SSQ, société d'assurances inc. c. Whirlpool Canada |
2018 QCCQ 7170 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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«Chambre civile» |
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N° : 200-22-080684-178 |
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DATE : |
2 octobre 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
HÉLÈNE CARRIER, J.C.Q. |
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SSQ, SOCIÉTÉ D’ASSURANCES INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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WHIRLPOOL CANADA LP et MEUBLES LÉON LTÉE |
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Défenderesses solidaires |
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JUGEMENT |
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[1] SSQ, société d’assurances inc. (SSQ) exerce un recours subrogatoire pour vice caché à la suite du bris d’un lave-vaisselle fabriqué par Whirlpool Canada LP (Whirlpool) et vendu à madame Sarah Lamontagne et monsieur Étienne Soucy (Assurés) par Meubles Léon Ltée (Léon). Elle leur réclame solidairement 2 546,94 $ à titre de dommages-intérêts.
[2] Elle invoque au soutien de sa prétention les présomptions édictées par la Loi sur la protection du consommateur[1] (L.P.C.) et le Code civil du Québec (C.c.Q.)[2].
[3] Whirlpool et Léon contestent la réclamation. Elles nient l’existence du vice caché ou du vice de fabrication allégué. Elles arguent que SSQ n’a pas établi l’origine de la fuite provenant du lave-vaisselle et n’a pas prouvé que sa détérioration ou son mauvais fonctionnement est survenu prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce.
Admissions
[4] Les parties ont déposé, en début d’audience, la liste d’admissions suivantes :
1) SSQ est une compagnie légalement constituée et dûment autorisée à exercer le commerce de l’assurance dans la province de Québec;
2) La police d’assurance émise par SSQ en faveur de ses Assurés était en vigueur au moment du sinistre du 19 mars 2014 et les dommages subis par ces derniers étaient couverts par cette police;
3) SSQ a versé à ses Assurés une indemnité de 2 546,94 $;
4) Les Assurés de SSQ ont, quant à eux, assumé une franchise de 500 $;
5) SSQ est légalement subrogée dans les droits et recours de ses Assurés jusqu’à concurrence de l’indemnité versée;
6) Le lave-vaisselle en question, modèle W05K06-13210571 distribué au Canada est fabriqué par Whirlpool;
7) Le lave-vaisselle en question a été acheté le 22 mars 2009 conformément au contrat de vente intervenu entre les Assurés et Léon;
8) Les pièces P-1 à P-7 sont reconnues pour leur origine et leur intégrité.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[5] A) Whirlpool et Léon repoussent-elles les présomptions que contiennent les garanties de durabilité et de qualité énoncées aux articles 37, 38 et 53 L.p.c. ainsi que 1726, 1729 et 1730 C.c.Q.?
B) SSQ est-elle en droit d’obtenir la réparation demandée?
LE CONTEXTE
[6] Le 22 mars 2009, les Assurés achètent chez Léon un lave-vaisselle de marque Whirlpool et paient 563,25 $ comprenant les taxes afférentes.
[7] La livraison s’effectue le 25 mars 2009 au logement des Assurés. Monsieur Daniel Lamontagne, père de madame Sarah Lamontagne installe et branche le lave-vaisselle à l’endroit approprié.
[8] Au mois de novembre 2009, les Assurés déménagent dans leur nouvelle résidence.
[9] Ils transportent eux-mêmes le lave-vaisselle et encore une fois monsieur Lamontagne l’installe et le branche à l’endroit déjà établi et encastré.
[10] Le 18 mars 2014, comme à l’habitude, les Assurés font fonctionner le lave-vaisselle durant la nuit.
[11] Le lendemain matin, les Assurés constatent de l’eau sur la céramique vis-à-vis le lave-vaisselle. L’eau est en quantité importante puisqu’elle endommage le plancher et le plafond du sous-sol. Aussitôt, monsieur Soucy ferme la valve d’entrée d’eau du lave-vaisselle.
[12] Les Assurés font appel à un plombier et à leur assureur SSQ.
[13] Monsieur Stéphane Vallerand, plombier d’expérience auprès de la compagnie Boucher et Lortie, se présente sur les lieux le 19 mars 2014. Il observe un peu d’eau et de l’humidité sur le plancher de céramique devant le lave-vaisselle.
