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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 15 août 2005, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;
[3] Au paragraphe 19, nous lisons :
Le 29 juin 2004, la CSST transmet le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale, confrontant le rapport du 31 mai 2004 du docteur Richard Dubois et l’expertise du docteur Louis-Serge Rheault et ce, sur les cinq points prévus à l’article 212 de la Loi.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
Le 29 juin 2004, la CSST transmet le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale, confrontant le rapport du docteur Richard Dubois et l’expertise du docteur Louis-Serge Rheault et ce, sur les cinq points prévus à l’article 212 de la Loi.
[5] Au paragraphe 71, nous lisons :
Sur la question de l’irrégularité du processus d’évaluation médicale, le représentant du travailleur fait remarquer que la CSST avait initialement aiguillé le dossier au Bureau d’évaluation médicale le 29 juin 2004 en mettant en opposition l’avis du docteur Louis-Serge Rheault qu’elle avait mandaté et celui du docteur Richard Dubois, daté du 31 janvier 2004. Le docteur Dubois n’avait toujours pas fait de rapport d’évaluation médicale malgré que son rapport final datait d’avril 2004. La CSST aurait dû avertir le travailleur qu’il devait fournir un rapport d’évaluation médicale.
[6] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
Sur la question de l’irrégularité du processus d’évaluation médicale, le représentant du travailleur fait remarquer que la CSST avait initialement aiguillé le dossier au Bureau d’évaluation médicale le 29 juin 2004 en mettant en opposition l’avis du docteur Louis-Serge Rheault qu’elle avait mandaté et celui du docteur Richard Dubois. Le docteur Dubois n’avait toujours pas fait de rapport d’évaluation médicale malgré que son rapport final datait d’avril 2004. La CSST aurait dû avertir le travailleur qu’il devait fournir un rapport d’évaluation médicale.
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Me Jean-François Clément |
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Commissaire |
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M. Jean Philibert |
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A.T.T.A.M. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marie-Pierre Raymond |
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LANGLOIS, KRONSTROM ET ASSOCIÉS |
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Représentante de la partie intéressée |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Trois-Rivières |
Le 15 août 2005 |
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Région : |
Centre-du-Québec |
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Dossier : |
246155-04B-0410 |
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Dossier CSST : |
125521468 |
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Commissaire : |
Me Jean-François Clément |
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Membres : |
Ginette Vallée, associations d’employeurs |
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Serge Saint-Pierre, associations syndicales |
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Martin Béliveau |
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Partie requérante |
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et |
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Chambre de Bébé inc. (la) |
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Partie intéressée |
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[1] Le 18 octobre 2004, monsieur Martin Béliveau, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 8 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 septembre 2004 en déclarant que :
1- le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 29 avril 2004
2- il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu
3- la lésion est consolidée avec atteinte permanente de 0 % et sans limitations fonctionnelles
4- une remise de dette est effectuée étant donné la bonne foi du travailleur pour la période du 29 avril au 8 septembre 2004
5- aucune indemnité pour préjudice corporel ne doit être versée.
[3] Une audience est tenue à Trois-Rivières les 22 mars et 14 avril 2005 en présence des parties et de leurs représentants.
[4] Le tribunal a autorisé les parties à déposer des documents de nature médicale et une expertise après l’audience, avec droit de réplique. Le 16 mai 2005, le tribunal a reçu la plupart des documents que le travailleur entendait déposer. Des extensions de délai ont été accordées pour la production d’une expertise laquelle a été finalement reçue le 4 août 2005. La réplique de l’employeur étant parvenue au tribunal le 11 août 2005, c’est à cette date que le dossier a été pris en délibéré.
[5] Il n’y a pas lieu de refuser la production de l’expertise du docteur Dumas puisque le délai de production ultime donné au travailleur (26 juillet) tombait dans la période de fermeture du bureau de son représentant qui a agi avec diligence dès son retour de vacances.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer l’avis rendu par le Bureau d’évaluation médicale irrégulier. Comme la mention d’une date de consolidation sur le rapport final par le médecin qui a charge était une erreur, on doit donc conclure qu’il n’y a pas eu consolidation et que les questions de l’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles ont été décidées de façon prématurée.
LES FAITS
[7] Le 29 octobre 2003, le travailleur subit une lésion professionnelle dans les circonstances décrites à sa réclamation :
Penché pour prendre des côté de bureaux qui étaient sur le sol. Je devais pivoter le haut du corps avec les morceaux pour les passer par dessus des pallettes qui étaient mal placées. J’ai fais plusieurs fois ces mouvements et puis soudain j’ai ressenti une forte douleur dans le dos. [sic]
[8] Le travailleur rencontre un médecin le jour même lequel conclut à une lombalgie chez un jeune homme de 20 ans. L’examen neurologique est normal. Il prescrit du Vioxx.
[9] Le 5 novembre 2003, le docteur S. Rousseau diagnostique une entorse lombaire et autorise une assignation temporaire de travail mais le 7 novembre 2003, le docteur Richard Dubois prescrit un arrêt de travail. Le docteur Dubois prend charge du travailleur à partir de ce moment et le verra à de nombreuses reprises par la suite.
[10] Le 23 décembre 2003, la physiothérapeute Nancy René mentionne qu’il y a diminution progressive de l’intensité des douleurs lombaires.
[11] Le 8 janvier 2004, une tomodensitométrie lombaire est interprétée par le docteur Frédéric Chapuis, radiologiste, de la façon suivante :
[…]
Pas de hernie discale constituée sur les trois derniers espaces intersomatiques mobiles.
Les débords L4-L5 et L5-S1 postéro-médians peuvent expliquer au moins un tableau de lombalgie.
[12] Le 6 avril 2004, la physiothérapeute indique que la douleur lombaire du travailleur est intermittente.
[13] Le 7 avril 2004, une scintigraphie osseuse est interprétée par le nucléiste Bertrand J. Vallières comme suit :
Aucune évidence de lésion active particulièrement au niveau de la région lombo-sacrée.
[14] Le 29 avril 2004, le docteur Dubois complète un rapport final retenant un diagnostic d’entorse lombaire, demandant la fin des traitements de physiothérapie et constatant la présence de douleurs résiduelles. Il indique que le travailleur doit voir un expert de la CSST le 14 mai. Il inscrit le 29 avril 2004 comme date de consolidation avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles (Pièce T-1).
[15] Le 10 mai 2004, l’agente Anny Désilets de la CSST a une conversation téléphonique avec le travailleur. Il indique que le docteur Dubois a produit un rapport final et qu’il lui a dit que le médecin délégué par la CSST finaliserait le dossier au niveau d’un éventuel retour au travail. Un rendez-vous est prévu avec le docteur Louis-Serge Rheault, orthopédiste, le 14 mai 2004. Le travailleur mentionne à l’agente d’indemnisation qu’il note beaucoup d’amélioration au niveau de son état de santé.
[16] Le 25 mai 2004, la travailleuse rencontre le docteur Louis-Serge Rheault, orthopédiste, à la demande de la CSST s’autorisant de l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la Loi)[1]. Il note comme antécédent une lombalgie d’une durée d’une semaine alors que le travailleur était emballeur. À l’examen physique, le travailleur circule sans aide et sans boiterie. Il n’y a pas de spasme de la musculature paravertébrale. Une légère douleur à la palpation de L5-S1 sous la partie médiane et latérale est notée sans évidence de scoliose clinique importante. Les mouvements sont normaux. À l’examen des membres inférieurs, les réflexes ostéotendineux sur le plan rotulien et achilléen sont présents et symétriques, il n’y a pas de déficit sensitif et la manoeuvre de Lasègue est négative bilatéralement. Il conclut ainsi à un diagnostic d’entorse lombaire consolidée le 14 mai 2004 sans séquelle fonctionnelle objectivée (code 203997 = 0 %). Il émet cependant les limitations fonctionnelles suivantes :
Considérant le diagnostic d’entorse lombaire, celui-ci devra se limiter dans les flexions répétitives du tronc ; il devra limiter les positions instables de flexion du tronc de façon prolongée. Par ailleurs, il n’y a pas de limitation dans les charges à transporter ou à soulever.
[17] Le 2 juin 2004, une résonance magnétique est interprétée comme étant normale par le radiologiste Luc Grondin.
[18] Le 9 juin 2004, le travailleur est examiné par le docteur Jacques E. Desmarchais, orthopédiste, à la demande de l’employeur. Il note qu’une radiographie du 8 janvier 2004 démontre une anomalie de transition au niveau de S1 avec une inflexion scoliotique à convexité gauche du rachis dorsal. Subjectivement, le travailleur mentionne qu’il n’est pas amélioré mais quand on lui fait remarquer certaines données contenues à son dossier, il reconnaît s’être amélioré notamment après avoir reçu des infiltrations. Il se dit amélioré globalement de 50 %. Il ne prend plus de médicament et ne reçoit plus aucun traitement depuis deux mois. Le docteur Desmarchais conclut à une entorse lombaire résolue, consolidée le 9 juin 2004, sans nécessité de traitements additionnels, ni atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles.
