Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec | 2022 QCCA 180 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(500-17-097007-176) | |||||
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DATE : | 8 février 2022 | ||||
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ASSOCIATION DES CADRES DE LA SOCIÉTÉ DES CASINOS DU QUÉBEC | |||||
APPELANTE – mise en cause | |||||
c. | |||||
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SOCIÉTÉ DES CASINOS DU QUÉBEC INC. | |||||
INTIMÉE – demanderesse | |||||
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL | |||||
MIS EN CAUSE – défendeur | |||||
et | |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
MIS EN CAUSE – mis en cause
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Table des matières 2 Remarques préliminaires : 4 1. Le contexte 8 1.1. L’Employeur, l’Association et leurs relations 8 1.2. La plainte au Comité sur la liberté syndicale de l’Organisation internationale du Travail et ses suites 11 1.3. Les procédures 15 2. La décision du TAT 17 3. Le jugement entrepris 22 4. Les questions en litige 25 4.1 La Cour supérieure a-t-elle erré en confirmant la décision du TAT selon laquelle l’avis transmis au PGQ par l’Association en vertu de l’article 95 de l’ancien Code de procédure civile était suffisant et recevable relativement à l’argument constitutionnel fondé sur l’entrave substantielle au droit de grève? 26 4.2 La Cour supérieure, siégeant en contrôle judiciaire, a-t-elle correctement identifié les normes de contrôle applicables? 26 4.3 La Cour supérieure a-t-elle bien appliqué les normes de contrôle en infirmant l’analyse constitutionnelle du TAT et la conclusion en découlant selon laquelle l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » contenue à l’article 1l) 1° C.t. porte atteinte à la liberté d’association garantie aux SDO membres de l’Association? 26 4.4 Dans la négative, le TAT a-t-il commis une erreur révisable en concluant que cette atteinte n’est pas justifiée suivant l’article premier de la Charte canadienne et l’article 9.1 de la Charte québécoise? 26 4.5 Si l’atteinte n’est pas justifiée, le TAT a-t-il commis une erreur révisable dans le choix de la réparation appropriée en déclarant l’exclusion en litige inopérante à l’égard de l’Association et des employés visés par la requête en accréditation? 26 5. Analyse 26 5.1 La Cour supérieure a-t-elle erré en confirmant la décision du TAT selon laquelle l’avis transmis au PGQ par l’Association en vertu de l’article 95 de l’ancien Code de procédure civile était suffisant et recevable relativement à l’argument constitutionnel fondé sur l’entrave substantielle au droit de grève? 26 5.2 La Cour supérieure a-t-elle bien identifié les normes de contrôle applicables? 28 5.3 La Cour supérieure a-t-elle bien appliqué les normes de contrôle en infirmant l’analyse constitutionnelle du TAT et la conclusion en découlant selon laquelle l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » contenue à l’article 1l) 1° C.t. porte atteinte à la liberté d’association garantie aux SDO membres de l’Association? 29 5.3.1 L’exclusion en litige : un historique législatif 29 5.3.2 Les conventions internationales et les dispositions constitutionnelles et quasi constitutionnelles domestiques 38 5.3.3 La finalité et la portée de la liberté d’association : évolution jurisprudentielle 42 5.3.4 Le cadre d’analyse applicable en l’espèce : les arrêts Dunmore/Baier et APMO 47 5.3.5 Les erreurs révisables commises par la Cour supérieure dans l’exercice de son pouvoir de contrôle judiciaire 57 5.3.6 Application : réponse à la présente question 65 5.4 Dans la négative, le TAT a-t-il commis une erreur révisable en concluant que cette atteinte n’est pas justifiée suivant l’article premier de la Charte canadienne et l’article 9.1 de la Charte québécoise? 69 5.5 Si l’atteinte n’est pas justifiée, le TAT a-t-il commis une erreur révisable dans le choix de la réparation appropriée en déclarant l’exclusion en litige inopérante à l’égard de l’Association et des employés visés par la requête en accréditation? 73
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[1] Comme le résumait l’auteur Chartier au début d’un article publié il y a près de 60 ans, peu après l’entrée en vigueur du Code du travail[1] :
Quelques notions qu’on entretienne sur le syndicalisme de cadres, il convient de le situer, comme concept et comme fait, dans le contexte plus large de la réalité sociale, économique, politique et juridique du milieu même dans lequel on souhaite ou redoute son épanouissement.[2]
[2] Les points de vue doctrinaux sur l’à-propos de l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » contenue dans le C.t.[3] et, par-là, de leur exclusion du régime de relations de travail « de droit commun »[4] qu’il a instauré, ne datent donc pas d’hier. D’autres commentaires et critiques formulés au fil des ans, qui demeurent d’actualité, permettent aussi de placer cette problématique dans sa juste perspective sociojuridique.
[3] Ainsi, comme l’observent les auteurs, les structures traditionnelles de l’autorité, du processus décisionnel et de la relation entre « la direction » et « l’exécution » au sein des organisations, qui ont donné lieu aux compartiments étanches direction vs travailleurs instaurés par le modèle Wagner des relations de travail des années 1930, repris chez nous dans la Loi des relations ouvrières[5] de 1944, puis dans le C.t. de 1964, ont éclaté. De ce fait, les deux catégories essentielles et distinctives de l’époque, soit « les travailleurs et la direction; ceux qui obéissent et exécutent, d’une part, et ceux qui commandent, à quelque niveau que ce soit, d’autre part »[6], ont subi d’importantes mutations et sont aujourd’hui plus diffuses[7]. Or, l’exclusion de tous les niveaux de cadres de la définition de « salarié » à l’article 1l) 1° C.t. maintient cette conception traditionnelle des relations de travail que l’auteur Cardin décrivait quant à lui de la façon suivante :
Qui dit « personnel de cadres » dit nécessairement « participants à la direction », cette dernière fonction étant considérée comme un tout homogène et indivisible, n’admettant aucune différenciation sur le plan des statuts et des intérêts particuliers qui peuvent en découler. C’est un bloc monolithique s’étendant de la haute direction aux détenteurs de la moindre parcelle d’autorité dans l’entreprise : contremaîtres, chefs de groupe, etc., et s’opposant à l’autre bloc, celui de la main‑d’œuvre composée uniquement des purs exécutants.[8]
[Soulignements ajoutés]
[4] De façon tout aussi pertinente, l’auteur Blouin soulignait quant à lui que « le schéma des titres » de « gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec ses salariés », énoncé à l’origine à l’article 1m) 1° C.t. de 1964 et repris mot pour mot à l’article 1l) 1° actuel, « ne fait que reproduire les principes d’organisation des entreprises à l’époque de la production industrielle »[9].
[5] Cette conception traditionnelle et les divergences de vues qu’elle a suscitées au fil des ans ressortent aussi de l’extrait suivant de l’opinion presque quadragénaire du juge Montgomery dans l’arrêt Syndicat des cadres des hôpitaux de la région de Montréal (C.S.N.) c. Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal[10], formulée à l’aube de l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés[11] et de la liberté d’association qu’elle enchâsse à son alinéa 2d) :
With all respect for Judge Brière, I agree with the judge in the Superior Court that he was exceeding his jurisdiction by attempting to legislate and to set up a new category of "cadres inférieurs et subalternes". Such a category is not contemplated by the Labour Code; an employee may not "hunt with the hounds and run with the hare".
[Soulignement ajouté]
[6] Enfin, plus près de nous, le professeur Fernand Morin soulevait quant à lui les interrogations légitimes suivantes :
C’est ainsi que les cadres, soit le personnel d’encadrement et qui, selon la structure hiérarchique de chaque entreprise, représentent l’employeur, mais à des degrés divers, sont exclus du régime. Selon le principe d’unicité de direction, chacune de ces personnes-cadres agit en raison d’une délégation de pouvoir et les actes posés à ce titre sont réputés être ceux de l’employeur pour les fins de la gestion de l’entreprise. En raison de cette logique organisationnelle, il n’était pas souhaitable qu’à l’occasion de l’élaboration des conditions de travail, ces mêmes personnes-cadres et lesquelles sont néanmoins juridiquement des salariés selon l’article 2085 C.c.Q., soient en situation de conflit d’intérêts entre les autres salariés et leurs propres mandants. On voulut les maintenir du côté où ils se trouvent à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions propres de cadres. […]
Il demeure néanmoins possible que le débat reprenne si une association de cadres entendait être accréditée pour représenter exclusivement des salariés‑cadres auprès de leur employeur commun. C’est alors qu’il nous faudrait aborder de front ces deux autres questions :
1re question : L’expression de « …représentant de l’employeur dans ses relations avec ses salariés » (art. 1, para. L, al.1 C.t.) constitue-t-elle une exclusion absolue ou relative, c’est-à-dire ne visant que les salariés qui sont sous la direction d’un cadre?
2e question : Si le cadre est un salarié au sens du Code civil (art. 2085 C.c.Q.) et que la liberté d’association lui est garantie à ce dernier titre par la Charte comme le reconnaît maintenant l’arrêt Health, comment alors justifier une exclusion aussi radicale alors qu’une exception « relative » pourrait suffire?[12]
[Soulignements ajoutés]
[7] Le présent appel fournit l’occasion de porter à ces perspectives et aux questionnements qu’elles soulèvent l’attention renouvelée qu’ils méritent, vu tout particulièrement la protection accordée à la liberté d’association dans les textes quasi constitutionnel[13] et constitutionnel[14] des années 70 et 80, d’une part, et l’évolution de la finalité et de la portée de cette liberté selon la jurisprudence la plus récente de la Cour suprême, d’autre part. Comme l’observait la juge Deschamps dans son opinion concourante dans l’arrêt Ontario (Procureur général) c. Fraser : « Le droit canadien du travail n’est pas immuable »[15].
* * *
[8] L’appelante (« l’Association ») se pourvoit en l’espèce contre un jugement rendu le 5 novembre 2018 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Chantal Lamarche)[16].
[9] Ce jugement accueille le pourvoi en contrôle judiciaire de l’intimée (« l’Employeur ») et infirme la décision interlocutoire rendue le 7 décembre 2016 par le Tribunal administratif du travail mis en cause (le « TAT »)[17], laquelle déclare constitutionnellement inopérante à l’égard des membres de l’Association, et aux fins de l’examen de la requête en accréditation déposée par cette dernière, l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » prévue à l’article 1l) 1° du C.t. :
1. Dans le présent code, à moins que le contexte ne s’y oppose, les termes suivants signifient: […]
l) «salarié» : une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération, cependant ce mot ne comprend pas:
1° une personne qui, au jugement du Tribunal, est employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec ses salariés;
[…] | 1. In this Code, unless the context requires otherwise, the following expressions mean […]
l) “employee” : a person who works for an employer and for remuneration, but the word does not include:
(1) a person who, in the opinion of the Tribunal, is employed as manager, superintendent, foreman or representative of the employer in his relations with his employees;
[…] [Soulignements ajoutés] |
[10] Le cœur de l’appel consiste à déterminer si la juge a erré dans l’exercice de son pouvoir de contrôle en infirmant les conclusions du TAT, selon lesquelles :
(i) l’exclusion contenue à l’article 1l) 1° C.t. porte atteinte à la liberté d’association garantie aux membres de l’Association par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés[18] (la « Charte canadienne ») et par l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne[19] (la « Charte québécoise »);
(ii) le procureur général du Québec (le « PGQ ») a échoué à démontrer que cette atteinte est justifiée suivant l’article premier de la Charte canadienne et l’article 9.1 de la Charte québécoise; et,
(iii) dans les circonstances, la réparation appropriée consiste à déclarer l’exclusion en litige inopérante à l’égard des membres de l’Association aux fins de l’analyse de la requête en accréditation déposée par cette dernière.
[11] La Cour conclut que l’appel est bien fondé et qu’il y a lieu d’infirmer le jugement de la Cour supérieure et de rétablir la décision du TAT. La Cour suspendra toutefois la déclaration relative au caractère inopérant de l’exclusion en litige pour une période de 12 mois afin de permettre au gouvernement, le cas échéant, de prendre les mesures qu’il pourrait juger appropriées.
[12] Une revue du contexte sera d’abord utile à la compréhension de cette conclusion et des motifs qui la sous-tendent.
[13] Les motifs du TAT comptent 443 paragraphes. Près de 300 ont trait à la preuve documentaire et testimoniale, dont une partie importante est reproduite dans dossier d’appel. Le jugement entrepris compte quant à lui 269 paragraphes, dont près d’une centaine concerne la preuve ou l’appréciation qu’en a faite le TAT.
[14] Au vu de l’ensemble, la Cour est d’avis que les faits essentiels pour trancher l’appel sont les suivants. D’autres, plus spécifiques, seront par ailleurs abordés plus après lors de l’analyse des questions en litige.
[15] L’Employeur, une société créée en 1992, est une filiale de la Société des loteries du Québec (« Loto-Québec »). Il est responsable de la gestion de quatre casinos, soit ceux de Montréal (le « Casino » aux fins du présent arrêt), de Charlevoix, du Lac-Leamy et de Mont-Tremblant.
[16] Il est dirigé en tout temps pertinent par un président des « opérations », de qui relève un directeur général pour chaque casino. Chacun de ces directeurs généraux, dans son milieu, est en retour le supérieur hiérarchique immédiat d’un directeur des jeux, notamment.
[17] Les opérations de chaque casino sont par ailleurs divisées en trois secteurs de jeux, soit : le secteur des tables de jeux (ex : les tables de « roulette »), celui des machines à sous[20] et celui des salons de poker.
[18] La description générale que donne le TAT de la structure organisationnelle des secteurs de jeux au Casino n’est pas contestée :
[110] La structure organisationnelle dans le secteur des jeux du Casino se décline en cinq paliers de direction : le directeur général, le directeur des jeux, deux chefs de service, les chefs d’opérations, les superviseurs des opérations (SDO). Le cinquième palier est constitué des cadres de premier niveau, visés par la présente requête. Ils supervisent les croupiers, qui sont des employés syndiqués.
[111] Les SDO doivent s’assurer du bon déroulement des activités, notamment du respect des règles du jeu, et veiller au Service à la clientèle. Au moment des audiences, chaque SDO est affecté à une équipe de croupiers, dont le nombre varie entre deux et cinq. Les SDO sont, en quelque sorte, « les yeux et les oreilles de l’employeur sur le plancher ».
[…]
[315] En l’espèce, les personnes en cause sont des cadres de premier niveau, dans une organisation qui comprend cinq paliers ou plus de gestion. Ils sont souvent issus eux‑mêmes du groupe qu’ils supervisent. Tout en étant « les yeux et les oreilles de l’employeur sur le plancher », ils ne bénéficient pas de la relation privilégiée que peuvent entretenir les cadres de niveaux supérieurs avec l’entreprise. Ils ne participent pas aux orientations de l’entreprise. Ils ne jouent pas non plus de rôle stratégique dans les relations du travail : ils ne négocient pas les conventions collectives; ils en assurent l’application dans le quotidien des activités. En résumé, les cadres de premier niveau sont véritablement entre « l’arbre et l’écorce ».
[Soulignements ajoutés; caractères gras dans l’original]
[19] Les superviseurs des opérations (« SDO ») du secteur des tables de jeux auxquels réfère le TAT, membres de l’Association, sont aussi désignés par cette dernière et l’Employeur comme des « chefs de table » ou « cadres de premier niveau », comme on le verra plus loin.
[20] Comme l’ont confirmé les parties lors de l’audience, il n’a pas été contesté que les SDO exercent certaines fonctions leur conférant un statut de cadre, ce qui a conduit le TAT[21] et la Cour supérieure[22] à leur reconnaître ce statut[23].
[21] L’Association fut quant à elle constituée en 1997 en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels[24], et ce, en réaction à une modification unilatérale par l’Employeur des horaires de travail des SDO[25]. Dès ses débuts, l’objectif de l’Association est d’assurer sa reconnaissance par l’Employeur afin de pouvoir représenter ces derniers et négocier leurs conditions de travail.
[22] Lors de l’audience devant le TAT, l’Association compte parmi ses membres 250, ou 70 %, des SDO affectés au secteur des tables de jeux du Casino et, de ce fait, la majorité des SDO du Casino tous secteurs de jeux confondus. L’Employeur considère toutefois chaque secteur séparément, de sorte qu’il ne reconnaît pas de caractère représentatif à l’Association eu égard aux SDO des secteurs des machines à sous et des tables de poker.
[23] Le 19 septembre 2001, à la suite du refus de l’Employeur de convenir d’une entente écrite concernant, entre autres, le prélèvement à la source des cotisations des SDO dès l’embauche ainsi que la bonification de certaines de leurs conditions de travail[26], ce dernier et l’Association concluent un « Protocole d’entente » (le « Protocole ») comportant quatre articles[27].
[24] L’article 1 reconnaît l’Association comme « représentant les chefs de table » du Casino qui en sont membres, mais assujettit son caractère représentatif à l’égard des autres SDO à l’assentiment de l’Employeur. Il prévoit aussi la tenue de rencontres en « comité conjoint […] aux fins de discussions et d’échanges sur les préoccupations des parties, […] dans la recherche de solutions gagnant-gagnant », les « données, études et autre documents pertinents disponibles et nécessaires à la discussion et à la compréhension des divers sujets » étant fournis par l’Employeur. L’article précise enfin que les conditions de travail « des chefs de table et des cadres de premier niveau sont généralement précisées » dans un Manuel des employés.
[25] L’article 2 précise que l’Employeur « s’appuie » sur le « sens des responsabilités » des chefs de table, ainsi que sur « leur loyauté institutionnelle et leur engagement soutenu », et que l’Association sera consultée « préalablement à la détermination ou à la modification » de leurs conditions de travail.
[26] L’article 3 prévoit quant à lui que l’Employeur fera parvenir annuellement à l’Association la liste de ses membres, et qu’il prélèvera la cotisation de ces derniers à même leur paie.
[27] Finalement, l’article 4 prévoit la libération avec solde de deux représentants de l’Association aux fins de rencontres avec les représentants de l’Employeur, de trois représentants pour les fins des rencontres annuelles de l’Association, mais ajoute que cette dernière remboursera à l’Employeur, « sur réception », la facture que ce dernier lui transmettra pour le salaire ainsi que « toutes les contributions monétaires » payés aux « représentants ainsi libérés ».
[28] Ce Protocole ne prévoit par ailleurs aucun mécanisme de règlement des différends, aucune date d’échéance, ni aucune obligation pour les parties d’en renégocier les termes, au besoin ou à dates fixes. Le TAT a incidemment conclu de la preuve que malgré les nombreuses demandes de l’Association à cette fin, l’Employeur et Loto‑Québec ont toujours refusé d’actualiser ou d’apporter des modifications au Protocole. Cette conclusion trouve appui dans la preuve et n’est d’ailleurs pas remise en question par la juge[28].
[29] Vu les échecs rencontrés dans ses démarches auprès de l’Employeur en vue d’une mise en œuvre concertée de certains principes contenus dans le Protocole, l’Association se joint le 18 mars 2003 à d’autres associations de cadres[29] pour le dépôt d’une plainte auprès du Comité sur la liberté syndicale (le « Comité ») de l’Organisation internationale du Travail (« OIT »)[30]. Elles y allèguent :
[…] qu'elles ne jouissent pas d'une protection législative adéquate du droit d'association contre les ingérences des employeurs, qu'elles ne peuvent négocier collectivement les conditions de travail des cadres québécois, qu'elles ne disposent pas d'un mécanisme de règlement des différends du travail en l'absence du droit de recourir à la grève, et que l'exclusion des cadres du régime général du droit du travail collectif du Québec est fondamentalement discriminatoire.[31]
[30] Le 23 avril 2004, le gouvernement du Québec transmet ses observations à l’OIT.
[31] Le 25 novembre 2004, le Comité conclut ce qui suit concernant notamment la situation des SDO, puis présente ses recommandations au conseil d’administration du Bureau international du Travail (« BIT ») :
[…]
463. Au vu de tous ces éléments, le comité demande au gouvernement d’amender les dispositions pertinentes du Code du travail du Québec afin que les cadres jouissent du droit de bénéficier du régime général de droit du travail collectif et de constituer des associations jouissant des mêmes droits, prérogatives et voies de recours que les autres « associations de salariés ».
464. Les conclusions du comité concernant les autres aspects de la plainte découlent, mutatis mutandis, de la conclusion ci-dessus.
465. S’agissant de la reconnaissance des associations et de leurs droits de négociation collective, le comité note que, dans le cadre du régime actuel, les associations plaignantes jouissent d’une réelle forme de reconnaissance de leurs employeurs respectifs et participent à l’élaboration des conditions de travail de leurs membres. Ces dispositions d’ordre contractuel constituent un embryon de reconnaissance juridique, non consacrée toutefois dans un texte législatif. Les exemples donnés par les associations plaignantes démontrent que la reconnaissance est précaire, variable selon les employeurs et les établissements de travail, et que les conditions de travail ne sont pas codifiées dans de véritables conventions collectives assorties de droits et de garanties qui vont de pair. Cette précarité et l’incertitude qui en découle sur le plan des relations professionnelles sont dues à l’absence d’une véritable reconnaissance juridique des cadres comme « salariés » et de leurs associations, au sens du Code du travail, avec tous les droits afférents.