[14] Il ouvre la valve du lave-vaisselle et constate qu’il n’y a aucune fuite sur le tuyau d’alimentation d’eau chaude situé en dessous du lavabo.
[15] Par la suite, il défait le panneau situé au bas du lave-vaisselle et fait glisser sa main. Il conclut que la fuite d’eau provient sous le lave-vaisselle là où est situé le robinet électrique (communément appelé valve d’entrée d’eau ou valve-solénoïde) qui libère l’eau dans l’appareil. Il n’a pas été en mesure de remettre le lave-vaisselle en fonction en raison de la présence d’une fuite d’eau. Il recommande aux Assurés de contacter un technicien spécialisé pour lave-vaisselle.
[16] Le 21 mars 2014, SSQ transmet à Léon un avis d’engagement de responsabilité.
[17] SSQ paie à Frank Langevin inc. la somme de 758,88 $ pour les travaux d’assèchement.
[18] SSQ obtient une soumission de Jude Boucher inc. au prix de 3 995,16 $ pour les travaux de réparation. Puisque les Assurés désirent effectuer les travaux eux-mêmes, elle leur offre une indemnité forfaitaire d’un montant de 2 288,06 $ qu’ils acceptent.
[19] Les dommages s’élèvent donc à la somme de 3 046,94 $[3] de laquelle il faut déduire la franchise de 500 $ payée par les Assurés, d’où la réclamation de SSQ.
[20] Le 2 juin 2014, SSQ met Léon en demeure de lui payer 2 546,94 $.
[21] Le 2 mars 2017, elle initie sa demande introductive d’instance et recherche une condamnation solidaire contre Whirlpool et Léon pour l’indemnité versée à ses Assurés.
L’ANALYSE ET LES MOTIFS
A) Whirlpool et Léon repoussent-elles les présomptions que contiennent les garanties de durabilité et de qualité énoncées aux articles 37, 38 et 53 L.p.c. ainsi que 1726, 1729 et 1730 C.c.Q.?
[22] SSQ exerce un recours subrogatoire comme le prévoit l’article 2474 C.c.Q. :
2474. L’assureur est subrogé dans les droits de l’assuré contre l’auteur du préjudice, jusqu’à concurrence des indemnités qu’il a payées. Quand, du fait de l’assuré, il ne peut être ainsi subrogé, il peut être libéré, en tout ou en partie, de son obligation envers l’assuré.
L’assureur ne peut jamais être subrogé contre les personnes qui font partie de la maison de l’assuré.
[23] À ce sujet, Me Vincent Karim écrit :
A. Définition et objectif
2922. La subrogation suppose une opération juridique par laquelle le solvens, c’est-à-dire la personne qui paie à la place du débiteur se voit transmettre légalement ou conventionnellement par le créancier la créance de celui-ci avec tous ses accessoires. […]
La subrogation constituant une substitution de personnes, le tiers subrogé qui a payé la dette prend la place du créancier originaire et devient le nouveau créancier du débiteur. Cette mutation de lien d’obligation permet au subrogé d’acquérir non seulement la créance, mais aussi toutes les sûretés, les garanties et les accessoires qui s’y rattachent[4].
[Références omises]
[24] Comme le dit si bien le professeur Me Frédéric Lévesque[5] « [l]e subrogé (celui qui paie) entre dans les souliers du subrogeant ». Ainsi, le litige doit être abordé comme si le recours était mû entre les Assurés à l’endroit de Whirlpool et Léon.
[25] Le contrat de vente conclu entre les Assurés et Léon est un contrat de consommation au sens du C.c.Q.[6] et de la L.p.c.[7]. La jurisprudence[8] reconnaît qu’un assureur subrogé peut exercer un recours pour vices cachés et invoquer les droits de l’assuré en vertu de la L.p.c. jusqu’à concurrence des indemnités payées à son assuré. Ainsi, contrairement aux prétentions de l’avocat des défenderesses, SSQ bénéficie des présomptions édictées à la L.p.c. et au C.c.Q. au même titre que ses Assurés.
[26] En vertu de la L.p.c. et du C.c.Q., le commerçant, le fabricant et le distributeur assument une garantie légale qui bénéficie à l’acheteur :
54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.
Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l’article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.
