif. Elle consiste à laisser le cocontractant croire une chose par erreur, sans le détromper, spécialement en ne lui dévoilant qu’une partie de la vérité. Le silence est le fait de s’abstenir de révéler au cocontractant un fait important qui changerait sa volonté de contracter. Dans les deux cas, le comportement déloyal car il vise à amener l’autre partie à contracter malgré son ignorance ou à passer contrat à des conditions plus onéreuses qu’elle ne le ferait autrement. C’est une déloyauté par dissimulation. En pratique, cependant, on emploie « réticence » tantôt dans son sens propre, tantôt comme signifiant le silence.

[Références omises]

[26]        La jurisprudence résume le dol qui procède de la réticence comme suit : « c’est laisser croire à quelqu’un une chose par erreur, sans le détromper spécialement, en lui dévoilant qu’une partie de la vérité » alors que le dol négatif par silence est « le fait de s’abstenir de révéler au cocontractant un fait important qui changerait sa volonté ».[2] Le dol doit aussi avoir un caractère déterminant sur la volonté du cocontractant, puisqu’il induit un consentement détourné.

[27]        Le silence trompeur d’un cocontractant peut être suffisant pour provoquer l’erreur viciant le consentement de l’autre.[3]

[28]        En droit civil, la bonne foi des contractants se présume,[4] le fardeau de preuve appartient à la partie qui allègue la mauvaise foi de repousser la présomption de la bonne foi et d’établir par une preuve prépondérante[5] que son cocontractant a vicié volontairement son consentement sur une considération essentielle du contrat.[6]

[29]        Ce fardeau appartient, dans le présent cas, à Mme Grenon.

[30]        L’auteur Vincent Karim précise quant au fardeau de preuve en matière de dol indirect :[7]

A. Le dol par silence ou réticence

[…]

1038. Il n’est pas nécessaire d’établir l’intention d’induire en erreur par une preuve directe ce qui peut être souvent difficile dans le cas d’un dol par réticence. L’intention peut s’inférer des comportements du contractant durant les négociations ou lors de la conclusion du contrat car il est censé vouloir les conséquences de ses gestes.

1039. Il importe de souligner que toute personne a l’obligation de négocier de bonne foi la conclusion d’un contrat envisagé avec une autre personne. Cette obligation légale prévue à l’article 1375 C.c.Q. impose à toute partie qui entre en pourparlers de se comporter loyalement, de coopérer avec l’autre et de lui fournir les renseignements nécessaires pour qu’elle décide, en tout connaissance de cause, de contracter ou de ne pas contracter et, le cas échéant, de chercher à inclure dans son contrat les stipulations qui s’imposent compte tenu des informations fournies. L’intensité de l’obligation de renseignement dépend de la possibilité du créancier de s’informer ailleurs. La difficulté de se renseigner justifie une application de l’obligation de renseignement d avec des critères plus exigeants. La jurisprudence se montre plus sévère lorsque le débiteur de cette obligation détient des informations privilégiées ou encore lorsqu’un profane contracte avec une personne expérimentée ou un professionnel.

[Nos soulignés]

[31]        Tout comme il explique le dol dans le contexte où l’obligation de renseigner est en cause en ses termes :[8]

1119. […] Afin d’éviter l’annulation du contrat sur la base d’une erreur provoquée par le dol, le contractant a l ‘intérêt à s’acquitter de son obligation de renseigner de façon adéquate et complète et ce, tant lors de la conclusion du contrat qu’au stade pré-contractuel. Ainsi, un vendeur ne pourra pas se plaindre du fait que son cocontractant refuse d’acheter et de donner suite à une offre d’achat acceptée lorsqu’il a lui-même agi de façon négligente en ne remplissant pas entièrement son obligation de renseignement.[9]

