Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Norgéreq ltée c. Ville de Montréal

2017 QCCS 1199

 

JG2593

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-046847-086

 

 

 

DATE :

27 mars 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

 L’HONORABLE

SERGE GAUDET, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

 

NORGEREQ LTÉE

Demanderesse

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

(responsabilité civile, appel d’offres)

______________________________________________________________________

 

[1]          Au début de 2008, la Ville de Montréal lance un appel d’offres visant la restauration de la maçonnerie de l’Hôtel de ville, ainsi que la réfection de ses mansardes et de son campanile qui sont ornementés et recouverts de cuivre.

[2]          S’agissant de travaux délicats sur un bâtiment patrimonial, la Ville choisit d’évaluer les offres en se fondant à la fois sur le prix proposé et la qualité des soumissionnaires selon certains critères mentionnés aux documents d’appel d’offres.

[3]          La soumission de la demanderesse (Norgéreq Ltée) arrive au second rang, derrière celle de 4 373 413 Canada inc. (« L.M. Sauvé ») à qui le contrat a été octroyé. Or, selon Norgéreq, L.M. Sauvé aurait dû être disqualifiée puisque la garantie qui accompagnait sa soumission était irrégulière, s’agissant d’un cautionnement souscrit par une compagnie qui ne détenait pas de permis pour exercer l’activité de garantie au Québec.

[4]          Norgéreq estime donc que le contrat aurait dû lui être attribué et qu’elle en aurait tiré un profit de 1 364 960 $, montant qu’elle réclame à la Ville.

[5]          La Ville se défend en invoquant que l’irrégularité du cautionnement de soumission de L.M. Sauvé est mineure et ne la disqualifiait pas automatiquement. Elle prétend par ailleurs que la soumission de Norgéreq ne satisfaisait pas elle-même à certaines des exigences de qualification et que le contrat n’aurait donc pas pu lui être octroyé. Enfin, elle conteste le quantum des dommages réclamés.

1.         Contexte

[6]          Comme il arrive souvent, les directives aux soumissionnaires se retrouvent dans plusieurs documents. En l’espèce, le soumissionnaire doit d’abord tenir compte du Cahier des clauses administratives générales (CCAG)[1] et des Clauses administratives supplémentaires (CAS)[2] qui les complètent. Il doit également s’assurer de satisfaire aux Instructions spéciales aux soumissionnaires (ISS)[3], lesquelles comme leur nom l’indique, décrivent les modalités particulières de l’appel d’offres en question.

[7]          Les dispositions pertinentes aux fins du présent débat peuvent être résumées de la manière suivante.

[8]          Il est prévu au CCAG qu’un soumissionnaire ne peut modifier ou retirer sa proposition « pendant 90 jours suivants la date fixée pour l’ouverture des soumissions ou tout autre délai fixé dans les documents »[4]. Ce délai a cependant été porté à 120 jours par les Clauses administratives supplémentaires[5].

[9]          Le CCAG prévoit également que toute soumission doit être accompagnée d’une garantie équivalant à 10 % de son montant. Cette garantie peut prendre la forme d’un chèque visé fait à l’ordre de la Ville, d’une lettre de garantie bancaire irrévocable ou encore d’un cautionnement « conforme au formulaire 1 établi par un assureur détenant un permis d’assureur délivré par l’Inspecteur général des institutions financières et l’autorisant à pratiquer l’activité de garantie au sens de la Loi sur les assurances »[6].

[10]       Peu importe la forme qu’elle prend, la garantie de soumission doit être accompagnée d’une lettre d’engagement. Par celle-ci, un assureur s’oblige, advenant que la soumission soit acceptée, à souscrire un cautionnement d’exécution ainsi qu’un cautionnement des obligations de l’entrepreneur pour gages, biens et services. Cette lettre doit être conforme au formulaire 2 du CCAG[7].

[11]       Par ailleurs, les ISS mettent en place un système d’évaluation des offres afin de « sélectionner les entrepreneurs qui possèdent l’expertise requise en restauration d’édifices à caractère patrimonial dans les champs spécifiés et de choisir celui qui présente le meilleur rapport qualité/prix »[8].

[12]       À cette fin, les ISS prévoient certains prérequis pour que l’offre d’un soumissionnaire puisse être retenue et évaluée. Ainsi, l’entrepreneur général doit citer en référence deux projets de construction qui doivent chacun avoir un volet de restauration de l’enveloppe d’un édifice à caractère patrimonial d’une valeur supérieure à 2 millions $. Par ailleurs, l’équipe de l’entrepreneur général doit comprendre un chargé de projet et un chef de chantier qui possèdent respectivement au moins 10 et 7 années d’expérience dans la gestion de projets ayant consisté à restaurer l’enveloppe d’édifices à caractère patrimonial[9].

[13]       Les ISS précisent qu’un édifice à caractère patrimonial est un « bâtiment construit depuis plus de 60 ans selon des méthodes traditionnelles. Autrement dit, les murs sont en pierre naturelle et en briques d’argile liées par du mortier, les murs sont partiellement ou entièrement porteurs »[10].

[14]       Selon les ISS, le comité d’évaluation doit procéder en trois étapes[11]. Tout d’abord, il doit y avoir une vérification que les exigences administratives du cahier des charges et que les prérequis expérientiels obligatoires énoncés aux ISS sont satisfaits. Il y a ensuite une évaluation qualitative des propositions sur une échelle de 100 points, dont 40 sont attribués au profil de l’entrepreneur général et 60 pour son équipe. Enfin, le soumissionnaire proposant le prix le plus bas obtient 200 points et les autres un nombre de points inférieurs selon une formule mathématique. La somme des étapes 2 et 3 correspond au pointage total.

[15]       Le comité établi par la Ville afin d’évaluer les offres est formé des quatre personnes suivantes :

·        M. Christian Champagne, chef de division au Bureau du patrimoine, de la toponymie et de l’expertise (Service de la mise en valeur du territoire et du patrimoine de la Ville);

·        M. Benoit Gariépy, architecte à la Section de l’expertise technique de la Direction des immeubles (Service de la mise en valeur du territoire et du patrimoine de la Ville);

·        M. Richard Morin, chef de section à la Division de l’expertise et du soutien technique (Service des infrastructures, transport et environnement); et

·        M. Robert Paradis, alors de Génivar, gestionnaire de projet pour la Ville de Montréal.

Par ailleurs, M. Richard de la Riva, architecte, dont les services ont été retenus par la Ville comme chargé de projet, assiste le comité et participe à ses travaux, mais n’a pas le droit de vote.

[16]       L’ouverture des soumissions a lieu le 10 mars 2008, à 14 heures. 

[17]       Il y a quatre soumissionnaires, soit Norgéreq, L.M. Sauvé, Toitures Trois Étoiles inc. et Maçonnerie Rainville et Frères inc.

[18]       Suite à l’ouverture des soumissions, M. Paradis et M. de La Riva commencent par vérifier la conformité des offres avec les exigences administratives et obligatoires. M. Paradis s’occupe des exigences administratives, tandis que M. de la Riva se concentre sur les prérequis de qualification expérientiels.

[19]       La garantie de soumission offerte par L.M. Sauvé prend la forme d’un cautionnement. Celui-ci est donné par Mutuels Sompo-Division Canada inc[12]. C’est également Mutuels Sompo qui signe la lettre d’engagement du formulaire 2. Or, et cela est admis, cette compagnie ne détenait pas un permis d’assureur l’autorisant à pratiquer l’activité de garantie au Québec au sens de la Loi sur les assurances

[20]       Cette irrégularité n’est cependant pas relevée.

