Décision

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Autorité des marchés financiers c. 9130-0954 Québec inc.

2025 QCTMF 30

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2023-026

 

DÉCISION N°  :

2023-026-002

 

DATE :

2 mai 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

JEAN-PIERRE CRISTEL

______________________________________________________________________

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

9130-0954 QUÉBEC INC.,

et

JEAN-FRANÇOIS LAVOIE,

et

JEAN-MATHIEU LAVOIE,

et

JEAN-FRANÇOIS SOUCY,

et

ALEXANDRE BOND,

et

JEAN-MIKAEL LAVOIE,

et

ZÉRODETTE INC.

Parties intimées

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(demande en disjonction d’instance de l’intimé alexandre bond)

______________________________________________________________________

 

 

APERÇU

  1.    L’Autorité des marchés financiers (« l’Autorité ») est l’organisme responsable de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1]. L’Autorité exerce les fonctions et pouvoirs qui sont prévus à l’article 7 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[2], et ce, de la manière prévue à l’article 8 de cette loi.
  2.    Au moment des faits qui sont reprochés aux intimés dans le cadre de la présente affaire, l’intimée 9130-0954 Québec inc. (« Summum ») est une société inscrite auprès de l’Autorité dans la discipline du courtage hypothécaire.
  3.    Tous les autres intimés qui sont des personnes physiques ont exercé, durant cette période, des activités en courtage hypothécaires reliées à Summum.
  4.    Le 10 septembre 2024[3], le Tribunal a entériné des accords conclus entre l’Autorité et les intimés Summum, Jean-François Lavoie et Jean-Mathieu Lavoie. Ces accords ont pour but d’imposer à ces intimés des mesures provisoires, et ce, jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue à l’égard d’un acte introductif d’instance amendé, daté du 24 octobre 2024, déposé par l’Autorité.
  5.    L’Autorité reproche aux intimés d’avoir commis de nombreux manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi qu’à ses règlements d’application.
  6.    Le 7 avril 2025, l’intimé Alexandre Bond a déposé une demande intérimaire dont l’objectif est de convaincre le Tribunal d’essentiellement ordonner à l’Autorité de disjoindre les allégations de manquements et les conclusions recherchées à son égard dans l’acte introductif d’instance susmentionné et de déposer un acte introductif d’instance additionnel distinct dans lequel il serait le seul intimé.
  7.    Il justifie notamment sa demande en indiquant que l’Autorité ne lui reproche que peu de manquements par rapport aux autres intimés. Il affirme aussi qu’une disjonction d’instance à son égard contribuerait à simplifier la procédure principale, pour laquelle une audience d’une durée de 16 jours est actuellement prévue, et ne l’obligerait qu’à participer à une audience distincte d’une durée d’au plus 2 journées, le tout en réduisant considérablement ses frais juridiques.  
  8.    L’Autorité s’est opposée à cette demande intérimaire en alléguant notamment une très grande connexité entre les manquements reprochés aux intimés et en plaidant qu’une disjonction d’instance dans le cadre de la présente affaire pourrait donner lieu à des jugements contradictoires, et ce, à l’égard de manquements qui sont essentiellement de même nature.
  9.    Quant aux autres intimés qui sont des personnes physiques, à l’exception de l’intimé Jean-Mikael Lavoie qui était absent et non représenté par avocat lors de l’audience, leurs avocats ont indiqué au Tribunal qu’ils ne s’y opposaient pas.    
  10.            La question en litige est donc la suivante : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, accueillir la demande intérimaire en disjonction d’instance de l’intimé Alexandre Bond ?
  11.            Le 24 avril 2025, le Tribunal a entendu, à son mérite, la demande intérimaire susmentionnée de l’intimé Alexandre Bond.
  12.            Après avoir dûment considéré l’ensemble de l’argumentation présenté par les avocats des parties, le Tribunal a répondu « non » à cette question en litige et a rejeté la demande intérimaire en disjonction d’instance de l’intimé Alexandre Bond.

ANALYSE

Question en litige : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, accueillir la demande intérimaire en disjonction d’instance de l’intimé Alexandre Bond ?