[27] L’article 1726 C.c.Q. confère à l’acheteur une garantie de qualité du bien vendu :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[28] En leur qualité de fabricant et de vendeur professionnel, Whirlpool et Léon sont assujetties à l’article 1729 C.c.Q., lequel crée une présomption favorable à l’acheteur :
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de mêmes espèces; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.
[Le Tribunal souligne]
[29] Dans l’arrêt CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d'assurances générales[9], la Cour d’appel du Québec conclut que cette disposition crée une triple « présomption de responsabilité »[10] opposable au vendeur professionnel :
[…] l’application de la règle posée par cet article a pour effet pratique de mettre en œuvre non pas une double, mais bien une triple présomption en faveur de l’acheteur, soit celle de l’existence d’un vice, celle de son antériorité par rapport au contrat de vente et, enfin, celle du lien de causalité l’unissant à la détérioration ou au mauvais fonctionnement[11].
[30] Les articles 37, 38 et 53 L.p.c. imposent au commerçant et au fabricant de garantir la qualité de leur produit, tant en ce qui a trait à son usage qu’à sa durabilité :
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
[31] La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Fortin c. Mazda Canada inc.[12] écrit :
[61] S’il est maintenant généralement accepté que les différentes garanties de qualité en droit de la consommation relèvent d’une source commune, il faut cependant noter que le régime de preuve qui leur est applicable se distingue souvent de celui du droit commun, notamment en raison des présomptions contenues aux articles 37, 38 et 53 de la L.p.c.
[62] L’article 37 L.p.c. confère au consommateur la garantie d’usage, c'est-à-dire que l'usage du bien doit répondre à ses attentes légitimes. Ainsi, dès que le bien ne permet pas l’usage auquel le consommateur peut raisonnablement s’attendre, il y a alors présomption que le défaut est antérieur à la vente, ce qui laisse également présumer, en application du troisième alinéa de l'article 53 L.p.c., de la connaissance par le vendeur de son existence.
[63] À mon avis, le consommateur bénéficie aussi de cette autre présomption, découlant de la lecture de l’article 37 L.p.c., relative à l'existence d'une cause occulte. En raison du résultat précis imposé au commerçant par cette disposition, la preuve du consommateur doit pour l’essentiel se concentrer sur ce résultat insuffisant ou absent, selon le cas, si, bien entendu, il s’est livré à un examen ordinaire du bien avant l’achat. Ces preuves le dispensent de démontrer la cause à l’origine du déficit d’usage.
[64] Plusieurs arguments militent en faveur de cette approche. Tout d’abord, la doctrine accepte l’idée d’une présomption relative au caractère occulte du vice à l’occasion de l’application de l’article 38 L.p.c. L’auteur Pierre-Claude Lafond écrit :
414. Le grand avantage de cette garantie [art. 38 Lpc] pour le consommateur est l’absence d’exigence de faire la preuve, direct et indirect, d’un vice caché. La seule preuve que le consommateur doit présenter est que le bien n’a pas servi normalement pendant une durée raisonnable, compte tenu des trois critères de l’article 38 : son prix, le respect des clauses du contrat et les conditions normales d’utilisation.
[…]
[70] En définitive, je considère que les articles 37, 38 et 53 L.p.c. forment un tout cohérent en matière de défaut caché comprenant les présomptions nécessaires à l’établissement des garanties qu’ils énoncent. Le recours basé sur la garantie de l’article 37 L.p.c. exige du consommateur la preuve d’un déficit d’usage sérieux et celle de l'ignorance de cette condition au moment de la vente. Pour le reste, les présomptions contenues à la loi se chargent d’établir les autres facteurs traditionnels propres à la détermination du défaut caché.
[Références omises - le Tribunal souligne]
[32] Par l’effet combiné des articles 37, 38 et 53 L.p.c., le consommateur bénéficie de présomptions qui le dispensent de démontrer la cause à l’origine du déficit d’usage ou de durabilité. Il lui suffit de démontrer les deux conditions suivantes :
I. Qu’il a acquis le bien d’une personne tenue à la garantie du vendeur professionnel ou d’un commerçant au sens de la L.p.c.;
II. Que le bien s’est détérioré prématurément par rapport à un bien identique ou de même espèce, ou qu’il n’a pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien[13].
