Décision

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7350121 Canada inc. c. Ville de Montréal

2023 QCCA 1335

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030225-221

(500-17-097740-172)

 

DATE :

26 octobre 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A.

 

 

7350121 CANADA INC.

APPELANTE – défenderesse / demanderesse reconventionnelle

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

INTIMÉE – demanderesse / défenderesse reconventionnelle

et

 

LES PLACEMENTS LEV LTÉE

MISE EN CAUSE – défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                 L’appelante, 7350121 Canada inc., se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure du 2 septembre 2022 (l’honorable Michèle Monast), district de Montréal, qui accueille la demande en cessation d’usage formulée par l’intimée, Ville de Montréal, ordonne à l’appelante de retirer les appareils sonores de ses terrasses extérieures, d’y cesser toute représentation, y compris de « DJ », de ne pas y exercer « la danse, les représentations théâtrales ou cinématographiques, les concerts, les spectacles, l’usage d’appareils sonores, ainsi que la cuisson d’aliments » et de ne pas installer ou utiliser des appareils sonores de manière que le bruit émis par les activités offertes à l’intérieur du bâtiment soit perceptible sur les terrasses extérieures[1].

[2]                 L’appelante est locataire d’un immeuble situé dans l’arrondissement Sud-Ouest à Montréal, et y exploite depuis 2012 un établissement connu sous le nom de New City Gas. Cet immeuble, propriété de la mise en cause, est un ancien bâtiment industriel désaffecté que cette dernière a entrepris de rénover et de transformer afin d’y tenir des spectacles et des évènements-bénéfice et d’y exploiter un bar pouvant accueillir jusqu’à 4 550 personnes.

[3]                 À l’époque où la mise en cause débute ses démarches auprès de la Ville pour l’obtention d’un permis de réaménagement de l’immeuble, les usages dont elle tire avantage aujourd’hui – salle de spectacle, débit de boissons, salle de réception, salle d’exposition, salle de danse et café-terrasse – sont permis dans ce secteur, qui est alors surtout industriel. Ils ne le sont plus aujourd’hui à cause de l’augmentation des immeubles résidentiels à proximité et le New City Gas, qui bénéficie néanmoins de droits acquis, doit maintenant composer avec cette nouvelle réalité.

[4]                 En sus des aires intérieures, le New City Gas possède deux terrasses extérieures, l’une à l’arrière du bâtiment et l’autre à l’ouest, ceinte entre le mur extérieur du bâtiment où l’appelante exerce ses activités et celui d’un autre bâtiment loti sur le lot de la mise en cause. L’appelant qualifie ces espaces de « cours intérieures », alors qu’en réalité, il s’agit d’espaces extérieurs adjacents à l’immeuble. Depuis 2014, ces espaces sont utilisés pendant la période estivale pour la tenue de soirées dansantes, de représentations de « DJ » ou d’évènements festifs lors desquels des haut-parleurs projettent de la musique en plein air, ce qui crée des désagréments dans le voisinage.

[5]                 L’usage des terrasses est au cœur du présent litige. En 2017, la Ville dépose une demande en cessation d’utilisation du sol incompatible avec les règlements municipaux en vertu de l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[2]  LAU »), et soutient que le déroulement des activités extérieures sur les terrasses contrevient au Règlement d’urbanisme de l’arrondissement du Sud-Ouest[3]  Règlement de zonage »). La Ville demande aussi l’émission d’une ordonnance afin que l’appelante respecte l’article 9(1) du Règlement sur le bruit[4], qui prohibe, lorsqu’il s’entend à l’extérieur, le bruit produit au moyen d’appareils sonores, « qu’ils soient situés à l’intérieur d’un bâtiment ou qu’ils soient installés ou utilisés à l’extérieur. » Ces demandes sont âprement contestées par l’appelante.

[6]                 Le jugement entrepris donne raison à l’intimée et ordonne notamment à l’appelante de retirer les appareils sonores des terrasses, de n’y tenir aucune représentation, y compris de « DJ », de ne pas permettre la danse, des concerts, des spectacles, et de ne pas installer ou utiliser des appareils sonores de telle manière que le bruit émis par les activités se déroulant à l’intérieur du bâtiment soit perceptible sur les terrasses.