[19] Le 29 juin 2004, la CSST transmet le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale, confrontant le rapport du 31 mai 2004 du docteur Richard Dubois et l’expertise du docteur Louis-Serge Rheault et ce, sur les cinq points prévus à l’article 212 de la Loi.
[20] Le 30 juin 2004, le Bureau d’évaluation médicale convoque le travailleur devant le docteur Réjean Grenier, chirurgien-orthopédiste, le 4 août à 10 h 30.
[21] Le 3 juillet 2004, le docteur Dubois prépare un rapport complémentaire pour faire suite à l’expertise du docteur Desmarchais. Il mentionne qu’il reste des douleurs résiduelles et une invalidité partielle. Il mentionne qu’il ne fera pas lui-même l’expertise du travailleur.
[22] Le 16 juillet 2004, la CSST prépare un avis de renvoi au Bureau d’évaluation médicale mettant en opposition le rapport final du docteur Dubois du 29 avril 2004 et l’expertise du docteur Desmarchais. La référence ne concerne que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[23] Ce même 16 juillet 2004, la note évolutive suivante est consignée au dossier du travailleur :
j’ai parlé avec M. Dupont qui m’indique que CSST peut se désister de sa demande de Bem.
Acheminer le nouveau formulaire de E avec RC et indiquer que l’on conserve le RV du 4août 2004.
Nouvelle demande de Bem complété ce jour et acheminé au sm pour signature. [sic]
[24] Le 19 juillet 2004, le Bureau d’évaluation médicale convoque à nouveau le travailleur pour le même jour, la même heure et devant le même médecin qui est indiqué dans l’avis du 30 juin 2004.
[25] Le 4 août 2004, le docteur Réjean Grenier, chirurgien-orthopédiste, rencontre le travailleur à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale. À l’historique, il rapporte l’existence en date du 16 juillet 2004 d’un rapport complémentaire additionnel du docteur Dubois, dans lequel il indique que le travailleur demeure avec une lombalgie et des limitations fonctionnelles. Monsieur Béliveau lui mentionne ne pouvoir faire les activités qu’il faisait auparavant comme du « quatre-roues ».
[26] Au niveau de l’examen subjectif, le travailleur lui mentionne « ça va relativement bien ». Son examen objectif est strictement normal avec un indice de schoeber modifié de 15 à 22,5 cm. Le docteur Grenier est d’avis que le travailleur est porteur d’une atteinte permanente de 0 % utilisant le code 203997, soit une entorse lombaire sans séquelle fonctionnelle objectivée. Aucune limitation fonctionnelle n’est accordée.
[27] Le 19 août 2004, le docteur Dubois mentionne la présence d’une lombalgie chronique et réfère le travailleur en ergothérapie. Il mentionne qu’il n’y a pas de séquelle permanente à prévoir.
[28] Le premier témoin entendu est le travailleur. Il travaille à titre de journalier chez l’employeur. Le jour de l’accident, il était sableur.
[29] Il rappelle les faits entourant l’événement du 29 octobre 2003. Des palettes se trouvaient devant et derrière lui de sorte qu’il était coincé à peu près à la hauteur de la ceinture. Il devait se pencher pour prendre des pièces de bois qui se trouvaient au sol pour ensuite les déposer sur une table. Il a ressenti une importante douleur dans la région lombaire moyenne-basse. Il était environ 8 h 30. Il a continué son travail jusqu’à la pause de 10 h 00. Les douleurs augmentant, il a quitté pour l’hôpital le même jour mais le médecin ne l’a pas mis en arrêt de travail.
[30] Il est donc revenu au travail le lendemain et il éprouvait toujours des douleurs au dos. Des anti-inflammatoires lui avaient été prescrits. Il a ainsi continué à travailler jusqu’au 5 novembre alors qu’il a vu un médecin qui lui a prescrit des médicaments différents et une assignation temporaire qu’il a réussi à remplir pendant deux jours. Il a arrêté de travailler le 7 novembre et n’est jamais revenu travailler depuis. À un certain moment il a été convoqué pour voir le docteur Louis-Serge Rheault et il croyait que la CSST « s’occupait de lui et le prenait en charge ».
[31] Son médecin lui a mentionné qu’il n’avait plus de traitements à lui offrir sauf de l’ergothérapie qui a été refusée par la CSST vu les conclusions du Bureau d’évaluation médicale.
[32] Après la date de consolidation retenue par le docteur Dubois sur le rapport final, il a continué d’être suivi par lui. Ce médecin lui a prescrit de l’ergothérapie mais il n’avait pas d’argent pour en défrayer les coûts. Il voit toujours le docteur Dubois à l’heure actuelle lequel lui prescrit des anti-inflammatoires.
[33] Lorsqu’il a vu le docteur Rheault, ce dernier lui a mentionné qu’à son âge il devrait retourner au travail.
[34] Il n’a aucun souvenir de l’expertise du docteur Desmarchais.
[35] Il se souvient de l’examen du docteur Grenier du Bureau d’évaluation médicale qui ne l’a pas examiné beaucoup. Il ne lui a pratiquement rien dit. Il a observé la façon dont il s’assoyait et lui a mentionné qu’il était jeune et qu’il devrait retourner au travail. Le docteur Grenier, au cours de son examen, l’a fait se pencher par en avant et sur les côtés, lui a fait faire des mouvements d’extension, a testé les réflexes dans ses jambes et lui a demandé de se lever debout. Il ne lui a pas demandé d’effectuer une rotation, il n’a pas fait de test de Lasègue, et il ne l’a pas fait coucher sur la table d’examen.
[36] C’est le docteur Rheault qui a, selon lui, effectué le meilleur examen.
[37] Il revient sur la description de l’événement initial. Il prenait alors des pièces de bois pesant environ 10 livres chacune par paquet de 4 ou 5. Il s’agissait de son travail normal depuis quelques mois.
[38] Depuis qu’il a arrêté de travailler, il n’a procédé à aucune recherche d’emploi. Il vit d’aide sociale.
[39] Avant l’événement, il n’avait jamais éprouvé de problèmes au dos.
[40] Les douleurs sont constantes depuis l’événement bien qu’une certaine amélioration soit notée parfois. Il estime donc qu’il se trouve dans le même état qu’au début sauf qu’il a observé une légère amélioration progressive avec le temps.
[41] Il ne fait plus aucune activité physique depuis l’événement initial. Il a toujours son véhicule « quatre-roues » mais ne l’utilise plus. Il consacre ses journées à la marche et à rencontrer des amis.
[42] Il ne se souvient plus des conversations qu’il a eues avec la CSST et qui sont consignées aux pages 8 et 9 du dossier constitué.
[43] Il réitère qu’il se souvient de l’examen effectué par le docteur Rheault le 14 mai 2004. Il l’a fait coucher sur la table d’examen et l’a fait pencher par l’avant et par l’arrière. Il maintient qu’il s’agit du médecin qui l’a examiné le mieux. Tout comme au premier jour de son témoignage, il mentionne qu’il n’a aucun souvenir de l’examen du docteur Desmarchais à Montréal.
[44] Il se souvient toutefois « un peu » de l’expertise du docteur Grenier, membre du Bureau d’évaluation médicale. Il ne croit pas que le docteur Grenier lui ait demandé d’effectuer des flexions latérales ni de se coucher sur le dos. L’examen a été sommaire et effectué en peu de temps.
[45] Il a rencontré le docteur Dubois par hasard parce qu’il s’agissait du médecin de garde à l’hôpital où il consultait. Il a convenu avec lui qu’il le suivrait pour la suite du dossier et qu’il prendrait ses rendez-vous lorsqu’il serait de garde.
[46] Lors du rapport final du 29 avril 2004, le docteur Dubois lui a mentionné qu’il serait examiné par un médecin désigné par la CSST qui le prendrait en charge. Il a compris de cette conversation que c’est la CSST qui le prenait en charge et qui le référait à un médecin spécialiste.
[47] Après le rapport final du 29 avril 2004, il a continué à voir le docteur Dubois. Il ne l’a pas vu entre les mois d’avril et août parce qu’il croyait que la CSST avait pris la relève et qu’elle effectuerait le suivi. Après quelques mois, il s’est rendu compte qu’il n’en était pas ainsi et il a appelé son médecin. Il avait épuisé sa réserve de médicaments pendant l’été et il continuait à éprouver des maux de dos.
[48] Son état entre avril et août 2004 était stable avec certaines journées meilleures et d’autres pires.
[49] Les traitements d’ergothérapie reçus en avril 2004 lui ont fait un certain bien mais l’effet ne durait pas longtemps.
[50] Il continue donc à revoir le docteur Dubois une fois par mois mais ne reçoit plus aucun traitement. Il consomme des anti-inflammatoires depuis octobre 2003.
[51] Les infiltrations qu’il a reçues lui ont fait du bien pendant une semaine. Cependant, la douleur, d’unilatérale qu’elle était, est devenue bilatérale après les infiltrations.
