Commission scolaire des Hauts-Bois et Morin |
2011 QCCLP 1175 |
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Dossier 383359-07-0907
[1] Le 13 juillet 2009, la Commission scolaire des Hauts-Bois (l'employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 2 juillet 2009 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST conclut qu’elle pouvait reconsidérer la partie de sa décision du 1er mai 2009 portant sur le diagnostic et déclare sans objet la demande de l’employeur portant sur l’admissibilité et nulle la partie de décision traitant de l’admissibilité du diagnostic de status post-discoïdectomie.
[3] La CSST déclare aussi que le travailleur a droit à la poursuite de ses indemnités de remplacement du revenu étant donné qu’il continue d’avoir besoin de soins et de traitements et que sa lésion n’est pas consolidée.
Dossier 400137-07-1001
[4] Le 22 janvier 2010, monsieur Jacques Morin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 7 janvier 2010 à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST confirme ses décisions initiales rendues le 12 novembre 2009 et déclare qu’elle est justifiée de poursuivre les indemnités de remplacement du revenu qu’elle verse au travailleur jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de retour au travail du travailleur puisque sa lésion est consolidée avec limitations fonctionnelles. Elle ajoute qu’elle doit cesser de payer les soins et les traitements après le 26 octobre 2009 puisqu’ils ne sont plus justifiés.
[6] De plus, elle déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 2,90 % et qu’il a le droit de recevoir une indemnité pour préjudice corporel de 1 442,78 $.
[7] Une audience est tenue le 2 novembre 2010 à la Commission des lésions professionnelles à Gatineau en présence du travailleur et de l’employeur qui sont représentés par procureures. Les dossiers sont mis en délibéré le 21 janvier 2011, puisqu’une réouverture d’enquête a été nécessaire en raison du fait que la soussignée a souhaité recevoir les commentaires des deux procureures au sujet de la validité de l’avis du docteur Demers du Bureau d'évaluation médicale quant au diagnostic.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 383359-07-0907
[8] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la reconsidération effectuée le 2 juin 2009 par la CSST est illégale puisque, c’est sans droit, qu’elle a demandé un avis complémentaire au membre du Bureau d'évaluation médicale au sujet du diagnostic de la lésion professionnelle survenue le 21 septembre 2005.
[9] À la suite d’une demande du tribunal portant sur la validité de l’avis du Bureau d'évaluation médicale, il soumet que la demande initiale de Bureau d'évaluation médicale au sujet du diagnostic était régulière en raison d’opinions divergentes entre le médecin désigné par la CSST et le médecin qui a charge du travailleur.
[10] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic de la lésion professionnelle du 21 septembre 2005 est celui de status post-discoidectomie au niveau L5-S1 droit et que ce diagnostic est relié à l’événement survenu au travail le 10 février 1981.
[11] L’employeur ne fait aucune demande spécifique quant aux autres aspects de la décision rendue par la CSST portant sur la date de consolidation et les traitements.
Dossier 400137-07-1001
[12] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que sa lésion professionnelle du 21 septembre 2009 entraîne un déficit anatomo-physiologique de 15 % auquel doit s’ajouter un pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie. De ce pourcentage, celui pour séquelles antérieures doit être retranché.
[13] En ce qui concerne les limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion, le travailleur demande au tribunal de reconnaître qu’elles sont de classe 3. C’est pourquoi il demande de retourner le dossier à la Commission des lésions professionnelles afin qu’elle se prononce, à nouveau, sur sa capacité de travail en tenant compte de ces limitations fonctionnelles.
LES FAITS
[14] Le dossier, tel que constitué devant la Commission des lésions professionnelles, révèle que le travailleur a subi deux accidents du travail, l’un en date du 10 février 1981 alors qu’il était mécanicien chez Marinier Automobiles inc[1]. et l’autre le 5 mai 2004 alors qu’il était enseignant chez l’employeur dans le présent dossier.
[15] La Commission des lésions professionnelles a eu à se prononcer sur l’admissibilité d’une rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 septembre 2005[2]. Il y a lieu d’en reproduire les extraits pertinents aux présentes contestations puisque les faits tels que rapportés par le tribunal sont conformes à la preuve dans le présent dossier :
[9] Le 10 février 1981, le travailleur, alors âgé de 34 ans et exerçant le métier de mécanicien chez Marinier Automobiles inc., subit une première lésion professionnelle. En manipulant une roue d’automobile, il s’inflige une blessure au niveau lombaire avec irradiation dans la jambe droite. Le diagnostic de hernie discale au niveau L5-S1 est posé et, le 13 octobre 1981, le travailleur est opéré pour une discectomie (sic) L5-S1 droite, par le docteur Dennery à l’Hôpital d’Ottawa.
[10] Le 24 février 1982, le travailleur est admis à l’hôpital pour lombalgie aiguë après avoir changé un pneu de sa voiture. Il reçoit des traitements conservateurs.
[11] Le 24 janvier 1983, il ressent d’importantes douleurs dorsales au niveau de D7 en manipulant une transmission d’automobile. Un diagnostic d’entorse dorsale est posé. Le 10 mai suivant, il est question de hernie discale, cette fois au niveau L4-L5 en lien avec la racine de L5 gauche. Le 20 mai suivant, le diagnostic de hernie discale est posé à nouveau. Des rapports médicaux de la CSST sont complétés avec les diagnostics de hernie discale L4-L5 avec symptomatologie compressive L5 racine gauche. Un arrêt de travail et un traitement conservateur sont prescrits. Le dernier rapport médical au dossier se rapportant à cet épisode est du 30 mai 1983. Il est alors question de réflexes diminués, de SLR + à droite à 70 degrés et à gauche à 80 degrés. Il y a limitation de la flexion antérieure à 6 doigts du sol. Le dossier ne permet pas de savoir si cet épisode a été reconnu par la CSST à titre de nouvel événement ou comme récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale de février 1981.
[12] En 1990, le travailleur commence à occuper le poste d’enseignant en mécanique automobile pour l’employeur.
[13] Le dossier de la Commission des lésions professionnelles ne contient aucune autre information médicale après 1983, jusqu’à la production d’une réclamation pour lésion professionnelle le 5 mai 2004.
[14] L’événement du 5 mai 2004 est décrit au formulaire « Réclamation du travailleur » de la façon suivante :
Avec les étudiants en posant une transmission automobile. L’auto soulevée sur le pont-élévateur, alors en soulevant et poussant sur la trans. j’ai ressenti une douleur au bas du dos, et problème à me redresser.
[15] Le 10 mai 2004, le docteur Guy Dubuc, omnipraticien, pose le diagnostic de lombosciatalgie (hernie discale). Il prescrit de la médication et des travaux légers.
[16] Une tomodensitométrie lombaire effectuée le 10 juin 2004 est interprétée comme montrant une toute petite image compatible avec une hernie discale postéro-latérale gauche à L4-L5. Le disque L5-S1 est très pathologique avec dégénérescence discale et des signes d’une probable hernie postéro-latérale droite.
[17] Le 16 juin 2004, le docteur Dubuc précise le diagnostic, retenant celui de hernie discale L4-L5 gauche. Les traitements conservateurs sont poursuivis. Le 20 août suivant, il dirige le travailleur en neurochirurgie.
[18] Le 27 septembre 2004, le docteur Luc Laurin, omnipraticien, examine le travailleur dans le cadre d’une expertise médicale demandée par l’employeur. À l’examen, il constate un spasme paravertébral bilatéral mais plus spécifiquement à droite. La mobilité est diminuée. Il y a des signes neurologiques. Il retient les diagnostics d’entorse lombaire droite avec sciatalgie droite, de récidive de hernie discale L4-L5 droite et d’une entorse de la cheville gauche en tant que condition personnelle. Il considère que les lésions ne sont pas encore consolidées.