[7]                 La juge détermine que le seul usage autorisé sur les terrasses est celui de café-terrasse et que selon l’article 172 du Règlement de zonage, tous les usages autorisés doivent être exercés à l’intérieur du bâtiment, sauf indication contraire. En fait, seul l’usage des cafés-terrasses est permis en plein air, mais il comporte plusieurs restrictions, incluant l’interdiction d’y tenir de la danse, des représentations théâtrales ou cinématographiques, des concerts, des spectacles et de permettre l’usage d’appareils sonores, ainsi que la cuisson d’aliments[5]. Cette disposition est par conséquent opposable à l’appelante.

[8]                 La juge rejette les arguments de l’appelante l’invitant à assimiler les terrasses à des bâtiments au sens du Règlement de zonage et à conclure qu’elle avait le droit d’exploiter ses activités et de jouir des usages autorisés à ces endroits. Tel que mentionné, l’appelante soutenait en effet que les terrasses, qualifiées par elle de « cours intérieures », pouvaient être exploitées pour exercer l’ensemble des usages autorisés sans être restreintes par ailleurs à la définition de cafés-terrasses. Après une analyse détaillée et complète, la juge conclut à la non-conformité au Règlement de zonage des usages exercés par l’appelante sur les terrasses et à la contravention de celle-ci au Règlement sur le bruit.

[9]                 Finalement, la juge refuse d’exercer la discrétion qui lui est conférée par le texte de l’article 227 LAU et dont les principes ont été énoncés dans l’arrêt Chapdelaine[6] de notre Cour. Au regard de la preuve présentée, elle détermine ne pas être en présence de circonstances exceptionnelles justifiant l’exercice de sa discrétion, notamment parce que la dérogation demandée n’est pas mineure, que les effets des ordonnances recherchées n'auront pas un effet purement théorique et que la bonne foi de l’intimée n’a pas été démontrée.

[10]           Dans le cadre de son mémoire, l’appelante soulève trois moyens d’appel, qu’il y a lieu de reformuler ainsi :

1. La juge commet une erreur mixte de fait et de droit en omettant de tenir compte, dans l’évaluation des critères de l’arrêt Chapdelaine, de la présomption de bonne foi de l’article 2805 C.c.Q. dont bénéficie l’appelante, opérant ainsi un renversement du fardeau de preuve.

2. La juge commet une erreur dans l’interprétation des dispositions réglementaires applicables aux faits de l’espèce et aurait dû retenir que les terrasses ou « cours intérieures » sont des bâtiments au sens du règlement.

3. La juge a erré dans son interprétation et application de l’article 9(1) du Règlement sur le bruit.

[11]           Pour les motifs qui suivent, l’appel est accueilli en partie seulement.

  1. La bonne foi

[12]           La bonne foi constitue l’un des critères élaborés par la Cour dans l’arrêt Chapdelaine, servant d’assise à l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un juge en vertu de l’article 227 LAU de rejeter le recours d’une municipalité exigeant le respect de sa réglementation. Cette discrétion pourra être exercée essentiellement afin de pallier les iniquités et injustices qu’une application stricte et rigoureuse de la loi pourrait entraîner dans certaines circonstances[7].

[13]           Voici comment le juge Rochon énonce ces principes[8] :

[52] Sans élaborer une théorie générale sur le sujet, je retiens que les tribunaux refuseront la demande de la municipalité si nous retrouvons l'ensemble des éléments suivants :

  • Il doit s’agir de circonstances exceptionnelles et rarissimes.
  • L’intérêt de la justice doit commander le rejet du recours. 
  • La personne en contravention de la réglementation municipale doit avoir été diligente et de bonne foi.
  • Elle ne doit pas avoir connu la contravention préalablement.
  • L’effet du maintien de la contravention ne doit pas avoir une conséquence grave pour la zone municipale touchée.
  • Il doit y avoir existence d’un délai déraisonnable (généralement plus de 20 ans) et inexcusable de la part de la municipalité.
  • Il doit y avoir eu un acte positif de la municipalité (émission de permis, perception de taxes).
  • La situation dérogatoire ne doit pas avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, l’environnement et le bien-être général de la municipalité.

[14]           Concernant plus particulièrement les agissements de la personne en contravention de la réglementation municipale, « sa diligence, sa bonne foi et son absence de connaissance de la contravention »[9] devront être examinées par le tribunal à la lumière de chaque cas.

[15]           Ainsi, celui ou celle qui invite le tribunal à exercer sa discrétion en sa faveur doit non seulement démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles, mais aussi établir dans ce contexte que l’intérêt de la justice commande le rejet du recours et établir qu’elle a agi de bonne foi[10]. Cela se traduit par la démonstration de ses agissements dans le cadre du dossier qui va au-delà de la simple présomption de bonne foi de l’article 2805 C.c.Q.