[21]       En effet, M. Paradis, afin de vérifier si la caution offerte par L.M. Sauvé était un assureur détenant le permis requis, a consulté la portion pertinente du site web de l’Autorité des marchés financiers. Bien qu’il n’y ait pas retrouvé le nom de Mutuels Sompo, il a cependant constaté qu’une compagnie d’assurances, Assurances Sompo du Japon, détenait le permis requis. Étant donné la ressemblance du nom, par ailleurs peu commun, M. Paradis a tenu pour acquis qu’il s’agissait de la même compagnie ou d’une compagnie liée.

[22]       Il en a conclu que le cautionnement accompagnant la soumission de L.M. Sauvé était conforme aux exigences.

[23]       La garantie de soumission de Norgéreq prend également la forme d’un cautionnement. Celui-ci est offert par un assureur détenant le permis requis, mais M. Paradis note qu’il n’a qu’une durée de 90 jours plutôt que de 120 jours.

[24]       M. de La Riva examine par ailleurs les soumissions afin de voir si les exigences obligatoires prévues aux ISS sont satisfaites.

[25]       Or, l’un des projets de référence mentionnés par Norgéreq est relatif à la restauration de la Tour de Lévis du Parc Jean-Drapeau. Dans sa soumission, Norgéreq indique que la valeur des travaux de l’enveloppe est de 1,8 million de dollars[13], soit un montant inférieur aux exigences obligatoires. Par ailleurs, M. de La Riva se pose certaines questions par rapport à l’expérience de l’équipe de Norgéreq.

[26]       À la demande de la Ville, M. de la Riva communique avec M. Jean-Pierre Buyle, de chez Norgéreq. Il lui indique, d’une part, que le cautionnement de soumission offert n’a pas la durée requise et lui demande, d’autre part, de fournir des précisions quant à la valeur des travaux du projet de la Tour de Lévis et quant à l’expérience de l’équipe proposée.

[27]       Le 13 mars 2008, en matinée, M. Buyle fait parvenir à M. de la Riva un cautionnement de soumission d’une durée de 120 jours. Il lui transmet également une lettre faisant part des informations additionnelles demandées[14].

[28]       En ce qui concerne les projets de référence, M. Buyle indique dans sa lettre que le projet de la Tour de Lévis a été exécuté en deux volets. Il y a d’abord eu le contrat tel que soumissionné, au montant de 1 863 000 $ sans contingences, et ensuite des travaux additionnels provenant d’une autre enveloppe budgétaire afin de compléter le tout. La valeur de ces travaux additionnels n’est pas mentionnée. M. Buyle affirme cependant que « les modifications en cours d’exécution ainsi que le second volet font que ce projet se classe dans vos critères ». M. Buyle ajoute par ailleurs que le projet de restauration du Marché Adonis de Dollard-des-Ormeaux, à la lumière de certaines de ses caractéristiques, devrait être considéré comme l’équivalent de la restauration d’un édifice patrimonial et que ce projet comportait des travaux d’enveloppe de 2 500 000 $.

[29]       En ce qui a trait à l’expérience du chargé de projet et du chef de chantier proposés, M. Buyle indique que cette expérience ne doit pas seulement avoir été vécue au sein de l’entreprise soumissionnaire, mais peut provenir de l’ensemble de leur carrière. M. Buyle précise que M. Feudi (chargé de projet) et M. Poulin (chef de chantier) ont activement participé aux projets cités à titre de référence en plus de ceux mentionnés au formulaire faisant état de leur expérience. M. Buyle ajoute que M. Feudi a participé comme propriétaire d’entreprise à la restauration de l’enveloppe de l’Hôpital Royal-Victoria, ainsi qu’à la construction de l’Hôtel Sheraton d’Halifax, un projet de 40 millions $ dont la toiture en cuivre vaut à elle seule 1,5 million $.

[30]       Le comité d’évaluation se réunit le 13 mars 2009 en début d’après-midi. Les quatre membres sont présents, ainsi que M. de La Riva qui dresse le procès-verbal de la réunion.

[31]       M. Paradis présente d’abord les résultats de ses vérifications quant aux exigences administratives. Quelques dérogations jugées mineures sont signalées, mais les quatre soumissions sont jugées conformes.

[32]       En ce qui concerne les exigences obligatoires de qualification, les soumissions de L.M. Sauvé et de Rainville et Frères sont conformes. Le comité écarte la soumission de Toitures Trois Étoiles inc. puisque celle-ci ne satisfait pas à plusieurs des critères de qualification. En ce qui concerne Norgéreq, le procès-verbal indique qu’à la lumière des précisions fournies par M. Buyle dans sa lettre, « il a été décidé à l’unanimité que la soumission de Norgéreq est conforme aux exigences obligatoires »[15].

[33]       Le comité passe ensuite à l’évaluation qualitative des trois soumissions jugées conformes en fonction des critères mentionnés aux documents d’appel d’offres et du prix. La note la plus élevée, soit 284,1 points, est attribuée à L.M. Sauvé, et ce, bien que le prix de sa soumission (10 670 120 $, incluant contingences et taxes) soit légèrement plus élevé que celui de Norgéreq (10 558 568 $, incluant contingences et taxes)[16]. Norgéreq suit avec 280,4 points et Rainville et Frères ferme la marche avec 279,3 points[17].

[34]       Sur recommandation du comité, la Ville octroie le contrat à L.M. Sauvé en mai 2008.

[35]       Le 4 juin 2008, L.M. Sauvé transmet à la Ville un cautionnement d’exécution souscrit, non pas par Mutuels Sompo, mais par L’Unique assurances générales inc., un assureur qualifié pour exercer l’activité de garantie au Québec. La preuve ne révèle pas pourquoi L.M. Sauvé a effectué cette substitution.

[36]       À l’automne 2008, Norgéreq découvre que Mutuels Sompo ne détient pas de permis d’assureur au Québec, et n’en détenait pas au 10 mars 2008, ce que lui confirme l’Autorité des marchés financiers[18]. Norgéreq transmet une mise en demeure à la Ville.

[37]       La Ville demande alors à L.M. Sauvé de lui fournir la preuve que Mutuels Sompo détenait le permis d’assureur requis ou, à défaut, de fournir la preuve que celle-ci détenait au Québec des biens suffisants pour répondre à ce qui faisait l’objet du cautionnement. À son tour, L.M. Sauvé met en demeure Mutuels Sompo de fournir ces preuves[19].

[38]       Mutuels Sompo ne répondra pas à cette mise en demeure. Il est cependant admis, comme mentionné ci-dessus, qu’elle ne possédait pas le permis pour exercer une telle activité de garantie au Québec.

[39]       Les travaux débutent en 2008. Pendant qu’elle exécute les travaux, L.M. Sauvé est mise en faillite. Les travaux seront terminés par la caution, soit L’Unique assurances générales.

2.         Analyse

            1)      Les principes applicables

[40]       L’arrêt Tapitec inc. c. Ville de Blainville[20], tout récemment rendu par la Cour d’appel, fournit le cadre d’analyse.

[41]       Dans cette affaire, la Ville de Blainville avait lancé un appel d’offres pour la fourniture et l’installation d’un revêtement synthétique sur un terrain de football. Comme dans le présent dossier, un comité de sélection devait évaluer les soumissions selon une grille de pointage. Les documents d’appel d’offres mentionnaient que « l’installation du revêtement doit être faite par un entrepreneur ayant sa principale place d’affaires au Québec et opérant depuis au moins cinq ans au Québec ».