  1.            Le Tribunal décide qu’il est dans l’intérêt public de répondre « non » à cette question en litige.
  2.            L’intimé Alexandre Bond a présenté une demande intérimaire qui a essentiellement pour objectif de convaincre le Tribunal qu’il est dans l’intérêt public - dans le cadre de la présente affaire - d’ordonner à l’Autorité de disjoindre les allégations de manquements et les conclusions recherchées à son égard dans l’acte introductif d’instance amendé, daté du 24 octobre 2024, et d’inclure celles-ci dans un nouvel acte introductif d’instance qui le viserait spécifiquement.
  3.            Parmi les motifs plaidés pour soutenir sa demande intérimaire, l’intimé Alexandre Bond soutient qu’une disjonction d’instance à son égard simplifierait la procédure principale, laquelle vise actuellement 7 intimés et prévoit une audience d’une durée de 16 jours. Il allègue aussi que cette disjonction aurait pour effet de ne l’obliger qu’à participer à une audience distincte d’une durée d’au plus 2 journées et qu’elle réduirait considérablement ses frais juridiques.
  4.            De surcroît, il plaide que les manquements qui lui sont reprochés par l’Autorité sont simples, n’ont aucun lien avec ceux reprochés aux autres intimés et ne justifient pas un traitement commun.
  5.            Le Tribunal a pris connaissance de l’acte introductif d’instance amendé, daté du 24 octobre 2024, qui a été déposé par l’Autorité et ne partage pas l’avis susmentionné de l’intimé Alexandre Bond.
  6.            Ainsi, il appert - à la lecture même de cet acte introductif d’instance que l’intimée Summum est une société inscrite auprès de l’Autorité dans la discipline du courtage hypothécaire et que tous les autres intimés qui sont des personnes physiques, incluant l’intimé Alexandre Bond, ont exercé, durant la période des faits reprochés, des activités en courtage hypothécaire reliées à Summum.
  7.            Cette lecture permet aussi d’apprendre que le régulateur allègue que toutes ces personnes physiques auraient essentiellement exercé, alors qu’elles avaient des liens avec l’intimé Summum, des activités de courtage hypothécaires comportant des pratiques délétères communes à l’égard d’une clientèle financièrement vulnérable, le tout selon un modus operandi comportant de grandes similitudes.
  8.            De l’avis du Tribunal, le niveau de connexité des manquements reprochés aux intimés est tel qu’il serait contraire à l’intérêt public, dans le cadre de la présente affaire, de ne pas permettre à l’Autorité de présenter sa preuve à l’égard de chacun des intimés, incluant Alexandre Bond, et ce, de manière à pouvoir potentiellement les relier à des manquements affectant la gestion même de l’intimée Summum.  
  9.            Disjoindre les manquements reprochés à l’intimé Alexandre Bond de l’acte introductif d’instance amendé, daté du 24 octobre 2024, compliquerait indûment - de l’avis du Tribunal - le processus de présentation de la preuve de l’Autorité au soutien de certains des manquements qui sont reprochés aux gestionnaires de l’intimée Summum et pourrait même avoir pour effet d’ultimement l’affaiblir.
  10.            À cela s’ajoute, de l’avis du Tribunal, le risque de témoignages contradictoires de la part de personnes qui pourraient être appelées à témoigner dans les deux procédures, une fois disjointes, ainsi que le risque de jugements potentiellement contradictoires à l’égard de manquements, apparemment d’une même nature, qui auraient été commis durant une même période par des personnes qui, selon le régulateur, exerçaient alors des activités de courtage hypothécaire sous l’ombrelle commune de l’intimée Summum.
  11.            Par ailleurs, le Tribunal doit tenir compte du fait que l’acte introductif d’instance amendé, daté du 24 octobre 2024, qui lui a été présenté par l’Autorité contient des allégations de manquements très graves commis par les intimés à la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi qu’à ses règlements d’application, et ce, à l’égard d’une clientèle qui auraient été particulièrement vulnérable.  
  12.            Le Tribunal doit aussi prendre en considération les sérieuses allégations contenues dans cet acte introductif d’instance quant au nombre important de ces manquements et quant au modus operandi reliant potentiellement tous les intimés à l’ensemble des activités délétères en courtage hypothécaire qui auraient, selon le régulateur, été exercées sous l’ombrelle commune de l’intimée Summum, et ce, afin de pouvoir éventuellement évaluer avec justesse la gravité du problème allégué au regard de l’intérêt public et afin d’être en mesure de potentiellement prononcer une gamme d’ordonnances appropriées visant à protéger les consommateurs de services de courtage hypothécaire.  
  13.            Par conséquent, après avoir dûment considéré l’ensemble de l’argumentation présenté par les avocats des parties, le Tribunal décide - dans l’intérêt public - de rejeter la demande intérimaire en disjonction d’instance de l’intimé Alexandre Bond.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 97 al. 2 (2 o et 7 o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier :

REJETTE la demande intérimaire en disjonction d’instance présentée par l’intimé Alexandre Bond.

 

 

 

 

__________________________________

Jean-Pierre Cristel

Juge administratif

 

 

 

 

 

 

Me Vanessa J. Goulet et Me Emmanuelle Ouimet-Deslauriers

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Pour l’Autorité des marchés financiers

 

Me G. Marc Henry

(Quessy Henry St-Hilaire, avocats)

Pour 9130-0954 Québec inc. et Jean-François Lavoie

 

Me Matthieu Cano Morales

(Dion Rhéaume Avocats inc.)

Pour Jean-Mathieu Lavoie et Zérodette inc.

 

Me Nathalie Charron

(Therrien Couture Joli-Cœur)

Pour Alexandre Bond

 

Me Camille Langlois-Émond

(Pelletier-Quirion Avocats)

Pour Jean-François Soucy

 

 

 

Date d’audience :

24 avril 2025

 


[1]  RLRQ, c. D— 9.2. (« Loi sur la distribution de produits et services financiers »).

[2]  RLRQ, c. E— 6.1. (« Loi sur l’encadrement du secteur financier »).

[3]  Autorité des marchés financiers c. 9130-0954 Québec inc., 2024 QCTMF 61.

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