[52] La douleur est toujours située dans le bas du dos et non pas dans le milieu. Si jamais la douleur au bas du dos est trop importante, des douleurs peuvent alors être ressenties un peu plus haut. Son médecin lui a dit que c’était parce que le niveau lombaire recevait « de l’aide des autres niveaux ».
[53] Son dos « craque » souvent mais il n’a pas de problèmes à s’habiller, règle générale.
[54] Le docteur Richard Dubois est ensuite entendu. Comme il est de garde à l’urgence de l’hôpital de Nicolet et qu’il est pratiquement impossible qu’il puisse trouver un remplaçant, les parties conviennent avec le tribunal de procéder à son interrogatoire par voie téléphonique.
[55] Outre ce consentement, le tribunal estime que cette façon de procéder respecte l’esprit de la Loi sur la justice administrative, de la Loi et de ses règlements.[2] Le tribunal et les parties doivent faire preuve de souplesse lorsqu’ils sont confrontés à de pareilles situations puisque, même si le témoignage en présence du tribunal constitue la règle générale, son application stricte pourrait avoir ici pour effet de nuire à la santé publique. De plus, la crédibilité du docteur Dubois n’étant pas en cause, il est moins nécessaire pour le tribunal de voir le témoin en plus de l’entendre.
[56] Le docteur Dubois confirme qu’il a vu le travailleur souvent et notamment le 29 avril 2004, jour où il a produit le rapport final.
[57] Il a complété ce rapport final de plein gré parce qu’il avait constaté que malgré les nombreux mois qui s’étaient écoulés depuis l’événement, les traitements n’amélioraient plus l’état de son patient. Il y avait donc plafonnement de l’amélioration et du niveau de douleur chez le travailleur. Les traitements n’étaient donc plus efficaces, à son avis.
[58] Il a indiqué sur ce rapport qu’il ne produirait pas le rapport d’évaluation médicale puisqu’il ne se sentait pas l’expertise pour le faire. Comme le travailleur rencontrait un médecin de la CSST, il s’est fié à ce médecin spécialiste pour évaluer les limitations fonctionnelles et l’atteinte permanente de même que la capacité de travail. Le travailleur s’est dit d’accord avec cette façon de procéder puisque l’expert de la CSST, comme tout autre expert, se doit d’être neutre et de donner une opinion juste et équitable.
[59] Le 18 mai 2004, le travailleur a vu le docteur Bruno Lahaye, orthopédiste, en consultation. Il a confirmé le diagnostic de séquelles d’entorse lombaire avec ankylose. Il a demandé une résonance magnétique qui a été interprétée comme normale par le radiologiste.
[60] Le travailleur a toujours mentionné qu’il se sentait incapable de travailler et que ses douleurs étaient constantes.
[61] Il ne se souvient pas d’avoir rédigé un rapport complémentaire suite à l’expertise du docteur Rheault.
[62] Il a continué à voir le patient par la suite même s’il n’y avait aucun espoir d’amélioration de son état. Il désirait lui apporter une thérapie de soutien en lui prescrivant la médication nécessaire. Il estimait également qu’il devait le revoir parce que son dossier à la CSST n’était pas terminé. Il estime cependant qu’un plafond avait été atteint.
[63] Après le rapport final du 29 avril, il a revu le travailleur le 9 juillet pour le référer en physiothérapie de renforcement.
[64] Suite à son rapport final du 29 avril, il ne désirait pas préparer lui-même le rapport d’évaluation médicale parce qu’il ne se considérait pas un expert pour statuer sur la question des séquelles permanentes. Il s’en est alors remis à l’expert nommé par la CSST puisqu’il estimait que ce dernier devait, de par son statut, être neutre et spécialiste dans le domaine.
[65] Il reconnaît que les évaluations qu’il a faites du travailleur étaient plus subjectives qu’objectives et se basaient sur ses prétentions à l’effet qu’il ne pouvait plus faire ses activités comme avant. C’est donc à cause de la présence de douleurs rapportées par le travailleur qu’il a émis des limitations fonctionnelles et une atteinte permanente puisque sa mission n’est pas de remettre en doute la bonne foi du travailleur mais plutôt de tenir ses allégations pour avérées. Les expertises des docteurs Rheault et Desmarchais n’ont d’ailleurs pas contredit la présence de douleurs. Ils ont tout simplement constaté que les codes de la CSST ne leur permettaient pas de donner un pourcentage d’atteinte permanente. On ne peut mesurer objectivement la douleur.
[66] Il réitère que son examen objectif du 29 avril 2004 était normal, à savoir qu’il n’y avait pas de spasmes, pas d’œdème, pas d’enflure et pas de limitations de mouvements. Il a préparé le rapport final. Il a donc basé son opinion d’incapacité de travail sur le témoignage et les allégations du travailleur.
[67] Il se dit d’accord avec la conclusion du radiologiste Frédéric Chapuis émise dans le protocole radiologique du 8 janvier 2004 à l’effet que certaines anomalies discales peuvent expliquer un tableau de lombalgie. Une lombalgie peut très bien exister avec un scan négatif. La résonance magnétique a d’ailleurs indiqué qu’il n’y avait pas de bombement significatif, ce qui fait que de telles trouvailles ne sont pas cliniquement importantes. La résonance magnétique ne contredit pas la tomodensitométrie mais doit être interprétée comme similaire.
[68] Après l’audience, des documents médicaux complémentaires ont été déposés. De ces documents, le tribunal retient ceux-ci :
- radiographie du 20 janvier 2002 suite à des douleurs lombaires révélant un pincement vers L5-S1
- note du 29 octobre 2003 du docteur Jamal mentionnant l’absence de traumatisme ou de signes neurologiques ainsi que des mouvements et une démarche normaux
- note du docteur Dubois datée du 18 décembre 2003 indiquant que le subjectif l’emporte largement sur l’objectif et que le tableau est atypique
- rapport de l’anesthésiste Michel Leclerc du 6 février 2004 mentionnant que le travailleur va très bien.
[69] Le travailleur a également déposé l’expertise du docteur Guy Dumas datée du 19 juillet 2005 pour tenir lieu de rapport d’évaluation médicale. Ce document mentionne notamment que :
- le diagnostic est celui d’entorse
- la flexion antérieure est limitée de 10 degrés
- présence d’un spasme
- déficit anatomo-physiologique de 2,2 % et limitations fonctionnelles à cause de la légère limitation de mouvements.
[70] Une admission a été faite à l’audience à savoir que le diagnostic de la lésion professionnelle du 29 octobre 2003 est celui d’entorse lombaire, ce que confirme d’ailleurs le dossier.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[71] Sur la question de l’irrégularité du processus d’évaluation médicale, le représentant du travailleur fait remarquer que la CSST avait initialement aiguillé le dossier au Bureau d’évaluation médicale le 29 juin 2004 en mettant en opposition l’avis du docteur Louis-Serge Rheault qu’elle avait mandaté et celui du docteur Richard Dubois, daté du 31 janvier 2004. Le docteur Dubois n’avait toujours pas fait de rapport d’évaluation médicale malgré que son rapport final datait d’avril 2004. La CSST aurait dû avertir le travailleur qu’il devait fournir un rapport d’évaluation médicale.
[72] Le 16 juillet 2004, une deuxième demande de référence au Bureau d’évaluation médicale est faite cette fois par l’employeur qui met en opposition le rapport final du docteur Dubois et l’expertise du docteur Jacques E. Desmarchais. Il n’est donc plus question de l’expertise du docteur Rheault. Tout ceci a fait en sorte que le travailleur n’a pu obtenir un rapport d’évaluation médicale. La CSST n’a ni plus ni moins que mis de côté l’expertise du docteur Rheault parce qu’elle avantageait le travailleur.
[73] La demande d’examen au docteur Rheault, son expertise et la référence au Bureau d’évaluation médicale initiale formulée par la CSST couvraient les cinq points de l’article 212 alors que celle initiée par l’employeur ne concernait plus que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[74] Comment le docteur Dubois pouvait-il consolider une lésion en avril 2004 alors qu’une résonance magnétique était prescrite par un autre médecin?
[75] Le travailleur avait droit d’être vu par le médecin de son choix et non par un expert désigné par la CSST. Il estime que la CSST s’est adonnée à du magouillage et il suffit de référer aux notes évolutives contenues aux pages 7 et suivantes pour s’en rendre compte. Aucun rapport complémentaire n’a été fourni à l’encontre de l’avis du docteur Rheault par le docteur Dubois.
[76] La CSST ne pouvait, comme elle l’a fait, référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale à partir de l’avis obtenu selon l’article 204 de la Loi puis s’en désister par la suite au motif que l’employeur avait manifesté le désir lui-même d’initier le processus de référence au Bureau d’évaluation médicale.
[77] Le docteur Dubois a mentionné lors de son témoignage que les lombalgies du travailleur pouvaient s’expliquer par les trouvailles à la tomodensitométrie. Le docteur Rheault, quant à lui, n’a pas inscrit de code permettant d’obtenir un pourcentage d’atteinte permanente mais a quand même émis des limitations fonctionnelles.