[42]       Le contrat a été attribué à une entreprise québécoise qui n’existait que depuis deux années. Cependant, son président et principal actionnaire avait plus de 25 années d’expérience dans le domaine. Sans vraiment donner de motifs à cet égard, le comité de sélection avait décidé que l’entreprise se qualifiait. 

[43]       Un recours en dommages a été entrepris par le soumissionnaire qui s’était classé au second rang, au motif que l’entreprise ayant décroché le contrat ne satisfaisait pas aux exigences de l’appel d’offres.

[44]       La Cour supérieure, après avoir indiqué qu’elle n’avait pas l’obligation de se montrer déférente envers la décision du comité à cet égard (s’agissant d’une décision relative à la conformité plutôt qu’à l’évaluation de la soumission), avait jugé que l’irrégularité était mineure puisque le non-respect de la condition n’avait pas eu d’incidence sur le prix de la soumission et n’avait donc pas rompu l’équilibre entre les soumissionnaires[21].

[45]       La Cour d’appel est intervenue, précisant qu’il ne fallait pas seulement s’attarder à l’effet du non-respect de la condition sur le prix des soumissions, mais aussi sur l’impact que ce manquement peut avoir quant à l’intégrité même du processus d’appel d’offres. En effet, si une exigence est expressément ou implicitement obligatoire, les entreprises qui n’y satisfont pas peuvent décider de ne pas soumissionner, estimant ne pas avoir de chance d’obtenir le contrat. À l’inverse, celles qui dépensent temps et argent pour soumissionner sont en droit de s’attendre à ce que le contrat ne soit octroyé qu’à des entreprises qui satisfont à une telle exigence.

[46]       Selon la Cour d’appel, même si la condition en cause dans Tapitec se trouvait dans le cahier des clauses techniques et non pas sous la section « Conditions d’admissibilité », le texte qui la posait était impératif. En outre, la preuve révélait que l’intention du donneur d’ouvrage était de restreindre les soumissionnaires à ceux qui avaient une certaine expérience et qui étaient en mesure d’honorer une garantie de huit ans sur le revêtement. La Cour d’appel en conclut qu’il s’agissait donc d’un élément essentiel de l’appel d’offres et que la soumission de l’entreprise qui n’existait que depuis deux années aurait dû être rejetée, car non conforme. Le recours en dommages du soumissionnaire qui était arrivé au second rang a donc été accueilli.

[47]       La Cour d’appel a ainsi résumé les principes devant guider l’analyse :

[13] L’obligation de n’accorder le contrat qu’à un soumissionnaire qui présente une soumission conforme découle implicitement du contrat intervenu entre l’auteur de l’appel d’offres et tous les soumissionnaires[22]. L’auteur de l’appel d’offres doit évaluer les soumissions de manière équitable et uniforme afin d’éviter qu’un soumissionnaire soit avantagé par rapport à un autre.

[14] Le principe d’égalité entre les soumissionnaires tire son fondement du fait qu’en l’absence de cette obligation implicite, aucun soumissionnaire raisonnable ne s’exposerait aux risques inhérents à un appel d’offres si le donneur d’ouvrage « peut, dans les faits, contourner ce processus et accepter une soumission non conforme ».

[15] Par ailleurs, l’exigence que seules soient examinées les soumissions conformes est également « un élément favorisant l’intégrité et l’efficacité commerciale du processus d’appel d’offres ».

[16] L’évaluation des soumissions dans le cadre d’un système de pondération (par opposition à la soumission la plus basse) n’élimine pas l’obligation pour la municipalité d’en évaluer la conformité. Comme c’est le cas pour les contrats attribués au plus bas soumissionnaire, la municipalité doit rejeter une soumission qui contient une irrégularité sur un élément essentiel. Par contre, le système de pondération permet à un corps public d’évaluer les divers éléments qu’il indique dans les documents d’appel d’offres et d’accorder le nombre de points qu’il juge approprié pour chacun des critères[23].

[48]       La Cour poursuit en indiquant les critères permettant de distinguer les irrégularités majeures (qui doivent mener au rejet de la soumission) de celles qui sont mineures (et pour lesquelles le donneur d’ouvrage jouit d’une certaine discrétion). Se fondant sur ce que proposent les auteurs Giroux et Jobidon[24], la Cour d’appel indique qu’il y a lieu à cet égard de se poser les questions suivantes :

« 1) l’exigence est-elle d’ordre public ? 2) les documents d’appel d’offres indiquent-ils expressément que l’exigence constitue un élément essentiel ? et 3) à la lumière des usages, des obligations implicites et de l’intention des parties, l’exigence traduit-elle un élément essentiel ou accessoire de l’appel d’offres? »[25].

[49]       Bref, il s’agit de voir si l’exigence en cause s’impose tant à l’auteur de l’appel d’offres qu’aux soumissionnaires qui désirent tenter leur chance ou si elle ne revêt qu’une importance relative, secondaire, avec la conséquence que le donneur d’ouvrage peut renoncer à l’appliquer dans toute sa rigueur. En ce domaine, les documents de l’appel d’offres et les circonstances de l’affaire revêtent une grande importance, chaque dossier étant un cas d’espèce[26].

[50]       Ces principes posés, il s’agit maintenant de voir si les soumissions de L.M. Sauvé et de Norgéreq étaient conformes.

            2)         La soumission de L.M. Sauvé était-elle conforme ?

[51]       La soumission de L.M. Sauvé était entachée d’une irrégularité puisque le cautionnement qui l’accompagnait n’était pas souscrit par un assureur détenant un permis pour exercer l’activité de garantie au Québec.

[52]       Une telle irrégularité est-elle majeure ou mineure ?

[53]       Selon le Tribunal, il s’agit d’une irrégularité majeure qui aurait dû mener à la disqualification de L.M. Sauvé.

[54]       Tout d’abord, le langage utilisé dans les documents d’appel d’offres est impératif.

[55]       Les ISS prévoient que le soumissionnaire doit présenter une offre qui inclut « un chèque visé ou un cautionnement de soumission (Formule 1) tel que requis au « Cahier des garanties et assurances »[27].

[56]       Or, le CCAG, à la section « Garanties », établit que lorsque la garantie de soumission est fournie sous forme de cautionnement, « elle doit être émise par une compagnie d’assurances autorisée à faire affaires au Québec et être accompagnée d’une lettre d’engagement (formulaire 2).[28]»

[57]       En outre, l’art. 1.2.4 du CCAG stipule ce qui suit en ce qui concerne la garantie de soumission, utilisant encore là un langage impératif : 

La garantie qui doit accompagner la soumission conformément aux exigences de l’appel d’offres et du formulaire de soumission doit être d’un montant équivalent à 10 % du montant de la soumission et être fournie selon le cas :

a)    par un chèque visé, fait à l’ordre de la Ville, et tiré sur une institution bancaire ou une caisse populaire située au Québec,

b)    par un cautionnement de soumission conforme au formulaire 1 établi par un assureur détenant un permis d’assureur délivré par l’Inspecteur des institutions financières et l’autorisant à pratiquer l’activité de garantie au sens de la Loi sur les assurances,

c)    par une lettre de garantie bancaire irrévocable conforme au formulaire 10 et tirée sur une institution bancaire ou une Caisse populaire située au Québec

Dans tous les cas, la garantie doit être accompagnée d’une lettre d’engagement selon le formulaire 2[29].

