Décision

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Rhnima c. Syndicat des professeures et professeurs de l'Université de Sherbrooke

2021 QCTAT 6070

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

1201455-31-2010

Dossier accréditation :

AM-1001-4081

 

 

Québec,

le 22 décembre 2021

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Line Lanseigne

______________________________________________________________________

 

 

 

Abdelaziz Rhnima

 

Partie demanderesse

 

 

 

c.

 

 

 

Le Syndicat des professeures et professeurs de l'Université de Sherbrooke

Partie défenderesse

 

 

 

et

 

 

 

Université de Sherbrooke

 

Partie mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]               Le 16 octobre 2020, Abdelaziz Rhnima dépose une plainte selon l’article 47.2 du Code du travail[1], le Code. Il allègue que le Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke, SPPUS ou Syndicat, a manqué à son devoir de représentation en déposant en dehors des délais prévus à la convention collective le grief contestant son refus de promotion au rang de professeur titulaire.

[2]               Le Syndicat conteste cette plainte. Il plaide que monsieur Rhnima ne l’a jamais avisé dans le délai prescrit qu’il voulait déposer un grief. Il ajoute cependant que même s’il l’avait fait, son recours était voué à l’échec.

le contexte

[3]               Monsieur Rhnima est professeur au département de management et gestion des ressources humaines de l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, l’Université.

[4]               En 2007, il demande d’être promu au rang de professeur titulaire. Cette demande est rejetée par l’Université malgré une recommandation favorable du comité chargé d’analyser sa demande.

[5]               L’année suivante en janvier 2008, le professeur Rhnima dépose une nouvelle demande. Conformément à la convention collective qui lie les parties, un comité de titularisation est formé pour évaluer le dossier qu’il a soumis en vue de sa promotion. Ce comité composé de cinq professeurs de l’École de gestion et d’un professeur de l’Université de Montréal évalue sa demande en fonction des quatre volets de sa tâche professorale : l’enseignement, la recherche, la participation à la vie universitaire et le service à la collectivité.

[6]               Compte tenu de l’expérience négative qu’il a connue en 2007, le professeur Rhnima demande l’aide du Syndicat. Mesdames Lorrain et Vézina, respectivement présidente et secrétaire générale, prennent en charge son dossier. Elles possèdent une solide expérience syndicale. Madame Vézina est en outre professeure en droit et avocate.

[7]               Le 14 mars suivant, les membres du comité de titularisation recommandent unanimement à l’Université d’accorder au professeur Rhnima le rang de professeur titulaire. Ce dernier s’en réjouit et en informe les deux représentantes syndicales. Il les remercie également de tout l’effort et le dévouement déployés à l’égard de son dossier.

[8]               Malheureusement le 29 mars, comme l’année précédente, le doyen de l’École de gestion, François Coderre, refuse de donner un avis favorable à la demande de promotion du professeur au motif que sa contribution n’est pas distinctive sur le volet recherche de sa tâche professorale.

[9]               Le 14 mai 2018, le vice-recteur aux ressources humaines informe le professeur Rhnima que le comité de direction de l’Université en est arrivé à la même conclusion que celle du doyen. Bien qu’elle soit significative, sa contribution au volet recherche ne présente pas un caractère distinctif. De plus, la qualité de son enseignement pourrait être améliorée. Sa demande de titularisation est donc refusée.

[10]           Comme le professeur en est à sa 5e demande consécutive pour l’obtention du rang de titulaire, le vice-recteur lui recommande de bonifier son dossier avant de présenter sa prochaine demande.

[11]           Ce nouvel échec décourage le professeur Rhnima. Il informe aussitôt les représentantes syndicales de la décision du comité de direction et demande à les rencontrer. Il trouve particulièrement dure la lettre du vice-recteur et conteste les critères d’évaluation pris en compte par le comité de direction.

[12]           La présidente Lorrain répond promptement au professeur. Elle l’informe de la procédure à suivre pour contester cette décision et l’invite à une rencontre avec le procureur du Syndicat :

Bonjour Aziz,

Nous sommes vraiment désolés de cette situation. Comme tu sais déjà, étant donné que le comité de titularisation avait fait une recommandation favorable, si tu le désires, tu peux faire une demande au comité d’appel. Les possibilités d’un grief lié à un refus de promotion sont limitées; il faut démontrer qu’il y a eu discrimination ou que la procédure n’a pas été suivie (voir 14.25 ci-dessous.). Nous avons une rencontre de prévue avec le procureur du SPPUS vendredi le 25 mai. Nous pouvons réserver du temps avec lui pour examiner la situation d’un point du légal. Est-ce que tu serais disponible en fin de matinée ou en début d’après-midi vendredi de la semaine prochaine?

Courage et à bientôt,

Dominique

[13]           Également, madame Lorrain reproduit dans son courriel qu’elle adresse au professeur Rhnima l’article 14.25 de la convention collective qui se lit comme suit :

14.25 La professeure ou le professeur qui a interjeté un appel en vertu des paragraphes 14.20 ou 14.21 et dont le renouvèlement de contrat, l'octroi de la permanence ou de rang universitaire, selon le cas, n'a pas été accordé, peut déposer un grief dans les trente (30) jours de la décision du comité. Le dépôt de ce grief constitue l'avis d'arbitrage prévu au paragraphe 8.05... 53. Dans de tels cas, la personne qui agit comme arbitre peut : a) demander de reprendre la procédure en totalité ou en partie s'il lui est démontré qu'il y a eu discrimination ou que la procédure n'a pas été suivie; b) maintenir la décision du comité d'appel.