[19] Le 13 octobre 2004, le docteur Khalil Khalaf, neurochirurgien, évalue le travailleur à la demande du docteur Dubuc. À l’examen, il n’y a pas de signe d’irritation radiculaire. Le réflexe achilléen droit est absent. Il considère que la tomodensitométrie démontre une petite hernie discale L4-L5 qui déborde du côté gauche. Il propose de continuer les traitements conservateurs, sauf si la douleur persiste ou devient radiculaire, sévère et persistante surtout du côté gauche. Il reverra le travailleur le cas échéant.
[20] Le 14 décembre 2004[3], la CSST rend une décision suivant laquelle le diagnostic de hernie discale L4-L5 est en relation avec la lésion professionnelle du 5 mai 2004.
[21] Le docteur Dubuc continue à assurer le suivi médical. La lombosciatalgie gauche persiste.
[22] Le 14 février 2005, le docteur Gilbert Thiffault, chirurgien orthopédiste, évalue le travailleur dans le cadre d’une expertise demandée par l’employeur. Il retient les diagnostics d’entorse lombaire et de séquelles de discoïdectomie lombaire antérieure. Il estime que la lésion n’est pas encore consolidée.
[23] En mars 2005, le travailleur fait trois jours de travail en assignation temporaire. Cela aggrave sa douleur. Son dos « barre ». Il est alors vu à l’urgence de l’hôpital de Maniwaki et y demeure pendant 24 heures.
[24] Le docteur Dubuc le revoit le 25 avril 2005 et note à nouveau un Lasègue très positif bilatéralement. Le travailleur est extrêmement souffrant aux changements de position. Le médecin écrit « donc consolidation ». Il prévoit une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles. Il mentionne qu’il ne procèdera pas à l’évaluation des séquelles.
[25] Le 20 mai 2005, le docteur Denis Hallé, neurologue, évalue le travailleur dans le cadre d’une expertise médicale demandée par la CSST. Le travailleur l’informe que les traitements de physiothérapie ont cessé en février 2005 devant l’atteinte d’un plateau thérapeutique. Au plan des antécédents datant de 1981, le travailleur raconte que les douleurs lombaires ont complètement cessé depuis 1983. Le docteur Hallé examine le travailleur. Il note que les meilleures amplitudes de mobilité lombaire sont une flexion antérieure de 90 degrés, une extension de 10 degrés des flexions latérales de 30 degrés et des rotations de 30 degrés. Il conclut que le déficit anatomophysiologique actuel est de 3 % correspondant à 2 % pour hernie discale L4-L5 non opérée (code 204148) et 1 % pour d’extension lombaire à 20 degrés (code 207644). Le médecin estime qu’aucun nouveau traitement n’est nécessaire hormis la prise d’analgésiques au besoin. Il retient les limitations fonctionnelles suivantes :
Éviter de soulever ou porter des charges de plus de 15 kg
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de pousser, tirer des charges de plus de 15 kg;
Éviter de travailler en position accroupie;
Éviter de ramper, grimper;
Éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes importantes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire.
[26] Le 27 juin 2005, le docteur Dubuc indique qu’il est en désaccord avec l’opinion du docteur Hallé. Il ne croit pas que le travailleur peut reprendre son travail. Selon lui, il y a nécessité de réadaptation.
[27] Le 8 août 2005, le travailleur est alors vu par le docteur Gilles Maurais, chirurgien orthopédiste, en sa qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale. Celui-ci constate une ankylose douloureuse du rachis lombo-sacré. Il rapporte les séquelles antérieures converties au nouveau Règlement sur le barème des dommages corporels1 (le barème) telles qu’évaluées par le docteur Parent, et les séquelles actuelles de la façon suivante :
Séquelles antérieures
Code |
Description |
Dap |
204219 |
Discoïdectomie lombaire un niveau avec séquelles fonctionnelles |
3% |
207608 |
Flexion antérieure |
3% |
207647 |
Extension perte 10 degrés |
1% |
207681 |
Flexion latérale droite perte 10 degrés |
1% |
206724 |
Flexion latérale gauche perte |
1% |
Séquelles actuelles
Code |
Description |
Dap |
204219 |
Status post-discoïdectomie 1981 |
3% |
204148 |
Hernie discale non opérée prouvée cliniquement par des tests spécifiques |
2% |
207608 |
Flexion antérieure perte de 20 degrés |
3% |
207635 |
Extension perte de 20 degrés |
2% |
Préjudice esthétique |
|
0% |
[28] Le docteur Maurais retient les limitations fonctionnelles suivantes :
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- Soulever, porter, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg;
- Travailler en position accroupie;
- Ramper, grimper;
- Effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;
- Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[29] Le 25 août 2005, la CSST entérine l’avis du docteur Maurais. Le travailleur conteste cette décision qui est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige au dossier 284668-07-0603. Il demande au Tribunal de renvoyer le dossier à la CSST pour évaluation.
[30] Le 13 septembre 2005, la CSST détermine que le travailleur est capable de reprendre son emploi prélésionnel d’enseignant en mécanique automobile. Il reprend ses fonctions.
[31] Le 21 septembre 2005, le travailleur soutient qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation. Il décrit l’événement au formulaire de réclamation comme suit :
De retour au travail en date du 13 sept 2005, j’avais toujours mal au dos enseignant, mais avec la médication, je pouvais si on peut dire « fonctionner ». En date du 21 sept 2005 en après-midi vers 2hre la douleur a augmenté progressivement ainsi que l’engourdissement de la jambe gauche. Le lendemain matin le 22/09/05 je me suis présenté à l’urgence, où j’ai rencontré le Dr St-Georges- voir rapport du md.
[32] À l’audience, il précise que le 21 septembre 2005, il a transporté une transmission dans ses bras pour la porter sur un bureau. Il a alors ressenti une douleur atroce dans la cuisse gauche. Il a posé la transmission puis, il était penché sur la table à aider un étudiant avec les pièces de la transmission et a ressenti à nouveau une douleur atroce avec un engourdissement dans la jambe gauche, sensation si intense qu’il a cru « paralyser ». Il indique que dans le cadre de son travail d’enseignant en mécanique automobile, il doit aider les étudiants et il se doit de transporter des pièces automobiles qui peuvent parfois être assez lourdes.
[33] Monsieur Serge Lacoursière, enseignant en mécanique automobile et collègue du travailleur, témoigne à l’audience. Il confirme l’événement du 21 septembre 2005. Il dit avoir vu le travailleur prendre une transmission dans ses bras. Il est alors entré dans la classe et a dit au travailleur de ne plus transporter d’objets lourds. Il estime que le genre de transmission, soit une transmission coupée pour montrer les pièces internes, peut peser de 40 à 50 livres.
[34] Le travailleur consulte le docteur P. Saint-Georges le lendemain 21 septembre 2005. À ses notes, il indique qu’il y a exacerbation de lombo-sciatalgie gauche avec parésie secondaire et diminution de force L5-S1. Celui-ci pose le diagnostic d’entorse lombaire post-discoïdectomie L5-S1. Il dirige le travailleur en neurochirurgie en rapport à la radiculopathie. Il prescrit un arrêt de travail d’un mois. L’arrêt est par la suite prolongé et le docteur Saint-Georges pose le diagnostic de lombalgie chronique à compter de décembre 2005.
[35] Le 8 décembre 2005, la CSST refuse la réclamation du travailleur pour récidive, rechute ou aggravation du 21 septembre 2005. Le travailleur conteste cette décision qui est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où le litige au dossier 284664-07-0603.