[58]       Une garantie de soumission sert à éviter qu’un soumissionnaire présente une offre à très bas prix, réalise ensuite que l’affaire risque de ne pas être avantageuse et cherche alors à se retirer du processus. La garantie de soumission incite les soumissionnaires à présenter des offres sérieuses et qui ont été élaborées avec soin, ce qui permet le jeu de la concurrence tout en favorisant le principe d’égalité des soumissionnaires[30]. Le moyen d’atteindre cet objectif est de procurer au donneur d’ouvrage, advenant que le soumissionnaire retire son offre, un moyen simple et efficace d’être indemnisé des dommages en résultant. C’est précisément pour cela que, selon le CCAG, la garantie doit prendre la forme d’un chèque visé ou d’un engagement bancaire irrévocable d’une institution financière située au Québec ou encore d’un cautionnement émis par un assureur étant autorisé à exercer l’activité de garantie au Québec.

[59]       Dans son ouvrage sur les Contrats municipaux par demande de soumissions, l’auteur André Langlois indique, jurisprudence à l’appui, que les tribunaux considèrent généralement que lorsque les garanties financières exigées dans les documents d’appel d’offres ne sont pas fournies, la soumission doit être rejetée, car il s’agit là d’une irrégularité majeure. Il ajoute qu’il en est de même « du défaut de garantir ses engagements financiers par une entreprise de cautionnement offrant des conditions sérieuses de solvabilité ou de fournir un engagement signé d’une telle entreprise. »[31]

[60]       Dans l’affaire Blenda Construction inc. c. CHSLD Drapeau-Deschambault[32], le juge Jean-Yves Lalonde, de notre Cour, a effectivement jugé qu’un cautionnement émis par une compagnie qui n’était pas légalement habilitée à se porter caution, alors que cela constituait une exigence impérative de l’appel d’offres, constituait une irrégularité majeure devant mener à la disqualification du soumissionnaire.

[61]       De même, dans l’affaire JP Énergie design inc. c. Ville de Montréal[33], le juge Sylvain Coutlée, de la Cour du Québec, était appelé à se prononcer sur la conformité d’une soumission à la lumière du Cahier des charges administratives de la Ville de Montréal (soit celui-là même qui nous intéresse ici). Le cautionnement avait là aussi été émis par une personne ne détenant pas un permis d’assureur lui permettant d’exercer l’activité de garantie au Québec. Le juge Coutlée a considéré qu’il s’agissait d’une irrégularité majeure et que la Ville avait donc, à bon droit, rejeté cette soumission. 

[62]       Le Tribunal est d’accord avec ces décisions : offrir un cautionnement par une personne qui ne possède pas le permis exigé pour exercer au Québec l’activité de garantie équivaut à ne pas en fournir du tout. En effet, un tel cautionnement n’offre aucune garantie sérieuse au donneur d’ouvrage qu’il disposera d’un moyen simple et efficace d’être indemnisé advenant que le soumissionnaire retire son offre. Un tel cautionnement ne satisfait donc pas aux objectifs visés par l’exigence d’une garantie de soumission, laquelle est impérative selon les documents d’appel d’offres.

[63]       La même chose peut être dite en ce qui concerne la lettre d’engagement qui doit accompagner la garantie de soumission (formulaire 2). Cet engagement est peut-être encore plus important puisqu’il garantit au donneur d’ouvrage qu’il obtiendra, advenant que le contrat soit adjugé au soumissionnaire en cause, un cautionnement d’exécution, ainsi qu’un cautionnement pour les gages, biens et services qui sera émis par un assureur autorisé à exercer l’activité de garantie au Québec.

[64]       Ni le cautionnement de soumission émis par Mutuels Sompo ni la lettre d’engagement signée par cette dernière n’était susceptible de donner de telles assurances au donneur d’ouvrage. En conséquence, les « garanties » qui accompagnaient la soumission de L.M. Sauvé n’en étaient pas véritablement au sens de l’art. 1.2.4 du CCAG.

[65]       La situation est donc fondamentalement différente de celle qui peut survenir lorsqu’un cautionnement de soumission essentiellement conforme aux exigences est fourni, mais que le montant de celui-ci est légèrement inférieur à ce qui est requis. En un tel cas, l’irrégularité peut être considérée comme mineure puisque l’objectif visé par la garantie est substantiellement atteint par celle offerte[34].

[66]       Au surplus, ce n’est pas parce que la Ville a décidé de passer outre à l’exigence que le cautionnement de L.M. Sauvé a été jugé conforme, mais uniquement parce que M. Paradis a cru (erronément) que Mutuels Sompo était la même entité qu’une autre qui détenait le permis requis et dont le nom contenait également le vocable « Sompo ».

[67]       C’est donc sur la base de ce raisonnement fautif et de cette vérification bâclée que le cautionnement accompagnant la soumission de L.M. Sauvé a été jugé conforme par le comité.

[68]       Même si le Tribunal n’a aucun doute que cette erreur a été commise de bonne foi et non pas dans le but d’avantager indûment L.M. Sauvé, il demeure que cette erreur est susceptible d’engager la responsabilité de la Ville pour avoir octroyé le contrat à un soumissionnaire dont l’offre était entachée d’une irrégularité majeure[35].

[69]       En octroyant le contrat à L.M. Sauvé, la Ville a donc manqué à ses obligations contractuelles envers les autres soumissionnaires.

[70]       À première vue, cela devrait suffire pour engager la responsabilité de la Ville envers Norgéreq, dont la soumission s’est classée au second rang. Cependant, la Ville prétend que la soumission de Norgéreq ne se qualifiait pas non plus. Si cela est exact, le recours de Norgéreq doit nécessairement échouer puisqu’alors l’inexécution contractuelle de la Ville ne lui aurait causé aucun préjudice, dans la mesure où le contrat n’aurait pas pu lui être attribué de toute manière.

[71]       Il faut donc examiner la conformité de la soumission de Norgéreq.

3)      La soumission de Norgéreq était-elle conforme ?

[72]       Comme on l’a vu, le cautionnement de soumission de Norgéreq était lui-même affecté d’une irrégularité, puisqu’il n’était valable que pour 90 jours, alors que les documents d’appel d’offres exigeaient une durée de 120 jours.

[73]       De l’avis de M. de La Riva, il s’agit là d’une erreur qui se produit assez souvent.

[74]       Cela peut se comprendre dans la mesure où une certaine ambiguïté existe dans la teneur des documents d’appel d’offres de la Ville. Ainsi, le cautionnement de soumission existe pour garantir une indemnité à la Ville, advenant que le soumissionnaire retire sa soumission. Or, selon le CCAG, le soumissionnaire ne peut le faire pendant les 90 jours qui suivent l’ouverture des soumissions. Il serait alors logique que le cautionnement doive être maintenu pour cette même période seulement. Cependant, le formulaire 1 qui est en annexe au CCAG mentionne une durée minimale de 120 jours. Par ailleurs, en janvier 2008, la disposition pertinente du CCAG a été modifiée par les Charges administratives supplémentaires et la période de 90 jours de l’art. 1.3.3.1.1 du CCAG doit se lire comme s’il s’agissait une période de 120 jours, ce qui explique peut-être pourquoi le formulaire 1 en annexe au CCAG prévoit une telle durée.

[75]       Dans son témoignage, M. Buyle explique que l’erreur a précisément été commise en raison du fait que le Cahier des charges administratives supplémentaires n’a pas été transmis à la personne qui s’occupait d’obtenir les garanties financières aux fins de l’appel d’offres. Cette personne s’est donc erronément fiée sur le délai de 90 jours mentionné au CCAG.

[76]       Selon la jurisprudence, ce genre d’irrégularité est généralement considéré être de nature mineure[36].