 

[Nos soulignements]

[14]           Pour le Syndicat, ce n’est pas le premier dossier de titularisation refusé. Généralement, les professeurs interjettent un appel au comité d’appel ou présentent leur dossier une prochaine année. Le recours à l’arbitrage offre peu de chance de succès. Une sentence impliquant un professeur de l’Université a d’ailleurs récemment confirmé la juridiction limitée de l’arbitre au regard de l’article 14.25 de la convention collective.

[15]           Dans ce dossier, le professeur contestait la décision de l’Université de lui refuser l’agrégation en raison d’une recommandation défavorable de la doyenne de son département. La procédure devant être suivie dans le cadre d’une demande d’agrégation est la même que pour la titularisation et tout comme le professeur Rhnima, le professeur avait porté en appel, en vain, la décision de l’Université.  

[16]           Dans sa décision, l’arbitre rappelle qu’en vertu des dispositions de la convention collective il n’a compétence que pour statuer sur le respect de la procédure d’évaluation et non pour décider du résultat de cette évaluation. Rejetant tout manquement à la procédure, il conclut que le professeur n’est pas d’accord avec l’appréciation de sa compétence qu’en ont faite le comité de direction et le comité d’appel et qu’il ne peut réviser cet aspect du dossier n’ayant rien à voir avec la procédure d’évaluation.

[17]           Suivant la rencontre avec le Syndicat, le 25 mai, le professeur Rhnima prend un temps de réflexion pour décider de la voie qu’il désire emprunter pour contester son refus de titularisation. Par ailleurs, il s’inquiète de la composition du comité d’appel qui serait formé des mêmes membres qui avaient rejeté sa demande d’appel l’année précédente. Il interroge la secrétaire générale Vézina à ce sujet les 4 et 5 mai par courriel.

[18]           Madame Vézina lui détaille de nouveau la procédure expliquée lors de la rencontre. Elle confirme que les membres du comité d’appel, qui sont nommés pour toute la durée de la convention collective, seront les mêmes s’il fait appel de la décision de l’Université. Elle lui réitère l’appui de son syndicat :

Bonjour Aziz,

Ne t’en fais pas, je comprends très bien le niveau de stress dans lequel tu te trouves. Je ne peux probablement pas en mesurer l’ampleur puisque je ne suis pas dans tes souliers, mais je suis de tout cœur avec toi et je prends très au sérieux les démarches que nous faisons pour t’appuyer.

Ta réponse me confirme que tu as bien compris le mécanisme de formation du comité d’appel. Ce sont donc ces gens qui seraient appelés à se pencher sur un appel cette année également.

Si tu souhaites porter ta demande de titularisation en appel, le SPPUS va t’épauler bien évidemment.

Bon courage,

Edith

[19]           Le professeur Rhnima hésite toujours à avoir recours aux dispositions de la convention collective pour contester son refus de titularisation, mais considère qu’il n’a guère le choix comme le mentionne le courriel qu’il adresse à madame Vézina le 5 juin :

Merci Édith et Dominique,

Je ne doute pas un iota de votre appui sincère en regard de ma cause.

Forcément, je dois aller en appel, car je n’ai pas d’autres choix :

1. Ne pas faire l’appel, c’est me préparer psychologiquement, derechef, à supporter plus de stress du fait des encombrements que je dois affronter tant avec mon chef de département qu’avec le doyen, afin de former un nouveau comité ad hoc (comité qui va, de surcroit, me donner un autre avis favorable et que le doyen et le vicerecteur se chargeront de renverser!)

2. La formulation du grief ne peut point me rassurer de gagner ma cause.

C’est le retour éternel de mon dilemme!

Bien à vous deux.

Aziz

[20]           Le 2 octobre 2018, le professeur Rhnima porte en appel son refus de titularisation. Le 23 novembre, le comité d’appel refuse à l’unanimité sa demande de promotion puisque son dossier ne permet pas d’infirmer la décision de l’Université. Le volet recherche de sa tâche professorale ne peut être considéré comme distinctif selon les membres du comité. 

[21]           Le professeur transmet la décision au Syndicat. Le 26 novembre, il souhaite rencontrer les représentantes afin d’évaluer « la suite des choses à envisager ». La présidente Lorrain lui propose une rencontre rapidement :

Bonjour Aziz,

Je suis désolée d’apprendre cette nouvelle. Edith et moi pourrions te rencontrer demain jeudi à 9h00 ou lundi à 13h30. Tu nous diras si un de ces moments convient.