[33] Il s’agit de présomptions réfutables, à l’exception de celle mentionnée à l’alinéa 3 de l’article 53 L.p.c. Ainsi, les défenderesses peuvent repousser la présomption de responsabilité si elles font la preuve prépondérante de la mauvaise utilisation du lave-vaisselle par les Assurés, de la faute causale d’un tiers ou d’un cas de force majeure.
[34] La preuve révèle que la première condition d’application de la présomption est satisfaite puisque les Assurés ont acheté le lave-vaisselle d’une personne tenue à la garantie du vendeur professionnel.
[35] En vertu de la deuxième condition nécessaire à la mise en oeuvre de la présomption de responsabilité, SSQ doit démontrer que le lave-vaisselle n’a pu servir à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard au prix payé par les Assurés ou qu’il n’a pu servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
[36] En l’espèce, il n’est pas contesté que le lave-vaisselle a fait défaut le 19 mars 2014, soit 5 ans après son installation et qu’il est la cause du dégât d’eau dans la résidence des Assurés.
[37] Monsieur Soucy témoigne qu’au moment où il a fait l’acquisition du lave-vaisselle, il estimait à 10 ans sa durée de vie.
[38] SSQ dépose des décisions jurisprudentielles rendues en la matière, lesquelles ont traité de la durée de vie utile d’un lave-vaisselle, laquelle varie entre sept et quinze ans pour une moyenne d’environ dix ans[14].
[39] L’avocat des défenderesses plaide que SSQ ne se décharge pas de son fardeau de la preuve puisqu’elle n’a fait entendre que monsieur Soucy, lequel n’est pas un expert en ce domaine. De plus, il argumente sur le fait que les décisions déposées émanent de la Division des petites créances de notre Cour.
[40] Dans l’arrêt Fortin c. Mazda, précité, la Cour d’appel de Québec sous la plume de monsieur le juge Guy Gagnon, j.c.a., s’exprime de la manière suivante au sujet de la notion d’attente légitime :
[81] En résumé, le déficit d’usage se manifestera habituellement par une entrave lors de l’utilisation normale du bien provoquant une diminution importante de son utilité. Les attentes raisonnables du consommateur en ce domaine sont censées correspondre à la norme objective du consommateur moyen appréciée au regard de la nature du produit et de sa destination. Sans être déterminante, la preuve de l’efficacité d’un bien de la même espèce dans un contexte d’usage normal constitue un comparable valable susceptible d’aider à identifier le déficit d’usage invoqué par le consommateur.
[Le Tribunal souligne]
[41] Le Tribunal souligne que la L.p.c. prévoit un ensemble de règles qui vise à protéger le consommateur. Or le législateur n’a sûrement pas voulu obliger l’acheteur (ni le subrogé) à un fardeau de preuve ardu en l’obligeant à faire la preuve de la durée de vie utile par expertise. Cette exigence serait à l’opposé du but recherché par la L.p.c.
[42] Puisque l’attente légitime s’apprécie in abstractro par rapport au consommateur moyen, le Tribunal conclut que SSQ, par le témoignage de monsieur Soucy conjugué avec les autorités déposées, se décharge de son fardeau de la preuve et établit qu’un lave-vaisselle, comme celui ici concerné, a une durée de vie utile de 10 ans. Ainsi, il n’est donc pas normal qu’un lave-vaisselle fuit après 5 ans d’utilisation.
[43] Dans ces circonstances, puisque le lave-vaisselle des Assurés a montré des signes de défaillance 5 ans après son acquisition, soit bien avant sa durée de vie utile, il s’agit d’un défaut prématuré et donc la deuxième condition est également satisfaisante.
[44] SSQ a fait la preuve des deux conditions d’application de la présomption de responsabilité et de l’ignorance du défaut par les Assurés au moment de l’achat. Par conséquent, les défenderesses sont présumées responsables à moins de repousser la présomption.
[45] Aucun élément mis en preuve ne permet d’inférer que les Assurés ont fait une mauvaise utilisation du lave-vaisselle depuis qu’ils en sont devenus les propriétaires.
[46] Aucune des défenderesses ne soulève la force majeure ni la faute d’un tiers pour repousser la présomption.
[47] Les défenderesses plaident l’absence de vice puisque selon elles, SSQ n’a pas prouvé l’origine de la fuite du lave-vaisselle. Elles indiquent qu’aucune preuve visuelle ni photographique ne démontre une fissure ou un défaut sur le robinet électrique (valve-solénoïde). À preuve, même le plombier, monsieur Vallerand « à tâton » avec sa main a identifié la fuite d’eau mais n’a pas de visu trouver d’où elle provient.