[78] Le travailleur a exprimé de bonne foi son accord avec le fait d’être examiné par le médecin désigné par la CSST et il croyait par la suite qu’il serait suivi et traité par un médecin de cet organisme. Lorsqu’il a constaté son erreur, il a communiqué avec son médecin.
[79] La procureure de l’employeur estime que le processus de référence au Bureau d’évaluation médicale concernant les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles est conforme à la Loi. L’avis du docteur Rheault ne peut être retenu parce qu’il ne mentionne aucune charge au niveau des limitations fonctionnelles et que tous les signes objectifs de son examen sont normaux. L’avis du docteur Desmarchais doit quant à lui être retenu et il confirme l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. L’avis du Bureau d’évaluation médicale est donné à partir d’un examen objectivement normal ce qui justifie l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[80] Il faut rappeler que la scintigraphie osseuse et la résonance magnétique ont été interprétées comme normales. Les douleurs résiduelles sont dues à la condition personnelle du travailleur et sûrement pas à un événement banal survenu dans le cadre du travail normal. Le jeune âge du travailleur fait également en sorte qu’on ne devrait pas s’attendre à ce que des séquelles permanentes résultent d’un tel événement. La persistance de douleurs subjectives deux ans après l’événement laisse perplexe.
[81] Les questions du diagnostic, de la consolidation et des soins ayant fait l’objet d’un rapport final, on doit les prendre tels quels sans aucun amendement. Le docteur Dubois a d’ailleurs confirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas rempli son rapport portant sur la consolidation par erreur mais qu’il représentait bien son opinion médicale à l’époque. Vu l’accord exprimé par le travailleur et son médecin traitant, aucun rapport d’évaluation médicale n’avait à être préparé étant donné l’avis fourni par le médecin désigné par la CSST. Elle dépose une réplique écrite à laquelle le tribunal réfère pour valoir comme si ici au long récitée.
L’AVIS DES MEMBRES
[82] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis. Le rapport final émis par le médecin qui a charge lie les parties et le présent tribunal et aucune preuve qu’il contient une erreur n’a été faite. L’avis du docteur Dubois sur les questions de la consolidation, des soins et du diagnostic doit donc être retenu en vertu de l’article 224 de la Loi.
[83] Quant aux questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, aucun élément objectif émanant des examens médicaux contenus au dossier ne démontre, de façon prépondérante, l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Même le docteur Dubois a confirmé qu’il n’avait trouvé aucun élément objectif à son examen mais qu’il s’était basé sur l’expression de douleur par le travailleur pour rendre son avis. Le travailleur doit donc être considéré comme capable de reprendre son emploi à la date de consolidation et le droit à l’indemnité de remplacement du revenu devait prendre fin également à cette date.
[84] En terminant, les membres issus des associations estiment que le travailleur, vu son jeune âge, aurait intérêt à se prendre en main.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[85] La Commission des lésions professionnelles doit décider dans un premier temps de la régularité du processus de référence au Bureau d’évaluation médicale. Éventuellement, la Commission des lésions professionnelles devra également décider des questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles suite à l’événement du 29 octobre 2003.
[86] La procédure d’évaluation médicale est prévue aux articles 199 et suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[87] Le principe à la base de tout ce processus est la primauté de l’avis du médecin qui a charge, soit le médecin choisi par le travailleur, tel que prévu à l’article 199 de la Loi :
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
__________
1985, c. 6, a. 199.
[88] L’avis du médecin qui a charge liera donc la CSST et par ricochet le présent tribunal tel que prévu à l’article 224 de la Loi :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[89] Lorsque l’employeur ou la CSST sont en désaccord avec une question médicale retenue par le médecin qui a charge, ils peuvent enclencher le processus de contestation prévu à la section 1 du chapitre 6 de la Loi :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
__________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 3.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
__________
1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.
209. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé.
__________
1985, c. 6, a. 209; 1992, c. 11, a. 14.
211. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle doit se soumettre à l'examen que son employeur requiert conformément aux articles 209 et 210.
__________
1985, c. 6, a. 211.
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 5.
[90] La CSST doit ensuite soumettre sans délai les contestations au Bureau d’évaluation médicale :
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
__________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
[91] Le membre du Bureau d’évaluation médicale rend ensuite son avis afin de trancher le débat :
221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.
__________
1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.
[92] Cet avis liera la CSST et le présent tribunal tel que prévu à l’article 224.1 :
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
__________
1992, c. 11, a. 27.
[93] Appliquant ces dispositions au cas en l’espèce, le tribunal estime que les reproches formulés par le travailleur à l’encontre du processus d’évaluation médicale qui a eu cours dans le présent dossier ne sont pas fondés.
[94] L’employeur a fait examiner le travailleur par le médecin de son choix, a transmis l’opinion de ce médecin à la CSST qui a elle-même transmis le dossier au Bureau d’évaluation médicale en prenant soin d’obtenir un rapport complémentaire du médecin qui a charge.
[95] Le travailleur reproche à la CSST de ne pas avoir mené sa propre contestation jusqu’au bout. Or, rien dans la loi n’oblige la CSST à mener à terme une demande de référence au Bureau d’évaluation médicale. L’utilisation du mot « peut » aux articles 204, 205 et 206 démontre l’existence d’une simple faculté plutôt que d’une obligation formelle.
[96] Dans l’affaire Grant et le Pavillon Chaleurs inc.[3], la Commission des lésions professionnelles rappelait que l’acheminement d’un dossier au Bureau d’évaluation médicale relevait d’un pouvoir discrétionnaire de la CSST.
[97] Plusieurs autres décisions du présent tribunal ont rappelé qu’il n’existe dans la loi aucune obligation pour la CSST de transmettre le dossier d’un travailleur au Bureau d’évaluation médicale[4]. Ainsi, aucune disposition de la loi n’oblige la CSST à se prévaloir de la procédure de référence au Bureau d’évaluation médicale qu’il y ait ou non conclusions contradictoires entre le médecin qui a charge et le médecin désigné. Rien non plus dans la loi n’oblige la CSST à poursuivre une procédure amorcée lorsque le Bureau d’évaluation médicale n’a pas encore rendu son avis[5]. Le législateur a donc voulu donner certains pouvoirs à la CSST sans toutefois la contraindre à agir en toute circonstance.
[98] La Loi n’oblige donc pas la CSST à soumettre toutes les questions contradictoires au Bureau d’évaluation médicale[6].
[99] Le tribunal comprend, à la lecture du dossier, que la CSST a décidé de laisser toute la place à l’employeur qui formulait lui-même une demande de référence au Bureau d’évaluation médicale. La CSST avait le pouvoir et la discrétion d’agir ainsi et c’est ce qu’elle a fait. Ceci respecte d’ailleurs l’esprit de la loi à l’effet que les premiers intéressés par une réclamation sont le travailleur et son employeur, soit ceux qui doivent vivre en pratique avec les effets des décisions rendues sous l’égide de la loi.
[100] Le législateur a donné le pouvoir à la CSST de référer elle-même des dossiers au Bureau d’évaluation médicale pour pallier le désintéressement ou le manque d’intérêt pécuniaire de certains employeurs. Cependant, lorsqu’un employeur décide lui-même d’intenter les recours prévus par la loi, il est sage que la CSST lui cède la place.
[101] L’employeur a décidé de demander la référence au Bureau d’évaluation médicale seulement sur les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le travailleur ne devrait pas être mécontent d’une telle situation puisqu’en pareil cas, la détermination des trois premiers éléments prévus à l’article 212 de la Loi revient à son médecin qui a charge. La CSST de même que le présent tribunal sont donc liés par le fait que la lésion du travailleur est consolidée le 29 avril 2004 sans nécessité de soins additionnels, le tout en relation avec un diagnostic d’entorse lombaire, lequel a d’ailleurs été admis par les parties.
[102] Le tribunal constate également que la CSST avait déjà obtenu un rendez-vous chez le docteur Réjean Grenier le 4 août à 10 h 30 suite à sa propre référence du dossier au Bureau d’évaluation médicale. Ce même rendez-vous a été conservé pour donner suite à la demande de référence de l’employeur. Ainsi, le reproche formulé par le représentant du travailleur à l’effet que le docteur Grenier aurait rendu un avis médical différent si la première référence avait suivi son cours est non fondé.
[103] En effet, même si le docteur Grenier avait rencontré le travailleur en vertu du premier processus de référence initié par la CSST, il aurait eu en main les mêmes documents puisque l’employeur avait le droit de déposer au dossier de la CSST l’expertise du docteur Desmarchais, expertise qui date du 9 juin 2004, de sorte que l’employeur bénéficiait d’un délai d’environ deux mois pour la transmettre afin de s’assurer que le membre du Bureau d’évaluation médicale l’ait en sa possession lors de la rencontre du 4 août 2004. Ainsi, le membre du Bureau d’évaluation médicale aurait été le même et aurait eu en sa possession le même dossier qu’il ait agi en vertu de la référence initiale de la CSST ou en vertu de celle faite par l’employeur. Comment s’attendre dans ces circonstances à un résultat différent?