Cordialement,

Dominique

[22]           Selon la présidente, lors de cette rencontre qui a lieu le 29 novembre, le professeur Rhnima évoque la possibilité qu’il entreprenne un recours civil contre l’Université. Un collègue aurait déjà utilisé ce type de recours et aurait obtenu des résultats encourageants selon lui. Afin d’épuiser toutes les étapes de la convention collective, il est convenu que la présidente Lorrain demande au vice-recteur des précisions sur les motifs ayant justifié la décision du comité d’appel comme le prévoit l’article 14.24 de la convention collective. Ces informations permettront de mieux comprendre en quoi le professeur n’a pas satisfait aux exigences de la liste des critères approuvés par son département aux fins de l’évaluation.

[23]           Au terme de la rencontre, le professeur Rhnima semble décidé à emprunter la voie du recours civil. D’ailleurs, le 2 décembre, il demande de rencontrer le procureur du Syndicat afin d’obtenir des conseils concernant ce type de recours :

Bonjour Dominique et Edith,

Je vous saurais consentantes de m'accorder une rencontre avec le procureur de notre syndicat, car j'aurais besoin de quelques conseils de lui en matière du recours en civil, que je suis définitivement déterminé à emprunter. J'apprécierai avoir cette rencontre, si c'est possible, avant la fin de l'année. Cette rencontre prendra au maximum 30 minutes.

[…]

[Notre soulignement]

[24]           Le Syndicat ne peut acquiescer à une telle demande comme le lui mentionne madame Vézina dans le courriel transmis le même jour :

Bonjour Aziz,

Une telle rencontre m’apparaît impossible pour plusieurs raisons, mais la principale est que si le procureur te prodigue des conseils pour un dossier personnel, il ne peut plus ensuite représenter le SPPUS dans un dossier sur le même sujet ou un de ses dérivés. Nous perdrions donc le recours à notre procureur pour un grief en lien avec un vice de procédure (nous attendons les précisions du comité d’appel), un éventuel grief de harcèlement où ces éléments seraient en preuve, et même pour son opinion juridique sur l’interprétation de la convention en lien avec ton dossier. Notre procureur a refusé à plusieurs reprises dans le passé de rencontrer des membres du SPPUS dans de telles conditions puisque cela l’empêcherait ensuite de représenter son client, qui est le syndicat.

Je peux cependant lui demander s’il a des avocats à me recommander pour t’aider dans tes démarches.

Je vais tenter de le joindre lundi et te revenir avec ses suggestions de collègues à contacter.

[25]           Quelques jours plus tard, soit le 10 décembre, le professeur Rhnima requiert des précisions auprès des représentantes syndicales avant d’entamer un recours civil. Il veut  vérifier s’il a épuisé tous les recours prévus à la convention collective pour contester son refus de titularisation et connaître le délai pour déposer un grief, le cas échéant :

Bonjour Dominique et Édith,

Je suis désolé de vous importuner encore, en pleines périodes des fêtes, avec mon problème. J’aurai besoin de savoir quand expirera le délai que je dois observer, afin d’entamer mon recours en civil. J’aimerai recevoir par écrit que la convention collective ne peut me procurer d’autres recours que ce que j’ai eu jusqu’à présent, et ce, considérant le contenu de l’article 16. Autrement dit, que j’ai épuisé tous les recours qui me sont offerts par mon syndicat, avant de me tourner vers un avocat ou une avocate. 

Quant au choix d’une bonne avocate ou d’un bon avocat, je vous envoie une liste où sont confinées les références des 10 meilleurs avocats de Sherbrooke, et espère que le procureur pourrait m’orienter en l’occurrence : […]

Une fois encore merci de votre soutien et joyeux temps des fêtes.

Aziz

[26]           En réponse à ces demandes, la secrétaire du Syndicat transmet un courriel le 12 décembre dans lequel elle lui mentionne que le délai pour déposer un grief expirera à la fin du mois de janvier 2019 :

Bonjour Aziz,

Je ne sais pas si nous pouvons dire à ce moment que nous avons épuisé les recours puisque nous avons fait une demande au vicerecteur relativement aux motifs du comité d’appel. Nous avons discuté tous les trois du résultat que nous croyons, mais il faut néanmoins attendre cette réponse.

Puisque les fêtes arrivent à grands pas et que nous ne savons pas exactement quand le comité répondra, nous avons actuellement jusqu’au 20 janvier selon la convention collective (30 jours de la lettre du comité plus la suspension des délais du 20 décembre au 20 janvier) et si je vois que nous n’avons pas de réponse vers la mijanvier, j’ai déjà discuté avec les RH pour obtenir une suspension des délais jusqu’à la réception de cette réponse.

À moins d’avoir une réponse rapide, c’est donc à la fin janvier que les délais seront vraisemblablement écoulés.

Concernant la liste des avocats disponible par l’hyperlien dans votre courriel, je connais la plupart. JeanPierre Rancourt (#3) fait essentiellement du droit pénal alors je vous suggère de ne pas le contacter. Le problème avec les avocats de Sherbrooke n’est pas leur compétence, mais le fait qu’ils sont généralement en relation contractuelle avec l’université et ne peuvent donc pas représenter un individu contre l’université. Ce n’est pas une information que notre procureur aurait (les clients d’un avocat sont confidentiels), mais ces avocats pourront vous indiquer s’ils peuvent vous représenter ou pas au premier contact. Privilégiez les avocats en droit du travail et en droit civil (oubliez faillite #9). Je vous suggère néanmoins d’attendre avant de faire ces contacts et de bien réfléchir aux coûts que cela impliquera, pas seulement sur le plan monétaire, mais surtout sur le plan émotif et psychologique en tenant compte du fait que les délais de droit commun ne permettent pas d’espérer un règlement avant un minimum de 2 ans.