466. S’agissant du règlement des différends collectifs, en raison de leur exclusion du Code du travail, les cadres ne bénéficient pas de mécanismes et recours généraux établis par le Code (conciliation; arbitrage; grève). Le comité rappelle à cet égard que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux. […] Ce droit peut être restreint, voire interdit : dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’état; dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. […] Il ressort des éléments de preuve soumis que les membres des associations plaignantes ne sont pas des fonctionnaires et que les fonctions des membres d’au moins deux des associations plaignantes ne sauraient entrer dans la définition restrictive des services essentiels : les chefs de table des casinos, membres de l’ACSCQ, et les directeurs de succursale de SAQ, membres de l’ADDS/SAQ. […] En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour faire en sorte que les cadres concernés jouissent, comme les autres travailleurs, de mécanismes de négociation collective et de règlements des différends conformes aux principes de la liberté syndicale.
467. En ce qui concerne les mesures de protection contre les actes d’ingérence et de contrôle par l’employeur, il ressort des allégations que cette protection laisse à désirer : tentative de restreindre les facilités accordées pour s’occuper des activités des associations; demandes de libération refusées; consultation directe de cadres outrepassant leurs associations; employeurs locaux découragent des cadres d’adhérer aux associations; refus de prélever des cotisations; traitement différencié dans le choix des associations admises à participer paritairement à l’administration des régimes d’assurance. De l’avis du comité, toutes ces actions ne peuvent avoir pour effet, en dernière analyse, que d’amener les membres actuels et potentiels des associations à s’interroger sur l’utilité d’y adhérer, puisque la négociation collective et ses incidents ne sont pas encadrés par le Code et qu’il n’existe pas de véritable protection juridique contre des actes qui seraient punissables aux termes du Code s’ils étaient posés contre des salariés couverts par le régime général de relations professionnelles. Les dispositions du Code criminel mentionnées par le gouvernement à cet égard ne sont pas appliquées par une juridiction spécialisée (tel un commissaire du travail ou un tribunal du travail) et n’offrent pas le même degré de protection étant donné le fardeau et le degré de preuve nécessaires. En conséquence, le comité demande au gouvernement d’amender la législation et de prendre les mesures voulues pour faire en sorte que les cadres concernés jouissent, comme les autres travailleurs visés par le Code du travail, de recours et de mécanismes de protection contre les actes d’ingérence et de domination des employeurs, conformément aux principes de la liberté syndicale.
[…]
470. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes :
a) Le comité demande au gouvernement d’amender le Code du travail du Québec afin que les cadres aient le droit de bénéficier du régime général de droit du travail collectif et de constituer des organisations jouissant des mêmes droits, prérogatives et voies de recours que les autres organisations de travailleurs, notamment en ce qui concerne les mécanismes de négociation collective et de règlement des différends et la protection contre les actes de domination et d’ingérence des employeurs, le tout conformément aux principes de la liberté syndicale.
b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation sur tous les aspects mentionnés ci-dessus et notamment des mesures prises pour mettre la législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale.
c) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.[32]
[Soulignements ajoutés]
[32] À la suite du dépôt de la plainte, puis des recommandations du Comité, diverses communications ont lieu entre ce dernier, le BIT, le gouvernement québécois, certaines instances politiques provinciales et les associations plaignantes dans le but de faire progresser les demandes de ces dernières.
[33] En mars 2005, le gouvernement met en place un comité interministériel afin d’étudier les recommandations du Comité, ce qui mènera notamment à l’adoption, le 5 septembre 2007, d’un projet de Guide de bonne gouvernance[33] visant la situation des cadres des secteurs publics et parapublics, mais qui n’est pas imposé aux sociétés d’État ou à leurs filiales, vu le degré d’autonomie qui leur est reconnu. Ainsi, dans sa lettre du 12 décembre 2007, transmise en copie conforme à l’Association notamment, le secrétaire associé du Sous-secrétariat aux ressources humaines et aux relations de travail du Conseil du trésor écrit :
[…], le gouvernement du Québec n’a pas l’intention d’imposer aux employeurs externes des secteurs publics et parapublics […] une quelconque forme de reconnaissance d’une association de cadres pour fins de relations de travail.
Comme vous le savez certainement, le gouvernement du Québec a récemment clarifié les éléments de gouvernance des sociétés d’État concernant les pouvoirs de leurs conseils d’administration en matière de gestion des ressources humaines (Loi sur la gouvernance, 2006, chapitre 59). Ce faisant, il contreviendrait à cette décision s’il s’immisçait dans la gestion des ressources humaines de ces organismes en leur imposant la reconnaissance d’associations de cadres. Quand [sic] aux autres employeurs du Québec (municipalité, filiale d’une société d’État), leur indépendance en matière de gestion des ressources humaines permet difficilement au gouvernement une action coercitive à leur égard en leur imposant la reconnaissance de telles associations de cadres.
[…]
[Soulignement ajouté]
[34] Le 2 mai 2008, lors d’une rencontre avec le directeur général du Casino, ce dernier informe les représentants de l’Association que l’Employeur ne voit pas la nécessité ou l’intérêt de permettre d’intégrer d’autres cadres de premier niveau et, par analogie avec la situation alors en cours avec les croupiers syndiqués, qu’il sera toujours refusé à l’Association de « faire front commun » pour les négociations[34].
[35] Au mois de novembre suivant, après des discussions qui apparaissaient d’abord prometteuses, le directeur des ressources humaines confirme à l’Association le refus de l’Employeur que d’autres SDO que ceux affectés aux tables de jeux puissent y adhérer et ajoute qu’il n’a pas mandat de renégocier le Protocole et que, s’il l’avait, ce serait pour « enlever des choses plutôt que d’en donner »[35].
[36] Par la suite, l’Association constate qu’aucun progrès n’est réalisé dans sa situation malgré des discussions avec des interlocuteurs de l’Employeur, de Loto-Québec et du gouvernement, lesquels se renvoient parfois la balle, en plus de changer fréquemment[36].
[37] Le 10 novembre 2009, l’Association dépose une requête en accréditation auprès de la Commission des relations du travail[37] (« CRT ») en vertu des articles 25 et suivants du C.t. Elle demande notamment de lui déclarer « inopposable constitutionnellement », ainsi qu’à ses membres, l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » contenue à l’article 1l) 1° C.t., et ce, en raison de l’atteinte qu’elle porte à la liberté d’association garantie par les Chartes. Le groupe d’employés visé par cette requête est décrit comme suit :
Les cadres de premier niveau (Classe 4 et 4a) du secteur des jeux notamment ceux offerts aux tables de jeux, aux machines à sous/Keno, aux salons de poker et à tout autre système de loterie de même nature, aux fins de l'exploitation d'un casino d'état à l’établissement de l’employeur situé au 1, avenue du Casino, Montréal (Québec).
[38] Le 24 novembre 2009, l’Employeur soulève l’irrecevabilité de cette requête. Il invoque l’absence de compétence de la CRT pour se prononcer sur l’accréditation de non-salariés et, en conséquence, sur la question constitutionnelle soulevée.
[39] Le 26 novembre 2009, l’Association transmet un premier avis au PGQ en vertu de l’article 95 de l’ancien Code de procédure civile.
[40] Le 14 avril 2010, la CRT rejette la requête en irrecevabilité de l’Employeur[38].
[41] Le 23 janvier 2012, la Cour supérieure accueille le pourvoi en contrôle judiciaire de l’Employeur à l’encontre de cette décision[39], jugement qui sera infirmé par l’arrêt de notre Cour confirmant la compétence de la CRT[40].
[42] Le 23 avril 2012, l’Association demande au ministre de déférer à l’arbitrage, en vertu de l’article 59 C.t., une mésentente portant sur la modification des horaires de travail et une réduction significative des heures de travail de ses membres. L’Employeur conteste la compétence de l’arbitre au moyen d’une nouvelle requête en irrecevabilité, que l’arbitre rejette, décision qui sera cette fois confirmée par la Cour supérieure[41], ainsi que par notre Cour[42].
[43] Dans son deuxième rapport de suivi d’octobre 2013, le Comité de l’OIT prend note des informations reçues jusqu’à ce jour, « regrette profondément » que, selon l’Association, aucun progrès n’a été réalisé « alors que plus de neuf années se sont écoulées » depuis ses recommandations et « prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution des procédures judiciaires concernant le processus de certification de l’ACSQ et de la contestation de la constitutionnalité » de l’exclusion des cadres de la définition de salarié contenue dans le Code du travail[43].
[44] En août 2014, l’Association dépose une nouvelle plainte en vertu de l’article 59 C.t. Elle allègue l’abolition unilatérale par l’Employeur d’un horaire de travail reconnu jusque‑là à ses membres et en demande le rétablissement.
[45] Le 16 octobre 2014, l’Association notifie au PGQ un avis modifié annonçant son intention de faire déclarer constitutionnellement inopposable aux cadres visés par sa requête en accréditation l’exclusion prévue à l’article 1l) 1° C.t., au motif que cette disposition les empêche de la voir reconnue comme leur « agent négociateur exclusif » et qu’elle les prive en conséquence de leur droit à la négociation collective de leurs conditions de travail.
[46] Les parties conviennent alors de procéder sur la question constitutionnelle de façon préliminaire. La nécessité d’aborder le fond de la requête en accréditation de l’Association sera en effet tributaire de la réponse finale qui y sera donnée.
[47] Le 19 octobre 2015, l’Association dépose une autre plainte en vertu de l’article 59 C.t., invoquant cette fois une modification unilatérale par l’Employeur des facilités de stationnement dont bénéficiaient jusque-là ses membres à proximité du Casino.
[48] Le 7 décembre 2016, le TAT rend la décision en litige. Il conclut que l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » contenue à l’article 1l) 1° C.t. porte atteinte à la liberté d’association garantie aux SDO par les Chartes et déclare que cette exclusion est inopérante à leur égard et aux fins de l’examen de la requête en accréditation de l’Association.
[49] Le 6 janvier 2017, l’Employeur saisit la Cour supérieure d’un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision.
[50] Le jugement entrepris, cassant la décision du TAT et déclarant l’exclusion en litige « applicable, valide et opérante constitutionnellement », est rendu le 5 novembre 2018.
[51] Faute de contestation de la part de l’Employeur ou du PGQ, la demande de permission d’appeler de l’Association est accordée le 23 janvier 2019[44].
[52] La décision du TAT témoigne d’une analyse minutieuse des principes applicables et de la preuve.
[53] Le TAT revoit aussi de façon détaillée le statut sociojuridique des associations de cadres, d’abord au niveau international[45], puis ailleurs au Canada[46] et finalement au Québec[47]. À ce sujet, après avoir considéré les arguments des parties quant à sa force probante, le TAT conclut que le rapport de l’expert Coutu sur la syndicalisation des cadres au Québec est utile et probant dans son ensemble[48].
[54] Le TAT décrit ensuite la situation de l’Employeur[49] et de l’Association[50] sur le plan organisationnel, puis relate l’historique de leurs interactions en différentes étapes, soit celles relatives à la conclusion du Protocole[51], aux tentatives de l’appliquer de façon concertée[52], aux différentes démarches de l’Association auprès de l’Employeur, et parfois de Loto-Québec, afin de tenter de solutionner des mésententes liées (i) à la négation de son caractère représentatif, (ii) au refus de l’Employeur de consigner les accords entre les parties dans un document d’entente exécutoire, (iii) à certaines conditions de travail[53], incluant des décisions ou des modifications unilatérales de certaines conditions de travail[54], et aux différends ayant opposé les parties postérieurement au dépôt de la requête en accréditation[55].
[55] Le TAT retient notamment de la preuve que :
- malgré des demandes de l’Association en ce sens, l’Employeur et Loto-Québec ont toujours refusé de modifier ou compléter l’un ou l’autre des articles du Protocole, celui-ci étant ainsi demeuré inchangé depuis sa conclusion en 2001[56];
- malgré des demandes répétées de l’Association, basées notamment sur le pourcentage global majoritaire d’adhésion des SDO, son caractère représentatif et la détermination du groupe pour lequel elle peut, ou non, être reconnue relèvent de la discrétion de l’Employeur[57];
- l’Employeur a mis sur pied un comité sur les horaires de travail; il a décidé de sa composition et a invité à y siéger des SDO affectés au secteur des tables de jeux, mais non membres de l’Association, confirmant ainsi son refus de considérer cette dernière comme la porte-parole de l’ensemble des SDO des tables de jeux, malgré que 70 % de ceux-ci en soient membres[58];
- l’Employeur a refusé de prélever à la source les cotisations des SDO qui sont membres en règle de l’Association, mais affectés aux secteurs des machines à sous ou des salons de poker, plutôt qu’à celui des tables de jeux;
- si certaines demandes de l’Association ont été satisfaites au terme de rencontres tenues avec des représentants de l’Employeur, d’autres ont été refusées, ce dernier ayant le dernier mot et bénéficiant d’un levier déterminant lors des échanges, soit l’absence « de tout mécanisme en cas de litige »[59];
- l’Employeur refuse « soigneusement » de qualifier de « négociations » les échanges entre lui et l’Association[60] concernant les conditions de travail des SDO membres de l’Association, ou de consigner les accords pouvant en résulter dans une entente formelle ou un autre type de document écrit conjoint et exécutoire;
- ces conditions de travail sont plutôt incluses dans des documents préparés par l’Employeur, par exemple, en 2004, dans un Guide des conditions de travail du personnel cadre diffusé sans consultation préalable de l’Association[61];
- l’Association n’est pas invitée par l’Employeur à négocier les échelles salariales prévues annuellement dans le Manuel des employés, non plus que les augmentations de salaires et les bonis, dont les règles d’octroi ont été déterminées unilatéralement en 2010;
- en 2008, contrairement aux représentants d’autres groupes d’employés, l’Association n’a pas été invitée à participer à une réunion du comité du régime de retraite du personnel cadre, le passage en 2009 d’un régime à cotisations déterminées à un régime à prestations déterminées n’ayant pas été précédé de discussions avec elle[62];
- le régime d’assurances collectives fut aussi modifié à la même époque, sans consultation préalable[63];
- en 2012, un comité consultatif sur les horaires de travail 2013-2014 fut mis sur pied et sa proposition fut acceptée par l’Employeur, mais ce processus ne fut toutefois pas reconduit les années suivantes, les horaires mis en place en 2013-2014 ayant de plus été retirés pour les années ultérieures, sans consultation préalable;
- contrairement à ce que prévoyait le Manuel des employés, en 2015 l’Employeur a unilatéralement déplacé à plusieurs kilomètres de distance les espaces de stationnement gratuits mis à la disposition des SDO et jusque-là situés à proximité du Casino;
- le régime de relations de travail en place n’assure aucune protection contre l’ingérence ou l’entrave de l’Employeur à l’égard du caractère représentatif de l’Association[64];
- l’Association est incapable de négocier collectivement les conditions de travail de ses membres vu le déséquilibre du rapport de force existant entre les parties[65].
[56] Le TAT résume ensuite les prétentions des parties[66] et expose le droit applicable en matière de liberté d’association, tel qu’il découle particulièrement des arrêts APMO[67], Meredith c. Canada (Procureur général) (« Meredith »)[68] et Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan (« Saskatchewan »)[69], rendus en 2015 par la Cour suprême[70].
[57] Ses conclusions factuelles concernant le statut des SDO visés par la requête en accréditation de l’Association sont résumées de la façon suivante :
[315] En l’espèce, les personnes en cause sont des cadres de premier niveau, dans une organisation qui comprend cinq paliers ou plus de gestion. Ils sont souvent issus eux‑mêmes du groupe qu’ils supervisent. Tout en étant « les yeux et les oreilles de l’employeur sur le plancher », ils ne bénéficient pas de la relation privilégiée que peuvent entretenir les cadres de niveaux supérieurs avec l’entreprise. Ils ne participent pas aux orientations de l’entreprise. Ils ne jouent pas non plus de rôle stratégique dans les relations du travail : ils ne négocient pas les conventions collectives; ils en assurent l’application dans le quotidien des activités. En résumé, les cadres de premier niveau sont véritablement entre « l’arbre et l’écorce ».
[58] Sur cette toile de fond, le TAT formule ainsi la question centrale dont il est saisi :
[295] L’exclusion du statut de cadre de la définition de « salarié » du Code porte‑t-elle atteinte à la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne et par l’article 3 de la Charte québécoise des personnes visées par la requête en accréditation?
[59] Procédant ensuite à appliquer « la méthode d’analyse établi[e] par la Cour suprême dans l’arrêt Big M Drug Mart et suivie dans l’arrêt APMO »[71], le TAT conclut essentiellement :
a) que l’objet de l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » contenue dans le C.t. est d’empêcher ces derniers de négocier collectivement[72];
b) que, néanmoins, puisqu’« on ne se trouve pas dans un cas où il y a négation complète de la liberté d’association », il est nécessaire d’évaluer les effets de l’atteinte pour déterminer « si ceux-ci constituent une entrave substantielle »[73];
c) que les effets de l’exclusion en litige sur la représentativité et l’indépendance de l’Association ainsi que sur sa capacité et celle de ses membres de négocier collectivement les conditions de travail, incluant la possibilité de recourir à la grève, entravent substantiellement l’établissement d’un véritable processus de négociation collective[74].
[60] Le TAT précise par ailleurs qu’il aurait aussi conclu à la violation de la liberté d’association garantie aux SDO s’il avait plutôt appliqué le cadre analytique de l’arrêt rendu par la Cour suprême en 2007 dans Baier c. Alberta[75], puisque, vu l’exclusion législative en litige, l’État est responsable de l’entrave substantielle au droit des SDO et de l’Association à un véritable processus de négociation collective « en regard des conventions internationales applicables au Canada », étant donné son refus de respecter ses engagements et de donner suite aux recommandations du Comité sur la liberté syndicale de l’OIT[76].
[61] Puis, ayant ainsi conclu que l’exclusion en litige porte atteinte à la liberté d’association garantie aux membres de l’Association par les Chartes, le TAT conclut que le PGQ n’a pas démontré que cette atteinte est justifiée suivant l’article premier de la Charte canadienne et le test de l’arrêt Oakes[77], lequel est aussi applicable à la justification prévue à l’article 9.1 de la Charte québécoise[78].
[62] Enfin, sur la question de la réparation appropriée, le TAT rappelle qu’il ne tranche pas la requête en accréditation, mais qu’il décide uniquement de la question constitutionnelle incidente[79]. Il conclut des enseignements de la Cour suprême[80] qu’il ne peut prononcer une déclaration d’inconstitutionnalité générale et en suspendre les effets, mais seulement déclarer le caractère inopérant de l’exclusion en litige aux fins spécifiques de l’examen de la requête en accréditation dont il est saisi[81].
[63] Le TAT rejette par ailleurs la demande du PGQ de suspendre les effets de sa décision, et ce, pour les motifs suivants :
[437] Les associations demanderesses[82] ont obtenu, en 2004, une décision du Comité de la liberté syndicale qui recommande au gouvernement de modifier le Code afin d’en soustraire l’exclusion visant la notion de cadre. Malgré des appels répétés des instances internationales et des associations de cadres, le gouvernement n’a pas agi. Les arrêts de la Cour suprême en matière de liberté d’association en relations du travail ont souligné la place du droit international et la force persuasive des décisions du comité depuis plusieurs années. Il n’apparait donc pas opportun de priver plutôt les associations demanderesses de leur droit fondamental à la liberté d’association.
[438] De plus, si les requêtes en accréditation sont accueillies, les associations demanderesses pourront effectivement bénéficier du régime du Code. Ce faisant, le Tribunal ne leur accorde pas un régime particulier, pour les raisons déjà expliquées. S’il suspendait les effets de sa décision, c’est alors qu’il présumerait que les associations demanderesses ont droit à un tel régime particulier. Il ne lui appartient pas de décider si d’autres mesures auraient pu être choisies pour les cadres ni de présumer que le législateur le fera, d’autant qu’il n’a pas choisi cette voie après la décision du Comité de la liberté syndicale.
[Renvoi ajouté]
[64] Le jugement de la Cour supérieure est lui aussi fort étoffé.
[65] La juge, qui ne bénéficiait pas des enseignements de l’arrêt Vavilov[83], conclut à la lumière de l’arrêt Dunsmuir[84] et de la jurisprudence de notre Cour[85] que la norme de contrôle de la décision correcte s’applique à la question constitutionnelle tranchée par le TAT. Elle précise toutefois qu’elle doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions factuelles qui sous-tendent son analyse[86].
[66] La juge observe ensuite que le cadre analytique applicable au litige varie selon que l’on considère la démarche de l’Association comme une demande de déclarer inconstitutionnelle l’ingérence de l’État, auquel cas « seule la question de l’entrave substantielle doit être décidée »[87], ou comme une demande d’intervention positive de l’État[88], auquel cas le cadre d’analyse de l’arrêt Baier s’impose[89].
[67] Rejetant les arguments de l’Association au contraire, la juge retient que cette dernière recherche une intervention positive de l’État, soit son assujettissement et celui de ses membres au Code du travail, par l’élimination législative de l’exclusion des cadres de la définition de salarié à l’article 1l) 1°[90]. Le cadre d’analyse doit en conséquence être celui développé par la Cour suprême[91] dans les arrêts Dunmore[92]/Baier [93].
[68] La juge conclut donc que le TAT a erré en droit en choisissant plutôt le cadre analytique de l’arrêt APMO[94], applicable selon elle dans le cas de revendication d’un droit négatif. Elle estime toutefois que cette erreur n’est pas déterminante, puisque le TAT a aussi, de façon subsidiaire, examiné les faits selon les critères énoncés dans les arrêts Dunmore/Baier[95].