[77]       À cela, il convient d’ajouter qu’en l’espèce, les dispositions du Cahier des charges administratives ne disent pas expressément que le cautionnement de soumission doit avoir une durée de 120 jours. Les ISS ne mentionnent rien non plus à cet égard, se contentant de référer au formulaire 1. L’article 1.2.4 du CCAG n’indique pas non plus une durée minimale pour le cautionnement, renvoyant simplement lui aussi au formulaire 1. Ainsi, c’est le texte du formulaire, et non les dispositions du cahier des charges ou des ISS qui se trouve à établir la durée de 120 jours du cautionnement[37]. Il n’y a donc rien qui fait expressément ou implicitement de cette durée un élément essentiel de l’appel d’offres.

[78]       La Ville avait donc le droit de demander à Norgéreq de corriger cette irrégularité mineure qui ne la disqualifiait pas automatiquement.

[79]       D’ailleurs, la Ville insiste davantage sur le fait que, selon elle, la soumission de Norgéreq n’était pas conforme car elle ne répondait aux exigences obligatoires de qualification énoncées aux ISS.

 

[80]       Ces dernières contiennent en effet un chapitre 2.4 faisaient état de certaines exigences quant à la qualification des soumissionnaires :

2.4 Exigences obligatoires

Le présent chapitre énumère les exigences de base obligatoires que devra rencontrer le soumissionnaire pour que sa proposition soit retenue et évaluée. Tout soumissionnaire qui ne rencontre pas ces exigences pourra voir sa proposition rejetée. Ces exigences s’ajoutent aux exigences décrites au Cahier des clauses administratives.

[81]       Le langage utilisé établit le caractère impératif et essentiel de ces exigences. Il s’agit d’exigences de base, obligatoires, et qui doivent être satisfaites pour que la proposition du soumissionnaire puisse être retenue et évaluée (c’est-à-dire passer à l’étape de l’évaluation qualitative selon la grille d’analyse de 300 points). Certes, la clause mentionne que la proposition qui ne satisfait pas à ces exigences pourra être rejetée, mais, dans le contexte, cela ne suffit pas à en faire des éléments secondaires ou accessoires auxquelles le donneur d’ouvrage pourrait décider de passer outre. Comme le titre du chapitre le mentionne expressément, ces exigences sont obligatoires.

[82]       D’ailleurs, la description du processus d’évaluation réitère qu’elles doivent être satisfaites avant que le comité puisse passer à l’étape de l’évaluation qualitative de la soumission. L’étape 1 du processus, intitulée « Vérifications des exigences obligatoires » est ainsi décrite :

Le comité vérifie d’abord si les exigences administratives du Cahier des charges et les exigences décrites au chapitre 2.4 sont rencontrées. Toute soumission ne rencontrant pas ces exigences pourra être rejetée. [38]

[83]       La situation est donc beaucoup plus claire en l’espèce que dans l’affaire Tapitec où le prérequis de qualification était mentionné au cahier technique et ne se trouvait pas sous la section « Conditions d’admissibilité » du cahier des charges.

[84]       Le caractère essentiel des exigences énoncées au chapitre 2.4 des ISS étant établi, il s’agit maintenant de voir si la soumission de Norgéreq y répondait.

[85]       Le soumissionnaire devait citer en référence « deux projets de construction ayant consisté à restaurer l’enveloppe d’édifices à caractère patrimonial » et chacun de ces projets devait avoir « un volet de restauration de l’enveloppe d’une valeur supérieure à 2 millions de dollars. »[39]

[86]       Le premier projet cité par Norgéreq est la réfection du Marché Atwater. La valeur des travaux de l’enveloppe est de 2 310 000 $. Personne ne remet en cause que ce projet répondait aux exigences.

[87]       En revanche, le second projet, soit la restauration de la Tour de Lévis, soulevait des questions. Il n’est pas contesté que cette tour, qui se trouve sur l’Île Sainte-Hélène et que l’on peut apercevoir du pont Jacques-Cartier, est un édifice patrimonial. Cependant, la valeur des travaux de l’enveloppe, selon Norgéreq elle-même, est de 1 800 000 $, soit un montant s’approchant mais néanmoins inférieur aux 2 millions requis. Pour M. de la Riva, il n’était donc pas clair que ce projet se qualifiait comme référence.

[88]       Par ailleurs, il n’était pas évident non plus, à la lumière des références citées à la soumission de Norgéreq, que les conditions relatives à l’expérience du chargé de projet et du chef de chantier étaient satisfaites.

[89]       À la demande de la Ville, M. de la Riva a donc demandé des précisions à M. Buyle, de Norgéreq, afin de clarifier ces questions. M. Buyle a répondu par sa lettre du 12 mars 2009 dont le contenu a déjà été résumé[40].

[90]       Rappelons, en ce qui concerne le premier volet, que M. Buyle y mentionne que les travaux relatifs à la Tour de Lévis ont été exécutés en deux volets, soit d’abord le contrat tel que soumissionné au montant de 1 863 000 $ sans contingences, et ensuite des travaux additionnels (sans cependant en spécifier le montant). M. Buyle a aussi mentionné que le projet de restauration du Marché Adonis de Dollard-des-Ormeaux (dont les travaux de l’enveloppe étaient de 2 500 000 $) devrait être considéré « dans son ensemble équivalent à un édifice à caractère patrimonial ». En ce qui a trait au second volet, M. Buyle précise l’expérience du chargé de projet et du chef de chantier proposés.

[91]       À la lumière des précisions apportées par M. Buyle, le comité, lors la réunion du 13 mars 2009, a conclu à l’unanimité que la soumission de Norgéreq répondait aux exigences obligatoires énoncées aux ISS[41].

[92]       Or, le Tribunal est d’avis que cette décision n’est pas fondée.

[93]       En ce qui concerne le premier volet, la preuve n’indique pas si les membres du comité ont considéré que c’était le projet Tour de Lévis qui se qualifiait ou si c’est plutôt celui du Marché Adonis (ou encore une combinaison des deux).

[94]       Or, ni l’une ni l’autre de ces hypothèses ne permet de satisfaire aux exigences obligatoires requises.

[95]       Tout d’abord, on peut penser que l’ajout à ce stade, soit après l’ouverture des soumissions, d’un troisième projet de référence confère un avantage indu à Norgéreq par rapport aux autres soumissionnaires et ne saurait donc être considéré pour la qualifier. Ensuite, et surtout, il n’a pas été prouvé que le Marché Adonis de Dollard-des-Ormeaux puisse être qualifié d’édifice à caractère patrimonial, ce qui serait par ailleurs étonnant à la lumière de la définition contenue aux ISS[42]. D’ailleurs, M. Buyle, dans sa lettre, ne prétend pas le contraire : tout au plus, il dit croire que, étant donné certaines de leurs caractéristiques, les travaux d’enveloppe du Marché Adonis devraient être considérés comme équivalant à des travaux d’enveloppe relatifs à un édifice patrimonial, ce qui revient à dire qu’il ne s’agissait pas véritablement de tels travaux. Or, les exigences du chapitre 2.4 des ISS sont sans équivoque : les projets cités en référence doivent être relatifs à la restauration de l’enveloppe d’édifices à caractère patrimonial, lesquels sont des bâtiments construits depuis plus de 60 ans selon des méthodes traditionnelles.