Je vous souhaite également un joyeux temps des fêtes et j’espère que vous saurez profiter de cette période pour vous ressourcer.

[Notre soulignement]

[27]           Au cours des nombreux échanges avec le professeur Rhnima, madame Lorrain parle d’une centaine de courriels, les représentantes syndicales tentent d’explorer différentes avenues pour régler les difficultés relationnelles qu’il invoque avec le doyen de l’École de gestion. Ainsi, la possibilité de déposer un grief de harcèlement psychologique ainsi qu’une démarche de médiation dans le cadre du programme RESPECT est abordée. Ces solutions n’enchantent pas le professeur. 

[28]           Le 8 janvier 2019, la secrétaire générale du Syndicat informe le professeur Rhnima que le vice-recteur refuse la demande de précision sur les motifs du comité d’appel. Il avait été convenu d’attendre cette réponse avant qu’il envisage un recours personnel au civil. Dans son courriel, madame Vézina réitère qu’une intervention de sa part auprès de la direction des ressources humaines ou une demande de médiation avec le doyen pourrait être une solution pour éviter l’action civile qu’il souhaite entreprendre contre l’Université :

Bonjour Aziz,

Dominique et moi espérons que tu as passé de belles vacances malgré les événements qui les ont précédées. Nous en profitons d’ailleurs pour te souhaiter une bonne année 2019. Qu’elle t’apporte la paix, la sérénité et la santé (avec la santé, on arrive à tout!).

Nous avons reçu une réponse du vice-recteur concernant notre demande de précision sur les motifs du Comité d’appel et il nous signale qu’il n’a pas l’intention de demander au Comité de motiver plus amplement sa décision puisque ces derniers se sont basés sur les rapports déjà motivés des 3 instances qui s’étaient prononcées précédemment. Nous t’avions demandé d’attendre des nouvelles de ce côté avant de voir si tu envisageais des recours personnels au civil puisqu’il était clair pour nous que les recours prévus par la convention collective n’avaient pas été épuisés.

Avant la pause des fêtes, Dominique t’a suggéré de voir avec les RH ou le programme RESPECT si une médiation avec le doyen permettrait de rétablir les ponts, c’est une solution possible qui pourrait éviter des séquelles lourdes. Il est peu engageant de les consulter avant d’opter pour une action au civil.

Tous ces choix t’appartiennent.

Nous attendrons de tes nouvelles,

Edith

[29]           À propos de la suggestion d’une intervention auprès de la direction des ressources humaines ou du programme RESPECT, le professeur Rhnima s’interroge si une telle intervention permettait de lui accorder sa titularisation. La secrétaire du Syndicat est très claire; cette démarche ne peut lui accorder la titularisation qu’il demande. Elle en précise les motifs dans un courriel qu’elle adresse au professeur le 9 janvier :

Bonjour Aziz,

J’aimerais apporter une précision importante tant à la suggestion de Dominique de décembre qu’au courriel ci-dessous.

Si tu crois que ce qui t’oppose au doyen relève de l’ordre relationnel, le service des RH a des conseillers qui pourraient t’aider.

Si tu crois que c’est plutôt du harcèlement, comme ton courriel en lien avec les modifications de cours le ciblait, c’est RESPECT qui pourrait t’aider. Mais pas en parlant à ton doyen en ton nom.

Respect pourrait t’aider si tu portes plainte pour harcèlement. Ils te rencontreront et documenteront l’historique des événements. Dans le processus d’enquête, il est fort possible qu’ils suggèrent une médiation. La médiation implique ta présence participative. Ils peuvent proposer plusieurs autres types de correctifs. La première étape serait de rencontrer Mme Doiron afin de voir avec elle si ce que tu vis depuis quelques années correspond à la définition institutionnelle de harcèlement. Elle te guidera à partir de là.

 

Et pour répondre à une question de ton précédent courriel, dans tous les cas, ni une démarche aux RH, ni à RESPECT ne peut t’accorder la titularisation. Cependant, cela pourrait, si la démarche est un succès, lever certains obstacles en vue d’une prochaine demande.

Edith

[Notre soulignement]

[30]           Dans un autre échange avec madame Vézina le 9 janvier, le professeur Rhnima lui demande si le refus du vice-recteur de demander des précisions au comité d’appel contrevient à la convention collective. Elle confirme le même jour qu’il n’y a pas de vice de procédure ou de violation de la convention collective :

Bonjour Aziz,

Concernant la réponse du vice-recteur à l’égard du comité d’appel, mon courriel du 7 janvier ne mentionnait pas de vice de procédure ou de violation de l’article 14. Si cela avait été le cas, je te l’aurais souligné immédiatement puisque cela aurait donné ouverture à un grief.

Edith

[31]           À la suite de ce courriel, le professeur Rhnima demande le 1er février suivant de rencontrer les représentantes syndicales avec son avocat. Ce dernier désire obtenir de plus amples informations concernant « l’épuisement des procédures internes de règlements des conflits et griefs » prévues à la convention collective.