[36] Le 16 décembre 2005, le docteur Laurin procède à une nouvelle expertise à la demande de l’employeur. Il conclut que son examen est à peu près superposable à celui effectué par le docteur Hallé le 20 mai 2005. Les limitations fonctionnelles sont celles établies par le docteur Maurais dans son avis du 9 août 2005. Le médecin ajoute : « Monsieur Morin est très difficile à évaluer de façon objective compte tenu qu’il y a une amplification des symptômes et une difficulté de collaboration lors de l’examen d’aujourd’hui ».
[37] Le travailleur continue à voir le docteur Saint-Georges qui le dirige au docteur Khalaf. Ce dernier, dans un rapport du 14 juin 2006, constate une lombalgie et il demande une résonnance magnétique en rapport avec la hernie discale L4-L5. En septembre suivant, le docteur Patrice Langlois, anesthésiologiste, propose des traitements par épidurale.
[38] Une résonnance magnétique du 24 mars 2006 est interprétée comme montrant :
Phénomènes de discopathie dégénératice légère multiétagée. Petite protrusion discale paracentrale gauche L4-L5 avec zone de rehaussement du tissu discal. Il s’agit probablement d’une petite hernie discale avec inflammation. Notez que ces constatations pourraient être, à la rigueur, compatibles avec des modifications post-chirurgicales. Il serait important de s’assurer que la chirurgie antérieure est bien à L5-S1 et non L4-L5. De toute façon, si la chirurgie avait été à L4-L5, je crois qu’il y a récidive d’un minime fragment dans la zone inflammatoire d’à peine 1 à 2 mm.
[39] Un examen et une électromyographie du 11 juillet 2006 sont interprétés par la docteure Sophie Gagnon, neurologue, comme suit :
Polyradiculopathie S1 bilatérale et L5 gauche chronique à laquelle s’ajoute une radiculopathie L5 gauche subaiguë marquée par des unités polyphasiques et un recrutement diminué. Il n’y a pas d’irritation radiculaire franchement aiguë identifiable.
Considérant cette étude et l’absence de compression franche à l’IRM où on retrouve des phénomènes de discopathie dégénérative légère et multi-étagée, une petite protrusion para-centrale gauche L4-L5 avec un peu probablement d’inflammation, je ne crois pas qu’il y ait indication franchement chirurgicale à cette situation. J’aurais tendance à recommander des traitements conservateurs incluant une épidurale en raison de la douleur intense ressentie par ce patient.
[40] Le 25 septembre 2006, le docteur Gilles-Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste, évalue le travailleur dans le cadre d’une expertise demandée par son représentant. Il note que le travailleur se plaint de douleur qui irradie au niveau de la fesse, du mollet et de la cuisse gauches. Cette douleur le réveille la nuit et il se dit incapable de porter plus de 5 kg; a de la difficulté à monter et descendre de la voiture; et doit s’arrêter et marcher après une heure de conduite. À l’examen, le médecin note des douleurs à la palpation des apophyses épineuses de L4, L5 et S1 de même que des douleurs à la palpation de l’émergence du nerf sciatique au niveau de la fesse gauche. Le travailleur présente des ankyloses articulaires, à savoir une flexion antérieure à 30 degrés, une extension maximale à 20 degrés, des inclinaisons et des rotations latérales à 20 degrés. Le Schoeber est à 12/10, le signe du tripode gauche est positif à 30 degrés. Il rapporte un déficit sensitif dans le territoire de L5 et de S1 à gauche. Les mensurations des cuisses sont symétriques mais le mollet droit est à 40 centimètres alors que le gauche est à 37 centimètres. Le médecin estime que le travailleur présente un état physique détérioré par rapport à l’examen du docteur Maurais.
[41] Après avoir pris connaissance de l’examen par électromyographie, le docteur Tremblay ajoute un complément d’expertise. Il indique que le test démontre une radiculopathie S1 bilatérale et L5 gauche chronique à laquelle s’ajoute une radiculopathie L5 sub-aiguë. Il écrit : « d’emblée, ce patient présente un phénomène nouveau à L5 gauche, engendré par l’hernie discale postéro-latérale gauche ». Il indique qu’il procèdera à l’évaluation finale après avoir pris connaissance de l’évaluation du neurochirurgien, mais il estime qu’il y aura augmentation de l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles.
1 (1987) 119 G.O. II, 5576
[16] Aux faits ci-dessus rapportés, il y a lieu d’ajouter les autres éléments de preuve faisant partie du dossier du tribunal ou déposés à l’audience.
[17] Le 6 septembre 2006, le docteur Khalaf note une lombalgie et des douleurs à la jambe gauche. Il réfère le travailleur au docteur Patrice Langlois, anesthésiologue, pour qu’il procède à des épidurales.
[18] C’est le 25 septembre 2006 que le docteur Langlois procède aux premières épidurales. Il mentionne que ce traitement a pour but d’offrir un meilleur contrôle de la lombosciatalgie dont souffre le travailleur. Parfois, il ajoute que cette lombosciatalgie est chronique. Le même jour, le médecin traitant du travailleur, le docteur Dubuc voit le travailleur pour sa lombalgie chronique. Jusqu’à la date de consolidation déterminée ce jour-là par le docteur Dubuc, les médecins qui traitent le travailleur, le font pour une lombalgie chronique.
[19] Le 16 octobre 2006, le docteur Daniel Shedid, neurochirurgien, mentionne que le travailleur présente une lombalgie chronique et une hernie discale.
[20] En date du 30 juillet 2008, la Commission des lésions professionnelles rend sa décision[4] concernant la demande de rechute, récidive ou aggravation du travailleur pour le 21 septembre 2005. Elle relie cette lésion à l’événement survenu le 5 mai 2004.
[21] Voici un extrait des motifs de sa décision de même que le dispositif de la décision :
[62] En l’espèce, le Tribunal constate que la preuve médicale et les explications données à l’audience par le travailleur et son collègue militent en faveur de la reconnaissance de l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation en date du 21 septembre 2005. En effet, le travailleur se blesse huit jours après avoir repris son travail d’enseignant en mécanique automobile. Le travailleur était absent depuis mai 2004 pour l’accident de travail initial. Lors de la récidive, rechute ou aggravation, le travailleur effectue un effort lombaire en manipulant une transmission qui peut peser entre 40 et 50 livres. Les douleurs sont accentuées lorsqu’il est en flexion antérieure.
[63] Le médecin qu’il consulte le lendemain rapporte qu’il y a exacerbation de lombo-sciatalgie gauche avec parésie secondaire. Puisqu’il y a exacerbation des symptômes, il ne s’agit pas de la simple expression des séquelles de sa lésion antérieure. De plus, il s’agit du même site lésionnel.
[64] Puis, les rapports médicaux suivants, à part celui du docteur Laurin de décembre 2005, font état de signes cliniques de la hernie discale L4-L5. L’inflammation de la hernie est vue à la résonnance magnétique du 24 mars 2006. Puis, l’examen de la docteure Gagnon de juillet 2006 et le test d’électromyographie confirment une inflammation probable de la hernie discale L4-L5. Le médecin constate une polyradiculopathie S1 bilatérale et L5 gauche chronique à laquelle s’ajoute une radiculopathie L5 sub-aiguë.
[65] Puis, le docteur Tremblay opine que « d’emblée, ce patient présente un phénomène nouveau à L5 gauche, engendré par l’hernie discale postéro-latérale gauche ».
[66] Ajoutons que le travailleur a des antécédents datant de 1981 pour une discectomie L5-S1, ce qui a pu fragiliser les structures environnantes, à savoir le niveau L4-L5. Cependant, le Tribunal relie plutôt la récidive, rechute ou aggravation de septembre 2005 à l’accident de mai 2004 puisqu’à ce moment une hernie discale au niveau L4-L5 a été reconnue et qu’en septembre 2005, il y a exacerbation de symptômes à ce niveau.