[69] Procédant à appliquer ce cadre d’analyse, elle conclut :
a) que le TAT a rendu une décision correcte en concluant que l’appelante recherchait l’exercice du droit de ses membres à un véritable processus de négociation collective, une composante essentielle de la liberté d’association qui existe indépendamment du Code du travail[96], et non « l’accès à un régime légal précis »[97];
b) que le TAT a toutefois erré en concluant que l’objet de l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » contenue dans l’article 1l) 1° C.t. était de les priver de leur droit à une véritable négociation collective de leurs conditions de travail[98], ces derniers pouvant en effet négocier collectivement à l’extérieur des balises du C.t.;
c) que le TAT a aussi erré en concluant que l’exclusion en litige a pour effet d’empêcher les membres de l’Association de jouir d’une reconnaissance véritable de cette dernière[99], sa reconnaissance par l’Employeur sur une base volontaire ne résultant pas en une entrave substantielle à la liberté d’association[100];
d) que le TAT a aussi erré en retenant que l’absence d’accès à un tribunal spécialisé en matière de relations de travail dans l’éventualité d’une mésentente sur le Protocole, ou encore pour faire sanctionner la négociation de mauvaise foi ou l’ingérence de l’Employeur, constitue une entrave substantielle à la liberté d’association donnant ouverture à des recours devant les tribunaux de droit commun, notamment pour obtenir réparation en vertu des articles 3 et 49 de la Charte québécoise[101];
e) que le TAT a encore erré en concluant que les membres de l’Association ne bénéficient pas du droit de grève puisque leur exclusion du régime du C.t. ne les empêche pas de se livrer à un arrêt de travail concerté dans le cadre de la négociation de leurs conditions de travail : « il n’existe pas de loi leur interdisant de faire la grève »[102];
f) que le TAT a aussi erré, ou décidé de façon prématurée, en concluant, d’une part, que les membres de l’Association ne bénéficient d’aucun mécanisme efficace de résolution de conflit, alors qu’ils n’ont jamais exercé de recours devant les tribunaux de droit commun en vertu des Chartes pour se plaindre de négociation de mauvaise foi ou d’entrave de la part de l’Employeur et, d’autre part, que les membres ne bénéficient d’aucun mécanisme de protection en cas de grève, alors qu’il n’ont jamais exercé ce droit[103];
g) que, néanmoins, le TAT n’a pas erré en concluant, au vu de l’historique de la relation entre les parties, que certains agissements de l’Employeur « ne cadrent pas avec la notion de véritable négociation collective de bonne foi, composante essentielle [de] la liberté d’association »[104], que les modifications unilatérales et sans consultation préalable de certaines conditions de travail importantes « sape[nt] le processus de véritable négociation »[105] et que ces faits et gestes constituent une « entrave substantielle à la liberté d’association des SDO »[106];
h) que le TAT a toutefois erré en se demandant « si l’État est responsable du refus de modifier le Code du travail, comme le recommande le Comité de liberté syndicale », plutôt que de vérifier s’il « est responsable du fait que les SDO ne peuvent […] exercer leur liberté d’association »[107];
i) que le TAT a de ce fait erré ensuite dans l’analyse du dernier critère de l’arrêt Baier en concluant que l’État est « responsable de la violation de la liberté d’association des SDO »[108], alors que cette violation découle plutôt exclusivement des faits et gestes de nature privée de l’Employeur[109].
[70] Étant donné que la juge conclut que l’entrave substantielle à la liberté d’association des membres de l’Association ne découle pas de l’exclusion, par l’État, « des cadres de l’application du Code du travail »[110], mais uniquement de ce que l’Employeur « n’offre pas à ses SDO »[111], elle s’abstient de procéder à l’analyse du test de justification en vertu de l’article premier de la Charte canadienne et de l’arrêt Oakes[112], accueille le pourvoi en contrôle judiciaire de l’Employeur, casse la décision du TAT et, à la demande du PGQ, déclare « applicable, valide et opérante constitutionnellement l’exclusion prévue à l’article 1l) 1°du Code du travail »[113].
[71] L’Association et l’Employeur diffèrent d’opinion sur les questions que soulève l’appel, chacun en proposant respectivement trois et six, dont deux subsidiaires dans le cas de l’Employeur. Quant au PGQ, il en identifie essentiellement deux. De plus, ces questions, ou l’argumentation des parties quant aux unes ou aux autres, se recoupent.
[72] Selon la Cour, l’issue de l’appel dépend essentiellement des réponses aux questions suivantes :
4.1 La Cour supérieure a-t-elle erré en confirmant la décision du TAT selon laquelle l’avis transmis au PGQ par l’Association en vertu de l’article 95 de l’ancien Code de procédure civile[114] était suffisant et recevable relativement à l’argument constitutionnel fondé sur l’entrave substantielle au droit de grève?
4.4 Dans la négative, le TAT a-t-il commis une erreur révisable en concluant que cette atteinte n’est pas justifiée suivant l’article premier de la Charte canadienne et l’article 9.1 de la Charte québécoise?
[73] La Cour supérieure conclut ceci aux paragraphes 46 et 56 à 59 du jugement entrepris :
[46] La PGQ soulève l’insuffisance de l’avis transmis par l’ACSCQ en vertu de l’article 76 C.p.c. tout comme elle soulève cet argument devant le TAT.
[…]
[56] La PGQ soutient que l’absence de référence spécifique au droit de grève l’empêche de faire la preuve nécessaire devant le TAT. Or, le fardeau de démontrer une entrave substantielle à la liberté d’association incluant le droit de grève repose sur les épaules de l’ACSCQ et dans son argumentation, la PGQ invoque que l’ACSCQ n’a pas administré de preuve quant à une entrave substantielle au droit de grève pour les SDO. La PGQ fait même ressortir que la preuve démontre que les cadres ne recherchent pas à obtenir le droit de faire la grève.
[57] Le Tribunal retient donc que la PGQ n’a pas été empêchée de présenter son argumentation à cet égard et il constate qu’elle n’a pas demandé au TAT la permission de présenter une preuve voyant ce nouvel argument soulevé lors des plaidoiries. La PGQ a préféré s’en remettre à un argument procédural.
[58] Le Tribunal considère qu’à la lumière de ces faits particuliers, accepter l’argument de la PGQ serait faire preuve d’un trop grand rigorisme.
[59] Sans égard à la norme de contrôle applicable, le Tribunal estime que le TAT n’a commis aucune erreur en considérant que l’avis à la PGQ était conforme à l’article 77 C.p.c.
[Renvois omis]
[74] Sans en faire une question en litige dans son mémoire, le PGQ mentionne au paragraphe 79 de son argumentation qu’il soutient toujours que cet argument est irrecevable puisqu’il a été soulevé tardivement lors des plaidoiries devant le TAT et, par conséquent, qu’il ne respectait pas les exigences « des articles 76 et 77 » du Code de procédure civile. Lors de l’audience, il ne revient pas sur ce moyen, avec raison.
[75] En effet, au vu de ses interventions devant eux, et selon la jurisprudence de la Cour[115], le TAT[116] et la Cour supérieure étaient justifiés de rejeter ce moyen, sans qu’il soit nécessaire ici d’en dire davantage.
[76] Depuis l’arrêt Agraira[117], le rôle de la Cour lors de l’appel d’un jugement rendu en matière de contrôle judiciaire est bien connu. L’arrêt Vavilov[118] n’y a rien changé.
[77] La Cour doit vérifier si le juge réviseur a choisi la norme de contrôle appropriée et, le cas échéant, s’il l’a appliquée correctement[119]. À cette fin, « en se "met[tant] à la place" du tribunal d’instance inférieure », la Cour se concentre sur la décision administrative[120], soit, en l’espèce, la décision du TAT.
[78] Cela étant, la juge n’a pas erré en concluant que la norme de la décision correcte s’applique à l’analyse constitutionnelle effectuée par le TAT[121]. Elle n’a pas erré non plus en soulignant qu’elle devait néanmoins faire preuve de déférence à l’égard des conclusions d’ordre factuel qui sous-tendent cette analyse[122]. En effet, les cours de révision doivent s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur » et l’absence de déférence à cet égard n’est possible qu’en cas « de circonstances exceptionnelles »[123], par exemple lorsque le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte[124]. Ces principes sont d’autant plus importants qu’en matière constitutionnelle les conclusions de fait du décideur administratif peuvent s’avérer déterminantes au stade de l’appel[125].
[79] Cette retenue à l’égard des constats de fait qui sous-tendent l’analyse du décideur administratif revêt une importance accrue en l’espèce alors que, comme l’ont souligné la juge en chef McLachlin et le juge LeBel pour la majorité dans l’arrêt AMPO[126] : « Comme pour tous les examens fondés sur l’al. 2d), l’analyse requise est contextuelle »[127].
[80] Ces normes et principes étant posés, passons maintenant à la question qui est au cœur de l’appel.
[81] Avant de répondre plus loin à la présente question (partie 5.3.6 ci-après), une brève revue de l’historique législatif et de certains propos tenus lors des débats parlementaires ayant entouré l’exclusion des cadres de la notion de salarié dans le régime des relations de travail instauré par le C.t. est opportune (partie 5.3.1). Il ne s’agit pas ici d’interpréter l’exclusion législative elle-même, mais de tenter de mieux cerner le « début de l’histoire »[128]. On rappellera ensuite le texte de certains articles de conventions internationales d’intérêt, puis des dispositions constitutionnelles et quasi constitutionnelles domestiques pertinentes (partie 5.3.2). La Cour poursuivra en revoyant les grandes lignes de l’évolution de la jurisprudence de la Cour suprême portant sur la liberté d’association (partie 5.3.3), puis la justesse des conclusions de la juge concernant le cadre analytique applicable en l’espèce (partie 5.3.4). La Cour conclura son analyse en identifiant certaines erreurs révisables commises par la juge dans l’exercice de son pouvoir de contrôle (partie 5.3.5).
[82] Les paragraphes a), b), d) et l) 1° de l’actuel article 1 du C.t. sont ainsi libellés :
1. Dans le présent code, à moins que le contexte ne s’y oppose, les termes suivants signifient:
a) «association de salariés» : un groupement de salariés constitué en syndicat professionnel, union, fraternité ou autrement et ayant pour buts l’étude, la sauvegarde et le développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs de ses membres et particulièrement la négociation et l’application de conventions collectives;
b) «association accréditée» : l’association reconnue par décision du Tribunal comme représentant de l’ensemble ou d’un groupe des salariés d’un employeur;
[…]
d) «convention collective» : une entente écrite relative aux conditions de travail conclue entre une ou plusieurs associations accréditées et un ou plusieurs employeurs ou associations d’employeurs;
[…]
l) «salarié» : une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération, cependant ce mot ne comprend pas:
1° une personne qui, au jugement du Tribunal, est employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec ses salariés; | 1. In this Code, unless the context requires otherwise, the following expressions mean
(a) “association of employees” : a group of employees constituted as a professional syndicate, union, brotherhood or otherwise, having as its objects the study, safeguarding and development of the economic, social and educational interests of its members and particularly the negotiation and application of collective agreements;
(b) “certified association” : the association recognized by decision of the Tribunal as the representative of all or some of the employees of an employer;
[…]
(d) “collective agreement” : an agreement in writing respecting conditions of employment made between one or more certified associations and one or more employers or employers’ associations;
[…]
l) “employee” : a person who works for an employer and for remuneration, but the word does not include:
(1) a person who, in the opinion of the Tribunal, is employed as manager, superintendent, foreman or representative of the employer in his relations with his employees;
[Soulignements ajoutés] |
[83] Comme l’explique l’auteur Blouin, l’exclusion des employés cadres de la notion de « salarié » n’a pas été introduite au Québec par le Code du travail entré en vigueur au milieu des années 60[129], mais remonte à la Loi des relations ouvrières[130] des années 40 :
Pour la compréhension du Code du travail, il faut au départ se rappeler que l’arrière-plan qui permet de donner la mesure exacte de l’intention du législateur en matière d’aménagement des rapports collectifs du travail, n’est pas fondamentalement le contexte historique qui prévalait à l’époque de l’adoption du Code, mais celui de la Loi des relations ouvrières. Le Code ne représente en effet que la synthèse de cette dernière Loi et des autres lois adoptées parallèlement. Il est resté sous la coupe de la Loi des relations ouvrières en ce qui regarde l’économie et la philosophie sous-tendant l’ordonnancement juridique des relations collectives du travail. Jusqu’à l’adoption de la Loi des relations ouvrières, les rapports de travail étaient demeurés le plus souvent sur le plan strictement individuel. La transposition fondamentale de ces rapports sur le plan collectif a été conçue par la Loi, puis reprise par le Code, dans et pour une économie à caractère libéral et en fonction notamment d’une préoccupation majeure et fondamentale : réprimer les abus engendrés par le système des rapports individuels de travail en rétablissant l’équilibre des parties à la négociation mais en moulant cet équilibre en fonction de la réalité administrative des entreprises de l’époque.[131]
[Soulignement ajouté; italiques dans l’original; renvois omis]
[84] Cela dit, dans la Loi des relations ouvrières de 1944, l’exclusion des cadres de la notion de salarié découlait de l’article 2a) 1° :
2. Dans la présente loi et son application, à moins que le contexte ne s’y oppose, les termes suivants ont le sens qui leur est donné ci-après :
a) "salarié" signifie : tout apprenti, manœuvre ou ouvrier non spécialisé, ouvrier qualifié ou compagnon, artisan, commis ou employé qui travaille individuellement, en équipe ou en société; cependant, ce mot ne comprend pas :
1° les personnes employées à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec ses salariés;
[…] | 2. In this act and in its application, unless the context requires otherwise, the following words and expressions have the meaning hereinafter given to them:
a. "employee" means any apprentice, unskilled labourer or workman, skilled workman or journeyman, artisan, clerk or employee, working individually or in a crew or in partnership; but it does not include:
1. persons employed as manager, superintendent, foreman, or representative of an employer in his relations with his employees;
[…] [Soulignements ajoutés] |
[85] Les débats de l’Assemblée législative lors de l’étude et de l’adoption de cet article sont brefs et peu révélateurs, si ce n’est qu’ils permettent de confirmer l’importation dans la loi des principes sous-jacents de ce qui est connu comme le Wagner Act[132] américain de 1935, du nom du sénateur qui l’a présenté :
M. Duplessis (Trois-Rivières): La loi actuelle s’inspire-t-elle de la loi Wagner en force aux États-Unis?
L’honorable M. Perrier (Terrebonne): Oui, j’admets que le gouvernement s'est inspiré, dans certaines parties, de la loi Wagner des États-Unis en préparant le présent projet de loi.[133]
[Soulignements ajoutés]
[86] La loi Wagner contient effectivement les définitions suivantes :
Sec. 2. When used in this Act —
(1) […]
(2) The term “employer” includes any person acting as an agent of an employer, directly or indirectly, but shall not include the United States, or any State or political subdivision thereof, or any person subject to the Railway Labor Act, as amended from time to time, or any labor organization (other than when acting as an employer), or anyone acting in the capacity of officer or agent of such labor organization.
(3) The term “employee” shall include any employee, and shall not be limited to the employees of a particular employer, unless the Act explicitly states otherwise, and shall include any individual whose work has ceased as a consequence of, or in connection with, any current labor dispute or because of any unfair labor practice, and who has not obtained any other regular and substantially equivalent employment, but shall not include any individual employed as an agricultural laborer, or in the domestic service of any family or person at his home, or any individual employed by his parent or spouse.
[…]
RIGHTS OF EMPLOYEES
Sec. 7. Employees shall have the right to self-organization, to form, join, or assist labor organizations, to bargain collectively through representatives of their own choosing, and to engage in other concerted activities for the purpose of collective bargaining or other mutual aid or protection.[134]
[Soulignements ajoutés]
[87] La loi Wagner fut par ailleurs modifiée en 1947, ajoutant le terme de « supervisor » au paragraphe 3 des définitions contenues à l’article 2 et y ajoutant le paragraphe (11) :
Sec. 2. When used in this Act —
[…]
(3) The term “employee” shall include any employee, and shall not be limited to the employees of a particular employer, unless the Act explicitly states otherwise, and shall include any individual whose work has ceased as a consequence of, or in connection with, any current labor dispute or because of any unfair labor practice, and who has not obtained any other regular and substantially equivalent employment, but shall not include any individual employed as an agricultural laborer, or in the domestic service of any family or person at his home, or any individual employed by his parent or spouse, or any individual employed as supervisor, or any individual employed by an employer subject to the Railway Labor Act, as amended from time to time, or any other person who is not an employer as herein defined.
[…]
(11) The term “supervisor” means any individual having authority, in the interest of the employer, to hire, transfer, suspend, lay off, recall, promote, discharge, assign, reward, or discipline other employees, or responsibly to direct them, or to adjust their grievances, or effectively to recommend such action, if in connection with the foregoing the exercise of such authority is not of a merely routine or clerical nature, but requires the use of independent judgment.
[…][135]
[Soulignements ajoutés]
[88] Puis, dans le Code du travail québécois adopté en 1964, l’exclusion, identique dans sa formulation à celle qui nous occupe en l’espèce, est prévue à l’article 1m) 1°:
1. Dans le présent code, à moins que le contexte ne s’y oppose, les termes suivants signifient :
[…]
m) « salarié » – une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération, cependant ce mot ne comprend pas :
1° une personne qui, au jugement de la Commission, est employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec ses salariés;
[…] | 1. In this code, unless the context requires otherwise, the following expressions mean:
[…]
(m) "employee" – a person who works for an employer and for remuneration, but the word does not include:
(1) a person who, in the opinion of the Board, is employed as a manager, superintendent, foreman or representative of the employer in his relations with his employees;
[…] [Soulignements ajoutés] |
[89] Le TAT note ceci quant aux amendements apportés subséquemment au Code du travail :
[35] En 1969, le Code est amendé et la reconnaissance volontaire d’association abolie. Pour contrer l’effet de cette abolition sur les associations déjà reconnues de la Ville de Montréal et d’Hydro-Québec, le gouvernement adopte en 1970 un amendement au Code. L’article 20, tel qu’il existait alors, maintient les accréditations pour les associations reconnues volontairement par leur employeur. Le SPIVM et le SPHIQ, ainsi que l’Association des contremaitres employés par la Ville de Montréal, qui ne regroupe, elle, que des employés cadres, sont considérés comme accrédités.
[36] Lors des débats parlementaires entourant cet amendement, la syndicalisation des cadres est abordée plus largement. Le ministre du Travail de l’époque, Pierre Laporte, se dit ouvert à examiner cette question.
[Renvois omis]
[90] Les extraits des débats parlementaires auxquels réfère le TAT révèlent en effet ce qui suit :
M. LAPORTE: […] Le code du travail a été amendé, en 1969, pour éliminer toutes les associations de boutique. On a utilisé un processus légal pour dire que les associations reconnues qui pouvaient théoriquement négocier avec l'employeur, sans que l'employeur ne soit obligé de négocier avec elles, étaient éliminées pour reconnaître les associations accréditées par l'organisme désigné pour le faire.
Quand on l'a amendé, on a oublié qu'il y avait deux associations, qui n'étaient pas des associations de boutique, qui avaient une présence très importante, c'étaient celles de l'Hydro-Québec et la ville de Montréal, les ingénieurs. Elles ont été éliminées, ces deux associations, parce qu'il faut qu'on soit un employé au sens du code du travail, pour être reconnu. Les cadres ne sont pas des employés au sens du code du travail.
On a donc, involontairement, en 1969, éliminé deux associations qui avaient déjà négocié et obtenu des conventions collectives avec la ville de Montréal et avec l’Hydro. Ce que nous voulons, cette année, c'est simplement dire que les associations des employés de la ville de Montréal et de l’Hydro sont reconnues au sens du code du travail, celles qui ont négocié, en 1968, des conventions collectives, afin qu'on ne retourne pas ces deux groupes d'employés à la loi de la jungle, qui était celle qui prévalait avant et qui pourrait peut-être faire l'affaire de certaines gens.
[…]
M. BURNS:
[…]
[…] Je demande au ministre du Travail d'être aussi audacieux que son prédécesseur et dans un avenir très rapproché, de penser à une législation du travail pour le syndicalisme des cadres, le syndicalisme relativement nouveau des professionnels, des gens de la direction. […]
Je pense qu'il faudra repenser cela le plus tôt possible, dès la prochaine session c'est le vœu que j'exprime pour élargir la définition de salarié ou pour nous donner enfin une loi du syndicalisme des cadres. Dans ces circonstances, M. le Président, ce sont les quelques remarques que j'avais à formuler et nous serons d'accord avec le principe de ce bill.
[…]
La crainte qui se présente à nos yeux en lisant ce texte, c'est que, comme il n'y a pas actuellement de dispositions législatives relativement au syndicalisme des cadres et comme l'accréditation que cette Chambre s'apprête à donner à ces deux groupes ne vaudrait que jusqu'au 1er janvier 1972, on peut se demander ce qui arrivera de ces deux syndicats si une loi sur le syndicalisme des cadres adaptée aux problèmes de ces deux syndicats d'ingénieurs n'est pas édictée à la date mentionnée, soit au 1er janvier 1972. […]
[…]
M. LAPORTE: […], nous avons chez nous, à l'étude, certains projets quant au syndicalisme des cadres. Le député de Maisonneuve étant à la fois un homme renseigné sur ces problèmes et raisonnable, admet que ce n'est pas facile.