[104] Ainsi, ce n’est pas parce que la référence ne concernait plus l’avis du docteur Rheault mais celui du docteur Desmarchais que le docteur Grenier n’a pas considéré l’avis du docteur Rheault avant de conclure. D’ailleurs, une lecture de son expertise, notamment à la page 4, indique que le docteur Grenier a pris connaissance des conclusions du docteur Rheault.
[105] Le représentant du travailleur a déploré aussi le fait que le médecin qui a charge n’ait pu produire de rapport complémentaire face à l’expertise du docteur Rheault. Cet argument n’a aucune importance en l’espèce puisque c’est le rapport du docteur Desmarchais qui a été la source de la référence au Bureau d’évaluation médicale et le docteur Dubois a émis un rapport complémentaire à l’encontre de cette expertise le 3 juillet 2004.
[106] De toute façon, le dossier démontre qu’un tel avis existe puisqu’il est rapporté par le membre du Bureau d’évaluation médicale dans son rapport et que le document de référence au Bureau d’évaluation médicale contenu à la page 63 du dossier indique que l’avis complémentaire a été reçu par la CSST le 25 juin 2004. Le dossier constitué, il est vrai, ne contient pas de copie de cet avis. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas.
[107] Le travailleur prétend aussi que le processus de référence au Bureau d’évaluation médicale est invalide et prématuré parce que la date de consolidation contenue au document T-1 ne doit pas être retenue. Il estime qu’il s’agit d’une erreur du médecin qui a charge puisque dans des visites ultérieures, il a continué à traiter le travailleur. Comme il demande de constater que la lésion n’est pas consolidée, il était donc prématuré pour la CSST de demander un avis au Bureau d’évaluation médicale sur les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[108] Le tribunal ne peut faire droit à cette prétention. Dans un premier temps, la compétence du tribunal est basée sur le litige porté devant lui, lequel concerne l’atteinte permanente, les limitations fonctionnelles et leurs accessoires. La question de la consolidation n’est donc aucunement en jeu devant le présent tribunal.
[109] Au surplus, le rapport final du 29 avril 2004 est clair et précis lorsqu’il mentionne que la lésion est consolidée le 29 avril 2004 sans nécessité de soins supplémentaires pour l’entorse lombaire qu’a subie le travailleur. Comme la CSST s’est désistée de sa demande de référence au Bureau d’évaluation médicale et que l’employeur n’a pas contesté ces trois aspects, l’opinion du médecin qui a charge lie la CSST et le présent tribunal[7].
[110] Il est également bien établi qu’aucune disposition de la loi ne permet au travailleur de contester le rapport de son propre médecin sur les sujets d’ordre médical contenus à l’article 212 de la Loi[8].
[111] Ainsi, quant aux questions de la consolidation, du diagnostic et des soins et traitements, le rapport final déposé sous la cote T-1 est conforme à la loi même si au niveau des questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, il n’est pas conforme aux prescriptions de l’article 203 qui se lit comme suit :
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
__________
1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[112] Au surplus, la jurisprudence a rappelé à de nombreuses reprises qu’il est de la nature d’un rapport final d’être bel et bien final. Cette notion de rapport final exige qu’il fasse état des conclusions définitives du médecin ayant charge sur les questions énumérées à cette disposition législative, ce qui est le cas pour les questions de la consolidation, de la nécessité des soins et du diagnostic[9].
[113] La jurisprudence reconnaît toutefois qu’un rapport final peut être modifié pour corriger une erreur matérielle manifeste ou en raison d’une situation inattendue[10].
[114] Toutefois, la preuve en l’espèce est d’une limpidité extrême : le docteur Dubois a indiqué comme date de consolidation le 29 avril 2004 parce que cela représentait son opinion, laquelle fut basée sur le plafonnement de l’état du travailleur. Ainsi, on ne peut certes pas parler d’erreur d’écriture ou de situation inattendue alors que le docteur Dubois a inscrit comme date de consolidation celle qu’il estimait être la bonne. En vertu de l’article 224 de la Loi, cet avis lie le présent tribunal.
[115] Le représentant du travailleur mentionne que le docteur Dubois ne pouvait consolider la lésion du travailleur puisqu’une résonance magnétique était demandée et les résultats en étaient inconnus. Le tribunal retient de la preuve que c’est le docteur Lahaye qui a demandé cet examen et ce, postérieurement au rapport final de sorte que cela ne pouvait aucunement influencer l’avis du docteur Dubois. De toute façon, que le docteur Dubois ait eu raison ou non en choisissant la date du 29 avril 2004 est d’une importance relative puisque c’est la date qu’il a choisie en toute connaissance de cause ce qui fait en sorte qu’elle lie le présent tribunal au sens de l’article 224.
[116] Le travailleur soutient également, pour faire déclarer illégal le processus de référence au Bureau d’évaluation médicale, qu’il n’a pas pu obtenir un rapport d’évaluation médicale du médecin de son choix. Le tribunal convient que la loi prévoit que le travailleur a le droit de choisir le médecin qui aura charge de lui au sens de la Loi. Cela n’empêchera toutefois pas le fait qu’il puisse être examiné par un médecin désigné par la CSST ou l’employeur qui n’aura pas comme mission de le traiter mais plutôt de donner une opinion à leur mandant sur l’état du travailleur.
[117] Ceci étant dit, rien dans la loi ne porte à croire que l’obtention d’un rapport d’évaluation médicale sur le formulaire consacré constitue un droit inaliénable, incontournable et péremptoire d’un travailleur. Au contraire, la loi prévoit des dispositions qui laissent entendre clairement qu’un dossier peut se rendre jusqu’au Bureau d’évaluation médicale sans la présence d’un rapport d’évaluation médicale du médecin qui a charge. Le tribunal est d’ailleurs saisi de ce type de dossier de façon régulière.
[118] Ainsi, l’article 206 de la loi prévoit spécifiquement que le Bureau d’évaluation médicale peut être saisi d’une contestation de la CSST même si le rapport du médecin désigné porte sur l’un ou l’autre des sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l’article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s’est pas prononcé. Il s’agit là d’une indication claire du législateur à l’effet qu’il n’avait pas l’intention qu’un rapport d’évaluation médicale en bonne et due forme soit préparé dans tous les dossiers, ceci n’empêchant pas le travailleur, s’il le désire, d’en faire compléter un ou de faire compléter une expertise pour alimenter la preuve au dossier. C’est d’ailleurs ce qui a été fait dans le présent dossier.
[119] Un autre exemple de l’inexistence de ce prétendu droit fondamental est contenu au deuxième alinéa de l’article 221. Ainsi, un membre du Bureau d’évaluation médicale pourra se prononcer sur des sujets non traités par le médecin qui a charge. Par exemple, le rapport du médecin qui a charge pourra traiter de la consolidation et du diagnostic et le membre du Bureau d’évaluation médicale pourra se prononcer sur les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sans même qu’un rapport d’évaluation médicale ne soit au dossier.
[120] Ces exemples démontrent donc qu’il n’existe pas de droit absolu à ce qu’un médecin qui a charge complète un rapport d’évaluation médicale en bonne et due forme. D’ailleurs, si le travailleur ou son représentant n’était pas satisfait de cet état de choses, il aurait très bien pu, dans les mois précédant l’audience, faire procéder à une expertise pour pallier l’absence d’un tel rapport. Le tribunal a même accordé au travailleur un délai à l’audience pour qu’il puisse déposer l’expertise du docteur Dumas dans ce but. Ainsi, même si ce droit n’existe pas selon le tribunal, le travailleur aura eu le loisir d’obtenir une expertise du médecin de son choix pour équivaloir à un rapport d’évaluation médicale.
[121] Il va sans dire que le tribunal trouve un peu particulier le fait que le médecin qui a charge du travailleur s’en soit remis au médecin désigné par la CSST pour l’établissement des séquelles permanentes. Il mentionne dans son témoignage qu’un expert est un expert, qu’il soit nommé par l’employeur, le travailleur ou la CSST. À son avis, un expert est neutre et rend un avis qui respecte la réalité. Le tribunal ne peut qu’être d’accord avec les propos du docteur Dubois, en théorie du moins. En effet, bien que la très grande majorité des experts soient objectifs et impartiaux, il arrive que le tribunal soit saisi de dossiers où il n’en est pas ainsi. Il est donc habituel que le médecin qui a charge d’un travailleur, s’il ne veut pas lui-même compléter le rapport d’évaluation médicale, réfère à un médecin qui est indépendant de la CSST ou de l’employeur, autrement dit à un médecin réellement choisi par le travailleur, avec l’éclairage du médecin qui a charge.
[122] Toutefois, tout ceci n’a aucun effet en l’espèce puisque la CSST n’a pas déclaré que le médecin qu’elle avait désigné était devenu le médecin qui a charge du travailleur par délégation du docteur Dubois. Elle a plutôt continué à considérer le docteur Dubois comme le médecin qui a charge et c’est pourquoi elle lui a adressé des formulaires de rapport complémentaire autant vis-à-vis l’expertise du docteur Rheault que de celle du docteur Desmarchais.