[32]           La secrétaire générale du Syndicat l’informe le 6 février que le Syndicat a pour politique de ne pas rencontrer le procureur retenu par un professeur pour un recours qu’il souhaite entreprendre au civil. Elle lui précise cependant qu’il n’a pas épuisé toutes les procédures internes qui lui sont offertes considérant qu’il peut envisager de déposer un grief de harcèlement psychologie ou emprunter la médiation offerte par le programme RESPECT. Madame Vézina mentionne également au professeur qu’un grief contestant son refus de titularisation serait voué à l’échec étant donné qu’il n’y a pas de vice de procédure, mais précise qu’il peut présenter une nouvelle demande tous les 15 janvier :

Bonjour Aziz,

Toutes mes excuses, je suis clouée au lit à la maison avec un vilain rhume et une bonne fièvre et j’ai oublié de te répondre avant maintenant. J’espère que tu me pardonneras cet oubli.

Les seuls recours « épuisés » en ce moment concernent le dernier refus de titularisation et je ne suis pas certaine qu’on peut réellement parler d’épuisement puisque tu conserves la possibilité de présenter une demande tous les 15 janvier. Nous ne pouvions aller en grief concernant ta dernière demande puisqu’il n’y avait pas de vice de procédure au terme de l’appel.

Comme mentionné dans le courriel de Dominique en bas de ce message (daté du 17 décembre), le SPPUS ne considère pas que tu as épuisé les recours dans l’ensemble des diverses persécutions que tu vis dans tes tâches. Autant ceux prévus à la convention, que ceux figurant dans les politiques en vigueur à l’Université te sont toujours ouverts. Nous serions bien embêtées de dire le contraire à quiconque.

Outre la rencontre avec la responsable de la politique Respect (2500015) que nous te suggérions, nous proposions également le service des RH pour évaluer la situation. Par ailleurs, je te rappelle que tu as toujours refusé d’envisager un grief en harcèlement contre le doyen et la direction ne voulant pas, et je te cite « jouer leur jeu et leur faire ce plaisir ». À ce jour et malgré nos multiples rencontres, je ne saurais dire quel genre de réparation tu souhaiterais dans tes difficultés récurrentes avec ton doyen.

Par ailleurs, il est important de distinguer les recours civils qu’un professeur décide d’exercer à l’extérieur de son travail de ceux prévus par la convention. Le SPPUS a pour politique de ne pas rencontrer les procureurs retenus par ses membres pour des recours qu’ils souhaitent exercer au civil. Par ailleurs, ni Dominique ni moi ne sommes disponible ce vendredi.

Nous déclinons donc la rencontre de vendredi et nous t’invitons à envisager l’épuisement de tes recours internes ou à aller de l’avant au civil malgré tout.

Bon courage et au plaisir,

Edith

[33]           Le professeur n’a plus d’échanges par la suite avec les représentantes syndicales. Le 1er mars 2019, il adresse par écrit au Syndicat une demande de grief. Il allègue un vice de procédure dans le traitement de sa demande de titularisation. Selon ce qu’il invoque, le doyen aurait eu à son endroit une conduite discriminatoire en s’écartant des normes applicables et du résultat obtenu à l’évaluation de sa candidature par le comité de titularisation.

[34]           Pour les représentantes Lorrain et Vézina, c’est la première fois que le professeur Rhnima manifeste vouloir déposer un grief pour contester son refus de titularisation. Avant cela, il a toujours indiqué envisager un recours civil.

[35]           Dans une lettre qu’il adresse à la présidente Lorrain le 7 mars, il explique n’avoir jamais considéré la voie du grief avant le 1er mars puisque le Syndicat lui a toujours mentionné qu’il n’y a pas de contravention à la convention collective. Il estime donc ne pas être responsable de ce long délai pour déposer un grief :

Bonjour Mme Lorrain,

Je suis désolé pour cet inconvénient que je viens de corriger et dont je vous saurai gré de comprendre, considérant le poids du stress que j’éprouve depuis 5 ans maintenant dans cette situation.

Par ailleurs, je vous invite à considérer le fait que lorsque j’ai contacté mon Avocat, Me Potvin, la première fois, le 17 janvier 2019, c’était parce que mon SPPUS, par écrit, m’a fait signaler qu’il n’y avait aucun vice de procédure dans le cas du processus de ma demande de promotion et partant, il n’y avait pas lieu de penser à déposer un grief. Par conséquent, si j’ai entamé la démarche d’un recours en civil, afin de défendre mes droits légitimes à une promotion, le 17 janvier 2019, ce n’était qu’après avoir essuyé un refus, par écrit et dans les délais impartis par notre convention collective à cette époque, de mon syndicat de déposer un grief. Le contenu des échanges par courriel entre moi et le SPPUS, depuis le 23 novembre date de la décision du comité d’appel, en témoignent. Si vous vous rappelez, vous m’avez même référé à deux organes externes au SPPUS et qui ne s’occupent pas de la question des promotions administratives, mais plutôt des questions de conflits de travail ou de harcèlement : « les relations de travail » et « Respect ».