M. BURNS: Vous voulez me vendre une idée, là?
M. LAPORTE: Je ne vous prépare pas, je ne vous conditionne pas. […] Est-ce que nous aurons réussi, d'ici deux ans, à nous entendre, le conseil des ministres, les syndicalistes, les employeurs, sur une législation, sur le syndicalisme des cadres? Je l'espère. Je n'en suis pas certain parce qu'il y a des écueils considérables qui débordent la province de Québec et qui peuvent intéresser des problèmes canadiens et, que ceci nous plaise ou ne nous plaise pas, des problèmes nord-américains. Si nous avons réussi, d'ici 1972 et c'est un défi que je me fixe à moi dans le bill à trouver un texte de loi qui puisse ordonner le syndicalisme des cadres, aucun problème, tout le monde à ce moment-là sera couvert. […]
Si nous n'avons pas réussi, d'ici 1972, si Dieu me prête vie et si le premier ministre me conserve dans le poste que j'occupe, peut-être serai-je encore ministre du Travail, à ce moment-là, disons que je m'engage personnellement à demander la prolongation de cette loi qui est limitée à 1972. Je crois que la ville de Montréal et l'Hydro-Québec ont autre chose à faire que de retourner à la loi de la jungle avec leur syndicat qui inclut certains fonctionnaires cadres. […][136]
[Soulignements ajoutés]
[91] Puis, en 1971, le ministre du Travail de l’époque faisait suite aux engagements précités pris par son prédécesseur :
M. COURNOYER: […]
Ce bill, qui est très court, n'annonce rien. Il ne fait que donner ou maintenir une permission de facto reconnue par la loi d'une façon spéciale l'an dernier. Il la maintient, cette fois-ci, pour une période indéterminée jusqu'à ce que d'autres législations générales soient applicables aux cadres ou aux professionnels à l'emploi non seulement de d'Hydro et de la ville de Montréal, mais d'autres compagnies ou d'autres organismes gouvernementaux ou para-gouvernementaux.
Je ne peux dire à quelle époque ce projet de loi peut venir. Je n'ai qu'un projet de loi ici, c'est celui qui prolonge une reconnaissance de facto déjà consentie par les deux organismes en question à des syndicats d'ingénieurs qui pouvaient comporter des cadres dans leur sein. Si vous vous en souvenez, on en a parlé longtemps. Il s'agissait d'un accident, semble-t-il, de la nouvelle rédaction du code du travail qui avait aboli tous les syndicats reconnus et ordonnait une accréditation nouvelle par le commissaire-enquêteur pour tous les syndicats, y compris les syndicats d'ingénieurs de la ville de Montréal et les syndicats d'ingénieurs de l'Hydro-Québec.
Ce bill a donc pour effet, au moins pour le moment, de permettre que les négociations qui avaient eu cours auparavant entre le syndicat des ingénieurs et l'Hydro-Québec ou le syndicat des ingénieurs et la ville de Montréal se fassent sur la même base qu'elles se faisaient avant que le code du travail, par radiation, ne détruise la reconnaissance de facto consentie par les deux organismes en question. C'est donc une prolongation, tout simplement, du bill de l'an passé qui avait été adopté par mon prédécesseur pour permettre justement la même négociation d'une convention collective chez les ingénieurs à l'emploi de l'Hydro et de la ville de Montréal.
[…]
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): […]
On prolonge cette loi, mais cela ne règle pas le cas des ingénieurs de la ville de Québec, par exemple; cela règle tout simplement le cas des ingénieurs de la ville de Montréal et de l'Hydro-Québec. Nous voterons nécessairement pour ce projet de loi, mais avec l'espoir que le ministre nous présentera, dans un avenir assez rapproché, une loi qui amenderait le code du travail afin de permettre à tout le personnel de cadre de toutes les associations de la province de Québec de se syndiquer et de négocier des conventions collectives de travail. Nous voterons donc pour ce projet de loi. Merci.[137]
[Soulignements ajoutés]
[92] Bien que législateur québécois n’ait pas adopté de loi par la suite afin que toutes les associations de cadres soient « couvertes », pour reprendre les termes du ministre Laporte, par le régime de relations de travail du C.t., comme l’observe le TAT aux paragraphes 51 et 52 de sa décision, les associations, ou syndicats, des contremaîtres de la Ville de Montréal, d’une part, et des ingénieurs cadres regroupés au sein du Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec, d’autre part, lesquels faisaient l’objet d’une reconnaissance volontaire de l’employeur avant 1969, ont été reconnus par voie législative. D’autres associations de cadres ont été reconnues par décret[138].
[93] Cela dit, la Cour reviendra plus en détail sur les enseignements de la Cour suprême concernant la portée et la finalité de la liberté d’association. Il suffit ici de rappeler que dans Saskatchewan, un arrêt qui, comme le soulignait récemment le juge Morissette, a opéré un « net revirement jurisprudentiel »[139], la juge Abella résumait comme suit les attributs essentiels de cette liberté :
[24] […] De pair avec le droit de s’associer, de s’exprimer par l’entremise de l’agent négociateur de leur choix et de négocier collectivement avec leur employeur par l’entremise de cet agent, le droit de grève des salariés est indispensable à la protection du processus véritable de négociation collective pour l’application de l’al. 2d). […][140]
[Soulignements ajoutés]
[94] D’emblée, il est pertinent de rappeler que le Canada est membre de l’OIT. Le préambule de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail[141] énonce, parmi les moyens susceptibles d'améliorer la condition des travailleurs et d'assurer la paix, « l'affirmation du principe de la liberté syndicale ».
[95] La Convention (n°87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical[142] a été ratifiée par le Canada en 1972. Ses articles 1, 2 et 11 édictent ce qui suit :
[…]
[Soulignement ajouté]
[96] La Convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective[143] , qui a été ratifiée par le Canada en 2017, prévoit notamment ce qui suit :
Article 2
1. Les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration.
2. Sont notamment assimilées à des actes d'ingérence au sens du présent article des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs.
[97] Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[144], adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier 1976 et auquel a aussi adhéré le Canada prévoit quant à lui à son article 8 que :
Article 8
1. Les États parties au présent Pacte s'engagent à assurer:
a) Le droit qu'a toute personne de former avec d'autres des syndicats et de s'affilier au syndicat de son choix, sous la seule réserve des règles fixées par l'organisation intéressée, en vue de favoriser et de protéger ses intérêts économiques et sociaux. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de l'ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d'autrui.
b) Le droit qu'ont les syndicats de former des fédérations ou des confédérations nationales et le droit qu'ont celles-ci de former des organisations syndicales internationales ou de s'y affilier.
c) Le droit qu'ont les syndicats d'exercer librement leur activité, sans limitations autres que celles qui sont prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de l'ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d'autrui.
d) Le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays.
2. Le présent article n'empêche pas de soumettre à des restrictions légales l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de la fonction publique.
3. Aucune disposition du présent article ne permet aux États parties à la Convention de 1948 de l'Organisation internationale du Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de prendre des mesures législatives portant atteinte — ou d'appliquer la loi de façon à porter atteinte — aux garanties prévues dans ladite convention.
[Soulignements ajoutés]
[98] Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques[145] adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 19 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976 et auquel le Canada a adhéré, édicte ce qui suit à ses articles 2 et 22 :
Article 2
1. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
2. Les États parties au présent Pacte s'engagent à prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions du présent Pacte, les arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux droits reconnus dans le présent Pacte qui ne seraient pas déjà en vigueur.
3. Les États parties au présent Pacte s'engagent à:
a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles;
b) Garantir que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l'État, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel;
c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié.
[…]
Article 22
1. Toute personne a le droit de s'associer librement avec d'autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d'y adhérer pour la protection de ses intérêts.
2. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d'autrui. Le présent article n'empêche pas de soumettre à des restrictions légales l'exercice de ce droit par les membres des forces armées et de la police.
3. Aucune disposition du présent article ne permet aux États parties à la Convention de 1948 de l'Organisation internationale du Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de prendre des mesures législatives portant atteinte — ou d'appliquer la loi de façon à porter atteinte — aux garanties prévues dans ladite convention.
[Soulignements ajoutés]
[99] Enfin, la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail[146], adoptée le 18 juin 1998 par la Conférence internationale du Travail, organe plénier de l’OIT[147], contient à son article 2(a) la déclaration que :
2. […] l'ensemble des Membres, même lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions en question, ont l'obligation, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions, à savoir:
(a) la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective;
[…]
[100] En lien manifeste avec ces instruments internationaux, l’alinéa 2d) de la Charte canadienne et l’article 3 de la Charte québécoise prévoient ce qui suit :
[Charte canadienne] Libertés fondamentales 2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
[…]
d) liberté d’association.
[Charte québécoise] 3. Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association.
|
Fundamental Freedoms 2. Everyone has the following fundamental freedoms:
[…]
(d) freedom of association.
3. Every person is the possessor of the fundamental freedoms, including freedom of conscience, freedom of religion, freedom of opinion, freedom of expression, freedom of peaceful assembly and freedom of association.
[Soulignements ajoutés] |
[101] On ne saurait mieux faire ici que de reprendre les principaux extraits du résumé que la juge en chef McLachlin et le juge LeBel faisaient en 2015, dans l’arrêt AMPO, de l’évolution de la jurisprudence de la Cour suprême sur la liberté d’association :
A. Évolution de la jurisprudence sur l’al. 2d) vers une interprétation téléologique et contextuelle
[30] La jurisprudence sur la liberté d’association garantie par l’al. 2d) de la Charte — qui s’est principalement développée en matière de relations de travail […] — se divise en deux périodes importantes. La première s’est caractérisée par une interprétation restrictive de la liberté d’association. La seconde a, pour sa part, graduellement privilégié une interprétation généreuse et fondée sur l’objet de la garantie constitutionnelle.
[31] Dans ce qu’on appelle désormais la « trilogie en droit du travail », la Cour a conclu à la majorité que l’al. 2d) ne garantit ni le droit de négocier collectivement ni celui de faire la grève (Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313 (« Renvoi relatif à l’Alberta »); AFPC c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 424et SDGMR c. Saskatchewan, [1987] 1 R.C.S. 460).
[…]
[41] Pour résumer, et malgré des dissidences notables, on peut affirmer que, pendant cette première période, les juges majoritaires de la Cour ont donné à la liberté d’association une interprétation étroite qui ne protégeait que la simple constitution de l’association et l’exercice collectif des libertés individuelles. Cette interprétation a prédominé pendant un certain temps. […]
[42] Parallèlement aux affaires mentionnées précédemment, la Cour a examiné « l’envers » de la liberté d’association, soit celle de ne pas s’associer : Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario […]; R. c. Advance Cutting & Coring Ltd. […]; confirmé par Bernard c. Canada (Procureur général), […]. Or, les arrêts Lavigne et Advance Cutting sont importants parce qu’ils ont appliqué à l’al. 2d) l’interprétation téléologique. […]
[43] Ces décisions ont marqué l’amorce du virage de la Cour vers une interprétation plus généreuse et fondée sur l’objet visé de l’al. 2d), interprétation confirmée de manière catégorique dans l’arrêt Dunmore c. Ontario (Procureur général) […].
[44] En raison de l’importance accrue qui avait été accordée à l’aspect collectif de la liberté d’association et à son interprétation téléologique, l’arrêt Health Services[148] a expressément reconnu que l’al. 2d) garantit le droit de négocier collectivement. Les sept juges qui ont entendu ce pourvoi ont tous convenu que, selon une interprétation téléologique de l’al. 2d), le droit des employés de participer à un processus de négociation collective devait bénéficier d’une protection constitutionnelle :
Selon les principes élaborés dans Dunmore et dans cette perspective historique et internationale, le droit constitutionnel de négocier collectivement vise à protéger la capacité des travailleurs de participer à des activités associatives et leur capacité d’agir collectivement pour réaliser des objectifs communs concernant des questions liées au milieu de travail et leurs conditions de travail. (Par. 89, la juge en chef McLachlin et le juge LeBel; voir aussi le par. 174, la juge Deschamps.)
[45] Enfin, dans l’arrêt Fraser[149], la Cour a réaffirmé que l’al. 2d) confère le droit de participer à un processus de négociation collective, c’est-à-dire de former une association véritable en vue de réaliser des objectifs relatifs au travail. Ce droit à un processus véritable s’entend des droits des employés de s’associer, de formuler des revendications collectives auprès de l’employeur et de les voir prises en considération de bonne foi :
En effet, [l’al. 2d)] garantit, dans le contexte des relations du travail, le droit à un processus véritable. Dans cette optique, on ne saurait tenir pour véritable un processus qui permet à l’employeur de ne même pas prendre en compte les observations de ses employés. [...] À défaut d’un tel processus, l’association aux fins de réaliser des objectifs liés au travail perd sa raison d’être, ce qui entrave substantiellement l’exercice de la liberté d’association. On peut entraver l’exercice de la liberté d’association voué à la réalisation d’objectifs liés au travail en frappant d’interdiction la formation d’associations d’employés. On peut le faire tout aussi efficacement en établissant un système qui rend impossible la négociation véritable de questions liées au travail. [par. 42]
[46] En résumé, après une période initiale marquée par une réticence à reconnaître toute la portée de la liberté d’association en matière de relations de travail, la jurisprudence a évolué vers une approche généreuse de cette liberté. Cette approche visait essentiellement à encourager l’épanouissement individuel et la réalisation collective des objectifs humains, dans le respect des valeurs démocratiques, à la lumière des « origines historiques des concepts enchâssés » dans l’al. 2d) (R. c. Big M Drug Mart Ltd […]).
[Soulignements ajoutés]
[102] En janvier 2015, la Cour suprême rend trois arrêts concernant la portée de la liberté d’association : l’arrêt précité APMO[150] et l’arrêt Meredith[151], puis, deux semaines plus tard, l’arrêt Saskatchewan[152].
[103] L’arrêt Meredith revêt moins d’importance aux fins qui nous occupent dans la mesure où la constitutionnalité du régime global de relations de travail de la GRC n’était pas en cause.
[104] L’arrêt APMO concerne quant à lui la constitutionnalité de l’imposition d’un régime non syndical de relations du travail aux membres de la GRC, rendue possible par l’exclusion de ces derniers du régime de négociation collective prévu par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique[153]. Avant d’arriver aux questions soulevées, les juges majoritaires procèdent à une synthèse des considérations devant guider les tribunaux appelés à se prononcer sur la portée de l’al. 2d). Les trois catégories d’activités protégées par la liberté d’association sont ainsi résumées :
(1) le droit de s’unir à d’autres et de constituer des associations;
(2) le droit de s’unir à d’autres pour exercer d’autres droits constitutionnels; et,
(3) le droit de s’unir à d’autres pour faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force d’autres groupes ou entités.[154]
[105] Après avoir expliqué les enseignements à retenir des arrêts Health Services et Fraser[155], la majorité récapitule en soulignant qu’essentiellement l’al. 2d) protège contre une entrave substantielle au droit à un processus véritable de négociation collective[156] et que :
[80] […] Portera donc atteinte au droit à un processus véritable de négociation collective tout régime législatif qui prive les employés de protections adéquates dans leurs interactions avec l’employeur de manière à créer une entrave substantielle à leur capacité de véritablement mener des négociations collectives.
[Caractères gras et soulignement ajouté]
[106] La majorité poursuit en expliquant qu’un processus véritable de négociation collective se reconnaît à deux caractéristiques principales : « […] il offre aux employés une liberté de choix et une indépendance suffisantes pour leur permettre de décider de leurs intérêts collectifs et de véritablement les réaliser »[157].
[107] Au bout du compte, la Cour conclut que l’exclusion des membres de la GRC de la définition de « fonctionnaire » contenue au paragr. 2(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique fédérale[158] (« LRTFP »), dont l’objet était d’entraver leur liberté d’association et qui avait permis leur assujettissement à un régime différent du cadre général applicable à la fonction publique fédérale[159], constituait une entrave substantielle à cette liberté et contrevenait donc à l’al. 2d) de la Charte canadienne[160].
[108] La Cour précise par ailleurs que bien qu’il eût été suffisant de conclure à une violation de l’alinéa 2d) sur le seul fondement des objets de l’exclusion législative et de l’imposition aux membres de la GRC d’un régime de relations de travail particulier, elle aurait aussi conclu à une violation de la liberté d’association en raison des effets de ce régime[161].
[109] Dans l’arrêt Saskatchewan, la Cour a confirmé que le droit de grève est indispensable au processus de négociation collective protégé par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne : « sans le droit de grève, [traduction] "le droit constitutionnel de négocier collectivement perd tout son sens" »[162].
[110] La majorité, sous la plume de la juge Abella, établit par ailleurs qu’afin de déterminer s’il y a ou non atteinte à l’al. 2d), le test consiste à vérifier « si, dans un cas donné, l’entrave législative au droit de grève équivaut ou non à une entrave substantielle à la négociation collective »[163].
[111] La juge Abella rappelle aussi la pertinence du droit international du travail aux fins de cerner les obligations du Canada en cette matière, ce qu’avait souligné la Cour avec insistance dans l’arrêt Health Services[164] en 2007 :
[69] Même si, à strictement parler, elles n’ont pas d’effet obligatoire, les décisions du Comité de la liberté syndicale ont une force persuasive considérable et elles ont été citées avec approbation et largement reprises à l’échelle mondiale par les cours de justice, les tribunaux administratifs et d’autres décideurs, y compris notre Cour […]. Le Comité de la liberté syndicale a vu s’accroître avec le temps la pertinence et le caractère persuasif de ses décisions dans l’usage et dans la pratique et, au sein de l’OIT, c’est à lui principalement qu’il a incombé de délimiter le droit de grève […].
[70] Le Canada est également partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 999 R.T.N.U. 171 (PIDCP), auquel sont incorporées la Convention (no 87) et les obligations qu’elle crée (voir le paragraphe 3 de l’article 22; […].
[71] Par ailleurs, un consensus se dégage à l’échelle internationale en ce qui concerne la nécessité du droit de grève pour une négociation collective véritable. La Cour européenne des droits de l’homme partage désormais cet avis. […]
[Soulignement ajouté]
[112] En résumé, les principes d’interprétation internationaux et les éléments essentiels suivants de la liberté d’association reconnue par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne ressortent de la jurisprudence de la Cour suprême :
- il faut présumer que la Charte canadienne accorde une protection au moins aussi grande que les instruments internationaux ratifiés par le Canada en matière de droits de la personne[165];
- pour l’interprétation de l’al. 2d), les textes internationaux les plus utiles sont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical[166];
- l’al. 2d) protège le droit des salariés de prendre part à un processus véritable de négociation collective;
- ce processus véritable comprend le droit des salariés de se regrouper en vue d’atteindre des objectifs liés au travail, de faire des représentations collectives à leur employeur et de les voir prises en compte de bonne foi, ce qui comprend l’accès à une voie de recours efficace pour le cas où l’employeur ne négocierait pas de bonne foi;
- un processus de négociation collective ne peut être véritable lorsque les salariés n’ont pas la liberté de choix et l’indépendance voulues pour décider de leurs intérêts collectifs et les poursuivre;
- le droit de grève constitue un élément essentiel d’un processus véritable de négociation collective. Il n’est pas seulement dérivé du droit à la négociation collective, il en constitue une composante indispensable.
[113] La détermination du cadre analytique applicable en l’espèce vise à permettre de trancher une question constitutionnelle et constitue donc une question de droit[167].
[114] La juge de la Cour supérieure conclut d’abord que la décision du TAT de recourir au cadre d’analyse indiqué par la Cour suprême dans l’arrêt APMO est incorrecte[168]. Selon elle, le TAT devait plutôt recourir au cadre d’analyse de l’arrêt Baier, applicable dans les cas où le demandeur revendique un « droit positif », soit une intervention positive de l’État.
[115] Procédant néanmoins ensuite à réviser l’analyse effectuée par le TAT selon l’arrêt Baier, exercice que ce dernier a effectué de façon subsidiaire, la juge conclut qu’il a erré sur le dernier critère en déterminant que l’État est responsable de l’incapacité des membres de l’Association d’entreprendre et de mener un véritable processus de négociation collective avec l’Employeur.
[116] Avec égards, la Cour est d’avis qu’elle a tort sur les deux points.
[117] D’abord, rappelons en quoi consistent les cadres analytiques des arrêts Dunmore/Baier, d’une part, et APMO, d’autre part.
[118] Dans l’arrêt Dunmore rendu en 2001[169], la Cour suprême se prononçait sur l'exclusion des travailleurs agricoles du régime légal des relations de travail de l’Ontario. Le juge Bastarache, pour la majorité, rappelle d’abord le fardeau de la partie qui invoque une violation de l’al. 2d) et aborde ensuite la question de la responsabilité de l’État au regard de la liberté garantie, avec ce qui appert être la première introduction de la distinction liberté vs droit, ou droit négatif vs droit positif dans la jurisprudence de la Cour portant sur la liberté d’association :
13 Pour établir l’atteinte à l’al. 2d) de la Charte, les appelants doivent prouver premièrement que les activités considérées font partie de celles qu’il protège et, deuxièmement, que les dispositions contestées, par leur objet ou leur effet, compromettent ces activités […]. Après l’examen du contenu de la liberté d’association, je délimiterai la responsabilité de l’État découlant de l’al. 2d) de la Charte. Plus précisément, j’examinerai s’il oblige seulement l’État à respecter les libertés syndicales ou s’il l’oblige aussi à les protéger en interdisant les actes attentatoires de personnes privées. […]
[…]
19 Après l’examen du contenu de la liberté syndicale, il faut déterminer l'étendue de la responsabilité de l'État vis-à-vis de cette liberté. On qualifie généralement cette responsabilité de « négative » par nature, en ce sens que le Parlement et les législatures provinciales sont seulement tenus de s'abstenir de toute intervention portant atteinte (par son objet ou son effet) à une activité associative protégée. À l’inverse, la Charte n’oblige pas l’État à prendre des mesures positives pour préserver ou faciliter l’exercice de libertés fondamentales.