[16]           En l’espèce, et sans entrer outre mesure dans les détails de la preuve présentée, la juge pouvait certainement déterminer que la bonne foi de l’appelante n’avait pas été démontrée. La juge ne manque pas de souligner d’ailleurs le manque de transparence dont l’appelante a fait preuve à certains égards dans ce dossier. À ce sujet, l’intimée porte à l’attention de la Cour le fait que l’appelante a notamment menti à l’inspecteur municipal et dissimulé ses haut-parleurs dans des plantes à l’extérieur, en soutenant de manière inexacte que la musique sur les terrasses provenait plutôt de l’intérieur du bâtiment.

[17]           Finalement, et pour clore sur ce premier motif, la bonne foi n’est pas le seul critère donnant ouverture à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge en vertu de l’article 227 LAU. La juge a retenu que certaines des autres exigences n’avaient pas été satisfaites.  À cet égard, l’appelante ne nous convainc pas que la juge a commis une erreur manifeste et déterminante en concluant que la dérogation demandée n’était pas mineure et que les ordonnances recherchées n’avaient pas un effet simplement théorique pour justifier son refus. D’ailleurs, l’appelante ne remet pas en question devant la Cour l’exercice de ce pouvoir en l’espèce. Ce premier moyen doit donc échouer.

  1. L’exercice par l’appelante des usages sur les terrasses extérieures

[18]           Résumé à sa plus simple expression, l’argument de l’appelante consiste à tenter de convaincre la Cour que les terrasses, qu’elle qualifie de « cours intérieures », peuvent être exploitées pour exercer l’ensemble des usages autorisés puisqu’elles sont assimilables à des « bâtiments » au sens de l’article 172 du Règlement de zonage.

[19]           L’article 172 du Règlement de zonage se lit comme suit :

À moins d’indication contraire, toutes les opérations reliées à l’exploitation d’un usage doivent se faire à l’intérieur d’un bâtiment.

[20]           Par ailleurs, l’article 5 de ce même règlement définit le mot « bâtiment » en ces termes : « une construction ou une partie de construction utilisées ou destinées à être utilisées pour abriter ou recevoir des personnes, des animaux ou des choses ». L’expression « cours intérieures » employée par l’appelante n’y est pas définie. Le règlement donne toutefois les définitions des mots « cour anglaise », « cour avant » et « autres cours », et précise qu’il s’agit d’espaces. La définition de « autres cours » est celle qui correspond le mieux à la présente situation. Elle se lit ainsi : « un espace compris entre les murs extérieurs d’un bâtiment principal et les limites d’un terrain, excluant une cour avant » [soulignement ajouté].

[21]           Par ailleurs, le Règlement de zonage ne prévoit qu’un seul usage pouvant être exercé en plein-air, soit celui d’un café-terrasse, si celui-ci est rattaché à un restaurant ou à un débit de boissons. L’article 366 du règlement impose toutefois d’importantes restrictions d’exploitation à cet usage qui ne correspondent pas avec celles qu’en fait l’appelante.

[22]           L’appelante propose une lecture essentiellement littérale du règlement qui n’est pas conforme à la méthode moderne d’interprétation préconisée par les tribunaux, méthode selon laquelle les termes d’un texte législatif doivent être lus dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise le mieux avec l’esprit de la loi, son objet et l’intention du législateur[11]. À l’audition devant la Cour, elle soumet des arguments supplémentaires, notamment sur une différence d’interprétation qu’elle voit entre « du bâtiment » et « d’un bâtiment » mais qui n’ont aucune incidence sur le sort de ce second moyen.

[23]           Il ne fait pas de doute que les terrasses ou « cours intérieures » situées à l’arrière et à l’ouest du bâtiment abritant le New City Gas ne sont pas des bâtiments au sens du Règlement de zonage. Il s’agit en effet d’espaces, certes aménagés par l’appelante à l’extérieur du bâtiment, et qui sont définis par la présence de celui-ci, notamment de ses murs extérieurs, en vertu desquels ces espaces sont ceints.

[24]           Comme toutes les opérations liées à un usage autorisé doivent se tenir à « l’intérieur du bâtiment » selon les exigences de l’article 172, qualifier les présentes terrasses de bâtiments priverait le mot « intérieur » de son sens. De plus, l’interprétation proposée par l’appelante ne s’harmonise pas avec les autres articles du Règlement de zonage qui s’appliquent à la notion de bâtiment. En effet, comme le souligne l’intimée, une cour intérieure ou une terrasse ne peut être soumise à une « limite de hauteur » (art. 8)[12], à un « calcul de densité » (art. 43)[13] ou à un minimum de « marge latérale » (art. 81)[14], comme le prévoit le Règlement de zonage. Il ne serait donc pas logique d’assimiler une terrasse à un bâtiment. Une telle interprétation du mot bâtiment entrerait en conflit avec le reste du texte.