Je demeure disponible pour vous fournir d’autres documents requis dans le cadre de votre démarche, mais je ne suis pas responsable de la question du délai requis pour le dépôt d’un grief.

Cordialement.

Aziz

[36]           Le même jour, la présidente Lorrain l’informe que le procureur du Syndicat analysera le grief qu’il souhaite déposer. Elle lui mentionne qu’il pourrait y avoir un problème de prescription.

[37]           Le 13 mars suivant, le Syndicat transmet pour signature le grief demandé pour contester son refus de promotion. Le professeur Rhnima fait part de ses commentaires et suggestions concernant sa formulation. Par ailleurs, il sollicite l’aide financière du Syndicat pour payer les honoraires de son avocat puisque cette consultation juridique a été effectuée après qu’on lui ait dit qu’il serait impossible de déposer un grief pour contester son refus de promotion :

[…]

Par ailleurs, comme vous le savez, Mme Lorrain, l’avenue de dépôt du grief est arrivée a posteriori de mon recours à un avocat. Autrement dit, ce n’est qu’après avoir essuyé, par écrit, la réponse négative de mon syndicat à l’effet qu’il était impossible de procéder au dépôt d’un grief, que j’avais décidé de prendre contact avec un avocat. Je sollicite la solidarité du SPPUS à mon égard, s’agissant des frais encourus auprès de mon avocat. Comme vous savez, je n’ai pas choisi cette situation, mais je garde espoir que mon syndicat sera sensible à mon fardeau financier dans cette affaire. Pour ce faire, je vous envoie, en document attaché, les factures payées et compte sur votre solidarité.

Cordialement.

Aziz

[38]           Le Syndicat refuse d’assumer les frais et honoraires demandés. Le professeur Rhnima n’a jamais été empêché de déposer un grief pour contester son refus de titularisation. Il a plutôt choisi, comme il l’a mentionné à plusieurs reprises, d’entreprendre un recours personnel contre l’Université via son propre avocat :

[…]

Pour ce qui est du dépôt du grief, le SPPUS ne vous a pas empêché de le déposer. Tout comme vous l’avez fait, les professeurs peuvent déposer un grief eux-mêmes sans l’intervention du SPPUS, sous réserve que l’envoi à l’arbitrage relève du syndicat.

Enfin, au cours des dernières années vous avez mentionné à plusieurs reprises que vous songiez à prendre personnellement un avocat et intenter une poursuite contre l’Université qui refusait de vous accorder la promotion demandée. Vous avez décidé de poursuivre dans ce sens même après avoir rencontré le procureur du SPPUS dans nos bureaux. Comme nous vous l’avons déjà dit, le SPPUS a comme politique qu’il n’assume pas les frais et honoraires de professionnels qu’il n’a pas lui-même mandaté.

Meilleures salutations,

[39]           Comme le veut la procédure syndicale, la demande de grief du professeur Rhnima est analysée par le comité ad hoc d’autorisation d’envoi à l’arbitrage formé lors du Conseil syndical du 20 mars 2019. Ce comité est composé de la présidente du Syndicat qui est membre d’office ainsi que trois autres membres du Conseil syndical, dont un professeur de la faculté de droit.

[40]           Les membres du comité se sont réunis les 2 et 15 avril 2019. Dans le cadre du processus, ils ont pris connaissance de l’ensemble des documents déposés par le professeur et l’ont rencontré afin d’évaluer si les attitudes et les comportements du doyen à son égard pouvaient correspondent à de la discrimination ou à du harcèlement psychologique à son endroit.

[41]           Il ressort de cette enquête que les évènements rapportés par le professeur Rhnima concernant le doyen et qui seraient selon lui sous-jacents au refus de sa demande de promotion concernent majoritairement l’enseignement alors que ce refus est fondé sur l’évaluation de sa contribution au volet recherche.  De plus, le professeur ne peut indiquer aucun témoin du harcèlement qu’il allègue de la part du doyen que les membres du comité pourraient rencontrer. En outre, il affirme avoir consulté la direction des ressources humaines dans le cadre du programme RESPECT, mais ne semble pas vouloir poursuivre le processus puisqu’il n’a pas donné suite à la rencontre qui lui a été proposée.

[42]           Dans ce contexte et après avoir examiné les articles de la convention collective et avoir consulté le procureur du Syndicat, les membres du comité concluent qu’il n’y a pas de comportement de discrimination de la part du doyen à son égard ni d’élément correspondant à ce qui pourrait s’apparenter à un manque quant à la procédure suivie par la direction dans l’évaluation de sa demande de promotion. Ils recommandent donc de ne pas déférer le grief à l’arbitrage.  

[43]           Le professeur Rhnima conteste cette décision du comité. Il lui reproche de ne pas prendre en considération que le refus d’obtention de sa promotion découle des motivations personnelles du doyen alors qu’il aurait dû être lié par les recommandations favorables du comité de titularisation.

[44]           Devant l’insistance du professeur Rhnima, le comité ad hoc d’autorisation d’envoi à l’arbitrage accepte de réviser sa décision le 5 juin et recommande le dépôt de son grief à l’arbitrage.

