Décision

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Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Transport Lauri inc.

2021 QCCQ 4331

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

SHERBROOKE

« Chambre criminelle et pénale »

N° :

450-61-072501-207

450-61-072540-205

 

DATE :

3 mai 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE TANYA LAROCQUE, JUGE DE PAIX MAGISTRAT

 

______________________________________________________________________

 

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Poursuivant

 

c.

TRANSPORT LAURI INC

Et

RÉGENT TURGEON

 

Défendeurs

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le défendeur Régent Turgeon est conducteur du véhicule lourd hors norme pour la compagnie défenderesse.

[2]           Le 19 janvier 2020, à 9h59, un contrôleur routier aperçoit un véhicule lourd transportant un chargement hors norme sur l’autoroute 10 Ouest. À ce moment, une tempête hivernale fait rage. La visibilité est nulle et les routes ne sont pas dégagées de glace et de neige.

[3]           Les contrôleurs routiers somment le conducteur de ce véhicule, monsieur Turgeon, de les suivre afin qu’ils puissent l’intercepter de façon sécuritaire au poste de contrôle le plus proche.

[4]           On reproche à la défenderesse, en tant que titulaire d’un permis spécial, d’avoir laissé circuler un véhicule alors que la chaussée n’est pas dégagée de neige et de glace conformément aux conditions d’entretien applicable à ce chemin[1].

[5]           À 11h10, la même journée, un autre contrôleur routier intercepte monsieur Turgeon sur l’autoroute 55 Sud et lui remet un constat d’infraction pour avoir conduit un ensemble de véhicules routiers visés par un permis spécial alors que la visibilité ne s’étend pas sur une distance d’un kilomètre[2].

[6]           L’article 11 du Règlement prévoit que le permis spécial n’autorise pas la circulation lorsque la visibilité ne s’étend pas sur une distance de 1 km ou que la chaussée n’est pas dégagée de neige ou de glace conformément aux conditions d’entretien applicables à ce chemin.

[7]           La défenderesse soutient que l’état de la chaussé permet la circulation au moment des évènements. Le défendeur prétend que la visibilité est bonne lors de sa deuxième interception. Au surplus, les défendeurs plaident l’impossibilité.

[8]           Le Tribunal doit donc déterminer si les éléments essentiels des infractions sont prouvés hors de tout doute raisonnable et dans l’affirmative, si les défendeurs soulèvent un moyen de défense pouvant les exonérer.

Éléments essentiels

Infraction contre la défenderesse

[9]           La poursuite doit faire la preuve que la défenderesse est titulaire d’un permis spécial. Une photo prise par le contrôleur routier est déposée en preuve et cet élément n’est pas contesté par la défenderesse.

[10]        Elle doit également démontrer qu’au moment où le véhicule circule, la chaussée n’est pas dégagée conformément aux conditions d’entretien applicable à l’autoroute 10. Les photos prises par le contrôleur routier démontrent que la voie de gauche de l’autoroute est complètement enneigée et que la voie de droite comporte deux traces sur l’asphalte.

[11]        Le Tribunal ne peut savoir si ces photos représentent un dégagement de la chaussée qui n’est pas conforme aux conditions d’entretien de l’autoroute 10 puisqu’aucune preuve n’est déposée à cet effet. Le Tribunal n’a pas de connaissance judiciaire concernant les conditions d’entretien exigé par le ministère des Transports du Québec sur ses routes.

[12]        Par conséquent, un des éléments essentiels de l’infraction n’étant pas prouvé, le Tribunal acquitte la défenderesse de l’infraction reprochée

Infraction contre le défendeur

[13]        À l’encontre de monsieur Turgeon, la poursuite doit  prouver, hors de tout doute raisonnable, qu’il est le conducteur du véhicule, que ce véhicule est visé par un permis spécial et que la visibilité est de moins d’un kilomètre.

[14]        Le fait que le défendeur soit le conducteur du véhicule et que ce véhicule soit visé par un permis spécial n’est pas contesté.

[15]        Les photos prises par le contrôleur routier et déposées en preuve, démontrent clairement que la visibilité est de moins d’un kilomètre, voir pratiquement nulle.

[16]        Par conséquent, les éléments essentiels de l’infraction reprochée au défendeur sont prouvés hors de tout doute raisonnable.