[25]           L’argument de l’appelante selon lequel une terrasse doit être qualifiée de bâtiment, car son aménagement, incluant l’existence d’un plancher, nécessite un permis de construction ne convainc pas davantage. L’obtention d’un tel permis est requise pour de nombreux travaux ou modifications à un bâtiment visé par un règlement de zonage ou autres réglementations municipales, incluant les terrasses, sans que cela ne transforme de fait ces constructions en bâtiment.

[26]           Finalement et de manière plus générale, l’interprétation que nous invite à adopter l’appelante doit aussi échouer puisqu’elle va à l’encontre de l’objectif poursuivi par le législateur visant à minimiser les inconvénients pour le voisinage en confinant les activités bruyantes et dérangeantes à l’intérieur d’un bâtiment.

  1. Interprétation et application de l’article 9 (1) du Règlement sur le bruit

[27]           En dernier ressort, l’appelante plaide que la juge de première instance a commis une erreur dans l’interprétation et l’application de l’article 9(1) du Règlement sur le bruit[15], se traduisant par une prohibition absolue du bruit provenant d’appareils sonores, peu importe qu’il soit perceptible ou générateur de nuisance. Cette interprétation serait, selon elle, contraire aux enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Montréal (Ville de) c. 2952-1366 Québec inc.[16].

[28]           L’article 9(1) du Règlement sur le bruit est ainsi rédigé :

9. Outre le bruit mentionné à l'article 8, est spécifiquement prohibé lorsqu'il s'entend à l'extérieur :

1º le bruit produit au moyen d'appareils sonores, qu'ils soient situés à l'intérieur d'un bâtiment ou qu'ils soient installés ou utilisés à l'extérieur;

[29]           La portée de cette disposition a effectivement été interprétée par la Cour suprême dans l’arrêt Montréal c. 2952-1366 Québec inc.[17]:

[29] Le bruit visé à l’art. 9 est déjà qualifié comme celui qui (1) provient d’un appareil sonore, (2) situé à l’intérieur d’un bâtiment ou installé ou utilisé à l’extérieur du bâtiment, et qui (3) est audible de l’extérieur. Ces trois caractéristiques sont cumulatives.

[]

[33] Il s’ensuit qu’appliquer le par. 9(1) à tous les bruits provenant d’appareils sonores, même s’ils n’ont pas pour effet de causer une interférence avec l’environnement urbain, est incompatible avec le contexte immédiat de la disposition. Tous les bruits ciblés par l’interdiction de l’art. 9 ont un effet perturbateur sur l’environnement urbain selon la définition qui en est donnée au Règlement. Tous ces bruits sont repérables distinctement du bruit d’ambiance. Si le bruit produit par un appareil sonore situé à l’intérieur ou à l’extérieur d’un bâtiment peut être entendu de l’extérieur, c’est qu’il se distingue du bruit d’ambiance. Seule une interprétation qui tient compte du contexte peut être retenue. Si la notion de perturbation n’est pas expressément mentionnée à l’art. 9, c’est qu’en raison des bruits ciblés, il n’a pas été jugé utile de la reprendre explicitement à chaque paragraphe.

[34] L’analyse historique et téléologique a permis de déterminer que le but recherché par le législateur est le contrôle des bruits qui constituent une interférence avec la jouissance paisible de l’environnement urbain. Le contexte immédiat de l’art. 9 permet de faire ressortir que la notion de bruit qui nuit à la jouissance de l’environnement est implicite à l’art. 9 et que les activités qui y sont prohibées sont celles qui produisent un bruit repérable distinctement du bruit d’ambiance.

[Soulignement ajouté]

[30]           À la lecture de ce qui précède, il semble clair que la disposition n’a pas pour effet, comme le soutient l’appelante, de contrôler les bruits qui constituent une nuisance effective pour le voisinage. Cette disposition vise plutôt les bruits provenant d’appareils sonores situés à l’intérieur ou à l’extérieur d’un bâtiment et qui peuvent être entendus à l’extérieur parce qu’ils se distinguent du bruit d’ambiance et interfèrent avec l’utilisation paisible de l’espace urbain.