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[119] C’est à l’aune de cette approche que le juge Bastarache formule de la façon suivante ce qui deviendra, comme on le verra plus après, la troisième étape du cadre analytique formulé par le juge Rothstein dans l’arrêt Baier[170] :
26 À supposer qu’il existe un fondement probatoire, la troisième question est de savoir si l’État peut vraiment être tenu responsable de toute incapacité d'exercer une liberté fondamentale. […]
[Soulignement ajouté]
[120] Le juge Bastarache précise ensuite ce qui suit, avant de trancher au final, pour la majorité, « qu’il est raisonnable de conclure que l’exclusion des travailleurs agricoles de la LRT porte substantiellement atteinte à leur liberté fondamentale de s’organiser »[171] :
27 L’idée que la non-inclusion peut porter atteinte à la liberté d’association est non seulement implicite dans la jurisprudence canadienne relative à la Charte, mais elle est aussi compatible avec le droit international des droits de la personne. […]
28 En somme, bien qu'il soit généralement souhaitable de limiter l’examen des cas de non-inclusion au par. 15(1), cela ne vaut pas lorsque la non-inclusion emporte la négation effective d'une liberté fondamentale comme la liberté d'association. Ces cas ne seront pas monnaie courante : ils sont limités par l’art. 32 de la Charte, qui exige un minimum d’action gouvernementale pour que la Charte puisse s’appliquer, ainsi que par les facteurs examinés plus haut. Cependant, une demande d’inclusion ne devrait pas être automatiquement rejetée à l’issue d’une analyse fondée sur l’al. 2d) : selon les circonstances, la liberté d'association peut, par exemple, interdire l’exclusion sélective d’un groupe de la protection nécessaire à la formation et au maintien d'une association, même s’il n’existe en soi aucun droit constitutionnel à une telle protection de la loi. En ce sens, la charge de preuve imposée par l’al. 2d) de la Charte diffère de celle imposée par le par. 15(1) : ce dernier met l’accent sur les effets de la non-inclusion sur la dignité humaine […], alors que l’al. 2d) vise les effets de la non-inclusion sur la capacité d'exercer une liberté fondamentale. La distinction ressort du libellé même de la Charte et est confirmée par la jurisprudence postérieure de notre Cour […].
[Soulignements ajoutés]
[121] Six ans plus tard, dans l’arrêt Baier[172], une affaire mettant en cause la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne, le juge Rothstein emprunte à Dunmore pour élaborer un cadre d’analyse faisant appel plus expressément à une polarisation des droits et libertés garantis par la Charte canadienne :
[30] Dans les cas où le gouvernement qui défend une mesure contestée sur le fondement de la Charte plaide — ou que l’auteur de la demande fondée sur la Charte concède — que les droits positifs revendiqués sont demandés en vertu de l’al. 2b), le tribunal doit procéder comme suit. Dans un premier temps, il doit se demander si l’activité pour laquelle le demandeur réclame la protection de l’al. 2b) est une forme d’expression. Dans l’affirmative, le tribunal doit, dans un deuxième temps, décider si le demandeur revendique un droit positif à une mesure gouvernementale ou simplement le droit d’être protégé contre l’ingérence du gouvernement. Enfin, troisièmement, s’il s’agit d’une demande d’intervention positive, les trois conditions énoncées dans Dunmore doivent être prises en considération : (1) la demande doit reposer sur des libertés fondamentales garanties par la Charte plutôt que sur l’accès à un régime légal précis; (2) le demandeur doit démontrer que l’exclusion du régime légal constitue une entrave substantielle à l’exercice de l’activité protégée par l’al. 2b) ou que l’objet de l’exclusion était de faire obstacle à une telle activité; (3) l’État doit pouvoir être tenu responsable de toute incapacité d’exercer une liberté fondamentale. Si le demandeur ne peut satisfaire à ces critères, la demande fondée sur l’al. 2b) sera rejetée. Si les trois conditions sont remplies, l’al. 2b) a été violé et le tribunal procédera alors à l’analyse fondée sur l’article premier.[173]
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[122] Dans l’arrêt AMPO[174], rendu en 2015, la Cour suprême ne reprend pas ce cadre d’analyse multifactoriel, mais examine plutôt la validité constitutionnelle des dispositions en litige sous l’angle de l’entrave substantielle à la liberté d’association :
[80] Pour récapituler, l’al. 2d) protège contre une entrave substantielle au droit à un processus véritable de négociation collective. Historiquement, les travailleurs se sont associés pour « faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force de ceux avec qui leurs intérêts interagissaient et, peut-être même, entraient en conflit », c’est-à-dire leur employeur […]. La garantie prévue à l’al. 2d) de la Charte ne peut faire abstraction du déséquilibre des forces en présence dans le contexte des relations du travail. Le permettre reviendrait à ne pas tenir compte « des origines historiques des concepts enchâssés » à l’al. 2d) […]. Portera donc atteinte au droit à un processus véritable de négociation collective tout régime législatif qui prive les employés de protections adéquates dans leurs interactions avec l’employeur de manière à créer une entrave substantielle à leur capacité de véritablement mener des négociations collectives.
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[123] AMPO ne recourt donc pas à la distinction droit positif vs droit négatif et à la question de la responsabilité de l’État dans l’analyse de l’existence ou non d’une entrave substantielle à la capacité des personnes ou de l’organisation concernées de mener de véritables négociations collectives.
[124] De même, cet arrêt référant aux principes énoncés dans l’arrêt Big M Drug Mart[175], il est opportun de rappeler que le juge Dickson, dont la dissidence dans le Renvoi relatif à l’Alberta jettera les bases de la trilogie de 2015 de la Cour suprême sur la portée de la liberté d’association, y écrivait ce qui suit pour la majorité, sans référence au caractère positif ou négatif du droit ou de la liberté constitutionnels en jeu :
80. […] À mon avis, l'objet et l'effet d'une loi sont tous les deux importants pour déterminer sa constitutionnalité; un objet inconstitutionnel ou un effet inconstitutionnel peuvent l'un et l'autre rendre une loi invalide. Toute loi est animée par un but que le législateur compte réaliser. Ce but se réalise par les répercussions résultant de l'opération et de l'application de la loi. L'objet et l'effet respectivement, au sens du but de la loi et de ses répercussions ultimes, sont nettement liés, voire inséparables. On s'est souvent référé aux effets projetés et aux effets réels pour évaluer l'objet de la loi et ainsi sa validité.
[…]
88. […] Donc, si, de par ses répercussions, une loi qui a un objet valable porte atteinte à des droits et libertés, il serait encore possible à un plaideur de tirer argument de ses effets pour la faire déclarer inapplicable, voire même invalide. […].
[Soulignements ajoutés]
[125] Dans l’arrêt Fraser[176], la juge en chef McLachlin et le juge LeBel émettent d’ailleurs des réserves sur la distinction entre droits ou libertés positives et négatives aux fins de l’analyse de la liberté d’association, relevant au surplus celles formulées par le juge Bastarache lui-même dans Dunmore :
[68] […] Dans Dunmore, le juge Bastarache souligne qu’« on peut se demander si la distinction entre obligations positives et négatives de l’État doit être nuancée dans le contexte des relations de travail » (par. 20). Il ajoute que
L’histoire a montré, et les législateurs canadiens ont uniformément reconnu, qu’une attitude de retenue de la part du gouvernement dans le domaine des relations de travail expose la plupart des travailleurs non seulement à diverses pratiques déloyales de travail, mais peut aussi engager leur responsabilité juridique en common law pour coalition ou restriction du commerce [...] Dans ce contexte, il faut se demander si, pour que la liberté syndicale ait un sens, l’al. 2d) de la Charte impose à l’État l’obligation positive d’étendre la protection légale à des groupes non protégés. [par. 20]
[69] Notre Cour s’est toujours refusé à établir une distinction rigide entre les libertés « positives » et les droits « négatifs » consacrés par la Charte. […] Comme le souligne la juge L’Heureux Dubé dans l’arrêt Haig c. Canada […] :
Les distinctions entre « libertés » et « droits » et entre droits positifs et droits négatifs ne sont pas toujours nettes ni utiles. On ne doit pas s’éloigner du contexte de l’approche fondée sur l’objet énoncée par notre Cour dans l’arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., […]. Suivant cette approche, il pourrait se présenter une situation dans laquelle il ne suffirait pas d’adopter une attitude de réserve pour donner un sens à une liberté fondamentale, auquel cas une mesure gouvernementale positive s’imposerait peut‑être. Celle‑ci pourrait, par exemple, revêtir la forme d’une intervention législative destinée à empêcher la manifestation de certaines conditions ayant pour effet de museler l’expression, ou à assurer l’accès du public à certains types de renseignements. […]
[…]
[71] En toute déférence, nous ne pouvons déduire de la manière dont elle est conçue que la Charte établit une distinction rigide entre les libertés et les droits. […][177]
[Soulignements ajoutés]
[126] La juge Deschamps abonde dans le même sens dans ses motifs concourants :
[316] L’arrêt Dunmore repose sur la distinction entre droits positifs et droits négatifs. À mon sens, il est périlleux de recourir à cette distinction pour déterminer s’il y a atteinte à l’al. 2d). La doctrine et la jurisprudence nous justifient amplement de faire preuve de prudence avant de s’engager dans une démarche fondée sur une telle distinction, en particulier lorsqu’une action ou une omission de l’État est en cause. […]
[317] Distinguer entre la liberté d’exercer un droit et le droit d’exercer une liberté, sans entrave active ou passive de l’État, risque de détourner le débat de la teneur réelle de la garantie constitutionnelle. […]
[Soulignement ajouté]
[127] Il importe toutefois de noter que, tout récemment, dans l’arrêt Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général)[178] (« Toronto »), une affaire en matière de liberté d’expression où elle aborde et applique l’arrêt Baier, la Cour suprême reprend la distinction entre libertés positives et négatives et laisse la porte ouverte à la possibilité que le cadre analytique élaboré dans Baier puisse être appliqué aussi aux fins d’analyse de la validité constitutionnelle de dispositions ou mesures adoptées dans le contexte de relations de travail. Les juges Wagner et Brown ont rendu jugement pour une majorité de cinq[179], les quatre juges dissidents s’étant exprimés sous la plume de la juge Abella[180].
[128] L’issue du pourvoi dépendant de la portée à donner à la liberté d’expression garantie par l’al. 2b) de la Charte[181], la majorité revoit d’abord les enseignements de l’arrêt Baier :
[16] En outre, et ce qui revêt une importance particulière dans le présent pourvoi, l’al. 2b) a été interprété comme « impos[ant] d’une manière générale [...] une obligation négative et non une obligation positive de protection ou d’aide » (Baier, par. 20 (nous soulignons), […]). Une revendication est à juste titre qualifiée de négative lorsque le demandeur cherche à « ne pas être assujett[i] à des dispositions législatives ou à des mesures gouvernementales supprimant une activité expressive qu’i[l] serai[t] autrement libr[e] d’exercer » (Baier, par. 35 (nous soulignons)). De telles revendications de droit fondées sur l’al. 2b) sont examinées selon le cadre d’analyse établi par notre Cour dans l’arrêt Irwin Toy.
[…]
[18] Pour déterminer si, en l’espèce, la province a restreint l’exercice d’un droit protégé par l’al. 2b), il est donc central de qualifier la revendication comme il se doit en décidant si elle porte sur un droit positif ou négatif. Dans l’arrêt Baier, notre Cour a soustrait les demandes visant un droit positif du cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Irwin Toy et les a soumises à un seuil plus élevé. Cela est nécessaire, étant donné la facilité avec laquelle les demandeurs peuvent généralement démontrer une restriction à la liberté d’expression en suivant le test établi dans l’arrêt Irwin Toy. Un seuil élevé pour les demandes visant un droit positif réduit les circonstances dans lesquelles un gouvernement ou une législature doit légiférer ou agir autrement pour soutenir la liberté d’expression. […]
[19] Le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Baier n’est donc pas limité, comme le suggère notre collègue, à « traiter du caractère non inclusif de régimes légaux » (par. 148). Notre Cour n’aurait pu exprimer plus clairement dans cette décision que ce cadre s’applique là « où le gouvernement qui défend une mesure contestée sur le fondement de la Charte plaide — ou que l’auteur de la demande fondée sur la Charte concède — que les droits positifs revendiqués sont demandés en vertu de l’al. 2b) » (par. 30). S’il en était autrement — c’est‑à‑dire si l’arrêt Baier ne s’appliquait qu’aux causes relatives à la sous-inclusion —, les revendications visant la création ou l’extension de tribunes par voie législative seraient examinées à la lumière du test fixé dans cet arrêt tandis que celles visant la préservation de ces mêmes tribunes le seraient suivant le test prescrit par l’arrêt Irwin Toy. Cela serait illogique. La portée de l’arrêt Baier va au‑delà des causes de sous-inclusion ou d’exclusion, et elle limite catégoriquement « l’obligation [de l’État] de mettre une tribune donnée à la disposition de citoyens » […]. Cela reflète la séparation des pouvoirs. En effet, il est préférable de laisser aux ordres élus de l’État le soin de décider s’il convient de concevoir une tribune d’origine législative ou réglementaire et la façon de le faire.
[20] Il ne faudrait pas extrapoler de nos propos que l’al. 2b) accorde un droit qui est totalement positif ou totalement négatif. De nombreux droits reconnus par la Constitution ont des dimensions à la fois positives et négatives, et le cadre d’analyse établi par l’arrêt Baier reconnaît expressément qu’il en est ainsi pour ceux protégés par l’al. 2b). La distinction entre les dimensions positive et négative des droits demeure toutefois importante lorsqu’il s’agit d’examiner la nature de l’obligation que la revendication cherche à faire porter par l’État : [traduction] « ... les dimensions positives d’un droit exigent que le gouvernement agisse de certaines façons, alors que ses dimensions négatives exigent de lui qu’il s’abstienne d’agir de certaines façons » […].
[Soulignements et caractères gras ajoutés; italiques dans l’original]
[129] Une fois ces principes exposés, la majorité ajoute les commentaires qui suivent, lesquels revêtent davantage de pertinence pour les fins qui nous occupent :
[21] Le présent pourvoi offre donc l’occasion de confirmer et de clarifier l’application de l’arrêt Baier aux revendications visant un droit positif fondées sur l’al. 2b). Cet arrêt demeure valable dans le contexte de l’al. 2b). Il adopte en outre un cadre d’analyse établi pour la première fois dans l’arrêt Dunmore, qui a lui‑même tranché une revendication fondée sur l’al. 2d) (liberté d’association). Il n’est pas nécessaire de décider en l’espèce si l’arrêt Dunmore demeure applicable aux revendications fondées sur l’al. 2d) (la question n’est pas tranchée, étant donné les arrêts rendus par notre Cour dans Ontario (Procureur général) c. Fraser, […], et Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), […]. En l’espèce, il nous suffit de confirmer que l’arrêt Baier offre un cadre d’analyse utile et nécessaire dans le contexte des revendications visant un droit positif fondées sur l’al. 2b) […].
[Soulignement et caractères gras ajoutés]
[130] Qu’en retenir aux fins qui nous occupent, alors que le plus haut tribunal au pays a laissé ouverte la question de la validité du cadre analytique de l’arrêt Baier dans le cadre de revendications qui mettent plutôt en cause la liberté d’association? Le questionnement est d’autant plus pertinent que, bien que dans l’arrêt Baier le juge Rothstein dresse un parallèle avec les propos du juge Bastarache dans Dunmore, rendu celui-là en matière de liberté d’association, dans AMPO la juge en chef McLachlin et le juge LeBel ont souligné que « [l]e droit d’association ne représente pas simplement un droit dérivé des autres droits et libertés garantis par la constitution. Au contraire, il constitue un droit distinct doté d’un contenu autre […] »[182].
[131] Les quatre juges dissidents dans l’arrêt Toronto, sous la plume de la juge Abella, mettent d’ailleurs en garde contre une utilisation extensive du cadre d’analyse de l’arrêt Baier :
[149] De plus, l’application du cadre d’analyse prescrit par l’arrêt Baier a été circonscrite à ses circonstances particulières par l’arrêt subséquent de la Cour, Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie‑Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295. S’exprimant pour une majorité de 7 juges contre 1, la juge Deschamps a expliqué que l’arrêt Baier « résume les critères permettant de déterminer les quelques circonstances dans lesquelles l’al. 2b) exige du gouvernement qu’il mette à la disposition d’une personne ou d’un groupe de personnes un mode d’expression ou une “tribune” dont l’accès est trop restreint » (par. 30). Elle a aussi mis en garde contre l’idée d’élargir la portée de l’arrêt Baier au‑delà de ses limites strictes :
Interprét[é] hors contexte, [l’arrêt Baier] pourrai[t] dans bien des cas transformer une affaire de liberté d’expression en une revendication de droit positif. L’expression dans un endroit ou un espace public suppose nécessairement quelque appui ou habilitation de la part du gouvernement. L’existence de rues, de parcs et d’autres lieux publics tient souvent à une loi ou à une mesure gouvernementale. S’il suffisait que l’État appuie ou permette l’activité expressive pour que soit justifié l’examen sous l’angle de la revendication d’un droit positif, on pourrait soutenir que la demande d’accès à un parc public par des manifestants devrait être considérée en fonction du cadre d’analyse de l’arrêt Baier, car pour accéder à la demande, l’État devrait permettre l’expression par la mise à disposition du moyen requis (le lieu). Ce serait mal interpréter l’arrêt Baier.
Interprété globalement, l’arrêt Baier indique clairement que le fait d’appuyer ou de permettre l’activité expressive doit être relié à une demande faite à l’État de donner accès à un mode d’expression en particulier. En effet, dans cet arrêt, la Cour distingue entre imposer à l’État l’obligation de mettre une tribune donnée à la disposition de citoyens et protéger la liberté d’expression sous‑jacente de ceux qui ont la faculté de se prévaloir d’une tribune (par. 42). [Italique ajouté; par. 34‑35.]
[…]
[152] Quoi qu’il en soit, la distinction entre droits positifs et droits négatifs est une lorgnette qui n’aide pas à trancher les demandes présentées en vertu de la Charte. Pendant près de quatre décennies de litiges fondés sur la Charte, notre Cour a reconnu que les droits et les libertés ont des aspects à la fois positifs et négatifs. Cette reconnaissance a mené la Cour à adopter une interprétation téléologique uniforme relativement aux revendications portant sur les droits, que la revendication porte sur la liberté à l’égard de l’ingérence du gouvernement afin d’exercer un droit, ou sur le droit à l’action gouvernementale afin d’y avoir accès. Pour paraphraser Gertrude Stein, un droit est un droit […]. Le seuil ne varie pas selon la nature de la revendication portant sur un droit. Chaque droit a sa propre portée définitionnelle et est susceptible de faire l’objet de l’analyse de la proportionnalité suivant l’article premier de la Charte.[183]
[Renvoi omis; italiques dans l’original; soulignements ajoutés]
[132] Enfin, en note de bas de page à la phrase précitée « [c]ette reconnaissance a mené la Cour à adopter une interprétation téléologique uniforme relativement aux revendications portant sur les droits, que la revendication porte sur la liberté à l’égard de l’ingérence du gouvernement afin d’exercer un droit, ou sur le droit à l’action gouvernementale afin d’y avoir accès »[184], la juge Abella précise :
La même norme juridique s’est appliquée à des demandes visant : la liberté d’association protégée par l’al. 2d) (Health Services and Support — Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, [2007] 2 R.C.S. 391 (droit de négocier collectivement); Ontario (Procureur général) c. Fraser, [2011] 2 R.C.S. 3 (droit à des négociations menées de bonne foi); Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), [2015] 1 R.C.S. 3 (droit aux protections imposées par la loi en matière de négociations collectives)); […], pour ne donner que quelques exemples.
[Caractères gras dans l’original; soulignements ajoutés]
[133] Bien que ces commentaires fassent partie des motifs de la minorité, on est fondé à y voir une indication supplémentaire que la distinction entre droit positif et droit négatif et le cadre analytique de l’arrêt Baier ne sont pas nécessairement opportuns en matière de liberté d’association.
[134] Ces questions n’ayant toutefois pas été tranchées définitivement par la Cour suprême, et la distinction demeurant donc d’actualité, la façon de solutionner l’incertitude découle des deux raisonnements suivants et, surtout, du fait qu’ils mènent tous deux à la même conclusion.
[135] D’une part, si la distinction entre revendication négative vs positive est pertinente, il est raisonnable de conclure que celle de l’Association est négative puisqu’elle cherche à ce que ses membres ne soient pas assujettis à l’exclusion prévue à l’article 1l) 1° du C.t. D’autant plus qu’on ne parle pas en l’espèce d’un régime législatif d’application restreinte, mais du régime de relations de travail instauré par le Code du travail, lequel, comme l’a souligné la Cour suprême dans un autre arrêt, constitue « l’expression concrète et le mécanisme législatif de mise en œuvre de la liberté d’association en milieu de travail au Québec »[185]. Encore plus clairement, notre Cour a observé dans Québec (Procureur général) c. Confédération des syndicats nationaux (CSN)[186] que le régime des rapports collectifs du travail prévu par le Code du travail « est en quelque sorte le régime de droit commun »[187]. Dans ce contexte, selon la majorité dans l’arrêt Toronto, le test de l’arrêt Baier n’est pas indiqué. Celui de l’arrêt Irwin Toy étant spécifique aux revendications fondées sur la liberté d’expression, il faut plutôt recourir au critère de l’entrave substantielle sur lequel la Cour suprême a insisté dans APMO.
[136] D’autre part, si la distinction est inutile et que l’interprétation téléologique de la liberté d’association doit primer, c’est encore le critère de l’entrave substantielle de l’arrêt APMO, lui-même cohérent avec les arrêts Health Services et Fraser, qui doit nous guider.