[45]           L’audience est fixée le 26 août 2020. Dans les jours qui précèdent, l’Université soulève un moyen préliminaire voulant que le dépôt du grief soit tardif. De fait, l’arbitre constate qu’au moment de son dépôt le grief est prescrit et le rejette.

[46]           Le 16 octobre 2020, le professeur Rhnima dépose contre le Syndicat la présente plainte pour manquement à son devoir de représentation. Il lui reproche d’avoir dépassé les délais pour déposer le grief contestant son refus de promotion. Pour le professeur Rhnima, le fait que l'avocat du Syndicat lui ait remis le formulaire de plainte constitue une reconnaissance d'une négligence grave.

la décision et les motifs

[47]           L’article 47.2 du Code impose au Syndicat l’obligation de représenter l’ensemble des salariés inclus dans l’unité de négociation. La portée de son devoir est rédigée en ces termes :

47.2. Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non.

[48]           Cet article impose un lourd fardeau à la partie qui prétend que son syndicat a manqué à son devoir de juste représentation. En effet, elle doit démontrer qu’il a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou qu’il a fait preuve de négligence grave ou de mauvaise foi.

[49]           La Commission des relations du travail, la CRT, dans l’affaire Barrouk[2], décrit ces comportements prohibés en se fondant sur les définitions élaborées par la Cour suprême dans l’arrêt Noël[3]. Cette description démontre bien le lourd fardeau de preuve que doit rencontrer un plaignant :

[55] Au sujet des contraventions alléguées par les plaignants, la Cour suprême explique les quatre comportements interdits par l’article 47.2 dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James [2001] 2 R.C.S. 207, aux paragraphes 46 à 55. La mauvaise foi « suppose une intention de nuire, un comportement malicieux, frauduleux, malveillant ou hostile ». Le comportement discriminatoire comprend « toutes les tentatives de défavoriser un individu ou un groupe sans que le contexte des relations de travail dans l’entreprise ne le justifie » : La mauvaise foi et la discrimination impliquent un comportement vexatoire de la part du syndicat. 

[56] Dans le cas de l’arbitraire et de la négligence grave, même sans intention malicieuse, les actes de l’association ne doivent pas dépasser « les limites de la discrétion raisonnablement exercée ». Au sujet de l’arbitraire, une association ne peut pas traiter une plainte d’un salarié « de façon superficielle ou inattentive ». L’association doit faire une enquête. Elle doit « examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation ». L’association jouit d’une discrétion importante au sujet de la forme et de l’intensité de ses démarches.

[57] La négligence grave comprend « une faute grossière dans le traitement d’un grief ». Cependant, l’article 47.2 n’impose pas une norme de perfection. L’analyse du comportement syndical peut tenir compte des facteurs suivants : les ressources disponibles; l’expérience et la formation des représentants syndicaux, le plus souvent des non-juristes; les priorités reliées au fonctionnement de l’unité de négociation; l’importance du grief pour le salarié; les chances de succès du grief; l’intérêt concurrent des autres salariés dans l’unité de négociation.

[50]           Le professeur Rhnima reproche au Syndicat de ne pas l’avoir soutenu adéquatement lors de la contestation de son refus de titularisation notamment en omettant de l’informer de la procédure de contestation prévue à la convention collective et du délai prescrit.

[51]           Il lui appartient d’établir par prépondérance le comportement fautif qu’il allègue.

[52]           Or, la preuve ne démontre pas que le Syndicat a agi de manière négligente dans le traitement de son dossier. Au contraire, les représentantes syndicales ont procédé à une analyse sérieuse qui s’est déroulée en plusieurs étapes distinctes au cours desquelles les chances de succès de son recours contre l’Université ont été appréciées rigoureusement. Tout au long du processus, les représentantes syndicales se sont impliquées activement et ont démontré une bienveillance et une disponibilité indéfectible à son endroit. Pareille attitude ne présente pas le caractère arbitraire et négligent requis pour conclure que le Syndicat a failli à son devoir de représentation.

[53]           Ainsi, deux jours après que le professeur Rhnima soit informé que l’Université refuse sa demande de titularisation, mesdames Lorrain et Vézina le rencontrent rapidement avec le procureur du Syndicat. De plus, elle l’accompagne tout au long de ses démarches de contestation au comité d’appel. Bien plus, malgré qu’un grief contestant son refus de titularisation ait peu de chance de succès, les représentantes effectuent des démarches afin de trouver d’autres moyens pour résoudre les difficultés relationnelles qu’allègue le professeur Rhnima avec le doyen de l’École de gestion. Ces moyens tels que le recours au programme RESPECT ou le dépôt d’un grief de harcèlement psychologique visent à ce qu’il obtienne sa promotion lors d’une prochaine demande.

[54]           Le professeur Rhnima prétend que le Syndicat a omis de l’aviser des délais prescrits pour déposer un grief. Cependant, ce n’est pas ce que démontrent ses échanges avec les représentantes syndicales.

[55]           Dès l’annonce du refus de l’Université d’accorder sa titularisation, madame Vézina l’informe de la procédure et reproduit dans son courriel l’article pertinent de la convention collective. Ainsi, le professeur Rhnima est prévenu le 16 mai 2018 qu’il a 30 jours de la décision du comité d’appel pour déposer un grief. Il sait aussi qu’il doit lui-même déposer ce grief et non son syndicat.