[67] Par conséquent, l’ensemble de la preuve permet de reconnaître que le travailleur a subi une lésion professionnelle en raison d’une récidive, rechute ou aggravation le 21 septembre 2005, en lien avec la lésion professionnelle initiale du 5 mai 2004.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 284664-07-0603
ACCUEILLE la requête de monsieur Jacques Morin, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 24 février 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle en raison d’une récidive, rechute ou aggravation le 21 septembre 2005 en lien avec la lésion professionnelle du 5 mai 2004.
[22] À la suite de cette décision, les notes évolutives de l’agente de la CSST révèlent que le travailleur ne dispose d’aucun autre rapport médical de la part de son médecin que ceux déjà au dossier jusqu’en octobre 2006. La CSST demande alors au docteur Denis Hallé, neurologue, d’examiner le travailleur.
[23] À la suite de son examen du 2 décembre 2008, le docteur Hallé retient le diagnostic de lombalgie chronique de même que hernie discale L4-5 gauche symptomatique. Ne décelant aucune amélioration significative supplémentaire susceptible de se produire, il consolide la lésion en date de son examen et il considère que le travailleur a reçu tous les traitements nécessaires.
[24] Le docteur Hallé évalue les séquelles du travailleur ainsi :
Séquelles antérieures
Status post-discoidectomie L5-S1, en 1981 3 %
Hernie discale L4-5, non opérée 2 %
Flexion lombaire antérieure à 70° 3 %
Extension lombaire à 10° 2 %
Séquelles actuelles
Status post-discoidectomie L5-S1 en 1981 3 %
Hernie discale L4-5, non opérée 2 %
Flexion lombaire antérieure à 70° 3 %
Extension lombaire à 10° 2 %
Flexion latérale droite à 20° 1 %
Flexion latérale gauche à 20° 1 %
[25] Pour ce qui est des limitations fonctionnelles, le docteur Hallé motive son avis ainsi :
- Considérant les diagnostics retenus,
- Considérant la consolidation,
- Considérant l’investigation paraclinique et les consultations,
- Considérant les discordances subjectivo-objectives et l’examen d’aujourd’hui,
- Considérant que malgré les limitations fonctionnelles plus restrictives retenues par le Bureau d'évaluation médicale en 2005 monsieur s’est infligé rapidement une aggravation de sa condition une semaine après son retour au travail,
Je considère qu’il y a lieu d’émettre des limitations fonctionnelles plus sévères encore, par rapport à la fois aux recommandations du Bureau d'évaluation médicale et ainsi qu’aux recommandations de la Commission des lésions professionnelles. Je recommande donc des limitations fonctionnelles de classe II pour la colonne lombaire c’est-à-dire que, en plus des restrictions de classe I, Monsieur doit éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kg, effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faibles amplitudes, monter fréquemment plusieurs escaliers et marcher en terrain accidenté ou glissant.
[26] Le 17 décembre 2008, la CSST fait parvenir au docteur Saint-Georges un formulaire « Information médicale complémentaire écrite » avec une copie de l’expertise du docteur Hallé en lui demandant s’il est d’accord avec les conclusions du docteur Hallé. C’est sur un rapport médical du 12 janvier 2009 que le docteur Saint-Georges donne son avis. Le diagnostic apparaissant sur ce rapport est celui de lombalgie chronique. Il mentionne qu’il appuie le travailleur quant à son désaccord avec la diminution du déficit anatomo-physiologique suggéré par le docteur Hallé.
[27] Une demande d’avis est adressée au Bureau d'évaluation médicale par la CSST. Elle porte sur les cinq sujets discutés dans l’opinion du docteur Hallé. Sur le formulaire, il est mentionné que le diagnostic retenu par la Commission des lésions professionnelles est celui d’entorse lombaire post-discoïdectomie L5-S1[5].
[28] C’est le docteur Jacques Demers, neurochirurgien, qui donne son avis le 17 avril 2009 à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. Au sujet du diagnostic, il écrit que le motif de la demande est relié à la rechute, récidive ou aggravation du 21 septembre 2005 et que le diagnostic retenu par la Commission des lésions professionnelles est celui d’entorse lombaire post-discoïdectomie L5-S1.
[29] À la suite de son examen clinique, il donne l’avis suivant au sujet du diagnostic :
(…) On est frappé par le fait que lors de l’évaluation d’aujourd’hui on note plutôt une atteinte correspondant à la racine L5 droite. (…)
[30] Détaillant ses constatations, il ne retient que le diagnostic de status post-discoïdectomie L5-S1 en attendant une imagerie plus récente. Il recommande de faire faire une nouvelle résonance magnétique de même qu’un électromyogramme et peut-être aussi de nouvelles infiltrations épidurales afin d’offrir un soulagement au travailleur. Dans ces circonstances, il juge la lésion non consolidée et il considère qu’il est trop tôt pour évaluer l’existence d’un déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles.
[31] Le 29 avril 2009, la procureure de l’employeur écrit à la CSST et fait valoir que le docteur Demers a commis une erreur en considérant que la Commission des lésions professionnelles avait retenu un diagnostic d’entorse lombaire post-discoïdectomie L5-S1 pour l’événement du 5 mai 2004. Elle précise qu’à son avis il est clair que le diagnostic retenu par le tribunal a été celui de hernie discale L4-L5 non opérée. Elle soumet qu’advenant la situation où le diagnostic proposé par le docteur Demers soit maintenu à la suite des examens complémentaires, la CSST devra se prononcer sur l’admissibilité de la rechute, récidive ou aggravation du 21 septembre 2005 avec cette nouvelle information.
[32] Le 1er mai 2009, la CSST rend sa décision portant sur les conclusions du Bureau d'évaluation médicale. Cette décision est contestée par l’employeur. Il s’agit du dossier 383359-07-0907.
[33] Le 7 mai 2009, le médecin-conseil de la CSST écrit une note évolutive à l’effet qu’il s’est glissé une erreur dans la demande de Bureau d'évaluation médicale et que le diagnostic dont faisait état la Commission des lésions professionnelles n’était pas celui d’entorse lombaire post-discoïdectomie L5-S1, mais bien celui de hernie discale L4-L5. Il fait une demande au Bureau d'évaluation médicale afin de souligner cette erreur et il mentionne qu’un avis au sujet du diagnostic n’aurait pas dû être demandé au docteur Demers.
[34] Le 12 mai 2009, le docteur Demers rend un avis complémentaire après avoir été informé de l’erreur signalée par la CSST. Il se considère donc lié par le diagnostic de hernie discale L4-L5, mais il mentionne que son opinion demeure la même pour ce qui est des autres sujets discutés dans son avis du 17 avril 2009, soit la non consolidation de la lésion et la nécessité de poursuivre l’investigation.
[35] À la suite de l’avis complémentaire du Bureau d'évaluation médicale, la CSST rend une décision de reconsidération, le 2 juin 2009, de sa décision du 1er mai 2009. Elle déclare que c’est par erreur qu’elle s’est prononcée sur le diagnostic. Ainsi, elle mentionne que la partie de sa décision portant sur le diagnostic est sans objet. L’employeur conteste cette décision qui fait aussi partie du dossier 383359-07-0907.
[36] Une résonance magnétique est réalisée le 21 mai 2009 et elle est interprétée par le docteur Lecompte, radiologiste. Il conclut ainsi :
Progression d’une minime protrusion postéro-latérale gauche à L4-L5 d’allure plutôt chronique. Réapparition d’un petit fragment postéro-latéral gauche à L5-S1 suggérant une toute petite récidive de hernie discale sans effet de masse. Amélioration de la déchirure annulaire foraminale et extraforaminale gauche à L4-L5.