[137] Ainsi, en concentrant notre attention sur l’approche adoptée par la Cour suprême dans ces arrêts, le test de l’entrave substantielle adopté en premier lieu par le TAT était correct. On peut le reformuler de l’une ou l’autre des façons suivantes, lesquelles découlent des enseignements des arrêts AMPO et Health Services :
- Est-ce que le régime législatif contesté « prive les employés de protections adéquates dans leurs interactions avec l’employeur de manière à créer une entrave substantielle à leur capacité de véritablement mener des négociations collectives »[188]? ou, dit autrement,
- Est-ce que « la loi ou l’acte de l’État [contesté] a […] pour effet d’entraver de façon substantielle l’activité de négociation collective, décourageant ainsi la poursuite collective d’objectifs communs »[189]?
[138] Ce cadre analytique minimise au surplus le risque, comme le soulignait la juge Deschamps dans son opinion concourante dans l’arrêt Fraser[190], « de détourner le débat de la teneur réelle de la garantie constitutionnelle »[191].
[139] L’application des principes vus précédemment et du cadre d’analyse approprié aux faits nécessite d’abord de déterminer ceux dont il faut tenir compte. Or, pour les fins de cet exercice, la Cour est d’avis que la juge a erré en s’immisçant dans l’appréciation de la preuve, ce volet étant de l’entier ressort du TAT, pour en tirer ses propres conclusions, différentes de celles du tribunal spécialisé. Aucune « circonstance exceptionnelle »[192] ne le justifiait.
[140] Malgré sa conclusion voulant que l’objet de l’exclusion en litige viole l’alinéa 2d) de la Charte canadienne, le TAT a jugé opportun d’en examiner les effets[193]. Il en a conclu que ceux-ci constituent une entrave substantielle à la mise en place d’un véritable processus de négociation collective entre les parties compte tenu de leurs impacts négatifs sur (i) la représentativité et l’indépendance de l’Association face à l’Employeur et sa capacité à négocier collectivement les conditions de travail de ses membres, (ii) la capacité des SDO de procéder à un arrêt concerté de travail dans le cadre de négociations et (iii) leur non-accès à un mécanisme efficace de règlement des différends en cas d’ingérence ou de manquement de l’Employeur à son obligation de négocier de bonne foi, ou en cas de grève.
[141] Tel que déjà mentionné, bien que la norme de contrôle applicable par la Cour supérieure fût celle de la décision correcte, ces constats et conclusions relèvent de l’expertise spécialisée du TAT, de son appréciation globale de la preuve, trouvent appui dans cette dernière et commandent la déférence[194].
[142] Cela étant, la juge a conclu avec raison que le TAT n’a pas erré en déterminant que les modifications unilatérales de conditions de travail par l’Employeur sans aviser l’Association[195], son non-respect de l’obligation de consultation prévue dans le Protocole[196], son refus de négocier et même d’aborder certains sujets comme les salaires, les mouvements de main-d’œuvre, les bonis et la modification du Protocole[197] et le nombre d’interlocuteurs différents impliqués à plusieurs niveaux dans les discussions entre les parties[198] « ne cadrent pas avec la notion de véritables négociations collectives de bonne foi »[199], qu’ils « sape[nt] le processus de véritable négociation »[200] et que le tout constitue une « entrave substantielle à la liberté d’association des SDO »[201].
[143] Toutefois, la juge a erré en déterminant que le TAT a lui-même erré en concluant que l’impossibilité pour les SDO de bénéficier d’une reconnaissance véritable de l’Association, leur non-accès à un tribunal ou à un mécanisme de règlement spécialisé pour faire sanctionner l’ingérence, l’entrave ou la négociation de mauvaise foi de l’Employeur, ou pour requérir la protection de leurs droits de retour au travail en cas de grève dans le cadre de la négociation collective sont des effets de l’exclusion en litige et qu’ils constituent eux aussi une entrave substantielle à la liberté d’association des SDO.
[144] Ce cumul de conclusions de la juge justifie l’intervention de la Cour. Tout dans ces constats du TAT pointe vers une entrave substantielle et donc, en droit, vers une atteinte à la liberté d’association. La conclusion contraire de la juge constitue une immixtion dans la compétence du tribunal spécialisé, alors que son appréciation de la preuve et ses conclusions de fait méritent déférence et, qu’au bout du compte, ces dernières sont non seulement intelligibles et raisonnables, mais aussi correctes.
a) Les conclusions du TAT concernant la représentativité et l’indépendance de l’Association face à l’Employeur
[145] La juge s’est dite d’avis que le TAT a erré « en décidant que [l’Association] a démontré, de manière prépondérante, que les SDO ne peuvent jouir d’une reconnaissance véritable de leur association »[202]. Ce faisant, elle s’immisce indûment dans l’appréciation de la preuve par le tribunal spécialisé. Les conclusions de ce dernier (i) que la reconnaissance de l’Association à titre de représentante des SDO est faite sur une base volontaire par l’Employeur, (ii) que son caractère représentatif et l’identification des SDO pour lesquels elle est reconnue relèvent de la discrétion de ce dernier et selon ses conditions[203], (iii) qu’il a le dernier mot en cas de désaccord sur les personnes qu’elle peut représenter et (iv) qu’il n’existe aucune protection ni aucun recours contre l’ingérence ou l’entrave de l’Employeur dans les démarches visant la représentativité[204], entraînant de ce fait un réel déséquilibre du rapport de force entre les parties[205], trouvent appui dans la preuve et méritent déférence.
[146] D’autant plus que leur justesse est supportée par les enseignements suivants de la Cour suprême dans l’arrêt APMO :
[82] La négociation collective représente un aspect fondamental de la société canadienne qui « favorise la dignité humaine, la liberté et l’autonomie des travailleurs en leur donnant l’occasion d’exercer une influence sur l’adoption des règles régissant leur milieu de travail et, de ce fait, d’exercer un certain contrôle sur un aspect d’importance majeure de leur vie, à savoir leur travail » (Health Services, par. 82). En termes simples, son objectif consiste à protéger l’autonomie collective des employés contre le pouvoir supérieur de l’administration et à maintenir un équilibre entre les parties. Cet équilibre s’établit grâce à la liberté de choix et à l’indépendance accordées aux employés dans le cadre de ce processus de relations de travail.
[…]
a) Liberté de choix de l’employé
[85] L’objectif de la négociation collective n’est pas atteint si le processus qui l’entoure entrave le droit des employés de choisir ce qui est dans leur intérêt et comment ils devraient défendre ce dernier. La liberté de choix requise par la Charte doit permettre aux employés de participer réellement au choix de leurs objectifs collectifs. Ce droit de participer au processus collectif s’avère essentiel pour protéger la capacité des employés de faire valoir leurs propres intérêts, […].
[…]
b) Indépendance à l’égard de la direction
[88] L’objectif de la négociation collective n’est pas atteint si l’employeur domine ou influence le processus qui l’entoure. C’est pourquoi un processus véritable de négociation collective protège le droit des employés de former des associations qui sont indépendantes de la direction, et d’y adhérer […]. À l’instar de la liberté de choix, l’indépendance dans le contexte de la négociation collective n’est pas absolue. L’indépendance requise par la Charte aux fins de la négociation collective est celle qui fait correspondre les activités de l’association aux intérêts de ses membres.
[89] Tout comme le choix, l’indépendance à l’égard de l’employeur garantit que les activités de l’association reflètent les intérêts des employés, ce qui respecte la nature et l’objet du processus de négociation collective et en assure le bon fonctionnement. À l’inverse, un manque d’indépendance signifie que les employés ne sont peut-être pas en mesure de faire valoir leurs propres intérêts, mais qu’ils doivent choisir parmi ceux que l’employeur les autorise à défendre. Au nombre des facteurs à considérer dans l’examen de l’indépendance, mentionnons la liberté de modifier l’acte constitutif et les règles de l’association, la liberté de choisir les représentants de celle-ci ainsi que le contrôle sur l’administration financière et sur les activités que l’association décide de mener.
[90] L’indépendance et la liberté de choix forment des règles complémentaires pour déterminer si un régime de relations de travail respecte les exigences de la Constitution. Le respect de la Charte s’évalue en fonction des degrés d’indépendance et de liberté de choix garantis par le régime de relations de travail, en portant une attention particulière au contexte global du régime. Les degrés de liberté de choix et d’indépendance accordés ne devraient pas être examinés isolément, mais plutôt globalement, toujours dans le but de déterminer si les employés sont en mesure de s’associer en vue de réaliser véritablement des objectifs collectifs relatifs au travail.
[Soulignements ajoutés; italiques dans l’original]
b) Les conclusions du TAT concernant le non-accès à un mécanisme spécialisé de règlement des différends
[147] Si, comme on l’a vu, la juge reconnaît que le TAT n’a pas erré en tirant de la preuve que certains agissements de l’Employeur « ne cadrent pas avec la notion de véritable négociation collective de bonne foi, composante essentielle à la liberté d’association »[206], et que ses modifications unilatérales de certaines conditions de travail importantes sapent le processus de véritable négociation[207], le tout constituant « une entrave substantielle à la liberté d’association des SDO »[208], elle conclut néanmoins que le TAT a erré en déterminant que les SDO ne peuvent bénéficier d’un véritable processus de négociation collective vu l’absence de recours auprès d’un tribunal spécialisé en droit du travail afin d’assurer avec diligence le respect de l’obligation de négociation de bonne foi de l’Employeur[209].
[148] Ce faisant, malgré les constats factuels du TAT qu’elle retient pourtant, la juge en tire une conclusion erronée en droit.
[149] La Cour suprême a en effet reconnu à plusieurs reprises que le règlement rapide, définitif et exécutoire des conflits de travail par des arbitres et autres tribunaux spécialisés revêt une importance fondamentale, tant pour les parties que pour l’ensemble de la société[210] : « Il s’agit d’une exigence fondamentale de la paix dans le domaine des relations industrielles, paix qui est importante pour les parties et l’ensemble de la société »[211]. Dans l’arrêt Dayco (Canada) Ltd. c. TCA-Canada[212], le juge Cory soulignait quant à lui la nécessité de résoudre les conflits de travail « de manière expéditive » et « l’importance vitale » des tribunaux du travail à cette fin[213]. Le commentaire vise autant le mécanisme de règlement de griefs découlant de l’application d’une entente collective de travail que celui permettant de solutionner les différends liés à la négociation de cette dernière, à plus forte raison lorsque les employés concernés ne peuvent chercher à équilibrer le rapport de force en exerçant leur droit de grève de façon collective et efficace.
[150] Ainsi, en se disant d’avis que l’Association et ses membres peuvent de façon adéquate chercher réparation devant les tribunaux de droit commun en invoquant les Chartes pour faire sanctionner l’ingérence ou la violation par l’Employeur de son obligation de négocier de bonne foi, la juge omet de considérer les exigences procédurales et les délais propres aux instances introduites devant les tribunaux de droit commun, par rapport à la plus grande simplicité et à la rapidité qui caractérisent le règlement des conflits devant les tribunaux spécialisés du travail.
[151] En sus qu’il s’agit là de faits sociaux qui s’entremêlent aux faits en litige, dont l’appréciation relevait du TAT au premier chef et à l’égard desquels la juge devait faire preuve de déférence[214], on voit aussi difficilement, ce que sous-tend la position de la juge, comment la Cour supérieure pourrait, vu l’exclusion des cadres de la définition de salarié du C.t. et l’absence de tout autre régime législatif ou réglementaire de relations de travail, ordonner des réparations pratiques et efficaces permettant d’assurer un véritable processus de négociation collective si, par exemple, l’employeur refuse de négocier ou ne négocie pas de bonne foi. Sur le même thème, comment pourrait-elle forcer l’employeur à négocier avec une association plutôt qu’une autre?
c) Les conclusions du TAT concernant l’exercice du droit de grève
[152] La juge ne remet pas en question les conclusions de fait du TAT concernant les effets de l’exclusion en litige sur le droit de grève des SDO, mais elle commet une erreur de droit en n’y appliquant pas le critère juridique approprié.
[153] En effet, elle conclut que les SDO ne sont pas empêchés de « se livrer à un arrêt de travail dans le cadre d’un processus de négociation de leurs conditions de travail, puisqu’il n’existe pas de loi leur interdisant de faire la grève »[215]. Elle conclut ni plus ni moins ainsi que seule une impossibilité de faire la grève pourrait constituer une entrave substantielle à leur capacité de mener de véritables négociations collectives et entraîner ainsi une violation de l’alinéa 2d) de la Charte canadienne. Outre que sa conclusion selon laquelle les SDO peuvent exercer leur droit de grève de façon efficace est mal fondée en droit au regard de la preuve, son approche que seule une interdiction, ou impossibilité, de faire la grève constitue une entrave est similaire à celle adoptée par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire AMPO, laquelle avait conclu qu’il n’était pas « effectivement impossible » pour les membres de la GRC d’exercer véritablement leurs droits garantis par l’alinéa 2d).
[154] Or, la Cour suprême a infirmé cette approche. Les juges McLachlin et LeBel, commentant, d’une part, l’à-propos d’un tel critère du « effectivement impossible » et, d’autre part, les motifs dissidents du juge Rothstein, précisaient ce qui suit :
[72] L’équilibre nécessaire à la poursuite véritable d’objectifs relatifs au travail peut être rompu de maintes façons. […] Quelle que soit la nature de la restriction, il faut essentiellement déterminer si les mesures en question perturbent l’équilibre des rapports de force entre les employés et l’employeur que l’al. 2d) vise à établir, de telle sorte qu’elles interfèrent de façon substantielle avec un processus véritable de négociation collective (Health Services, par. 90).
[73] À l’encontre de cette conception, le procureur général du Canada soutient, en se fondant sur l’arrêt Fraser, que la négociation collective est tout au plus un « droit dérivé » du droit fondamental ou « essentiel » de s’associer (l’approche constitutive). Il s’ensuit, selon lui, que la négociation collective n’est protégée que si l’acte de l’État rend effectivement impossible l’association en vue de régler des questions relatives au travail. En l’espèce, affirme le procureur général, cette impossibilité n’existe pas, parce que le PRRF constitue un moyen pour les membres de s’associer à des fins relatives au travail. La Cour d’appel a accepté cette thèse. Nous ne sommes pas d’accord. […]
[…]
[75] Dans ces passages des arrêts Fraser et Health Services, la Cour utilise des termes comme « impossible » et « supprimer dans les faits » pour décrire l’effet de certains régimes législatifs (notamment les exclusions prévues par la loi) et non pas le critère juridique permettant de conclure à une violation de l’al. 2d). […] Comme l’ont expliqué en outre les juges majoritaires dans Fraser, on ne peut « douter que la loi (ou l’absence d’un cadre législatif) qui rendait essentiellement impossible » l’atteinte d’objectifs collectifs relatifs au travail « restreignait l’exercice de la liberté d’association » (par. 32 (nous soulignons)). Manifestement, de tels passages ne fixent pas comme seuil pour conclure à l’existence d’une atteinte à la liberté d’association, la démonstration qu’il soit « essentiellement impossible » de poser certains gestes. Ces passages démontrent plutôt que les juges majoritaires dans Fraser ont adopté le test juridique de l’entrave substantielle pour conclure à une atteinte au droit d’association.
[76] En dissidence dans la présente affaire, le juge Rothstein souligne que les juges majoritaires dans Fraser « mentionnent le critère de l’impossibilité — substantielle ou effective — à pas moins de douze reprises, en en retraçant les origines aux arrêts Dunmore et Health Services [...] (voir Fraser, par. 31-34, 38, 42, 46-48, 62 et 98) » (par. 213 (en italique dans l’original)). Dans presque tous les cas (voir les par. 31-33, 38, 42, 46-48, 62 et 98), l’« impossibilité » renvoie expressément à l’effet de la loi ou à l’absence d’un cadre législatif. Aux paragraphes 31, 33, 47-48 et 62, les juges majoritaires affirment expressément que le critère d’entrave ou d’atteinte substantielle constitue la norme applicable pour conclure à une violation de l’al. 2d). Enfin, les juges majoritaires dans Fraser ont confirmé la conclusion de Health Services selon laquelle « [l]a question fondamentale en jeu demeure celle de déterminer si l’acte de l’État entraverait substantiellement la capacité des “syndiqués de poursuivre collectivement des objectifs communs” (par. 96) » […].
[77] Cela dit, nous convenons que certains passages de Fraser semblent compliquer inutilement l’analyse en renvoyant à la fois à l’impossibilité effective (en tant qu’effet de certaines mesures gouvernementales) et à l’entrave ou atteinte substantielle (en tant que critère applicable pour conclure à une violation de l’al. 2d)). Cependant, pour les motifs que nous venons d’exposer, ces renvois devraient être interprétés conformément aux motifs des juges majoritaires dans Fraser, lus dans leur intégralité, ainsi qu’aux précédents établis par la Cour dans Dunmore et Health Services. De façon plus générale, leur interprétation doit respecter l’interprétation téléologique et généreuse donnée par la Cour à l’al. 2d), et qui a été expliquée précédemment.
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[155] Dans son opinion dissidente dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.)[216], laquelle a posé les premiers jalons importants de la jurisprudence récente de la Cour suprême sur la liberté d’association[217], le juge Dickson observait quant à lui que le refus de travailler par un individu ne correspond nullement à un refus collectif de travailler, lequel est en effet différent au point de vue qualitatif plutôt que quantitatif[218].
[156] Enfin, 15 ans plus tard, dans l’arrêt Saskatchewan[219], la Cour suprême confirmait que le droit de grève participe de façon essentielle au véritable processus de négociation collective inhérent à la liberté d’association :
[24] Je me range à l’avis du juge de première instance. De pair avec le droit de s’associer, de s’exprimer par l’entremise de l’agent négociateur de leur choix et de négocier collectivement avec leur employeur par l’entremise de cet agent, le droit de grève des salariés est indispensable à la protection du processus véritable de négociation collective pour l’application de l’al. 2d). Comme le fait observer le juge, sans le droit de grève, [traduction] « le droit constitutionnel de négocier collectivement perd tout son sens ».
[…]
[46] Il importe toutefois de souligner que la reconnaissance du droit de grève n’est pas propre au seul modèle Wagner; elle est de la plupart des modèles de relations de travail. Et lorsque l’histoire montre l’importance de la grève pour le bon fonctionnement d’un modèle de relations de travail en particulier, comme c’est le cas du modèle fondé sur la Loi Wagner, on ne doit pas s’étonner que la suppression du droit de grève légal soit considérée comme une entrave substantielle à la négociation collective véritable. En effet, on reconnaît depuis longtemps que le pouvoir des travailleurs de cesser collectivement le travail aux fins de la négociation de leurs conditions de travail — le droit de grève, en somme — constitue une composante essentielle de la poursuite, par les travailleurs, d’objectifs liés au travail. […]
[Soulignements ajoutés]
[157] En somme, les constats de fait et mixtes de fait et de droit suivants du TAT étant fondés sur la preuve et relevant de son champ d’expertise, la juge devait s’abstenir d’y substituer les siens :
[345] En dehors de la législation qui l’encadre, un employé, seul ou de façon concertée avec d’autres, qui cesse de fournir sa prestation de travail, est passible de se voir imposer des mesures disciplinaires, voire d’être congédié. De plus, on ne peut faire fi du fait que les personnes en cause sont justement des cadres, représentants de l’employeur, qui, de par leur statut et leur culture, peuvent être réticentes à recourir à de tels moyens de pression dans l’état actuel des choses.
[346] L’exclusion du régime général a pour effet de priver les cadres de pouvoir exercer le droit de grève. Or, c’est le moyen par excellence qui permet d’assurer une participation véritable au processus de négociation collective et d’établir un rapport de force entre les parties. […] En l’espèce, il est supprimé, sans être remplacé par un autre mécanisme.
[347] Or, la preuve a démontré l’incapacité des deux associations demanderesses à rétablir un rapport de force et à négocier pour leurs membres sur des objets d’importance. Les employeurs en cause ont toujours le dernier mot et ne sont passibles d’aucune forme de pression.
[348] La suppression du droit de grève, sans autre mécanisme, constitue alors une entrave substantielle au droit à la négociation collective de l’ACSCQ […].
[158] Outre ses interventions non déférentes à l’égard de certains des constats du TAT, relevées dans la sous-section 5.3.5 qui précède, la juge, bien qu’elle retienne que ce dernier n’a pas erré en concluant de la preuve que les modifications unilatérales de certaines conditions de travail par l’Employeur, sans même aviser l’Association et sans respecter l’obligation de consultation convenue dans le Protocole, son refus de négocier les salaires, les mouvements de main-d’œuvre, les bonis et toute modification du Protocole « sape[nt] le processus de véritable négociation »[220] et constituent « une entrave substantielle à la liberté d’association des SDO »[221], conclut néanmoins que le TAT a commis une erreur en axant son analyse de ces entraves substantielles « eu égard aux droits et recours prévus au Code du travail et non par rapport à l’alinéa 2d) la Charte canadienne »[222].
[159] Dans leur jugement pour la Cour dans l’arrêt Health Services[223], la juge en chef McLachlin et le juge LeBel rappelaient un « principe clair » : « les mesures gouvernementales qui diminuent considérablement la capacité des individus de s’associer dans le but de promouvoir leurs intérêts en matière de relations du travail portent atteinte à la liberté d’association garantie par l’al. 2d) de la Charte »[224].