[123] D’ailleurs, le tribunal comprend des propos du docteur Dubois qu’il ne déléguait pas le dossier au docteur Rheault en tant que nouveau médecin qui a charge mais qu’il croyait plutôt que, même s’il était le médecin désigné par la CSST, son avis allait trancher le débat des séquelles permanentes. Ainsi, il n’a pas lui-même fait le rapport d’évaluation médicale et n’a pas délégué un autre collègue pour ce faire. Il a plutôt estimé à tort que l’avis du médecin de la CSST allait régler le débat.
[124] Ainsi, la façon d’agir du docteur Dubois n’a pas causé de torts au travailleur puisque le docteur Dubois est toujours resté le médecin qui a charge, l’avis du médecin de la CSST n’ayant constitué ni plus ni moins que l’avis d’un médecin désigné qui ne lie ni la CSST ni le présent tribunal, et le docteur Dumas aura complété le rapport d’évaluation médicale qui aurait pu être produit au dossier initialement.
[125] Le tribunal a déjà dit qu’il jugeait le rapport final du 29 avril 2004 comme conforme à la loi au niveau des trois premiers points de l’article 212. Tel n’est pas le cas en ce qui concerne la question de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles puisque la jurisprudence a rappelé à de nombreuses reprises, qu’en ces matières, le rapport final doit être complété d’un rapport d’évaluation médicale indiquant le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique selon le barème et décrivant les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle à défaut de quoi, il ne peut être considéré conforme[11].
[126] Toutefois, comme le processus de référence au Bureau d’évaluation médicale a été fait, et comme le docteur Dubois n’a pas rempli de rapport d’évaluation médicale à l’époque parce qu’il s’en remettait, avec l’accord du travailleur, au rapport du docteur Rheault, et comme de toute façon une expertise remplaçant le rapport d’évaluation médicale sous la plume du docteur Dumas a été déposée avec l’accord du présent tribunal, ce dernier estime que l’esprit de l’article 203 est respecté en l’espèce.
[127] Ainsi, le fait que le rapport du 29 avril 2004 n’ait pas respecté les exigences de l’article 203 au niveau de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles ne constitue, dans les circonstances particulières de ce dossier, qu’un possible vice de procédure qui a été effacé par la tenue du processus d’évaluation médicale et la possibilité pour le travailleur de déposer une expertise. En effet, même si le rapport du 29 avril 2004 avait été complété de la description du pourcentage de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, le Bureau d’évaluation médicale en aurait été tout de même saisi parce que l’employeur avait obtenu l’avis du docteur Desmarchais qui mentionnait l’absence de séquelles. Le dossier aurait par la suite suivi son cours pour être ensuite confié au commissaire soussigné. Ainsi, le travailleur se serait retrouvé dans la même situation que celle dans laquelle il se trouve actuellement.
[128] Le tribunal ne croit donc pas que la CSST ait mal agi en agissant comme elle l’a fait. Le tribunal ne peut retenir les prétentions du travailleur et constate donc que le processus de référence au Bureau d’évaluation médicale est conforme à la loi.
[129] Reste à savoir si la lésion du 29 octobre 2003 a laissé une atteinte permanente et/ou des limitations fonctionnelles chez le travailleur.
[130] La notion d’atteinte permanente réfère à une atteinte d’un ou de plusieurs attributs de l’organisme qui empêche celui-ci de remplir l’une ou l’autre des fonctions qu’il est normalement en mesure de remplir. Les limitations fonctionnelles sont quant à elles la manifestation pratique de cette atteinte permanente par la réduction des capacités d’un travailleur de fonctionner normalement. Il s’agit donc de la manifestation fonctionnelle de ce déficit de l’organisme. Il va sans dire que ces deux notions sont intimement reliées[12].
[131] De cette relation intime découle le principe que sans atteinte permanente, il ne saurait y avoir de limitations fonctionnelles. En effet, les dispositions pertinentes de la loi posent le principe de l’absence de limitations fonctionnelles en l’absence d’atteinte permanente puisque les limitations fonctionnelles supposent l’existence d’une atteinte permanente[13].
[132] Le tribunal peut en effet difficilement comprendre comment un organisme non atteint d’un déficit permanent pourrait être porteur de limitations fonctionnelles qui sont la traduction pratique de cette atteinte permanente.
[133] D’ailleurs, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles a tranché cette question par l’entremise d’un banc de trois commissaires dans l’affaire Lalonde et Corporation Outils Québec[14]. Cette décision a été renversée par la Cour supérieure[15] puis rétablie par la Cour d’appel du Québec[16].
[134] Dans cette affaire, les commissaires Suicco et Paquin mentionnaient ce qui suit :
[…]
Par ailleurs, la Commission d'appel est d’avis qu’un travailleur qui n’a pas d’atteinte permanente résultant de sa lésion professionnelle ne peut avoir de limitations fonctionnelles résultant de cette même lésion. La Commission d’appel retient les définitions proposées dans sa décision du 5 février 1988 :
Atteinte permanente : une perte ou une anomalie irréversible d’une structure ou d’une fonction psychique, physiologique ou anatomique
Limitations fonctionnelles : une limite aux structures ou aux fonctions atteintes par rapport à ce qui est considéré normal sur le plan psychique, physiologique ou anatomique
Il apparaît évident à la Commission d’appel à la lecture de ces deux définitions que le travailleur doit avoir une déficience, soit la perte ou une anomalie d’une structure ou d’une fonction pour prétendre être porteur de limitations fonctionnelles.
De plus, la Commission d’appel est d’opinion que c’est l’existence de limitations fonctionnelles qui peut entraîner l’incapacité du travailleur à exercer l’emploi qu’il occupait lorsqu’il a été victime d’une lésion professionnelle.
Par conséquent, la Commission d’appel considère que le travailleur doit préalablement démontrer qu’il a une atteinte permanente résultant de sa lésion professionnelle s’il désire faire établir que, en raison de cette lésion professionnelle, il est incapable d’exercer l’emploi qu’il occupait lorsque sa lésion professionnelle est survenue.
[135] Quant au commissaire dissident, il ne contredit pas ses collègues sur ce point précis.
[136] Le tribunal estime également que pour se voir reconnaître une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles, la preuve doit révéler des signes cliniques objectivables[17]. Ainsi, la symptomatologie douloureuse, pour être indemnisable, doit correspondre à des séquelles permanentes c’est-à-dire à des signes cliniques mesurables[18].
[137] L’attribution d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles ne peut se justifier qu’en présence de séquelles douloureuses objectivées. La douleur doit donc être objectivée en plus d’être consécutive à la lésion professionnelle[19].
[138] Dans Costantini et Banque Royale du Canada[20], la commissaire s’exprimait comme suit :
[…]
La Commission des lésions professionnelles rappelle que la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et maintenant de la Commission des lésions professionnelles est constante à l’effet de reconnaître que la présence de douleurs et de symptômes non confirmés par des signes cliniques objectivables n’est pas indemnisable en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[…]
[139] Dans l’affaire Sauveur et Sous-traitants indépendants inc.[21], le tribunal mentionne ce qui suit :
Somme toute, la Commission des lésions professionnelles constate qu’effectivement la travailleuse, à la suite de sa lésion professionnelle ayant entraîné des tendinites aux épaules, a présenté des douleurs qui sont devenues chroniques. Elle allègue encore de telles douleurs aujourd’hui malgré un arrêt de travail depuis le mois de septembre 1998. Cependant, celles-ci n’entraînent pas une atteinte permanente indemnisable au sens du Règlement sur le barème des dommages corporels (A-3.001, r.01) (le Barème). Cet élément à lui seul ne constitue pas un guide permettant d’accorder un déficit anatomo-physiologique et la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la prépondérance de la preuve médicale ne permet pas d’établir que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles en relation avec sa lésion professionnelle du 16 septembre 1998.
[140] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne compense pas la douleur comme telle. En effet, le législateur a choisi d’indemniser des pathologies de type objectivable pouvant être qualifiées de blessure ou de maladie. C’est ce qui ressort de la notion de lésion professionnelle prévue à l’article 2 de la Loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.(nos soulignés)
[141] De plus, dans le Règlement sur le barème des dommages corporels[22], des signes objectifs sont requis pour pouvoir donner lieu à une indemnisation.
[142] Ainsi, la douleur accessoire à une pathologie objectivement prouvée sera indemnisée par le fait même. La douleur seule, sans substratum organique objectivé, ne le sera pas, sauf exception. Toute autre solution amènerait à l’arbitraire devant l’imprécision et la variabilité d’une notion comme la douleur qui ne se voit pas et ne se mesure pas.
[143] Les douleurs doivent donc reposer sur une base organique et non pas sur des éléments purement subjectifs[23]. D’ailleurs, la Cour supérieure du Québec a récemment cautionné ces principes dans l’affaire Saint-Pierre contre Commission des lésions professionnelles[24], alors qu’elle s’exprime ainsi à ce sujet :
[…]
En choisissant d’accorder plus de poids à la preuve médicale objective qu’à la preuve subjective, la Commission des lésions professionnelles qui a une expertise pertinente dans ce domaine n’a fait qu’exercer sa compétence.