[96]       Par ailleurs, en ce qui concerne le projet de restauration de la Tour de Lévis, il est significatif que M. Buyle, dans sa lettre, ne donne pas les détails qui permettraient d’établir clairement la valeur des travaux concernant la restauration de l’enveloppe. Ainsi, on ne sait pas quelle est la valeur des travaux additionnels auxquels il réfère. Par ailleurs, plutôt que d’indiquer le coût des travaux, M. Buyle fait état du prix énoncé à sa soumission, soit 1 863 000 $, montant qui inclut les taxes. Or, d’une part, il est étonnant que l’on tienne compte des taxes (lesquelles varient dans le temps et dans l’espace) pour établir la valeur de travaux et, d’autre part, il est plutôt curieux de référer au prix de la soumission plutôt qu’aux coûts réels des travaux exécutés. Selon le Tribunal, si M. Buyle avait voulu brouiller les cartes quant à la valeur réelle des travaux de la Tour de Lévis auprès des membres du comité, il ne serait pas pris autrement.

[97]       Enfin, et cela est dévastateur pour la qualification de Norgéreq, la preuve au procès a révélé que le coût total des travaux relatifs à la restauration de la Tour de Lévis a été bien moindre que le prix de la soumission.

[98]       En effet, afin d’établir le quantum de sa réclamation en dommages, Norgéreq a soumis à titre de projet comparable celui relatif à la Tour de Lévis[43]. Or, les propres pièces de Norgéreq font état de travaux totalisant 1 402 000 $ pour ce projet, en incluant les contingences, ce qui est bien loin des 2 millions requis. Ce montant n’inclut d’ailleurs pas les taxes, ce qui démontre que, pour Norgéreq, la valeur de travaux exécutés n’inclut pas les taxes. Cela dit, même en ajoutant des taxes à hauteur de 15,5 %, on arrive à une somme totale d’environ 1 630 000 $, ce qui est encore bien en deçà du minimum requis.

[99]       En ce qui concerne le second volet, même en tenant compte du fait que M. Feudi a participé aux projets de restauration du Marché Atwater et de la Tour de Lévis, il est loin d’être évident, à la lumière des autres projets mentionnés au formulaire et à son curriculum vitae que celui-ci avait, en 2008, 10 années d’expérience dans la gestion de projets ayant consisté à restaurer l’enveloppe d’édifice à caractère patrimonial. Encore là, la référence au projet du Marché Adonis pour le qualifier n’est pas appropriée, car ce projet ne saurait être de la nature de la restauration d’enveloppe d’un édifice patrimonial.

[100]    Norgéreq insiste sur le fait que le comité d’évaluation, formé de gens qualifiés dans le domaine, a considéré à l’unanimité que sa soumission répondait aux prérequis de qualification.

[101]    Cependant, dans les circonstances, cette décision ne lie ni ne contraint d’aucune façon le Tribunal.

[102]    Tout d’abord, lorsqu’il s’agit de vérifier la conformité d’une soumission, les tribunaux ne doivent aucune déférence aux décisions d’un comité de sélection.

[103]    Il est vrai que la Cour d’appel dans l’arrêt L’immobilière[44] a mis en garde les tribunaux de ne pas substituer leur opinion à celle du comité chargé d’évaluer les soumissions, puisqu’une telle évaluation est de nature subjective et sujette à discussion. Ce n’est donc qu’en présence d’ « incohérences significatives » ou lorsque les conclusions du comité relèvent « de la fantaisie, du caprice, de l’ignorance volontaire, du bon plaisir ou de la négligence » que le tribunal peut intervenir.

[104]    Cependant, en l’espèce, ce n’est pas l’évaluation qualitative du comité qui est remise en cause (c-à-d. les points attribués à chacune des soumissions selon la grille d’analyse), mais bien la vérification de la conformité de la soumission, ce qui est une tout autre question.

[105]    Comme l’a dit le juge de première instance dans l’affaire Tapitec, « la conformité est une question objective et [non] pas une question « subjective, approximative et sujette à discussion » où le Tribunal doit faire preuve de prudence »[45]. Or, non seulement la Cour d’appel n’a nullement remis en cause cette affirmation, mais elle est précisément intervenue pour déclarer non conforme la soumission que le comité de sélection (et le juge de première instance) avait jugée conforme. Et il n’est nullement question dans l’arrêt Tapitec de prudence ou de déférence envers les décisions du comité quant à la conformité de la soumission, bien au contraire.

[106]    En l’espèce, les soumissionnaires étaient en droit de s’attendre à ce que le contrat ne soit octroyé qu’à une personne dont les qualifications répondaient aux exigences obligatoires du chapitre 2.4 des ISS. D’ailleurs, cela résulte clairement de l’art. 4.1 de ces dernières, puisque le comité doit d’abord vérifier que les soumissions satisfont tant aux exigences administratives du Cahier des charges qu’aux exigences obligatoires de qualification. Cette vérification de conformité est donc une condition préalable qui se distingue clairement de l’évaluation qualitative des soumissions.

[107]    En second lieu, il serait plutôt incongru de se montrer déférent envers la décision du comité dans les présentes circonstances, alors que le Tribunal a devant lui la preuve que les sommes mentionnées à la lettre de M. Buyle quant aux travaux de la Tour de Lévis ne correspondent pas à la valeur réelle des travaux alors exécutés. 

[108]    Le Tribunal conclut que la soumission de Norgéreq ne répondait pas aux exigences obligatoires, ne faisant état que d’un seul projet qui se qualifiait, soit celui du Marché Atwater. Celui de la Tour de Lévis n’atteignait pas le minimum requis en valeur des travaux, alors que celui du Marché Adonis en tenant pour acquis qu’il ait pu être considéré, ce qui est douteux n’était pas relatif à un édifice à caractère patrimonial.

[109]    S’agissant là d’un élément essentiel, la soumission de Norgereq aurait dû être rejetée à ce stade. En effet, comme l’indique la Cour d’appel dans Tapitec, dans la mesure où certaines personnes ont pu s’abstenir de soumissionner puisqu’elles ne satisfaisaient pas aux critères de qualification, la Ville ou ses représentants ne pouvaient décider de passer outre aux exigences obligatoires de qualification de l’appel d’offres, car il y aurait alors atteinte à l’intégrité du processus d’appel d’offres. Les règles du jeu étant établies par les documents d’appel d’offres, elles sont valables pour tous et on ne peut plus les modifier après l’ouverture des soumissions, sauf quant à des éléments purement accessoires et mineurs. Il s’agit là d’un principe fondamental en matière d’appels d’offres visant à assurer l’intégrité même du processus.

[110]    Dans la mesure où, nonobstant la décision du comité quant à la conformité de sa soumission, Norgéreq n’avait pas le droit de se voir octroyer le contrat faisant l’objet de l’appel d’offres, il va de soi que son recours en dommages pour ne pas l’avoir obtenu doit être rejeté.

4)      L’évaluation des dommages

[111]    La conclusion à laquelle en arrive le Tribunal fait en sorte qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’évaluation des dommages.

[112]    Cependant, puisqu’une partie importante du procès a été consacrée à cette question, et au cas une autre instance décidait autrement de la responsabilité de la Ville, le Tribunal fera état de ses réflexions à cet égard.

[113]    Selon M. Buyle, si le contrat lui avait été octroyé, Norgéreq aurait fait des profits d’environ 1,365 million $.

[114]    Sa démonstration ne convainc toutefois pas le Tribunal.

[115]    Tout d’abord, il importe de souligner que la méthode suivie par Norgéreq pour évaluer ses dommages a fait l’objet de révisions importantes au cours du procès, ce qui fait douter de la rigueur de l’exercice.