[56]           Le 12 décembre suivant, madame Vézina réitère cette procédure et l’avise que le délai pour déposer un grief expire à la fin du mois de janvier 2019.  

[57]           Le professeur Rhnima soutient que les informations syndicales manquent de clarté et qu’il aurait dû être mieux dirigé pour le dépôt de son grief. Bien qu’il n’ait pas une connaissance approfondie des dispositions de la convention collective, en tant que professeur en gestion des ressources humaines, il était en mesure de comprendre les règles applicables et de demander plus d’informations au besoin.

[58]           Par ailleurs, force est de constater que le professeur n’a jamais exprimé le désir de déposer un grief ni demandé au Syndicat de le faire avant le 1er mars 2019. On se souviendra que cette demande survient après sa rencontre avec l’avocat qu’il a retenu pour entreprendre un recours civil. Avant cette date, c’est ce recours qu’il avait choisi d’emprunter pour faire valoir ses droits.

[59]           Cette volonté d’opter pour un recours civil apparaît dans plusieurs de ses communications avec les représentantes syndicales. Bien qu’il exprime une certaine ambivalence après le refus de l’Université de lui accorder sa titularisation, le 2 décembre il indique clairement aux représentantes « être définitivement déterminé à emprunter » la voie d’un recours civil.

[60]           Devant cette décision, on ne saurait reprocher au Syndicat de ne pas l’avoir aiguillé sur la voie du grief. D’ailleurs, il en a déposé un sans délai lorsque le professeur Rhnima l’a requis formellement en mars 2019.

[61]           Or, en l’absence d’une demande d’intervention claire, la conduite syndicale ne peut être qualifiée de négligence grave. Il s’agit d’un problème de communication dont le Syndicat ne peut être considéré comme étant le seul responsable. La conduite qui lui est reprochée ne constitue donc pas un manquement à son devoir de représentation.

[62]           Il est vrai cependant que le Syndicat ne préconise pas le dépôt d’un grief pour contester le refus de titularisation du professeur Rhnima, ce qui peut expliquer, en partie, son choix d’un recours civil. Toutefois, la position syndicale relève d’un examen sérieux et n’est pas basée sur l’arbitraire, la mauvaise foi, un acte de négligence grave ou bien encore sur une situation de discrimination à l’endroit du professeur.

[63]           Il est bien établi qu’un syndicat jouit d’une certaine discrétion pour réclamer en faveur d’un salarié, un droit qu’il croit résulter de la convention collective. C’est au terme d’une analyse, qui n’a rien de sommaire, que le Syndicat conclut que les conditions prévues à la convention collective ne permettent pas le dépôt d’un grief. En outre, les éléments soumis quant aux droits limités du professeur Rhnima s’appuient sur une interprétation raisonnable de la convention collective, mais également sur une jurisprudence constante en matière de refus de titularisation qui confirme l’opinion syndicale. 

[64]           Le rôle du Tribunal n’est pas de substituer son opinion à celle du Syndicat. Il doit s’assurer que le processus décisionnel qui l’a amené à ne pas recommander au professeur Rhnima le dépôt d’un grief ne démontre pas qu’il a été négligent ou qu’il a usé de sa discrétion de manière arbitraire, discriminatoire ou qu’il a fait preuve de mauvaise foi. Ce qui n’est pas le cas.

[65]           Par ailleurs, bien que devant l’insistance du professeur le Syndicat ait décidé de porter le grief en arbitrage, là encore, sa conduite ne présente aucun manquement à son devoir de représentation. Comme déjà mentionné, le rejet du grief pour non-respect du délai de prescription ne peut lui être reproché. Par ailleurs, même s’il avait été déposé dans le délai, il n’en demeure pas moins que le grief avait peu de chance de réussite.

[66]           Enfin, le fait que le procureur syndical informe le professeur Rhnima du recours possible contre le Syndicat ne peut constituer la preuve d’un manquement au devoir de représentation. 

[67]           Pour tous ces motifs, le Tribunal ne peut identifier aucun manquement quant au devoir de représentation du Syndicat. Ce dernier n’a nullement traité à la légère le dossier du professeur Rhnima. Les nombreuses interventions des représentantes syndicales démontrent sans conteste une préoccupation manifeste à son endroit et aucune négligence de leur part.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REJETTE la plainte.

 

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Line Lanseigne

 

 

Me Denis L. Blouin

DUNTON RAINVILLE, S.E.N.C.R.L.

Pour la partie demanderesse

 

Me Pierre Grenier

MELANÇON MARCEAU GRENIER COHEN S.E.N.C.

Pour la partie défenderesse

 

Me André L. Baril

MCCARTHY TÉTREAULT S.E.N.C.R.L., S.R.L..

Pour la partie mise en cause

 

Date de la mise en délibéré : 29 septembre 2021

 

/mpl

 


[1]  RLRQ, c. C-27

[2]  Barrouk c. L’Union des employés d’hôtels, restaurants et commis de bars, local 31, 2005 QCCRT 0047.

[3]  Noël c. Société d’énergie de la Baie James, [2001] 2 R.C.S. 207.

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