[…]
[144] Quant à la notion d’atteinte permanente versus celle du déficit anatomo-physiologique égal à zéro, le tribunal croit que des précisions doivent être apportées.
[145] Ainsi, il est vrai qu’une atteinte permanente peut exister dans certains cas même si elle n’est pas indemnisable par une indemnité pour préjudice corporel. Ainsi, en cas de surdité professionnelle, il peut arriver qu’on puisse prouver objectivement des séquelles permanentes bien qu’elles ne donnent lieu à aucune indemnisation et ce, par choix du législateur. Il est donc clair qu’en pareil cas, une atteinte permanente existe même si elle est infrabarème puisqu’il y a preuve objective d’une atteinte à l’ouïe du travailleur.
[146] Le tribunal croit qu’il en va autrement en présence d’une entorse non confirmée par des signes objectifs pour laquelle le Barème accorde 0 %. Le tribunal estime qu’en pareil cas, ceci équivaut à l’absence d’atteinte permanente puisque, justement, aucune preuve ou aucun signe objectif ne confirme l’existence d’une telle atteinte. Elle doit donc être considérée en pareil cas absente ou inexistante.
[147] Dans l’affaire Duguay et Compagnie d’échantillons nationale ltée[25], la Commission des lésions professionnelles constate que selon le Règlement sur le barème des dommages corporels, un pourcentage de 0 % d’atteinte permanente pour une entorse se caractérise par l’absence de séquelles fonctionnelles objectivées. En pareil cas, le tribunal affirme qu’il faut conclure à l’absence d’atteinte permanente.
[148] Dans l’affaire Goudreau Labrèche et Thomson Tremblay inc.[26], la commissaire mentionne que l’octroi d’une atteinte permanente de 0 % amène à la conclusion de l’absence d’atteinte permanente et, par le fait même, de limitations fonctionnelles[27].
[149] En conséquence, lorsque le législateur choisit dans le cadre du Règlement sur le barème des dommages corporels d’indemniser des séquelles permanentes objectivées à compter d’un certain seuil, il est facile de comprendre qu’on puisse conclure à la présence d’une atteinte permanente même en l’absence de déficit anatomo-physiologique. Toutefois, lorsque ce même barème octroie 0 % dans le cas d’une lésion ne laissant aucune séquelle fonctionnelle objectivée, on doit comprendre qu’il y a absence de telles séquelles, absence d’atteinte permanente et en conséquence, absence de limitations fonctionnelles.
[150] Tous ces principes étant établis, il reste à les appliquer au cas sous étude.
[151] Il va de soi que les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sont principalement médicales ce qui fait en sorte que le tribunal doit analyser avec minutie les avis des différents intervenants médicaux.
[152] Le premier médecin à émettre l’avis de l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles est le médecin qui a charge, le docteur Dubois. Toutefois, il admet lors de son témoignage à l’audience que son examen objectif était strictement normal et qu’il a basé son opinion sur les allégations subjectives de douleurs et d’incapacité du travailleur. En conséquence, bien qu’il ait coché sur le rapport final les cases prévoyant l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, on doit comprendre qu’il n’en est rien en pratique devant un examen objectivement normal, comme le démontre d’ailleurs son examen pratiqué le jour même de l’événement.
[153] Il est également important de rappeler que la scintigraphie osseuse pratiquée chez le travailleur n’a révélé aucune évidence de lésion active particulièrement au niveau de la région lombo-sacrée. Il en va de même de la résonance magnétique du 2 juin 2004 qui a été interprétée comme normale. Cependant, comme le radiologiste mentionne qu’il n’y a pas de « bombements significatifs des disques », cela signifie qu’il y a quand même existence de bombements non significatifs, témoins d’un phénomène de dégénérescence discale confirmé par la tomodensitométrie lombaire du 8 janvier 2004. C’est d’ailleurs l’avis du médecin traitant, le docteur Dubois. Le radiologiste Chapuis affirmait d’ailleurs que cette condition personnelle pouvait expliquer le tableau de lombalgie. Au même effet, le docteur Dubois dans son témoignage reconnaît que cette condition personnelle peut expliquer les douleurs du travailleur.
[154] Vient ensuite l’avis du docteur Louis-Serge Rheault mandaté par la CSST. Le tribunal a déjà expliqué pourquoi l’atteinte permanente de 0 % qu’il a retenue doit être considérée comme une absence d’atteinte permanente et en conséquence, vu les principes déjà émis, il ne saurait être question de limitations fonctionnelles. Le docteur Rheault conclut tout de même à des limitations fonctionnelles qui ne peuvent être retenues puisque son examen objectif est strictement normal.
[155] Au surplus, son rapport d’expertise est beaucoup plus court, moins détaillé, et les examens pratiqués moins nombreux que dans le cas des expertises des docteurs Desmarchais et Grenier. Ces dernières doivent donc être retenues de préférence à celle-ci.
[156] Le tribunal considère de toute façon que, vu l’absence de signes objectifs dans l’expertise du docteur Rheault, ce dernier ne pouvait pas émettre d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles et qu’on doit donc considérer que son examen n’a révélé la présence d’aucune séquelle objectivée. Le tribunal note de plus qu’il n’indique aucune limite de charge au niveau des limitations fonctionnelles, ce qui laisse le tribunal perplexe quant à leur réalité pratique.
[157] Quant aux notes du docteur Lahaye suite à son examen de mai 2004, elles ne révèlent qu’une limitation de mouvements sans autre détail ni précision. Il s’agit d’une trouvaille plutôt isolée. L’examen est laconique par ailleurs et doit céder le pas aux autres avis plus précis et détaillés.
[158] L’examen du docteur Desmarchais est pour sa part strictement normal. Le mouvement d’extension de la colonne lombo-sacrée dépasse même la normale. L’examen du docteur Desmarchais est détaillé, précis et de nombreux tests sont administrés. Le docteur Desmarchais détient une spécialité en orthopédie. Le tribunal ne voit aucune raison pour rejeter ses conclusions. Son opinion est donc retenue quant à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[159] Le docteur Réjean Grenier a rencontré le travailleur le 4 août 2004. Le docteur Grenier est lui aussi orthopédiste, son avis est élaboré sur une douzaine de pages et son examen objectif est détaillé. De plus, en tant que membre du Bureau d’évaluation médicale, son opinion est empreinte d’un caractère de neutralité certain[28].
[160] Le docteur Grenier conclut à un examen objectif strictement normal à tout point de vue. Certains mouvements dépassent même la normale. Dans ces circonstances, lorsqu’il utilise le code 203997 pour une entorse lombaire incluant les lésions traumatiques des tissus mous et le syndrome facettaire sans séquelle fonctionnelle objectivée, donnant droit à 0 % de déficit anatomo-physiologique, on doit conclure qu’il y a en réalité absence d’atteinte permanente selon les principes déjà expliqués. En utilisant ce code, il est clair que le docteur Grenier conclut à une absence de séquelles fonctionnelles objectivées et donc, en vertu des principes déjà expliqués, à l’absence d’atteinte permanente. Il conclut d’ailleurs par la suite à l’absence de limitations fonctionnelles permanentes.
[161] Le tribunal note aussi que le docteur Dubois, médecin qui a charge du travailleur, révise quelque peu son opinion « officielle » dans le rapport médical 69296 du 19 août 2004 alors qu’il indique qu’aucune séquelle permanente n’est à prévoir.
[162] Finalement, l’opinion du docteur Dumas ne peut être retenue et doit céder le pas au reste de la preuve, et ce, pour différents motifs dont les suivants :
1- Le docteur Dumas est un médecin généraliste alors que les autres sont des orthopédistes.
2- Il est le seul à trouver un examen objectif anormal, hormis le docteur Lahaye. Ses trouvailles sont peu impressionnantes.
3- Son examen physique est plutôt court.
4- Il ne procède à aucun test croisé pour vérifier la réalité du déficit de 10 degrés de flexion.
5- Il base l’existence de séquelles permanentes sur la présence d’une limitation de mouvements qui n’existe pas, selon la prépondérance de la preuve.
[163] Le tribunal estime donc que la prépondérance de la preuve médicale est à l’effet qu’il n’y a pas de séquelle permanente objectivée chez le travailleur et donc, absence d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles.
[164] Le tribunal estime également qu’en présence d’un événement plutôt banal où le travailleur ne faisait ni plus ni moins qu’accomplir son travail normal, il est difficile de conclure que des limitations fonctionnelles ou une atteinte permanente pourrait persister. La banalité de l’événement se constate à sa description mais aussi au fait que le travailleur a continué de travailler, que le premier médecin rencontré ne l’a pas mis en arrêt de travail et que son examen s’avérait normal.
[165] Il est également bien établi qu’il est de la nature d’une entorse de guérir, règle générale. Le tribunal comprend difficilement comment l’événement banal du 29 octobre 2003 pourrait entraîner un arrêt de travail qui perdure encore aujourd’hui chez un travailleur âgé d’une vingtaine d’années. Il est possible que, comme certains intervenants l’ont dit, la condition personnelle dont le travailleur est atteint puisse expliquer son problème.