[116]    Dans sa demande originale, Norgéreq réclamait 906 000 $. Cette évaluation reposait sur la profitabilité de l’entreprise telle que démontrée par ses états financiers vérifiés pour les années 2006 à 2012, ainsi que sur la profitabilité de projets considérés comme similaires.

[117]    Au début de l’instruction, Norgéreq modifie sa demande et réclame plutôt 976 600 $, montant qui est calculé de manière entièrement différente.

[118]    Cette somme représente désormais le montant de profit que M. Buyle a estimé au moment de déposer la soumission au 10 mars 2009[46]. Aux profits « officiels » de 303 100 $ mentionné au document interne servant à établir sa soumission[47], il ajoute d’autres éléments profitables qui totalisent 673 500 $, pour un total de 976 600 $. Selon son témoignage, il s’agit là du « profit minimal garanti » que lui aurait donné le contrat.

[119]     Ce « profit minimal garanti » est cependant en grande partie tributaire d’affirmations de M. Buyle qui ne reposent sur aucune autre preuve tangible. Ainsi, il estime que Norgéreq aurait fait 16,75 % de profits sur les contingences pour un profit à cet égard de 162 000 $. Mais rien d’autre que son témoignage ne vient étayer une telle affirmation. Même chose pour les rabais de 3,5 % que la demanderesse aurait obtenus, dit-il, de ses sous-traitants principaux, pour un profit supplémentaire de 218 000 $. Cette affirmation n’est pas supportée par d’autres éléments de preuve tels que des rabais similaires ayant déjà été donnés dans le cadre d’autres contrats ou encore par la preuve de pourparlers en ce sens déjà entamés avec les sous-traitants en question. Il n’y a donc pas d’autre preuve que les affirmations de M. Buyle à cet égard.

[120]    Par ailleurs, une partie importante des profits réclamés, soit 288 500 $, proviendrait du fait que les salaires du chargé de projet et du surintendant se trouveraient à avoir déjà été « payés » par les contrats que Norgéreq avait en mains au moment de déposer sa soumission. Cependant, les explications de M. Buyle à ce sujet étaient passablement confuses et les documents comptables dont il se servait (et qu’il a établis lui-même) pour appuyer ses dires étaient pour le moins difficiles à comprendre. Le Tribunal considère que les salaires des surintendants et des chargés de projet peuvent certes être payés par plusieurs contrats, mais cela implique alors que le coût de ces salaires doit être attribué à chacun desdits contrats, selon une proportion quelconque. Il semble a priori artificiel de considérer que certains des contrats « paient » la totalité de ces coûts pour les autres[48].

[121]    En outre, cette méthode comptable, qui confond en partie les coûts de chantier avec les frais de siège social ne semble pas compatible avec les entrées qui figurent aux états financiers de la compagnie (lesquels distinguent clairement le coût des contrats et les frais d’exploitation) et n’est appuyée par aucune autorité. Sans une preuve claire et qui devrait d’ailleurs être établie par un professionnel selon des normes comptables reconnues, le Tribunal ne peut se convaincre que les salaires des employés qui se trouvent effectivement sur le terrain pour un contrat donné puissent ne générer aucun coût réel pour ce contrat et devenir des postes de profit à 100 %. 

[122]    À tout cela, il faut ajouter qu’au fur et à mesure que l’instruction progressait, M. Buyle faisait état de postes de profits supplémentaires dont il n’avait pas tenu compte dans son calcul du 10 mars 2009, d’où une nouvelle modification de la réclamation en cours de procès pour la faire grimper à 1 364 960 $.

[123]    Ainsi, aux montants correspondant aux salaires des surintendants et du chargé de projet (du profit à 100 % selon M. Buyle), il fallait désormais ajouter un profit supplémentaire de 34 500 $, soit le montant relatif à l’augmentation du coût de la main d’œuvre puisque le contrat allait durer trois ans. Ce montant n’avait cependant pas été considéré dans le calcul du 10 mars 2009, par erreur selon M. Buyle. Même chose pour le coût des gardiens de sécurité : ce n’est qu’au procès qu’on a indiqué que ces coûts auraient pu être réduits de 25 % par rapport aux coûts mentionnés. Une découverte analogue a été faite pour le coût des échafaudages, que l’on pouvait tout à coup diminuer de plus de 82 500 $, profits qu’on avait encore là oublié de calculer au 10 mars 2009.

[124]    Par ailleurs, M. Buyle a indiqué qu’il aurait pu générer des profits supplémentaires de 153 000 $ en proposant à la Ville un équivalent à la technique de gommage mentionné aux documents d’appel d’offres et un autre montant de profit de 14 237 $ pour une équivalence relative à l’exigence de la toile sérigraphiée (visant, pour des raisons esthétiques, à camoufler les échafaudages pendant les travaux)[49]. Encore là, aucune preuve documentaire ne vient établir les économies de coûts mentionnées, ni comment celles-ci auraient effectivement été partagées avec la Ville. Tout repose ici aussi sur les affirmations de M. Buyle.[50]

[125]    Le Tribunal ne doute pas que M. Buyle croit sincèrement que Norgéreq aurait réalisé les profits qu’il indique. Comme l’a souligné avec à-propos le procureur de la Ville lors de sa plaidoirie, « plus M. Buyle regarde ce contrat, plus il y trouve des sources de profit ». Cependant, le Tribunal considère que la démonstration de Norgéreq repose sur trop d’éléments incertains (voire spéculatifs) ou confus pour être fiable. Pour être indemnisé, le préjudice doit être suffisamment certain[51].

[126]    Certes, selon la prépondérance des probabilités, le profit que Norgéreq aurait été en mesure de générer aurait été supérieur au profit « officiel » mentionné à la pièce    P-10A, soit 303 100 $, car il y aurait probablement eu d’autres éléments profitables dans l’exécution du contrat[52]. Cela dit, à partir de la preuve établie par le témoignage de M. Buyle, le Tribunal estime ne pas être en mesure de déterminer avec suffisamment de précision et de certitude ce qu’aurait été en définitive le profit de Norgéreq si le contrat lui avait été attribué.

[127]    Par ailleurs, il n’y a pas véritablement de comparables, Norgéreq n’ayant jamais auparavant exécuté un contrat aussi important que celui de l’Hôtel de ville et sur une durée de trois années.

[128]    Dans ces circonstances, le Tribunal, s’il avait eu à le faire, aurait plutôt déterminé le profit perdu en se fondant sur les états financiers de Norgéreq, qui, d’une part, sont des documents vérifiés et établis selon des normes comptables reconnues et qui, d’autre part, tiennent compte à la fois du coût des contrats et des frais d’exploitation[53]. C’est la solution qui est prônée par la Cour d’appel lorsqu’il n’est pas possible de déterminer avec un minimum de précision le profit qui aurait été réalisé sur le contrat en cause[54].

[129]    À partir des états financiers vérifiés[55], on peut calculer que le taux de bénéfice avant impôts moyen de Norgéreq pour la période de 2005 à 2012 est de 5,17 %[56].

[130]    Appliquant ce taux au total du coût du contrat (8 386 771 $) et des travaux additionnels qui ont été exécutés sur le chantier (1 235 000 $), on arrive à un profit sur le contrat de 497 446 $[57].

[131]    C’est là le montant que le Tribunal aurait accordé s’il avait conclu à la responsabilité de la Ville envers la demanderesse.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[132]    Rejette la demande en justice de Norgéreq Ltée;

[133]    Avec les frais de justice en faveur de la Ville de Montréal.

 

 

 

 

__________________________________

Serge Gaudet, j.c.s.