[31]           Que le son des haut-parleurs, en l’espèce, provienne de l’intérieur ou de l’extérieur du bâtiment n’est pas pertinent pour les fins de l’application de l’article 9(1), pas plus que le fait que le bruit qui en émane constitue ou non une nuisance caractérisée.

[32]           L’article 9(1) s’applique du moment que ce bruit est perceptible de l’extérieur, ni plus ni moins.

[33]           La juge précise qu’étant donné le manque de transparence dont l’appelante a fait preuve par le passé, il importe de s’assurer que l’ordonnance rendue possède un caractère exécutoire et que le son généré par les activités pratiquées à l’intérieur du bâtiment et sur les terrasses respecte la réglementation et son objectif. La Cour doit déférence aux conclusions de la juge et à la portée de l’ordonnance rendue. Celles-ci s’appuient en effet sur la preuve présentée selon laquelle le son projeté par l’appelante interférait avec l’utilisation paisible de l’espace urbain et s’entendait à l’extérieur. Dans la mesure toutefois où le son provenant de l’intérieur et perceptible sur les terrasses ne le soit pas dans l’espace urbain extérieur public, il semble évident que l’ordonnance prononcée au paragraphe [127] du jugement ne pourrait s’appliquer, puisqu’encore une fois, elle vise avant tout à proscrire les multiples tentatives de l’appelante de contourner la réglementation et de diffuser par divers moyens sonores et artifices du son sur les terrasses et perceptible dans le milieu urbain adjacent.

[34]           Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de modifier l’ordonnance émise afin de circonscrire l’interdiction du bruit émis par les activités autorisées à l’intérieur du bâtiment, qui sont perceptibles à l’extérieur de celui-ci, soit dans l’espace urbain public. Dans la mesure où le son émis par les activités autorisées à l’intérieur du bâtiment est perceptible sur les terrasses mais non dans l’espace urbain public, l’ordonnance rendue par la juge est inapplicable.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[35]           ACCUEILLE en partie l’appel à la seule fin de modifier l’ordonnance du paragraphe [127] du jugement d’instance pour qu’elle se lise désormais comme suit :

[127] ORDONNE aux défenderesses ou tout locataire de l’immeuble portant l’adresse civique 950-956, rue Ottawa, lot 1 179 785 du cadastre de Québec, de ne pas installer ou utiliser des appareils sonores de telle manière que le bruit émis par la danse, les représentations théâtrales ou cinématographiques, les concerts, et les spectacles offerts à l’intérieur du bâtiment soit perceptible à l’extérieur, soit dans l’espace urbain public;

[36]           LE TOUT, avec les frais de justice en faveur de l’intimée.

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

 

 

 

FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A.

 

Me Jonathan Maxime Fecteau

Me Jean-Daniel Lamy

DE GRANDPRÉ CHAIT

Pour l’appelante

 

Me Mélissandre Asselin-Blain

Me Alexandre Auger

GAGNIER GUAY BIRON

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

5 octobre 2023

 


[1]  Ville de Montréal c. Placements Lev ltée, 2022 QCCS 3273 [jugement entrepris].

[2]  Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c. A-19.1.

[3]  Règlement d’urbanisme de l’arrondissement du Sud-Ouest, 01-280.

[4]  Règlement sur le bruit, R.R.V.M. c. B-3.

[5]  Règlement de zonage, supra, note 3, art. 363 à 367.

[6]  Montréal (Ville) c. Chapdelaine, 2003 CanLII 28303 (QC CA) [Chapdelaine].

[7]  Ibid.; Municipalité Régionale de comté d'Abitibi c. Ibitiba ltée, 1993 CanLII 3768 (QC CA).

[8]  Chapdelaine, supra, note 6, paragr. 52.

[9]  Id., paragr. 55.

[10]  Montréal (Ville de) c. Auberge des Glycines inc., 2012 QCCA 556 paragr. 44; Ferme Rose-Aimée Laberge c. Municipalité de l’Ange-Gardien, 2022 QCCS 2564, paragr. 119.

[11]  Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, paragr. 21, citant E. A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, p. 87; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, paragr. 26. Voir aussi R. c. J.D., 2022 CSC 15, paragr. 21.

[12]  Règlement de zonage, supra, note 3, art. 8.

[13]  Id., art. 43.

[14]  Id., art. 81.

[15]  Règlement sur le bruit, supra, note 4.

[16]  Montréal (Ville) c. 29521366 Québec Inc., 2005 CSC 62.

[17]  Ibid.

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