[37] Le docteur Saint-Georges continue de voir le travailleur le 4 juin 2009, de même que le 29 juillet 2009. Il note la lombalgie et lui prescrit des épidurales.
[38] La docteure Sophie Gagnon, neurologue, procède à un électromyogramme et diagnostique une radiculopathie lombaire chronique.
[39] Reprenant l’avis du docteur Hallé le 2 décembre 2008, la CSST soumet à nouveau une demande d’avis au docteur Karl Fournier, orthopédiste, à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. C’est le 5 novembre 2009 qu’il donne son avis.
[40] Référant aux derniers examens subis par le travailleur, le docteur Fournier souligne qu’aucun élément substantiel n’en ressort. Par ailleurs, le travailleur a reçu une douzaine d’épidurales sans que celles-ci lui aient vraiment apporté un soulagement. Il considère que le travailleur a reçu tous les traitements nécessaires et que ceux-ci ont été suffisants. C’est pourquoi il consolide la lésion en date de son examen soit le 26 octobre 2009.
[41] Au sujet du déficit anatomo-physiologique, il évalue les séquelles ainsi :
Séquelles antérieures
Status post-discoïdectomie 3 %
Hernie discale non opérée prouvée cliniquement et par tests 2 %
Perte de 20° de flexion antérieure du tronc 3 %
Perte de 20° d’extension du tronc 2 %
Séquelles actuelles
Status post-discoïdectomie 3 %
Hernie discale non opérée prouvée cliniquement et par tests 2 %
Flexion antérieure à 50° puisque nous avions 60° 5 %
Extension 2 %
[42] Concernant les limitations fonctionnelles, il évalue qu’elles sont de classe II pour la colonne lombaire suivant la grille de l’IRSST. Il s’agit des mêmes limitations fonctionnelles que celles énoncées par le docteur Hallé.
[43] En raison de ces limitations fonctionnelles, la CSST procède à la détermination d’un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail puisque le travailleur n’est pas en mesure de refaire son emploi d’enseignant en mécanique et que l’employeur n’est pas en mesure de lui offrir un emploi convenable. L’emploi de préposé à l’accueil et aux renseignements est retenu et une décision en ce sens est rendue le 18 mars 2010.
[44] Le 17 mars 2010, le docteur Jean-François Giguère, neurochirurgien, produit une expertise médicale à la demande du travailleur. Il est d’avis que le travailleur a reçu tous les traitements appropriés et qu’il n’est pas un candidat à une chirurgie. Son examen clinique met en évidence des amplitudes articulaires plus limitées que celles observées par le docteur Fournier.
[45] C’est pourquoi il évalue le déficit anatomo-physiologique ainsi :
Séquelles antérieures
Status post-discoidectomie 3 %
Hernie discale non opérée prouvée cliniquement et par tests 2 %
Perte de 20° de flexion antérieure du tronc 3 %
Perte de 20° d’extension du tronc 2 %
Séquelles actuelles
Status post-discoidectomie 3 %
Hernie discale non opérée prouvée cliniquement et par tests 2 %
Flexion antérieure à 50°, perte de 40° 5 %
Extension de 10°, perte de 20° 2 %
Flexion latérale droite à 20°, perte de 10° 1 %
Flexion latérale gauche à 20°, perte de 10° 1 %
Rotation droite 30°, perte de 0° 0 %
Rotation gauche 30°, perte de 0° 0 %
Hypoesthésie territoire L5 droit 1 %
Déficit moteur des racines lombosacrées, aucun déficit
[46] En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles, le docteur Giguère évalue qu’elles sont de classe III en raison du fait que la condition lombaire chronique du travailleur démontre une certaine progression au niveau de l’imagerie et au niveau de l’électromyogramme, avec manifestations cliniques, le tout s’étalant sur une période de cinq années.
[47] À la demande de l’employeur, le docteur Marc Couturier, omnipraticien, rédige une expertise à partir du dossier du travailleur. Il ne fait pas d’examen clinique. Voici ses conclusions quant aux diagnostics des lésions de 1981, 2004 et 2005.
[48] Pour l’événement de 1981, il confirme que le travailleur a été opéré au niveau L5-S1. Pour ce qui est de l’événement du 5 mai 2004, il considère que ses symptômes étaient en lien avec une lésion au niveau L5-S1. Quant à la rechute, récidive ou aggravation du 21 septembre 2005, il est d’avis qu’un diagnostic de discopathie L5-S1 doit être retenu. Il précise qu’elle est devenue bilatérale après l’événement de 2004.
[49] Le docteur Couturier est d’avis que l’événement du 21 septembre 2005 n’est pas susceptible de causer en soi et par lui-même une hernie discale. Il mentionne que l’apparition des symptômes à compter de cette date a évolué tout au moins depuis le 5 mai 2004, sinon depuis l’intervention chirurgicale de 1981. Il considère aussi qu’il est probable que la symptomatologie présentée par le travailleur à compter du 5 mai 2004 était secondaire à la lésion au niveau L5-S1.
[50] En conclusion, il écrit qu’il ne peut être catégorique sur le plan médical. Il pense que le travailleur a été opéré en 1981 pour une hernie discale L5-S1, qu’il était déjà porteur d’une hernie discale identifiée à L4-L5 par myélographie, qu’il a par la suite présenté des symptômes subjectifs plus ou moins crédibles et que la prépondérance de preuves médicales suggère qu’il ait été symptomatique d’une hernie discale L5-S1 avec atteinte bilatérale, et ce, selon les électromyogrammes. Il ajoute qu’il est possible aussi qu’il ait eu aggravation d’une condition préexistante au niveau de L4-L5.
[51] Puis, il ajoute ceci :
Nous sommes d’avis que, le 5 mai 2004, en rétrospective et avec les examens électromyographiques obtenus par la suite, un diagnostic de hernie discale L4-L5 n’était pas un diagnostic approprié. Nous sommes également d’avis qu’il n’était pas possible, médicalement, de retenir l’événement du 21 septembre 2005 comme étant une rechute, récidive ou aggravation d’une hernie discale L4-L5 de mai 2004. La décision de la Commission des lésions professionnelles du 30 juillet 2008 ne s’appuie pas sur des données médicales fiables et ne tient pas compte du fait que la seule concordance à laquelle on peut se référer pour interpréter les images radiologiques est les deux électromyogrammes effectués en 2006 et 2009.
[52] Au sujet de l’imputation des coûts de la lésion survenue le 5 mai 2004 et aggravée le 21 septembre 2005, l’employeur a obtenu un partage de coûts de l’ordre de 10 % à son dossier financier et de 90 % à l’ensemble des employeurs.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossier 383359-07-0907
[53] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales rejetteraient la requête de l’employeur puisqu’ils sont d’avis que la CSST ne pouvait demander un avis à un membre du Bureau d'évaluation médicale au sujet du diagnostic.
[54] En effet, puisque la CSST n’avait pas obtenu d’avis infirmant l’opinion du médecin qui a charge à ce sujet, alors l’avis du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier sur ce sujet et c’est l’opinion du médecin qui a charge qui doit s’appliquer. La CSST étant donc en droit de procéder à une reconsidération de sa décision.
Dossier 400137-07-1001
[55] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales rejetteraient la requête du travailleur sur le plan du déficit anatomo-physiologique à la suite de sa rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 septembre 2005. Ils sont d’avis que l’expertise du docteur Hallé est plus représentative de la condition du travailleur quant aux amplitudes articulaires. De plus, ils considèrent ne pas pouvoir lui accorder le pourcentage relié à l’hypoesthésie du territoire L5 droit accordé par le docteur Giguère, puisque le diagnostic de la lésion réfère au côté gauche de la racine L4-L5.