1122. l’obligation de renseigner suppose donc une divulgation franche et entière de tous les faits pouvant influencer non seulement la décision de conclure ou non le contrat, mais aussi le choix et la rédaction des conditions et des modalités de son exécution. Certaines informations peuvent aider le créancier de l’obligation de renseigner, voire même l’inciter à inclure dans le contrat certaines réserves et certaines clauses portant sur des conditions de nature à lui assurer une protection ou des garanties pour l’avenir. Elle joue un rôle important dans la relation d’affaires. Ainsi, la partie qui se trouve dans une situation informationnelle vulnérable et qui ne dispose pas des moyens appropriés pour se renseigner, peut légitimement compter sur son interlocuteur pour obtenir les informations nécessaires.[10] Le cocontractant de la partie faible occupe une position privilégiée qui lui impose une obligation de renseigner.

[Nos soulignés]

les Motifs

[32]        Lorsque le 21 mai 2016, Mme Grenon signe la promesse d’achat acceptant l’offre formulée pour l’achat de sa résidence, elle consent aux clauses suivantes :

Clause 7.2 de la promesse d’achat :

7.

Déclarations et obligations de l’acheteur

7.2

L’ACHETEUR déclare 0 ne pas être lié OU 1 être lié à l’agence ou au courtier mentionné à la clause 2.1 par contrat de courtage-achat.

 

 

Clause 11.4 de la promesse d’achat :

11.

Déclarations et obligations communes à l’acheteur et au vendeur

11.4

Rétribution de l’agence ou du courtier - instruction au notaire - L’ACHETEUR et le VENDEUR chargent de façon irrévocable le notaire instrumentant de payer directement à Remax 1er choix inc., agence ou courtier du vendeur, le montant de la rétribution prévu au contrat de courtage consenti par le VENDEUR à même les sommes disponibles revenant au VENDEUR, après le paiement de toutes les créances prioritaires et hypothécaires ainsi que des honoraires et frais du notaire pour la radiation de ces créances. Sur instructions de l’agence ou du courtier du vendeur, le notaire devra verser une partie de cette rétribution à l’agence ou au courtier mentionné à la clause 2.1.

 

 

Clause R2.5 de l’annexe R de la promesse d’achat, formulaire obligatoire :

R2.5 -

Rétribution à l’agence ou au courtier lié par contrat de courtage-achat - instructions au notaire

 

L’ACHETEUR et le VENDEUR chargent de façon irrévocable le notaire instrumentant de payer directement à l’agence ou au courtier mentionné à la clause 2.1 de la promesse d’achat 5% du prix de vente ou une somme de ________ dollars (_________________ $), plus taxes, qui lui est due en vertu du contrat de courtage-achat consenti par l’ACHETEUR, le courtier du VENDEUR et ce, à même les sommes disponibles revenant au VENDEUR après le paiement de toutes les créances prioritaires et hypothécaires ainsi que des honoraires et frais du notaire pour la radiation de ces créances.

Les sommes revenant au VENDEUR lui seront versées, déduction faite des sommes prévues à la présente clause ainsi que des répartitions.

[Nos soulignés]

[33]        Ces clauses prévoient que les sommes nécessaires au paiement de la rétribution du courtier d’immeuble sont prises à même le produit de vente qui revient à la vendeuse. Autrement dit, le produit de vente qui revient à Mme Grenon est diminué du montant de la rétribution du courtier, et ce, même si cette rétribution a été convenue entre l’acheteuse et son courtier.

[34]        Ces clauses n’ont pas été modifiées lors des négociations du prix de vente.

[35]        L’ensemble de la preuve présentée par les parties amène le Tribunal à conclure que Mme Grenon n’avait aucunement la volonté de payer la rétribution du courtier dans le cadre de la vente de sa résidence et qu’elle l’a expressément exprimée dès les premiers instants de leurs discussions à M. Poirier.

[36]        Mme Grenon comprend des premiers échanges qu’elle a avec M. Poirier que le contrat de courtage de celui-ci est avec l’acheteuse et qu’il revient à celle-ci de payer sa rétribution.