[166] De toute façon, et même si le tribunal avait jugé que la douleur en elle-même aurait pu être source d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, encore faudrait-il que ces douleurs soient prouvées par prépondérance de preuve. Or, les douleurs alléguées en l’instance ne sont prouvées que par le témoignage du travailleur. Or, le tribunal a certaines réserves quant à ce témoignage qu’il estime ne pas pouvoir retenir notamment pour les motifs suivants :
1- Dans son témoignage à l’audience, le travailleur mentionne avoir des douleurs constantes qui augmentent et diminuent depuis l’événement initial. Or, à la note de physiothérapie du 6 avril 2004, il est mentionné que les douleurs sont plutôt intermittentes.
2- Lors de l’audience tenue au printemps 2005, le travailleur ne se souvient plus de l’expertise qu’il a passée chez le docteur Desmarchais à Montréal en juin 2004. Le tribunal comprend difficilement cette perte de mémoire du travailleur considérant notamment son jeune âge, la proximité dans le temps de cette expertise et le fait qu’elle se soit déroulée à Montréal, soit dans un milieu fort différent du milieu de vie du travailleur, et donc inhabituel pour lui. Cet oubli serait-il étranger au fait que l’expertise du docteur Desmarchais est probablement la plus nuisible à sa cause? De toute façon, ou bien le travailleur se souvient de cette expertise et ne veut pas en parler ou bien il ne s’en souvient pas et son problème de mémoire affecte sérieusement la fiabilité de son témoignage.
3- Le travailleur mentionne que ses douleurs ne se sont pas réellement améliorées depuis la fin 2003 ou le début 2004 alors qu’à la note évolutive du 10 mai 2004, il est inscrit que le travailleur constate beaucoup d’amélioration dans son état, la même remarque étant faite à la note de physiothérapie du 2 novembre 2003 et la mention « va très bien » étant inscrite à celle du 6 février 2004.
4- Il mentionne à l’audience que ses douleurs se situent au niveau lombaire et non au niveau dorsal sauf en de rares occasions alors que dans la note de physiothérapie du 12 novembre 2003, il est question d’une douleur lombaire et dorsale constante.
5- Il mentionne que le docteur Rheault est celui qui a procédé au meilleur examen et à l’examen le plus complet. Par hasard, il s’agit de l’expertise qui, en apparence du moins, est la plus favorable au travailleur. Cette affirmation du travailleur est complètement contredite à la lecture de l’expertise elle-même où l’examen objectif du docteur Rheault ne tient qu’en cinq paragraphes.
6- Le travailleur mentionne à l’audience qu’il n’a jamais présenté de lombalgie dans le passé alors qu’il confie au docteur Rheault avoir déjà ressenti des douleurs lombaires alors qu’il travaillait comme emballeur et qu’une radiographie lombaire du 20 janvier 2002 indique le contraire.
7- À l’audience, le travailleur mentionne que le docteur Grenier, à sa souvenance, ne l’a pas beaucoup examiné, n’a pas demandé qu’il effectue des mouvements de rotation, ne l’a pas fait coucher sur la table d’examen, etc. Or, l’avis du docteur Grenier contredit ces propos et encore une fois, qu’il s’agisse d’une question de crédibilité ou de mémoire, cela ne change en rien au fait que le tribunal doit rejeter le témoignage du travailleur.
8- Le docteur Dubois mentionne le 18 décembre 2003 que le subjectif l’emporte largement sur l’objectif chez le travailleur et qu’il s’agit d’un cas atypique.
[167] En conséquence, en l’absence d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, le tribunal ne peut que conclure à la capacité du travailleur de reprendre son emploi à la date de consolidation du 29 avril 2004[29].
[168] Suite à la consolidation de la lésion, le travailleur ne bénéficiait plus de la présomption prévue à l’article 46 de la Loi, lequel se lit comme suit :
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
__________
1985, c. 6, a. 46.
[169] Il revenait donc au travailleur de prouver qu’il était incapable de reprendre son emploi, ce qu’il n’a pas fait vu l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles découlant de la lésion du 29 octobre 2003.
[170] Puisqu’il est redevenu capable d’exercer son emploi, l’indemnité de remplacement du revenu devait prendre fin selon les prescriptions de l’article 57 de la Loi :
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants:
1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48;
2° au décès du travailleur; ou
3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.
__________
1985, c. 6, a. 57.
[171] En terminant, le tribunal se demande si, en pareil cas, il aurait été de toute façon réellement souhaitable qu’une personne de 21 ans soit hypothéquée de limitations fonctionnelles permanentes même si la preuve avait milité en ce sens? Le tribunal croit que le travailleur devrait plutôt se prendre en main et s’adonner à une recherche d’emploi de façon plus assidue. Le retour à l’activité pourrait certainement lui être bénéfique et faire en sorte qu’il se concentre moins sur les douleurs qu’il allègue.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Martin Béliveau, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 29 octobre 2003 n’a laissé ni atteinte permanente ni limitations fonctionnelles chez le travailleur;
DÉCLARE que le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi le 29 avril 2004 et que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu prend fin à cette date.
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Me Jean-François Clément |
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Commissaire |
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M. Jean Philibert |
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A.T.T.A.M. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marie-Pierre Raymond |
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LANGLOIS, KRONSTROM ET ASSOCIÉS |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3001
[2] Voir
notamment les articles 429.18, 429.20, 429.36 et 429.38 de
[3] C.L.P.
191035-01C-0209, 23 juillet
[4] Toitures Constructions Robitaille 1985 inc.,
C.L.P. 128199-72-9912, 3 octobre
[5] Brisebois et C.I.S.P., déjà citée
[6] Jean et Service Entretien Distinction inc., C.L.P. 155009-71-0102, 26 avril 2004, T. Giroux, requête en révision rejetée le 26 novembre 2004
[7] Robitaille et Produits Bel inc., [1988] C.A.L.P. 429 ; Nobili et Fruits Botner ltée, [1997] C.A.L.P. 734 ; Labrecque et Canadel, [2003] C.L.P. 1103
[8] Lepage c. CSST, DTE 90T-1037 (CS); Chiazzese et Corival inc., (1995) C.A.L.P. 1168
[9] Boutin et Embouteillages TCC Coca-Cola ltée,
[1997] C.A.L.P. 256
; Talbot et CH
[10] Bouchard et Nettoyage Docknet inc., [2003] C.L.P. 1240 ; Lab Chrysotile inc. et Dupont, [1996] C.A.L.P. 132
[11] Bussières et Abitibi-Consolidated, C.L.P. 215582-04-0309, 13 avril 2004, S. Sénéchal; Gagné et Pyrotex ltée, [1996] C.A.L.P. 323
[12] Delisle et Résidence Champlain Centre-ville, [1996] C.A.L.P. 259
[13] Bordeleau c. C.A.L.P., Cour supérieure Joliette 705-05-001412-967, 21 février 1997, juge Tessier
[14] [1990] C.A.L.P. 72
[15] [1990] C.A.L.P. 1396
[16] [1995] C.A.L.P. 1325
[17] Routhier et Ministère du développement des ressources humaines,
[1996] C.A.L.P.
123
, révision rejetée 64930-03-9412, 12 juin 1996, J.-M. Dubois; Longo inc. et Ida Construction ltée,
[1998] C.A.L.P. 73
; Yanniciello et CLSC
Montréal-Nord, C.L.P. 93759-73-9801, 10 septembre
[18] Yanniciello et CLSC Montréal-Nord, C.L.P. 93759-73-9801, 10 septembre
[19] Beaulieu et Arboréal Québec ltée, C.L.P. 88381-32-9705, 17 mai
[20] C.L.P.
109575-73-9901, 11 mai
[21] C.L.P.
134695-72-0003, 17 septembre
[22] (1987)
[23] Martin et Ville de Lennoxville, C.L.P. 131930-05-0002, 4 juillet
[24] Cour supérieure Abitibi, 615-17-000199-041, 12 janvier 2005, juge Carl Lachance
[25] [1998] C.L.P. 330
[26] C.L.P.
113139-72-9903, 8 septembre
[27] Voir au même effet, Roy et Entreprises Sht enr., C.A.L.P. 116143-01A-9905, 7 septembre 1999, Y. Vigneault; Blanchard et Boulangerie Pom ltée, C.L.P. 107377-71-9811, 20 mai 1999, D. Gruffy
[28] Voir
les motifs contenus dans la décision rendue dans l’affaire St-Pierre et Dollorama,
C.L.P. 190899-08-0209, 24 septembre 2003, J.-F. Clément, révision pour cause
rejetée le 3 mars
[29] On ne peut que conclure à la capacité du travailleur à exercer son emploi en l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles : Brabant et Sidbec Dosco inc., C.A.L.P. 27518-62-9103, 10 octobre 1995, S. Di Pasquale; Côté et Fujitsu Conseil Canada inc., C.L.P. 213493-62C-0308, 4 mai 2004, R. Hudon
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