[56] Pour ce qui est des limitations fonctionnelles, ils sont d’avis que la preuve prépondérante au dossier milite en faveur de limitations fonctionnelles de classe II, telles que reconnues par le docteur Hallé et le docteur Fournier dans leurs expertises respectives.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 383359-07-0907
[57] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était justifiée de procéder à une reconsidération de sa décision au sujet du diagnostic retenu à la suite d’un avis du Bureau d'évaluation médicale.
[58] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[6](la loi) prévoit à l’article 365 les conditions permettant à la CSST de reconsidérer une de ses décisions. Cet article est libellé ainsi :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
__________
1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.
[59] Dans le cas présent, la CSST s’est servie du paragraphe 1 de cet article en invoquant avoir commis une erreur en demandant au médecin agissant à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale de se prononcer sur le diagnostic de la rechute, récidive ou aggravation du 21 septembre 2005. Elle allègue aussi avoir commis une erreur en précisant au membre du Bureau d'évaluation médicale que la Commission des lésions professionnelles avait retenue le diagnostic d’entorse lombaire post-discoïdectomie L5-S1 à titre de diagnostic de l’événement du 5 mai 2004.
[60] L’employeur est plutôt d’avis que la reconsidération n’était pas possible dans les circonstances. Il allègue que c’est sans droit que la CSST a requis un avis complémentaire auprès du membre du Bureau d'évaluation médicale. Il considère que la CSST était liée par le diagnostic émis lors de l’avis initial, soit celui de status post-discoïdectomie L5-S1 et qu’elle devait se prononcer sur l’admissibilité de ce diagnostic en rapport avec le premier événement subi par le travailleur le 10 février 1981.
[61] Avant de discuter de la question de la reconsidération, le tribunal doit déterminer si la demande d’avis auprès du Bureau d'évaluation médicale de la part de la CSST est régulière suivant la procédure d’évaluation médicale qui est prévue aux articles 199 et suivants de la loi. C’est sur cette question qu’une réouverture d’enquête a été nécessaire. Les procureures de l’employeur et du travailleur sont d’avis que cette procédure était régulière puisqu’elles jugent que le diagnostic différait entre le médecin qui a charge du travailleur et celui de la CSST. La procureure de l’employeur ajoute que la CSST a de toute façon la possibilité de soumettre un dossier au Bureau d'évaluation médicale même en l’absence d’avis divergent.
[62] La Commission des lésions professionnelles considère qu’en vertu de l’article 204 de la loi, la CSST peut exiger d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle qu’il se soumette à l’examen du professionnel de la santé qu’elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Cet article est libellé comme suit :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
__________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
[63] Si le rapport qu’obtient la CSST d’un professionnel de la santé désigné infirme les conclusions du médecin qui a charge, sur l’un ou plusieurs sujets mentionnés à l’article 212, alors elle soumet à ce dernier le rapport qu’elle a obtenu afin qu’il puisse fournir ses commentaires.
[64] L’article 205.1 de la loi énonce :
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
[65] Puis ultimement, la CSST peut demander un avis au Bureau d'évaluation médicale suivant l’article suivant :
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
__________
1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.
[66] Soulignons que les sujets prévus à l’article 212 de la loi sont les suivants, selon le libellé de l’article :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
[67] Aux fins de rendre une décision, la CSST est liée par les articles 224 ou 224.1 de la loi suivant les circonstances :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
__________
1992, c. 11, a. 27.
[68] Ce qui se dégage de ces articles, c’est qu’en cas d’avis infirmant celui du médecin qui a charge, la procédure du Bureau d'évaluation médicale peut être engagée. La CSST peut aussi soumettre une demande d’avis au Bureau d'évaluation médicale sur un sujet, même si le médecin qui a charge ne s’est pas prononcé.
[69] Dans le cas présent, la CSST a-t-elle obtenu un avis infirmant celui du médecin qui a charge quant au diagnostic? Le tribunal ne le croit pas.
[70] En premier lieu, il est inexact de prétendre que la Commission des lésions professionnelles, dans sa décision[7] rendue le 30 juillet 2008, s’est prononcée sur le diagnostic de la lésion professionnelle sous forme d’une rechute, récidive ou aggravation subie le 21 septembre 2005. En effet, dans cette affaire, le tribunal devait se prononcer sur l’admissibilité de la rechute, récidive ou aggravation et non pas sur le diagnostic. Bien sûr afin d’analyser la réclamation du travailleur, le tribunal devait apprécier la preuve médicale afin de déterminer son admissibilité.
[71] Dans cette décision, la Commission des lésions professionnelles a relié la rechute, récidive ou aggravation du 21 septembre 2005 à l’accident du 5 mai 2004, puisque lors de cet événement une hernie discale au niveau L4-L5 avait été reconnue. De plus, en septembre 2005, il y avait exacerbation des symptômes à ce niveau.
[72] Cette décision du tribunal a acquis le caractère de la décision finale et irrévocable puisqu’aucune requête en révision interne ou révision judiciaire n’a été déposée par l’une ou l’autre des parties. Le présent tribunal est lié par cette décision et il ne peut y déroger.
[73] Maintenant, dans le cadre de l’analyse de la procédure d’évaluation médicale afin de déterminer si la CSST a obtenu un avis infirmant celui du médecin qui a charge sur le diagnostic, voyons ce que la preuve médicale révèle concernant la rechute, récidive ou aggravation du 21 septembre 2005.
[74] Tout d’abord, le diagnostic retenu lors de la lésion d’origine du 5 mai 2004 est celui de hernie discale L4-L5. Cette information se retrouve dans la décision de la CSST du 15 décembre 2004. C’est aussi en fonction de ce diagnostic que des séquelles permanentes sont attribuées au travailleur.
[75] Le premier rapport médical concernant la rechute, récidive ou aggravation est daté du 22 septembre 2005. Il est rédigé par le docteur Saint-Georges et il fait état d’une entorse lombaire post-discoïdectomie L5-S1 et de radiculopathie. Par la suite, les rapports médicaux de ce médecin réfèrent plutôt une lombalgie chronique.
[76] Le docteur Khalaf, neurochirurgien, fait état de lombalgie et de hernie discale. Le docteur Langlois parle de lombosciatalgie chronique. Le docteur Shedid mentionne une lombalgie chronique et une hernie discale. Quant au docteur Dubuc, il retient le diagnostic de lombalgie chronique. Dans son rapport final, ce dernier écrit le diagnostic de lombalgie post-discoïdectomie.
[77] Alors, lorsque le médecin désigné par la CSST, le docteur Hallé, retient le diagnostic de lombalgie chronique et de hernie discale L4-L5 gauche symptomatique, il s’inscrit parfaitement dans la lignée des diagnostics retenus par l’ensemble des médecins qui soignent le travailleur. Son avis n’infirme pas l’opinion des médecins du travailleur.
[78] Puis, dans un rapport médical du 12 janvier 2009, le docteur St-Georges réfère à une lombalgie chronique. Il note que le patient est en désaccord avec la diminution du déficit anatomo-physiologique et il l’appuie. Il est vrai que ce n’est pas sur le formulaire prescrit par la CSST et intitulé « Information médicale complémentaire écrite » que le docteur Saint-Georges répond à la CSST, pas plus que sur un formulaire appelé « Rapport complémentaire ». Mais, ce que prévoit l’article 205.1 de la loi c’est que le médecin du travailleur peut donner son avis à la suite de l’opinion obtenue par la CSST. Rappelons le libellé de cet article :
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
[79] Aux yeux du tribunal, ce qui est essentiel, selon cet article de loi, c’est que le médecin qui a charge du travailleur reçoive le rapport du médecin désigné par la CSST en vertu de l’article 204 de la loi et qu’il puisse y répondre. Or, cela a été fait dans le présent dossier. Qu’il le fasse sur le rapport utilisé par la CSST ou sur un autre formulaire n’est pas ce qui est important. Tout comme l’a déjà décidé à bon droit la Commission des lésions professionnelles dans une autre décision[8], le reste n’est que formalité.