[160] Or, comme on l’a vu précédemment à la lecture de certains des débats parlementaires entourant l’adoption de l’exclusion en litige et les amendements subséquents au C.t. de 1964 qui y sont reliés, le gouvernement de l’époque savait pertinemment que l’exclusion des cadres du régime de relations de travail instauré par le Code avait pour effet de les priver de la « couverture » offerte par les mécanismes de protection du processus de négociation collective qu’il contient et de les soumettre à ce qu’il considérait être la « loi de la jungle ». Il n’y a là qu’un pas à franchir pour conclure en l’espèce que l’exclusion « orchestre, encourage ou tolère d’une manière substantielle la violation »[225] par l’Employeur de la liberté d’association des SDO.
[161] L’exclusion législative en litige a ainsi pour effet d’imposer aux SDO un isolement qui entrave de façon substantielle leur poursuite des fins de la liberté d’association qui leur est garantie par les Chartes. Comme le notait le juge Dickson dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), la garantie constitutionnelle vise précisément à protéger l’individu contre un tel isolement imposé par l’État[226]. Le juge Bastarache, faisant siennes au surplus plusieurs des observations du juge Dickson, abondait dans le même sens dans l’arrêt Dunmore en notant que « s’il n’existe pas de droit constitutionnel à la protection légale [offerte par un régime de relations de travail particulier], l’exclusion sélective d’un groupe de ce type de législation peut avoir des effets substantiels sur l’exercice d’une liberté fondamentale »[227].
[162] En l’espèce, la preuve permettait au TAT de conclure que l’exclusion sans nuances des cadres de la définition de « salarié » du C.t., doublée du refus de l’État de donner suite aux recommandations du Comité de l’OIT, fondées elles-mêmes sur des normes internationales en droit du travail auxquelles le Canada a adhéré, constitue en grande partie le terreau et le fondement des nombreux faits et gestes de l’Employeur qui, tant de l’avis du TAT que de celui de la juge, traduisent une négation des droits de l’Association et de ses membres à un véritable processus de négociation collective.
[163] En définitive, les conclusions du TAT voulant que l’exclusion des SDO de la définition de « salarié » de l’article 1l) 1° du C.t. contribue à entraver substantiellement leur droit à un régime permettant une véritable négociation collective de leurs relations de travail avec l’Employeur et, de ce fait, leur liberté d’association, reposent sur une juste considération des principes juridiques applicables, d’une part, et trouvent appui dans la preuve, d’autre part.
[164] Cela ne fait pas pour autant en sorte que le législateur québécois doive nécessairement, par voie législative, inclure dans la définition de « salarié » du C.t. les personnes « qui, au jugement du tribunal »[228] seraient des cadres de premier niveau ou d’un niveau permettant autrement de les considérer au même titre que des « salariés ». Les commentaires suivants des juges McLachlin et LeBel dans l’arrêt AMPO peuvent en effet trouver application en l’espèce, avec les adaptations qui s’imposent :
[136] Nous concluons que l’objet de l’exclusion prévue au par. 2(1) de la LRTFP actuelle constitue une entrave substantielle à la liberté d’association. […]
[137] Cette conclusion ne signifie pas que le législateur doit inclure la GRC dans le régime de la LRTFP actuelle. Comme nous l’avons vu, l’al. 2d) de la Charte n’impose pas un modèle particulier de relations du travail. Notre conclusion quant à la constitutionnalité de l’exclusion prévue par la LRTFP actuelle signifie seulement que le législateur ne doit pas entraver substantiellement le droit des membres de cette organisation à un processus véritable de négociation collective, à moins que cette entrave puisse être justifiée au regard de l’article premier de la Charte. Par exemple, le gouvernement fédéral peut toujours examiner d’autres processus de négociations collectives qui seraient plus adaptés au contexte particulier dans lequel les membres de la GRC s’acquittent de leurs fonctions.
[Soulignements ajoutés]
[165] En terminant, bien que ce ne soit pas nécessaire pour trancher la présente question vu la suffisance du seul test de l’entrave substantielle pour le faire, un mot s’impose néanmoins sur la conclusion de la juge voulant que l’entrave substantielle à la capacité de l’Association et de ses membres de mener de véritables négociations collectives découle exclusivement des faits, gestes et omissions purement privés de l’Employeur, et dont l’État n’est pas responsable.
[166] D’emblée, il convient de remarquer que, pour d’aucuns, le terme « responsable » connote, à tout le moins intuitivement, l’idée de « faute » ou de « négligence » de l’État. Or, selon la Cour, la démonstration d’un tel niveau de responsabilité n’est pas nécessaire. Ainsi, le juge Bastarache soulignait ce qui suit dans l’arrêt Dunmore :
26 […] On prétend en l’espèce que l’incapacité de constituer une association résulte d’une action privée et que l'inclusion obligatoire dans un régime légal irait à l’encontre de l’arrêt Dolphin Delivery, précité. Il faut toutefois signaler que, depuis cet arrêt, l’interprétation de l’« action gouvernementale » par notre Cour a évolué et qu'elle pourrait encore se modifier compte tenu de l’évolution des valeurs qui sous-tendent la Charte. Par exemple, notre Cour a maintes fois rappelé que la participation de personnes privées à la violation de libertés fondamentales ne met pas l'État à l’abri d’un contrôle judiciaire fondé sur la Charte; cette participation doit être considérée comme un élément du contexte factuel dans lequel la loi est examinée […]. En outre, notre Cour a souvent statué, dans le contexte du par. 15(1), que la Charte peut obliger l’État à élargir le champ d’application d’une loi lorsque sa portée trop limitative permet à une personne privée de porter atteinte à des droits et libertés fondamentaux […]. Enfin, on a laissé entendre que la Charte devrait s’appliquer à toute loi qui « permet » à une personne privée de nuire à une activité protégée par l’art. 2, étant donné que, dans certains cas, la simple faculté donnée peut avoir pour effet d’encourager ou d’appuyer l’acte en cause […]. Si l’on applique ces principes généraux à l’al. 2d), ce n'est pas un grand bond en avant de dire que le défaut d’inclure une personne dans un régime de protection peut positivement permettre la restriction de l’activité que le régime vise à protéger. La raison en est que la mesure gouvernementale de portée trop limitative devient suspecte non seulement dans la mesure où elle est discriminatoire à l’endroit d'une catégorie non protégée, mais aussi dans la mesure où elle orchestre, encourage ou tolère d’une manière substantielle la violation de libertés fondamentales.
[…]
29 […] De même, il faut se rappeler la raison pour laquelle la Charte s'applique à une loi limitative. Une fois que l’État a décidé de réglementer une relation d’ordre privé, comme celle entre employeur et employé, je crois qu’il est trop formaliste d’assigner cette relation à un « domaine privé » qui échappe au contrôle fondé sur la Charte. Selon le doyen P. W. Hogg, [TRADUCTION] « l’effet de la restriction de l’action gouvernementale est qu’il existe un domaine privé à l'intérieur duquel les personnes ne sont pas obligées de souscrire aux valeurs de “l’État” et à l’intérieur duquel les normes constitutionnelles n’interviennent pas. Les limites de ce domaine sont établies non pas par une définition a priori de ce qui est “privé”, mais par l’absence d’intervention gouvernementale, législative ou autre » (voir Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), p. 34-27). […][229]
[Soulignements ajoutés]
[167] La juge en chef McLachlin et le juge LeBel abondaient dans le même sens dans l’arrêt Fraser[230] :
[73] On peut également faire observer que Health Services n’impose pas d’obligations constitutionnelles aux employeurs du secteur privé, mais plutôt aux gouvernements à titre d’employeurs ainsi qu’au Parlement et aux assemblées législatives en qualité de législateurs, conformément à l’art. 32 de la Charte. Les juges majoritaires reconnaissent ainsi que les individus possèdent, vis‑à‑vis de l’État, le droit à un processus de négociation collective de bonne foi et que ce droit demande à l’État d’imposer des obligations légales aux employeurs. Comme le relèvent les juges Cory et Iacobucci dans l’arrêt Vriend c. Alberta, […], il faut faire une distinction « entre l’“activité privée” et la “loi qui régit l’activité privée”. La première n’est pas assujettie à la Charte, alors que la seconde l’est manifestement » (par. 66). Les travailleurs qui sont dans l’impossibilité d’exercer leur droit de négociation collective ne peuvent que poursuivre l’État, et non leur employeur, sur le fondement de la Charte, et ils doivent faire la preuve d’une action de l’État.
[Soulignements ajoutés]
[168] En l’espèce, on peut, sans crainte de se tromper, considérer que l’exclusion expresse de tous les cadres de la définition de « salarié » à l’article 1l) 1° C.t. constitue une telle « action de l’État ».
[169] La conclusion de la juge que l’atteinte à la liberté d’association garantie aux membres de l’Association relève exclusivement de la Société, et que l’État y est de ce fait totalement étranger, est aussi difficilement compatible avec le fait que l’Employeur est une filiale de Loto-Québec et les liens qui existent entre cette dernière et l’État.
[170] En effet, Loto-Québec, dont les membres du conseil d’administration sont nommés par le gouvernement[231], jouit des droits et privilèges d’un mandataire de l’État[232], est désignée comme une « entreprise du gouvernement » dans la Loi sur l’administration financière[233] et est visée par la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État[234].
[171] Alors que la Cour supérieure ne se prononce pas sur la question, vu sa conclusion ultime que l’exclusion en litige ne porte pas en soi atteinte à la liberté d’association des SDO, le TAT conclut qu’elle n’est pas justifiable selon le test développé dans l’arrêt Oakes[235].
[172] Plus précisément, le TAT conclut à la première étape du test qu’il n’a pas été démontré que l’objectif invoqué par le PGQ pour justifier l’exclusion en litige, soit éviter l’ingérence de l’employeur, par l’intermédiaire des cadres, dans les affaires collectives des employés syndiqués, et éviter les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles les cadres pourraient se retrouver, ou encore les conséquences d’un arrêt de travail de ces derniers, était réel et urgent lors de l’adoption de l’exclusion législative[236].
[173] Puis, à supposer même que le caractère réel et urgent des objectifs précités aurait été démontré, le TAT rejette l’argument du PGQ concernant l’existence d’un lien rationnel entre ces objectifs et l’exclusion[237].
[174] Enfin, le TAT tranche que l’atteinte portée à la liberté d’association par l’exclusion en litige n’est pas la plus minimale possible. L’exclusion ne comporte en effet aucune nuance quant aux niveaux des cadres exclus de la notion de « salarié » ni aucune distinction quant à leur rang dans l’entreprise, la nature de leurs fonctions et leur participation, ou non, aux négociations avec les groupes syndiqués[238].
[175] Qu’en est-il?
[176] L’article 1 de la Charte canadienne et l’article 9.1 de la Charte québécoise sont ainsi libellés :
[Charte canadienne] Droits et libertés au Canada 1 La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
[Charte québécoise] 9.1 Les libertés et droits fondamentaux s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de la laïcité de l’État, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.
La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice. |
Rights and freedoms in Canada 1 The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.
9.1 In exercising his fundamental freedoms and rights, a person shall maintain a proper regard for democratic values, State laicity, public order and the general well-being of the citizens of Québec.
In this respect, the scope of the freedoms and rights, and limits to their exercise, may be fixed by law. |
[177] L’exercice de pondération à effectuer sous l’article 9.1 de la Charte québécoise obéit par ailleurs au même test de justification que celui développé dans l’arrêt Oakes concernant l’article premier de la Charte canadienne[239].
[178] Dans le récent arrêt Procureur général du Québec c. Gallant[240], le juge Moore résumait ainsi pour la Cour le cadre analytique du test de justification :
[182] La démarche que commande cette grille d’analyse est bien connue. Dans un premier temps, l’État doit démontrer que la mesure attentatoire est prescrite par une règle de droit et poursuit un objectif urgent et réel. Dans un deuxième temps, le gouvernement doit établir que, dans la poursuite de cet objectif, la mesure attentatoire ne porte pas atteinte de façon disproportionnée au droit en cause. Cette deuxième partie de la grille d’analyse de l’arrêt Oakes comporte trois volets. L’État doit ainsi successivement démontrer (1) que l’atteinte a un lien rationnel avec l’objectif poursuivi; (2) que les moyens choisis pour réaliser cet objectif portent le moins possible atteinte au droit en cause; et (3) que les avantages de la mesure attentatoire l’emportent sur ses effets préjudiciables.
[183] La norme de preuve applicable à chacune de ces étapes est celle de la prépondérance des probabilités. L’appréciation doit suivre une approche contextualisée prenant en compte, notamment, la vulnérabilité du groupe que le législateur entend protéger et la nature de l’activité à laquelle il est porté atteinte.
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
[179] Par ailleurs, dans l’arrêt RJR – MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général)[241], la juge McLachlin rappelait que le respect dû par les tribunaux aux choix du législateur lors de l’analyse du test de justification de l’article premier comporte ses limites :
136 Cependant, comme pour le contexte, il faut prendre soin de ne pas pousser trop loin la notion du respect. Le respect porté ne doit pas aller jusqu'au point de libérer le gouvernement de l'obligation que la Charte lui impose de démontrer que les restrictions qu'il apporte aux droits garantis sont raisonnables et justifiables. Le Parlement a son rôle: choisir la réponse qui convient aux problèmes sociaux dans les limites prévues par la Constitution. Cependant, les tribunaux ont aussi un rôle: déterminer de façon objective et impartiale si le choix du Parlement s'inscrit dans les limites prévues par la Constitution. Les tribunaux n'ont pas plus le droit que le Parlement d'abdiquer leur responsabilité. Les tribunaux se trouveraient à diminuer leur rôle à l'intérieur du processus constitutionnel à affaiblir la structure des droits sur lesquels notre constitution et notre nation sont fondées, s'ils portaient le respect jusqu'au point d'accepter le point de vue du Parlement simplement pour le motif que le problème est sérieux et la solution difficile.
[Soulignements ajoutés]
[180] En l’espèce, la Cour est d’avis qu’il n’y a rien à redire au constat du TAT, selon lequel le bât blesse de façon déterminante à l’étape du critère de l’atteinte minimale, ce qui le justifiait de conclure que le PGQ a échoué à satisfaire le test de justification :
[423] L’exclusion des cadres du régime d’accréditation général est faite sans aucune distinction quant à leur rang dans l’entreprise, la nature de leurs fonctions, le fait qu’ils aient ou non accès à de l’information confidentielle, leur participation aux négociations avec les groupes syndiqués et ainsi de suite.
[424] Cette exclusion ne se limite pas non plus à interdire que les cadres fassent partie de la même unité que le reste des employés. C’est pourtant un modèle possible afin de prévenir les conflits d’intérêts, modèle choisi pour les policiers municipaux et récemment pour les enquêteurs de la CCQ dans le cadre de la lutte contre la corruption dans l’industrie de la construction.
[425] Plusieurs autres modèles, adoptés par le législateur en regard de groupes particuliers, tel qu’il ressort de la revue des régimes spécifiques faite précédemment, permettent une atteinte moins grande à la liberté d’association.
[426] Qui plus est, des exemples au Québec, au Canada et au niveau international démontrent la possibilité pour des cadres d’être syndiqués sans pour autant que cela ne nuise à leur rôle au sein de l’entreprise.[242]
[181] En fait, le PGQ n’a pas établi « que la mesure en cause restreint le droit aussi peu que cela est raisonnablement possible aux fins de la réalisation de l’objectif législatif »[243], ou autrement dit, qu’il n’existe pas de « moyens moins préjudiciables de réaliser l’objectif législatif »[244]. Il n’a en conséquence pas démontré que l’atteinte est justifiée au regard de l’article premier de la Charte canadienne et de l’article 9.1 de la Charte québécoise.
[182] Si, comme l’a écrit un auteur peu après l’entrée en vigueur du Code du travail, cette loi, comme les autres « est censée représenter aussi fidèlement que possible, quoique avec un certain retard, la volonté commune et les "mœurs" d’une société »[245], force est de constater, d’une part, que l’exclusion sans nuance de tous les niveaux de cadres de la définition de salariés apparaît clairement être en porte-à-faux avec l’évolution de la liberté d’association suivant la jurisprudence récente de la Cour suprême et, d’autre part, que le PGQ a échoué à démontrer que ce déséquilibre demeure justifié. À plus forte raison lorsque, usant de comparables comme cela peut être utile en ces matières[246], on tient compte des éléments additionnels suivants, dont certains sont traités dans le rapport de l’expert Coutu, que le TAT a estimé « utile et probant dans son ensemble » et que les sources pertinentes et le droit applicable permettent de confirmer :
- à la suite du dépôt du rapport Woods[247] en 1968, le Code canadien du travail fut modifié en profondeur en 1972[248];
- le Conseil canadien des relations de travail de l’époque s’est inspiré du rapport Woods pour faire droit à la syndicalisation des cadres de premier niveau[249];
- cette orientation fut maintenue par l’actuel Conseil canadien des relations industrielles[250];
- en Ontario l’exclusion de la définition d’« employee » du Labour Relations Act[251] des personnes exerçant des managerial functions ne comprend pas les cadres subalternes affectés à des tâches de surveillance[252];
- au Manitoba, le Labour Relations Act[253] n’exclut de la définition d’« employee » à l’article 1 que les cadres qui « perform[s] management functions primarily » ou qui sont employés « in a confidential capacity in matters relating to labour relations » [soulignement ajouté];
- suivant cette définition, le Labour Board de cette province a constamment reconnu le droit à la syndicalisation des cadres exerçant des fonctions de « front-line supervisors »[254].
[183] Le TAT a conclu qu’il n’était pas opportun dans les circonstances de risquer de priver plus longtemps les SDO visés par la requête en accréditation de leur liberté d’association en suspendant les effets de sa décision de déclarer inopérante à leur égard l’exclusion prévue à l’article 1l) 1° C.t.[255].
[184] Comme l’observait la Cour dans l’arrêt Procureur général du Québec c. Descheneaux[256], suspendre la prise d’effet d’une déclaration d’invalidité constitutionnelle d’une loi est une mesure sérieuse et extraordinaire, car elle a pour effet de maintenir en vigueur une loi inconstitutionnelle et de permettre que se perpétue pendant la suspension une situation qui a été jugée contraire aux principes consacrés dans la Charte, en violation des droits constitutionnels des individus concernés. Ces observations sont aussi applicables à une déclaration du caractère inopérant d’une disposition législative, une conséquence qui découle du premier paragraphe de l’article 52 de la Charte canadienne :
52 (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. | 52 (1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect. |
[185] Le PGQ a requis de la Cour, par voie de conclusion subsidiaire, qu’elle suspende les effets d’une déclaration d’invalidité de l’exclusion en litige, si telle est la conclusion à laquelle elle devait en arriver. Il a réitéré cette demande lors de l’audience, suggérant une période de suspension de 18 mois afin de permettre au législateur d’évaluer les solutions possibles.
[186] Certes, lorsqu’on l’analyse en vase clos, la réparation ordonnée par le TAT apparaît « convenable et juste eu égard aux circonstances »[257] dont il était saisi.
[187] Néanmoins, les ramifications du présent arrêt dépassent les seules circonstances des parties au litige et la seule requête en accréditation dont était saisi le TAT.
[188] Bien qu’il s’agît dans cette affaire d’une question d’invalidité constitutionnelle proprement dite, dans l’arrêt Descheneaux, la Cour a observé, revue jurisprudentielle à l’appui, qu’« [e]n règle générale la suspension d’une déclaration d’invalidité constitutionnelle d’une disposition législative n’excède pas 12 mois, sauf si des circonstances particulières justifient de l’étendre à 18 mois »[258].
[189] En l’espèce, considérant l’effet potentiel du présent arrêt sur le régime québécois des relations de travail des cadres en général, ou de cadres dont la situation, « au jugement du Tribunal »[259] alors saisi, s’apparenterait à celle des SDO en l’espèce, la Cour estime approprié de suspendre pour une période de 12 mois le caractère inopérant de l’exclusion décidé par le TAT.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[190] ACCUEILLE l’appel;
[191] INFIRME le jugement de la Cour supérieure;
[192] REJETTE le pourvoi en contrôle judiciaire;
[193] RÉTABLIT la décision du Tribunal administratif du travail, sous réserve de l’ajout de la conclusion suivante :
[194] SUSPEND pour une période de 12 mois à compter du présent arrêt les effets de la déclaration du TAT concernant le caractère inopérant de l’exclusion prévue à l’article 1l) 1° du Code du travail;
[195] Avec les frais de justice.
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| GUY GAGNON, J.C.A. | |
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| MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A. | |
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| MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A. | |
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Me Frédéric Antoine Tremblay | ||
Me Jean-Luc Dufour | ||
POUDRIER BRADET AVOCATS | ||
Pour l’appelante | ||
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Me Jean Leduc | ||
LORANGER MARCOUX | ||
Pour l’intimée | ||
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Me Marie-France Bernier | ||
BERNIER CHARBONNEAU | ||
Pour le Tribunal administratif du travail | ||
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Me Michel Déom | ||
Me Samuel Chayer | ||
BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) | ||
Pour le Procureur général du Québec | ||
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Date d’audience : | 17 mars 2021 | |
[1] Code du travail, S.R.Q. 1964, c. 141.
[2] Roger Chartier, « Le syndicalisme de cadres et la législation québécoise du travail », (1965) 20 R.I. 278, p. 278.
[3] Aujourd’hui contenue à l’article 1l) 1° du Code du travail, RLRQ, c. C-27.
[4] Québec (Procureur général) c Confédération des syndicats nationaux (CSN), 2011 QCCA 1247, paragr. 87, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 10 mai 2012, no 34479.
[5] Loi des relations ouvrières, reproduite dans S.R.Q. 1941, c. 162A, mais édictée dans S.Q. 1944, c. 30.
[6] Roger Chartier, « Le syndicalisme de cadres et la législation québécoise du travail », supra, note 2, p. 280.