Moyens de défense de monsieur Turgeon

[17]        Pendant qu’il attendait au poste de contrôle autoroutier, il ne neige plus et il voit deux véhicules hors normes passer sur l’autoroute.

[18]        Entre 10h30 et 11h00, le représentant de la défenderesse vérifie le site internet référé par les contrôleurs routiers et constate qu’il est indiqué «dégagé-chaussée mouillée-visibilité bonne».  Donc, il autorise le défendeur à reprendre la route.

[19]        Un rapport de données météo provenant du gouvernement du Canada est déposé en preuve. Ce rapport démontre qu’à 11h00 la visibilité est de 6.4 km à Sherbrooke. L’infraction a lieu dans la région de Magog et par conséquent le Tribunal ne peut se fier à ce document pour établir la météo précise au moment et à l’endroit où l’infraction est commise.

[20]        Le défendeur allègue qu’il ne neige pas lorsqu’il se fait intercepter la deuxième fois. Le tribunal ne peut croire le défendeur puisqu’une des photos déposées en preuve démontre le véhicule du défendeur, au moment des évènements, en pleine tempête alors que la visibilité est pratiquement nulle.

[21]        Le défendeur allègue l’impossibilité puisqu’il ne peut s’arrêter en toute légalité sur l’accotement avec un véhicule hors normes. Il doit s’arrêter uniquement dans des haltes routières ou dans des postes de contrôle.

[22]        La défense d’impossibilité est composée de deux critères[3], soit l’extériorité et l’irrésistibilité. L’extériorité consiste en un obstacle invincible dont la survenance n’est pas imputable au défendeur. Dans le présent dossier, il s’agit de la tempête de neige. L’irrésistibilité est une analyse objective voulant que toute autre personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances soit également empêchée de respecter ses obligations légales. Dans le présent dossier, rien n’empêche le défendeur d’arrêter en toute sécurité puisqu’il a pu le faire lorsqu’intercepter par les contrôleurs routiers.

[23]        Le Tribunal ne peut faire droit à ce moyen de défense.

[24]        L’infraction portée contre le défendeur est une infraction de responsabilité stricte à laquelle le défendeur peut opposer une défense de diligence raisonnable en démontrant qu’il a pris les moyens nécessaires pour ne pas commettre l’infraction[4].

[25]        Dans le présent dossier, même si la vérification de la météo est effectuée avant de reprendre la route et même si la visibilité est bonne lorsque le défendeur reprend la route, ce dernier ne fait aucun geste pour éviter de conduire son véhicule lorsque la tempête reprend et que la visibilité se réduit à moins d’un kilomètre.  N'eût été la présence des contrôleurs routiers, le défendeur n’aurait pas arrêté son véhicule.

[26]        Par conséquent, le Tribunal ne peut considérer le comportement du défendeur comme étant diligent.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[27]        ACQUITTE la défenderesse, Transport Lauri inc., de l’infraction reprochée dans le dossier 450-61-072501-207;

[28]        DÉCLARE le défendeur, Régent Turgeon, coupable de l’infraction telle que reprochée dans le dossier 450-61-072540-205;

[29]        CONDAMNE le défendeur à une amende de 350$, plus les frais;

[30]        ACCORDE au défendeur un délai de soixante (60) jours pour acquitter les sommes dues.

 

 

__________________________________

TANYA LAROCQUE,

JUGE DE PAIX MAGISTRAT

 

 

Me Isabelle Dallaire

Procureure de la poursuite

 

Le représentant de la défenderesse, Fabien Ménard, n’est pas assisté d’un avocat.

Le défendeur, Régent Turgeon, n’est pas assisté d’un avocat.

 

 

 

 

Date d’audience :

14 avril 2021

 



[1]    Code de la sécurité routière, L.R.Q., c. C-24.2 , article 513 et Règlement sur le permis spécial de circulation, RLRQ, c. C-24.2, r. 35, article 11(4) (ci-après le Règlement)

[2]    Id

[3]    Québec (Procureur général) c. Scierie Landrienne inc., 2002 CanLII 30178, par. 58, Côté-Harper, Rainville et Turgeon, Traité de droit pénal canadien, Cowansville Édition Yvon Blais, 4e Éd, 1998.

[4]    R. c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 RCS 1299

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