[80] En l’absence d’un avis médical infirmant celui du médecin qui a charge sur le diagnostic de la rechute, récidive ou aggravation du 21 septembre 2005, la CSST ne pouvait demander un avis au Bureau d'évaluation médicale sur ce sujet. Ainsi, l’avis du docteur Demers de même que son avis complémentaire sont irréguliers et c’est l’opinion du médecin qui a charge qui doit s’appliquer, lequel est confirmé par le médecin désigné de la CSST.
[81] C’est d’ailleurs ainsi qu’en a décidé la Commission des lésions professionnelles dans d’autres décisions. Dans l’affaire Blanchette et Pétroles J.C. Trudel inc.[9], malgré le fait que le médecin désigné de la CSST soit du même avis que celui du travailleur, la CSST demande au Bureau d'évaluation médicale de se prononcer sur le diagnostic. Contestant cet avis, le travailleur soumet à la Commission des lésions professionnelles une nouvelle expertise avec un nouveau diagnostic et demande au tribunal de le retenir. Dans sa décision, la Commission des lésions professionnelles décide qu’en l’absence d’avis divergent, la CSST ne pouvait soumettre la question du diagnostic au Bureau d'évaluation médicale, qui ne doit être sollicité qu’en présence d’un litige. La procédure d’évaluation médicale est déclarée irrégulière par le tribunal.
[82] Dans l’affaire Guilbault et Flextronics (Canada) inc.[10], le tribunal déclare que le Bureau d'évaluation médicale ne peut se prononcer que lorsque des avis divergent puisque la loi donne au membre du Bureau d'évaluation médicale le pouvoir d’infirmer ou de confirmer un avis ce qui implique une contradiction ou une divergence d’opinions. Par ailleurs, un avis peut être émis sur une autre question, mais à la condition que le médecin qui a charge n’ait pas eu l’occasion de se prononcer sur le sujet.
[83] Dans l’affaire Chaumont et Ferme Bernex inc.[11], le tribunal procède à une revue de la jurisprudence et confirme que des avis divergents doivent être présents pour qu’un avis puisse être demandé au Bureau d'évaluation médicale. Un avis peut aussi être demandé si le médecin du travailleur ne s’est pas prononcé sur un sujet.
[84] Par ailleurs, la CSST ne pouvait se servir de son pouvoir discrétionnaire afin de soumettre une demande au Bureau d'évaluation médicale, suivant l’article 206 de la loi, puisque le médecin qui a charge s’était déjà prononcé sur le diagnostic et qu’il était du même avis que le médecin désigné comme nous l’avons vu plus haut. Cet article vise plutôt les situations où la CSST obtient un avis sur un sujet sur lequel le médecin ne s’est pas prononcé, ce qui n’est pas le cas ici.
[85] Le tribunal a pris connaissance des décisions[12] soumises par la procureure de l’employeur. Toutefois, les faits de ces décisions diffèrent du présent dossier et ne permettent pas d’appliquer le raisonnement juridique appliqué dans ces décisions.
[86] Du fait que la CSST demeurait liée par l’opinion du médecin qui a charge quant au diagnostic, la CSST n’avait donc pas à rendre de décision sur ce sujet. C’est donc à bon droit qu’elle a rendu une décision de reconsidération, le 2 juin 2009, à l’effet que sa décision portant sur le diagnostic à la suite de l’avis du Bureau d'évaluation médicale, du 1er mai 2009 est sans objet. Toutefois, sa décision est sans objet non pas à cause d’une décision précédente du tribunal, mais plutôt en raison du fait qu’elle n’est pas en présence d’avis divergents entre les médecins du travailleur et celui de son médecin désigné.
[87] Par ailleurs, au sujet du délai permettant la reconsidération d’une décision, la CSST a respecté le délai de 90 jours prévu à la loi.
[88] En raison de la conclusion à laquelle en arrive le tribunal, il n’y a pas lieu de se prononcer sur un diagnostic, ni sur la relation avec un événement du 10 février 1981, tel que le demande l’employeur.
[89] Pour ce qui est de la date de consolidation et de la nécessité des soins et des traitements, le tribunal constate que le médecin du Bureau d'évaluation médicale, le docteur Demers, est du même avis que le médecin traitant peu importe que l’on utilise son premier avis ou son avis complémentaire. Il considère la lésion non consolidée et il évalue que la lésion du travailleur nécessite encore d’autres traitements.
[90] Donc, dans le présent dossier, il n’y a pas lieu de décider si l’irrégularité de l’avis demandé au Bureau d'évaluation médicale au sujet du diagnostic entraîne aussi son irrégularité sur les autres sujets puisque dans les faits la conclusion est la même.
Dossier 400137-07-1001
[91] Dans ce dossier, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le déficit anatomo-physiologique à la suite de sa rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 septembre 2005 est de 15 %, moins les séquelles antérieures, et que ses limitations fonctionnelles sont de classe III.
[92] Ces questions sont des notions intimement liées puisque les limitations fonctionnelles découlent de l’existence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et sont la manifestation fonctionnelle du déficit de l’organisme. Pour que le tribunal soit en mesure d’accorder un déficit anatomo-physiologique au travailleur, en vertu du Règlement sur le barème des dommages corporels[13] (le règlement), il doit être en mesure de retrouver au sein de la preuve médicale les données objectives correspondant à ce que le règlement exige.
[93] Le tribunal est d’avis de retenir l’expertise du docteur Hallé afin de déterminer les séquelles du travailleur. Son expertise apparaît mieux motivée que celles effectuées par les docteurs Fournier et Giguère. Par ailleurs, ce dernier évalue le travailleur plusieurs mois après la date de consolidation retenue dans le dossier. Comme le travailleur est affecté d’une condition antérieure, il est possible que ce soit cette condition qui évolue, d’autant plus que le docteur Giguère attribue un pourcentage d’atteinte permanente pour la racine L5.
[94] Or, le tribunal ne peut retenir le pourcentage qu’attribue le docteur Giguère pour une hypoesthésie du territoire L5 droit, puisque cette atteinte relève plutôt de l’événement subi en 1981 par le travailleur. En effet, à la suite de l’événement dont est saisi le tribunal, soit une rechute survenue en 2005 d’un événement de 2004, c’est le niveau L4-L5 gauche qui est atteint.
[95] Au moment où le docteur Hallé examine le travailleur, soit le 2 décembre 2008, il note que la situation du travailleur a peu évolué depuis trois ans. Sa condition s’est chronicisée et il explique que rapidement après un retour au travail, le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation ce qui laisse voir que les limitations fonctionnelles du travailleur sont plus sévères que celles qui avaient été évaluées à la suite de l’événement d’origine. Malgré quelques discordances subjectivo-objectives, il suggère d’accorder une classe II de limitations fonctionnelles, plutôt que seulement une classe I. Son examen objectif révèle des amplitudes articulaires plus limitées au niveau de la flexion latérale droite et gauche. Le reste de l’examen est comparable à celui du docteur Maurais qui avait été retenu par la Commission des lésions professionnelles.