 

Me Jean-François Dagenais

Me Emmanuelle Demers

BCF

Procureurs de la demanderesse

 

Me Cainnech Lussiaà-Berdou

Alexandra Bouchard, stagiaire

Ville de Montréal

Procureurs de la défenderesse

 

Dates d’audience :

 15, 16, 17, 21, 22 et 23 février 2017

Représentations écrites supplémentaires reçues le :

 3 mars 2017

 



[1]      Pièce P-1, seconde partie.

[2]      Pièce P-18.

[3]      Pièce P-1, 1ère partie.

[4]      CCAG, art. 1.3.3.1.1 (pièce P-1).

[5]      Art. 1.01 et 10.01 des Clauses administratives supplémentaires (pièce P-18).

[6]      CCAG, art. 1.2.4. (pièce P-1).

[7]      Idem.

[8]      ISS, art. 2.1 (pièce P-1).

[9]      Idem, art. 2.4 (exigences).

[10]     Idem, art. 2.4 (définitions).

[11]     ISS, art. 4.

[12]     Pièce P-2.

[13]     Pièce D-2.

[14]     Pièce D-3.

[15]     Pièce D-5.

[16]     Pièce P-17.

[17]     Procès-verbal de la réunion du 13 mars 2008, p. 4 (pièce D-5).

[18]     Pièce P-3.

[19]     Mise en demeure de Me Guy Gilain, du cabinet de Grandpré, en date du 2 décembre 2008 (pièce P-15).

[20]     2017 QCCA 317. Cet arrêt a été rendu au lendemain des plaidoiries dans le présent dossier. Dans l’esprit de l’art. 17 C.p.c. in fine, qui requiert que le tribunal ne fonde pas sa décision sur des moyens que les parties n’ont pas été à même de débattre, le Tribunal a permis aux parties de le commenter, ce qu’elles ont fait de part et d’autre (cf. la correspondance reçue des procureurs des parties le vendredi 3 mars 2017).

[21]     2015 QCCS 2380.

[22]     Note du Tribunal : la Cour d’appel réfère ici au « contrat A » au sens de l’arrêt M J B Enterprises Ltd c. Construction de défense (1951) Ltée, [1999] 1 R.C.S. 619 (aux par. 19 à 23), le « contrat B » étant celui conclu par la suite par le donneur d’ouvrage avec la personne dont la soumission a été retenue.

[23]     2017 QCCA 317, par. 13 à 16 (références omises).

[24]     P. Giroux et N. Jobidon, « Les appels d’offres : une entreprise risquée ? Survol des risques : la perspective de l’organisme public », dans S.F.P.B.Q., Congrès annuel du Barreau du Québec, 2010, Cowansville, Y. Blais, par. 30.

[25]     Tapitec, par. 20 et 21.

[26]     Idem, par. 9.

[27]     ISS, art. 2.3.

[28]     CCAG, art. 3.1.1.2.1.

[29]     Nous soulignons.

[30]     Dans Blenda Construction inc. c. CHSLD Drapeau-Deschambault, (J.E. 2006-362 (C.S.)) le juge Jean-Yves Lalonde indique qu’« en exigeant un cautionnement de soumission, le propriétaire cherche à éliminer les soumissions irréalistes » (par. 54).

[31]     A. Langlois, Les contrats municipaux par demande de soumissions, 3è éd., 2005, Y. Blais, p. 239.

[32]     Précité, note 30.

[33]     2013 QCCQ 4528 (permission d’appeler refusée : 2013 QCCA 942).

[34]     Ville de Rimouski c. Les Structures G.B. Ltée, 2010 QCCA 219.

[35]     L’immobilière, société d’évaluation conseil inc. c. Les Évaluations B.T.F. inc., 2009 QCCA 1844.

[36]     Voir la jurisprudence citée à la note 886 de l’ouvrage de A. Langlois, précité.

[37]     Il importe de ne pas confondre la durée du cautionnement de soumission avec la période pendant laquelle le soumissionnaire n’est pas autorisé à retirer son offre. C’est seulement cette dernière période qui est expressément mentionnée au CCAG (90 jours) et aux clauses administratives supplémentaires (120 jours). Ainsi, c’est seulement le texte des formulaires 1 et 2 qui établit la durée de 120 jours du cautionnement et de la lettre d’engagement.

[38]     Art. 4.1 des ISS (nous soulignons).

[39]     Exigence 2) a du chapitre 2.4 des ISS.

[40]     Supra, par. 28 et 29.

[41]     Procès-verbal de la réunion du comité, pièce D-5.

[42]     Cf. supra, par. 13.

[43]     Pièce P-4 et pièce P-11.

[44]     Précité, note 35.

[45]     2015 QCCS 2380, par. 18 (juge Stephen Hamilton).

[46]     Voir les inscriptions manuscrites dans le coin inférieur gauche de la première page de la pièce        P-10A.

[47]     Pièce P-10A.

[48]     Le Tribunal ajoute que, lors de son interrogatoire au préalable, dont certains extraits ont été produits au dossier au moment de l’instruction, M. Buyle ne calculait pas le montant de 288 500 $ à partir des mêmes éléments que ceux mentionnés lors de son témoignage au procès.

[49]     Dans son témoignage, M. Buyle explique qu’en proposant des équivalents à certains items imposés par les devis techniques, l’adjudicataire d’un contrat peut économiser des sommes importantes, économies qu’il partage ensuite avec le donneur d’ouvrage si ce dernier accepte l’équivalence proposée. M. Buyle affirme qu’il aurait pu économiser 255 000 $ sur le gommage de la maçonnerie, dont il aurait remis 40 % à la Ville, après négociations. Une autre équivalence pour la toile sérigraphiée aurait permis une économie de 28 575 $, partagée cette fois 50/50 avec la Ville, toujours après négociations.

[50]     Quant au gommage de la maçonnerie, cependant, il est vrai que la soumission de L.M. Sauvé vient étayer la possibilité d’économies évoquée par M. Buyle car elle fait état d’un coût de 322 000 $ pour cet item (cf. pièce D-5), ce qui correspond environ aux coûts de la technique de remplacement mentionnés par M. Buyle dans son témoignage.

[51]     Art. 1611 C.c.Q.

[52]     Par exemple, l’équivalence quant au gommage de maçonnerie aurait apporté des profits supplémentaires, ce qui est corroboré par le prix porté pour cet item à la soumission de L.M. Sauvé : cf note 50, supra.

[53]     Si on ne calcule que le profit brut qui aurait découlé du contrat (revenus moins les coûts du chantier), on peut aboutir à sur-indemniser le demandeur, car en principe si ses revenus augmentent (s’il y a davantage de contrats à exécuter), les frais d’exploitation augmenteront également. Cependant, et il y là une difficulté importante, ces frais d’exploitation n’augmenteront pas proportionnellement avec les revenus, car il y a des économies d’échelle. L’idéal serait de tenir compte de tous ces facteurs pour l’année (ou les années) de l’exécution du contrat, mais cela peut nécessiter une preuve comptable complexe et coûteuse. Les bénéfices avant impôts de l’entreprise sur une certaine période, lesquels tiennent compte du coût des contrats et des frais d’exploitation demeurent donc une approximation acceptable des profits réels qu’aurait probablement généré un contrat supplémentaire pour l’entreprise en question.

[54]     Acier Mutual inc. c. Fertek inc., J.E. 96-602 (C.A.), p. 11.

[55]     Pièce P-8.

[56]     Plan d’argumentation de Norgéreq, par. 108.

[57]     9 621 771 $ x 0,0517= 497 446 $

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.