[37]        Il s’agit là d’une considération importante de l’entente pour Mme Grenon. Le montant du produit de la vente est important pour elle. Il ne doit pas être diminué du montant de la rétribution du courtier. Pour elle, c’est l’acheteuse qui paye de ses propres deniers cette rétribution.

[38]        Or, M. Poirier ne précise jamais à Mme Grenon que malgré la terminologie utilisée à la documentation de la promesse d’achat, le résultat net de l’opération est que sa rétribution sera prélevée sur le produit de vente réalisée par Mme Grenon. Il ne lui dénonce pas, il ne l’explique pas et jamais, il ne dira quelque chose pour la détromper.

[39]        Pour ajouter à la confusion, la clause 11.4 de la promesse d’achat qui a été complétée par le courtier réfère à la rétribution du courtier prévu au contrat de courtage consenti par le vendeur alors que la clause R2.5 réfère à celle prévue au contrat de courtage consenti par l’acheteur.

[40]        C’est la notaire Lachance, lors d’une conversation téléphonique tenue quelques jours avant la date prévue pour la signature de l’acte de vente, qui lui explique l’opération. Le Tribunal retient du témoignage de la notaire Lachance, l’élément de surprise et d’incompréhension manifestée par Mme Grenon lors de l’annonce. Celle-ci ne comprend pas la raison de cette déduction. Elle répète à la notaire que la rétribution est payée par l’acheteuse. La notaire la détrompe. Elle lui explique la clause R2.5 et le résultat net de l’opération.

[41]        Il est vrai que Mme Grenon a signé la promesse d’achat et son annexe R sans poser de questions et que le courtier lui a donné un temps de réflexion. Il est également vrai que le texte de la clause R2.5 précitée prévoit le paiement de la rétribution à même le produit de vente du vendeur. Mme Grenon témoigne qu’au moment de signer la promesse de vente, la lecture des documents faite par le courtier a été rapide et confuse pour elle. Elle déclare s’en être remise aux explications que M. Poirier lui avait données préalablement pour leur donner un sens. Elle disait avoir confiance en lui. Elle n’a donc pas ressenti le besoin de consulter.

[42]        Dans les circonstances, le Tribunal ne peut tenir rigueur à Mme Grenon de s’être fiée aux seuls renseignements qui lui ont été fournis par M. Poirier et de ne pas avoir cherché à se renseigner davantage sur le sens de la clause R2.5. Elle s’est fiée à la personne compétente dans le domaine de la vente et dont les explications confirmaient sa volonté.[11]

[43]        Cet épisode confirme également que M. Poirier a manqué à son obligation de renseignement qui prévaut en faveur de celui qui cherche à être renseigné. Il constitue également un manquement à l’obligation qu’a M. Poirier de prendre l’initiative de révéler une chose importante à Mme Grenon[12] alors que l’article 1375 C.c.Q., tout comme les articles 83 et 86 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, chap. C-73.2, r.1 lui en fait l’obligation.

[44]        Il est une personne ayant une certaine expérience dans le domaine du courtage. Il devait honnêtement et avec franchise[13] divulguer à Mme Grenon la résultante de la clause R2.5 eu égard au paiement de sa rétribution en lien avec la volonté de Mme Grenon de ne pas vouloir assumer celle-ci.

[45]        M. Poirier a volontairement préféré taire ce qui devait et aurait dû être expliqué à Mme Grenon. Ce silence a donc vicié le consentement donné par celle-ci à la promesse d’achat et l’annexe R.

[46]        Dans ces circonstances, la demande de Re/Max est rejetée.

[47]        En l’absence de conclusion recherchée par la partie défenderesse quant à la remise par la notaire Lachance de la somme détenue en fiducie à celle-ci, le Tribunal comprend qu’à titre d’officier de justice, la notaire Lachance, informée de ce jugement, fera le nécessaire pour remettre la somme détenue en son compte en fiducie à qui de droit.