[96] En s’appuyant sur l’ensemble de la preuve médicale au dossier, le tribunal considère que l’examen effectué par le docteur Hallé représente le mieux la condition du travailleur. C’est pourquoi, sur le plan des séquelles le tribunal retient les séquelles suivantes, auxquelles s’ajoutera un pourcentage de douleurs et perte de jouissance de la vie :
Séquelles antérieures
Status post-discoidectomie L5-S1, en 1981 3 %
Hernie discale L4-5, non opérée 2 %
Flexion lombaire antérieure à 70° 3 %
Extension lombaire à 10° 2 %
Séquelles actuelles
Status post-discoidectomie L5-S1 en 1981 3 %
Hernie discale L4-5, non opérée 2 %
Flexion lombaire antérieure à 70° 3 %
Extension lombaire à 10° 2 %
Flexion latérale droite à 20° 1 %
Flexion latérale gauche à 20° 1 %
[97] En retenant l’expertise du docteur Hallé, le travailleur se voit accorder une augmentation de son pourcentage de déficit anatomo-physiologique qui est semblable à celui que le docteur Fournier, du Bureau d'évaluation médicale, avait accordé au travailleur. Cependant, cette augmentation est attribuable à des amplitudes articulaires différentes.
[98] Pour ce qui est des limitations fonctionnelles, le tribunal retient les motifs énoncés par le docteur Hallé:
- Considérant les diagnostics retenus,
- Considérant la consolidation,
- Considérant l’investigation paraclinique et les consultations,
- Considérant les discordances subjectivo-objectives et l’examen d’aujourd’hui,
- Considérant que malgré les limitations fonctionnelles plus restrictives retenues par le Bureau d'évaluation médicale en 2005 monsieur s’est infligé rapidement une aggravation de sa condition une semaine après son retour au travail,
Je considère qu’il y a lieu d’émettre des limitations fonctionnelles plus sévères encore, par rapport à la fois aux recommandations du Bureau d'évaluation médicale et ainsi qu’aux recommandations de la Commission des lésions professionnelles.
[99] C'est pourquoi il y a lieu d’établir les limitations fonctionnelles suivantes :
Le travailleur est affecté des limitations fonctionnelles de classe II pour la colonne lombaire c’est-à-dire que, en plus des restrictions de classe I, il doit éviter les activités qui impliquent :
· de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kg,
· effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faibles amplitudes,
· monter fréquemment plusieurs escaliers et
· marcher en terrain accidenté ou glissant.
[100] Compte tenu du fait que le tribunal ne modifie pas les limitations fonctionnelles retenues dans le dossier du travailleur et qu’il s’agit des limitations fonctionnelles dont a tenu compte la CSST pour déterminer un emploi convenable, le tribunal n’a pas à revoir cette question. Par ailleurs, le travailleur n’a pas contesté la décision portant sur l’emploi convenable.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 383359-07-0907
REJETTE la requête déposée le 13 juillet 2009 par la Commission scolaire des Hauts-bois, l’employeur;
CONFIRME pour d’autres motifs, la décision rendue le 2 juillet 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la CSST pouvait reconsidérer la partie de décision du 1er mai 2009 traitant du diagnostic;
DÉCLARE sans objet la demande de révision de l’employeur de la décision rendue le 1er mai 2009 en ce qui concerne l’admissibilité;
DÉCLARE nulle la partie de décision traitant de l’admissibilité du diagnostic de status post-discoïdectomie;
DÉCLARE que le travailleur a droit au versement des indemnités de remplacement du revenu puisque la lésion n’est pas consolidée;
DÉCLARE que la CSST est justifiée de poursuivre le paiement des soins ou des traitements puisqu’ils sont nécessaires.
Dossier 400137-07-1001
REJETTE la requête déposée le 22 janvier 2010 par monsieur Jacques Morin, le travailleur;
MODIFIE la décision rendue le 7 janvier 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la CSST est justifiée de poursuivre le versement des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, étant donné que la lésion est consolidée avec limitations fonctionnelles;
DÉCLARE que la CSST doit cesser de payer le coût des soins et des traitements après le 26 octobre 2009 puisqu’ils ne sont plus justifiés;
DÉCLARE que le déficit anatomo-physiologique du travailleur s’évalue comme suit :
Séquelles antérieures
Status post-discoidectomie L5-S1, en 1981 3 %
Hernie discale L4-5, non opérée 2 %
Flexion lombaire antérieure à 70° 3 %
Extension lombaire à 10° 2 %
Séquelles actuelles
Status post-discoidectomie L5-S1 en 1981 3 %
Hernie discale L4-5, non opérée 2 %
Flexion lombaire antérieure à 70° 3 %
Extension lombaire à 10° 2 %
Flexion latérale droite à 20° 1 %
Flexion latérale gauche à 20° 1 %
DÉCLARE qu’un pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie s’ajoute à celui du déficit anatomo-physiologique;
RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’elle procède au calcul de l’indemnité pour préjudice corporel;
DÉCLARE que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de classe II qui s’énoncent comme suit :
Le travailleur est affecté des limitations fonctionnelles de classe II pour la colonne lombaire c’est-à-dire que, en plus des restrictions de classe I, il doit éviter les activités qui impliquent :
· de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kg,
· effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faibles amplitudes,
· monter fréquemment plusieurs escaliers et
· marcher en terrain accidenté ou glissant.
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Michèle Gagnon Grégoire |
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Me Mélanie Charest |
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Morency société d’avocats |
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Représentante de l’employeur |
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Me Annie Hallée |
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Tremblay, Gagnon, avocats |
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Représentante du travailleur |
[1] Suivant le témoignage du travailleur à l’audience, cet employeur est maintenant fermé.
[2] Morin et Commission scolaire des Hauts-Bois, C.L.P. 284664-07-0603, 30 juillet 2008, M. Langlois
[3] Le dossier dont dispose le tribunal réfère plutôt à une décision datant du 15 décembre 2004
[4] Précitée note 2.
[5] Cette information est erronée puisque dans cette décision, le tribunal était appelé à se prononcer sur l’admissibilité d’une rechute, récidive ou aggravation et non pas sur un diagnostic.
[6] L.R.Q., c. A-3.001
[7] Précitée note 2.
[8] Fortin et Administration portuaire de Montréal, [2005] C.L.P. 1296 , révision rejetée, 227007-63-0402, 28 juin 2006, B. Lemay.
[9] C.L.P. 132329-08-0002, 13 septembre 2001, M. Lamarre.
[10] C.L.P. 335152-61-0712, 4 février 2009, L. Nadeau.
[11] C.L.P. 366337-04B-0812, 9 avril 2010, M.-A. Roiseux; voir aussi Services préhospitaliers Laurentides-Lanaudière et Gauthier, C.L.P. 395438-62B-0911, 16 septembre 2010, M. Watkins.
[12] Masse et Nova-bus Corporation, C.L.P. 123779-64-9909, 29 août 2000, M. Montplaisir; Houde et Sobeys Group (#444 St-Romuald) IGA Extra, C.L.P. 365099-03B-0812, 6 mai 2009, A. Tremblay; Bédard et Claude Forget (1979) inc., C.L.P. 238788-64-0407, 13 octobre 2006, M. Montplaisir; Echeverria et Agence service de garde de la pointe, C.L.P. 369546-71-0902, 27 juillet 2009, L. Landriault; Cormier et Commission scolaire Du golfe, C.L.P. 284015-09-0603, 8 février 2007, M. Sauvé; Larue et C-Mac Network System, C.L.P. 235939-64-0406, 24 février 2005, M. Montplaisir; Riendeau et Ministère des Transports, C.L.P. 214611-62B-0308, 28 janvier 2004, M.-D. Lampron.
[13] (1987) 119 G. O. II, 5576
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