[7] Sur ce thème, outre l’article précité de l’auteur Chartier, voir notamment Claude Daoust, « Le Bill 36 et le syndicalisme de cadres », (1970) 25 R.I. 617; Jacques Desmarais, « Les idées de réforme sur la syndicalisation au Québec depuis 1964 », dans Jacques Bélanger et al. (dir.), La syndicalisation dans le secteur privé au Québec, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1983, 101, p. 103; Dominic Roux et Pierre Verge, « L’affirmation des principes de la liberté syndicale, de la négociation collective et du droit de grève selon le droit international et le droit du travail canadien : deux solitudes? », (2011) 333 Développements récents en droit du travail 121, p. 138-139.
[8] Jean-Réal Cardin, « Une montée inéluctable en économie moderne : le syndicalisme de cadres », (1964) 1:6 Cadres, p. 7, cité par Roger Chartier, « Le syndicalisme de cadres et la législation québécoise du travail », supra, note 2, p. 280.
[9] Rodrigue Blouin, « La qualification des cadres hiérarchiques par le Code du travail », (1975) 30 R.I. 478, p. 483.
[10] Syndicat des cadres des hôpitaux de la région de Montréal (C.S.N.) c. Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, [1983] C.A. 144. 1983 CanLII 3454.
[11] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[12] Fernand Morin, L’élaboration du droit de l’emploi au Québec : ses sources législatives et judiciaires, Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 197-198.
[13] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 3.
[14] Charte canadienne des droits et libertés, supra, note 11, al. 2d).
[15] Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, paragr. 297.
[16] Société des casinos du Québec inc. c. Tribunal administratif du travail, 2018 QCCS 4781 [« jugement entrepris »].
[17] Association des cadres de la Société des casinos du Québec et Société des casinos du Québec inc., 2016 QCTAT 6870 [« décision du TAT »].
[18] Charte canadienne des droits et libertés, supra, note 11.
[19] Charte des droits et libertés de la personne, supra, note 13.
[20] Qui comprend le Keno, une forme de bingo.
[21] Décision du TAT, paragr. 113, notamment.
[22] Jugement entrepris, paragr. 7.
[23] Au début de l’audience, la Cour a souligné aux parties que le TAT et la Cour supérieure n’étaient pas liés par leur admission commune concernant le statut de cadre des SDO. Il incombait particulièrement au premier, vu le libellé de l’article 1l) 1° C.t., de juger, sur la base d’une preuve, contestée ou non, si tel était réellement le cas. Dans le cas contraire, il eût sans doute été indiqué de lui retourner le dossier afin qu’il exerce sa juridiction, et que les paliers ultérieurs de révision et d’appel exercent ensuite la leur. Compte tenu des observations des parties, de leur admission commune et des constats du TAT et de la Cour supérieure à ce sujet, la Cour a conclu que l’appel peut être tranché sur la base du dossier tel que constitué.
[24] Loi sur les syndicats professionnels, RLRQ, c. S-40.
[25] Décision du TAT, paragr. 114.
[26] Id., paragr. 120-121.
[27] Pièce R-1-1 devant le TAT.
[28] Jugement entrepris, paragr. 217 et 219 in fine.
[29] Soit la Confédération nationale des cadres du Québec, l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux et l’Association des directeurs et directrices de succursales de la Société des alcools du Québec.
[30] Le Comité de la liberté syndicale est l’une des instances mises sur pied par le Bureau international du Travail de l’OIT pour recevoir les plaintes relatives à la liberté syndicale : Michel Coutu et al., Droit des rapports collectifs au Québec, 3e éd., vol. 1 « Le régime général », Montréal, Yvon Blais, 2019, p. 133, no 61.
[31] Bureau international du Travail, « Rapport no 335 où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation », cas no 2257 (Comité de la liberté syndicale), 291e réunion du Conseil d’administration du BIT, Genève, novembre 2004.
[32] Ibid.
[33] Ce projet de Guide n’a pas été reproduit dans le dossier d’appel.
[34] Selon le procès-verbal de cette réunion (pièce R-I-12), préparé par l’Association, mais n’ayant pas fait l’objet de corrections par l’Employeur; décision du TAT, paragr. 169-170.
[35] Décision du TAT, paragr. 172.
[36] Décision du TAT, paragr. 395-396 et jugement entrepris, paragr. 219 et 221, notamment.
[37] Telle qu’alors désignée, devenue le TAT en 2016 : Loi instituant le Tribunal administratif du Travail, RLRQ, c. T-15.1, art. 261.
[38] Association des cadres de la Société des casinos du Québec et Société des casinos du Québec inc., 2010 QCCRT 187, requête en révision judiciaire accueillie par Société des casinos du Québec c. Cloutier, 2012 QCCS 112, infirmée par Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2014 QCCA 603.
[39] Société des casinos du Québec c. Cloutier, 2012 QCCS 112, infirmée par Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2014 QCCA 603.
[40] Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2014 QCCA 603.
[41] Société des casinos du Québec c. Malette, 2015 QCCS 4645, confirmée par Société des casinos du Québec c. Association des cadres de la Société des casinos du Québec, 2017 QCCA 877.
[42] Société des casinos du Québec c. Association des cadres de la Société des casinos du Québec, 2017 QCCA 877.
[43] Bureau international du Travail, « Rapport no 370 Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration », cas no 2257 (Comité de la liberté syndicale), Genève, octobre 2013.
[44] Association des cadres de la société des casinos du Québec inc. c. Société des casinos du Québec inc., 2019 QCCA 90, paragr. 2 (Mainville, j.c.a.).
[45] Décision du TAT, paragr. 14-24.
[46] Id., paragr. 25-29.
[47] Id., paragr. 30-61.
[48] Id., paragr. 62-66 et 70.
[49] Id., paragr. 105-113.
[50] Id., paragr. 114-118.
[51] Id., paragr. 119-125.
[52] Id., paragr. 126-154.
[53] Ex : congés sans soldes et à traitement différé, primes, prélèvement à la source des cotisations des nouveaux membres de l’Association, délai de préavis requis pour la prise de vacances, participation de l’Association aux comités du régime de retraite et des assurances collectives; sur le tout, voir décision du TAT, paragr. 155 à 177.
[54] Décision du TAT, paragr. 166, notamment.
[55] Id., paragr. 178-186.
[56] Id., paragr. 181-182 et 400, particulièrement.
[57] Id., paragr. 311 et 385-392.
[58] Id., paragr. 137 et 391.
[59] Id., paragr. 133.
[60] Id., paragr. 318.
[61] Id., paragr. 139.
[62] Id., paragr. 144 et 392.
[63] Ibid.
[64] Id., paragr. 311.
[65] Id., paragr. 319-320 et 325-327, notamment.
[66] Id., paragr. 187-208.
[67] Association de la police montée de l'Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1 [« APMO »].
[68] Meredith c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 2.
[69] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4.
[70] Décision du TAT, paragr. 209-242.
[71] Id., paragr. 298 [renvoi omis].
[72] Id., paragr. 301, 304, 306 et 440.
[73] Id., paragr. 306.
[74] Id., paragr. 307-348 et 440.
[75] Baier c. Alberta, 2007 CSC 31.
[76] Décision du TAT, paragr. 350-364.
[77] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
[78] Décision du TAT, paragr. 443, notamment.
[79] Id., paragr. 430.
[80] Cuddy Chicks Ltd. C. Ontario (Commission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5, p. 17.
[81] Décision du TAT, paragr. 431-438.
[82] À l'origine, le TAT était aussi saisi d'une requête en accréditation visant certains employés cadres de la société d’état Hydro-Québec; les parties dans ce dossier ont toutefois convenu d’un règlement.
[83] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.
[84] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.
[85] Jugement entrepris, paragr. 38-43.
[86] Id., paragr. 44.
[87] Jugement entrepris, paragr. 63.
[88] Id., paragr. 62.
[89] Id., paragr. 64; Baier c. Alberta, supra, note 75, et Dunmore c. Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94.
[90] Jugement entrepris, paragr. 72.
[91] Jugement entrepris, paragr. 70-71 et 82.
[92] Dunmore c. Ontario (Procureur général), supra, note 89.
[93] Baier c. Alberta, supra, note 75.
[94] APMO, supra, note 67.
[95] Jugement entrepris, paragr. 83; Décision du TAT, paragr. 380.
[96] Jugement entrepris, paragr. 94.
[97] Id., paragr. 100.
[98] Id., paragr. 136, aussi 118-119 et 122-130.
[99] Id., paragr. 143-145; sur le même thème, voir aussi les paragr. 161, 166, 177, 180 et 186.
[100] Id., paragr. 152, 153 et 165-166.
[101] Id., paragr. 184-185 et 192-193.
[102] Id., paragr. 228.
[103] Id., paragr. 231 et 236 plus particulièrement.
[104] Id., paragr. 222; i.e. modifications unilatérales de conditions de travail par l’Employeur sans aviser l’Association (paragr. 206-207 et 209), et « sans même respecter l’obligation minimale de consultation qu’a accepté la Société dans le protocole » (paragr. 215), refus de l’Employeur de négocier, voire même d’aborder, certains sujets comme les salaires, les mouvements de main-d’œuvre, les bonis et la modification du Protocole (paragr. 216-217), quantité d’interlocuteurs différents et à plusieurs niveaux impliqués dans les discussions (paragr. 221 et 223).
[105] Id., paragr. 213.
[106] Id., paragr. 148 et 223.
[107] Id., paragr. 243.
[108] Id., paragr. 244.
[109] Id., paragr. 248, 254 et 261.
[110] Id., paragr. 248.
[111] Id., paragr. 254.
[112] Id., paragr. 264.
[113] Id., paragr. 273.
[114] Devenu, lors de l’instruction devant la juge, les articles 76 et 77 du n.C.p.c.
[115] 9022-1672 Québec inc. c. Québec (Direction générale des poursuites pénales), 2009 QCCA 1696, paragr. 52-55, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 18 février 2010, no 33420; Thibault c. Collège des médecins du Québec, 1998 CanLII 13224, p. 8-9 de l’opinion du juge Baudouin pour la Cour (C.A.).
[116] Décision du TAT, paragr. 338 et 339.
[117] Agraira c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2013 CSC 36; réaffirmé dans Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42, paragr. 10.
[118] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, supra, note 83.
[119] Agraira c. Canada (Sécurité publique et protection civile), supra, note 117, paragr. 47; voir aussi Bombardier Aéronautique inc. c Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail, 2020 QCCA 315, paragr. 21; Syndicat de l’enseignement de Champlain c. Commission scolaire Marie-Victorin, 2020 QCCA 135, paragr. 36-37.
[120] Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, paragr. 247 (la juge Deschamps, dissidente mais reprise avec approbation sur ce point par la Cour suprême dans Agraira c. Canada (Sécurité publique et protection civile), supra, note 117, paragr. 46; voir aussi Lebrun c. Syndicat des enseignants et enseignantes du Cégep de Limoilou, local 103, 2020 QCCA 1649, paragr. 9; Parmalat Canada inc. c. Bulhoes, 2018 QCCA 830, paragr. 29.
[121] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, supra, note 83, paragr. 17; Consolidated Fastfrate inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, paragr. 26; Procureur général du Québec c. Association canadienne des télécommunications sans fil, 2021 QCCA 730, paragr. 62.
[122] Jugement entrepris, paragr. 44; Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, supra, note 121, paragr. 26; Lévis (Ville) c. Fraternité des policiers de Lévis inc., 2007 CSC 14, paragr. 19; Autobus Transco (1988) inc. c. Syndicat de Autobus Terremont ltée. (CSN) 2020 QCCA 1787, paragr. 44, 45 et 47.
[123] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, supra, note 83, paragr. 125.
[124] Id., paragr. 126.
[125] Voir à ce sujet Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, paragr. 27.
[126] APMO, supra, note 67.
[127] Id., paragr. 93 [soulignement ajouté].
[128] Stéphane Beaulac et Frédéric Bérard, Précis d’interprétation législative, 2e éd., Montréal, LexisNexis, 2014, p. 51, cité récemment par la Cour dans Fédération des transporteurs par autobus c. Société de transport du Saguenay, 2021 QCCA 1303, paragr. 51.
[129] Code du travail, supra, note 1.
[130] Loi des relations ouvrières, supra, note 5.
[131] Rodrigue Blouin, « La qualification des cadres hiérarchiques par le Code du travail », supra, note 9, p. 482.
[132] National Labor Relations Act, ch. 372, 49 Stat. 449 (1935).
[133] Assemblée nationale, Débats de l’Assemblée législative, 21e lég., 5e sess., 1er février 1944, p. 81 (M. Duplessis et H. Perrier). Voir aussi la doctrine qui mentionne que « [l]e Wagner Act américain de 1935 […] représente la source d'inspiration de la loi [des relations ouvrières] » : Michel Coutu et al., Droit des rapports collectifs au Québec, supra, note 30, no 37, p. 93.
[134] National Labor Relations Act, ch. 372, 49 Stat. 449 (1935).
[135] National Labor Relations Act, ch. 120, 61 Stat. 137 (1947).
[136] Assemblée nationale, Journal des débats, 29e lég., 1ère sess., fasc. n° 19, 16 juillet 1970, p. 1201-1204 (P. Laporte et R. Burns).
[137] Assemblée nationale, Journal des débats, 29e lég., 2e sess., fasc. n° 69, 6 juillet 1971, p. 3064-3065 (J. Cournoyer et J.-N. Tremblay).
[138] Décision du TAT, paragr. 53-58.
[139] Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l’État québécois, 2021 QCCA 559, paragr. 67 et 69, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 octobre 2021, no 39695.
[140] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, supra, note 69.
[141] Constitution de l’Organisation internationale du Travail, 28 juin 1919, Traité de Versailles partie XIII, entré en vigueur le 16 mai 1920, préambule, en ligne : https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:62:0::NO::P62_ LIST_ENTRIE_ID:2453907 (page consultée le 26 janvier 2022).
[142] Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 9 juillet 1948, 68 R.T.N.U. 17, entrée en vigueur le 4 juillet 1950, ratifiée par le Canada le 23 mars 1972.
[143] Convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1er juillet 1949, 96 R.T.N.U. 25, entrée en vigueur le 18 juillet 1951, ratifiée par le Canada le 14 juin 2017.
[144] Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 R.T.N.U. 3, entré en vigueur le 3 janvier 1976, ratifié par le Canada le 19 mai 1976.
[145] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par le Canada le 19 mai 1976.
[146] Conférence internationale du Travail, Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, 86e sess., Genève, 18 juin 1998, en ligne : https://www.ilo.org/declaration/thedeclaration/textdeclaration/lang--fr/index.htm (page consultée le 26 janvier 2022).
[147] Isabelle Duplessis, « La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Une nouvelle réforme de régulation efficace? », (2004) 59 R.I. 52, p. 52.
[148] Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27.
[149] Ontario (Procureur général) c. Fraser, supra, note 15.
[150] APMO, supra, note 67.
[152] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, supra, note 69.
[153] APMO, supra, note 67.
[154] Id., paragr. 66.
[155] Id., paragr. 67-79.
[156] Id., paragr. 80.
[157] Id., paragr. 81 [soulignements ajoutés].
[158] Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, S.C. 1966-67, ch. 72, art. 2e), g), j), « fonctionnaire », remplacée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, paragr. 2(1) « fonctionnaire » al. d).
[159] En l’occurrence, le Programme des représentants des relations fonctionnelles (« PRRF »), instauré par le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, DORS/88-361.
[160] APMO, supra, note 67, paragr. 29‑131 et 136.
[161] Id., paragr. 111 et 121.
[162] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, supra, note 69, paragr. 24.
[163] Id., paragr. 78 [soulignement ajouté].
[164] Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c Colombie-Britannique, supra, note 148, paragr. 20 et 69-79.
[165] Id., paragr. 70.
[166] Id., paragr. 71.
[167] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, supra, note 83, paragr. 17.
[168] Jugement entrepris, paragr. 82.
[169] Dunmore c. Ontario (Procureur général), supra, note 89.
[170] Baier c. Alberta, supra, note 75.
[171] Dunmore c. Ontario (Procureur général), supra, note 89, paragr. 48.
[172] Baier c. Alberta, supra, note 75.
[173] Id., paragr. 30.
[174] APMO, supra, note 67.
[175] R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295.
[176] Ontario (Procureur général) c. Fraser, supra, note 15.
[177] Ontario (Procureur général) c. Fraser, supra, note 15, paragr. 68-69 et 71.
[178] Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général), 2021 CSC 34.
[179] Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Côté, Brown et Rowe.
[180] Les juges Abella, Karakatsanis, Martin et Kasirer.
[182] APMO, supra, note 67, paragr. 49 [soulignement ajouté].
[185] Plourde c. Compagnie Wal-Mart du Canada Inc., 2009 CSC 54, paragr. 56.
[186] Québec (Procureur général) c. Confédération des syndicats nationaux (CSN), supra, note 4.
[187] Id., paragr. 87.
[188] APMO, supra, note 67, paragr. 80.
[189] Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, supra, note 148, paragr. 90.
[190] Ontario (Procureur général) c. Fraser, supra, note 15.
[191] Id., paragr. 317.
[192] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, supra, note 83, paragr. 125.
[193] Décision du TAT, paragr. 306.
[194] Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, paragr. 46.
[195] Jugement entrepris, paragr. 206-207 et 209.
[196] Id., paragr. 215.
[197] Id., paragr. 216-217.
[198] Id., paragr. 221 et 223.
[199] Id., paragr. 222.
[200] Id., paragr. 213.
[201] Id., paragr. 148 et 223.
[202] Jugement entrepris, paragr. 143.
[203] Décision du TAT, paragr. 385, 387 et 389.
[204] Décision du TAT, paragr. 311.
[205] Id., paragr. 320 et 395.
[206] Jugement entrepris, paragr. 222.
[207] Id. paragr. 113.
[208] Id., paragr. 148 et 223.
[209] Décision du TAT, paragr. 328, 334 et 336 en particulier et jugement entrepris, paragr. 147.
[210] Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, paragr. 50; Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476, p. 489 citant Heustis c. Commission d’énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768, p. 781.
[211] Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, paragr. 36.
[212] Dayco (Canada) Ltd. c. TCA-Canada, [1993] 2 R.C.S. 230.
[213] Id., p. 306-307.
[214] Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, paragr. 49-56.
[215] Jugement entrepris, paragr. 228 [soulignement ajouté].
[216] Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] R.C.S. 313.
[217] Voir par exemple les emprunts fréquents des juges McLachlin et LeBel à cette dissidence dans leur opinion pour la majorité dans l’arrêt APMO, supra, note 67, aux paragr. 35, 36, 51 à 55, 57 et 105.
[218] Id., p. 367.
[219] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, supra, note 69.
[220] Jugement entrepris, paragr. 213.
[221] Id., paragr. 148 et 223.
[222] Id., paragr. 144.
[223] Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, supra, note 148.
[224] Id., paragr. 35.
[225] Dunmore c. Ontario (Procureur général), supra, note 89, paragr. 26.
[227] Dunmore c. Ontario (Procureur général), supra, note 89, paragr. 35.
[228] Art. 1l) 1° C.t.
[229] Dunmore c. Ontario (Procureur général), supra, note 89, paragr. 26 et 29.
[230] Ontario (Procureur général) c. Fraser, supra, note 15.
[231] Loi sur la Société des loteries du Québec, RLRQ, c. S-13.1, art. 6.2, 9, 9.1 et 9.2.
[232] Id., art. 4.
[233] Loi sur l'administration financière, RLRQ, c. A-6.001, art. 2 al. 3 et Annexe 3.
[234] Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, RLRQ, c. G-1.02, art. 2 et Annexe 1.
[235] R. c. Oakes, supra, note 77.
[236] Décision du TAT, paragr. 405-410.
[237] Id., paragr. 411-422.
[238] Id., paragr. 423.
[239] Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, paragr. 47-48, citant Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, p. 769-771.
[240] Procureur général du Québec c. Gallant, 2021 QCCA 1701; voir aussi Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1, paragr. 38-39.
[241] RJR – MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199; sur le même thème, voir Chaoulli c. Québec (Procureur général), supra, note 239, paragr. 87 (motifs de la j. Deschamps).
[242] Décision du TAT, paragr. 423-426.
[243] Frank c. Canada (Procureur général), supra, note 240, paragr. 66.
[244] Alberta c. Hutterian Brethen of Wilson Colony, 2009 CSC 37, paragr. 53; au même effet, RJR – MacDonald inc. Canada (Procureur general), supra, note 240, paragr. 160.
[245] Roger Chartier, Le syndicalisme de cadres et la législation québécoise du travail, supra, note 2, p. 282.
[246] Procureur général du Québec c. Gallant, supra, note 239, paragr. 218.
[247] Canada, Les relations de travail au Canada : Rapport de l’Équipe spécialisée en relations de travail, Ottawa, Bureau du Conseil privé, 1968.
[248] Pièce R-4 devant le TAT, Rapport de l’expert Me Michel Coutu, 20 octobre 2014, p. 13.
[249] Ibid.
[250] Ibid.
[251] Labour Relations Act, 1995, 1995 S.O. c.1, art. 1(3)(b).
[253] Labour Relations Act, C.C.S.M., c. L10.
[254] Manitoba Government and General Employees’ Union v. Southern Health – Santé Sud, 2015 CanLII 37991, paragr. 16g) (Manitoba Labour Board).
[255] Décision du TAT, paragr. 436-438.
[256] Procureure générale du Canada c. Descheneaux, 2017 QCCA 1238.
[257] Id., paragr. 35-36, citant Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, paragr. 50.
[258] Id., paragr. 73.
[259] Art. 1l) 1° C.t.
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