Demande reconventionnelle

[48]        Mme Grenon réclame de Re/Max 5 000 $ à titre de dommages en raison des représentations dolosives faites par M. Poirier. Elle justifie cette somme en raison du stress que lui a fait vivre la situation et des honoraires professionnels encourus.

[49]        Avant même de décider de la question de la faute reprochée à M. Poirier qui pourrait justifier l’octroi de dommages suivant le principe directeur posé par l’article 1457 C.c.Q. qui se lit comme suit :

1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.

[50]        Le Tribunal constate que les dommages réclamés sont principalement constitués des honoraires d’avocats encourus par Mme Grenon pour se faire représenter en la présence instance et dans ses démarches auprès de l’OACIQ au sujet de la conduite du courtier.

[51]        Or, le principe veut que les honoraires extrajudiciaires ne soient accordés comme dommage uniquement dans les cas d’abus de procédures ou d’abus d’ester en justice.[14] Ainsi, chaque partie à une procédure judiciaire assume le paiement des honoraires extra judiciaires ainsi ceux engendrés par les démarches nécessitant l’assistance d’un avocat.

[52]        Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut faire droit à la demande de dommages de Mme Grenon à ce titre. Exerçant sa discrétion judiciaire, il accorde à Mme Grenon 2 000 $ pour le stress, trouble et l’ennui que la situation lui a fait vivre.

Pour ces motifs, le Tribunal :

REjette la demande de Re/Max 1er Choix inc.;

lE TOUT, avec les frais de justice en faveur de la partie défenderesse.

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

aCCUEILLE en partie la demande reconventionnelle de Mme Lynn Grenon;

Condamne Re/Max 1er Choix inc. à payer à Mme Lynn Grenon la somme de 2 000 $ avec intérêts calculés au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 6 juillet 2016;

Le TOut, avec les frais de justice en faveur de la partie défenderesse.

 

 

__________________________________

Nathalie vaillant, j.c.q. [jv 0b27]

Me Camille T. Dumais

Savard &associés (Lévis) casier #18

Avocats de la partie demanderesse

 

Me Marie-Ève Gagnon

Fasken Martineau DuMoulin s.e.n.c.r.l., s.r.l. casier #133

Avocats de la partie défenderesse/ demanderesse reconventionnelle

 

Date d’audience :

7 mars 2018

 



[1]     Vincent KARIM, Les obligations, 4e éd., vol. 1, Montréal, Wilon & Lafleur, 2015.

[2]     7834101 Canada inc. (Construction JSR 2011) c. Plaques chauffantes pré-usinées Copal (Canada) ltée, C.Q., 2013 QCCQ 16900, paragr. 51 à 57.

[3]     Casavant c. Agropur Coopérative, C.S., 2004 CanLII 14186, paragr. 45.

[4]     Article 2805 C.c.Q.

[5]     Articles 2803 et 2804 C.c.Q.

[6]     Société en commandite DML c. Gilbert, C.S., 2007 QCCS 5797.

[7]     KARIM, Vincent, Les Obligations, vol. 1, 4e éd., paragr. 1038-1039.

[8]     Op. cit. note 7, paragr. 1119 et 1122.

[9]     Cadieux c. Gauthier, C.Q., SOQUIJ AZ-50151358, J.E. 2003-87, [2003] R.D.I. 191.

[10]    Melessa c. Prévost, C.S., 2012 QCCS 1682, SOQUIJ AZ-50850429, 2012EXP-1911.

[11]    Idem note 7.

[12]    Banque de Montréal c. Bail ltée, C.S. Can., [1992] 2 R.C.S. 554.

[13]    Idem note 7.

[14]    Viel c. Entreprises immobilières du terroir ltée, C.A., SOQUIJ AZ-50124437, J.E. 2002-937, [2002] R.J.Q. 1262, [2002] R.D.I. 241 (rés.), [2002] R.R.A. 317 (rés.); Larose c. Fleury*, C.A., 2006 QCCA 1050.

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