[48] L’avocat des défenderesses prétend que les Assurés ont eux-mêmes vissé le tuyau d’alimentation d’eau à l’aide d’un écrou au robinet électrique, lequel branchement est fait sous le lave-vaisselle. Il suggère que la fuite pouvait fort probablement, après une installation qui remonte à près de cinq ans, être causée par un écrou desserré ou rouillé, de sorte que SSQ ne peut pas prétendre à un vice caché ni à un vice de fabrication.
[49] Or, SSQ n’a pas à démontrer l’origine de la fuite, cette preuve étant réglée par le jeu des présomptions.
[50] Il appartient plutôt aux défenderesses de démontrer l’absence de vice caché ou vice de fabrication. En l’espèce, Léon, malgré l’avis d’engagement de responsabilité transmis le 21 mars 2014 par SSQ n’a pas pris la peine de se rendre sur place pour examiner de visu le branchement du tuyau d’alimentation d’eau ainsi que le robinet électrique, ni expertisé le lave-vaisselle. Ainsi, les défenderesses ne soulèvent que des hypothèses mais ne présentent aucune preuve directe. Elles sont donc incapables de confirmer d’où provenait la fuite d’eau.
[51] En conséquence, Whirlpool et Léon ne se déchargent pas de leur fardeau de repousser les présomptions pesant contre elles. Leur responsabilité est retenue.
B) SSQ est-elle en droit d’obtenir la réparation demandée?
[52] SSQ allègue que ses Assurés ont subi un préjudice évalué à 3 046,94 $ causé par le vice affectant le lave-vaisselle. Ils ont assumé une franchise de 500 $ de sorte qu’elle leur a versé 2 546,94 $, montant qu’elle réclame en l’espèce. Ce montant inclut :
· Travaux d’urgence d’assèchement;
· Coût des réparations;
[53] Les défenderesses n’ont présenté aucune preuve contraire pour contester ces postes de réclamation.
[54] Par conséquent, le Tribunal conclut que SSQ prouve sa réclamation et il condamne solidairement les défenderesses à lui payer 2 546,94 $ avec les intérêts calculés au taux légal de 5% l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de la mise en demeure, soit le 2 juin 2014.
[55] Les défenderesses n’ont pas demandé au Tribunal de statuer sur leur responsabilité respective, il leur appartiendra d’en décider[15].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande introductive d’instance;
CONDAMNE solidairement Whirlpool Canada LP et Meubles Léon Ltée à payer à SSQ, société d’assurances inc., 2 546,94 $ avec les intérêts calculés au taux légal de 5% l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 2 juin 2014.
LE TOUT avec les frais de justice.
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__________________________________ HÉLÈNE CARRIER, J.C.Q. |
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Me Ruby Riverin-Kelly Stein Monast, casier 14 |
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Avocats de la demanderesse |
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Me Marcel-Olivier Nadeau Robinson Sheppard Shapiro |
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Avocats des défenderesses |
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Date d’audience : |
5 avril 2018 |
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[1] RLRQ, c P-40.1, art. 37,38 et 53.
[2] Art. 1726, 1729 et 1730 C.c.Q.
[3] 758,88 $ (par. 17) + 2 288,06 $ (par. 18).
[4] Vincent KARIM, Les obligations, volume 2 (art. 1497 à 1707 C.c.Q.), Montréal, Wilson & Lafleur, 4e éd., 2015, p. 1137 et 1138.
[5] Frédéric LÉVESQUE, Précis de droit québécois des obligations: contrat, responsabilité, exécution et extinction, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 519, par. 989.
[6] Art. 1384 C.c.Q.
[7] Art. 2. L.p.c.
[8] General Motors du Canada ltée c. Tinmouth, J.E. 95-1388 (C.A.), Oppenheim c. Mercedes-Benz Canada inc., REJB, 2001-23181, Capitale (La), compagnie d'assurances générales c. Saturn-Isuzu de Trois-Rivières inc., J.E. 2001-2021 (C.Q.).
[9] CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d'assurances générales, 2017 QCCA 154.
[10] Id. par. 28.
[11] Id.
[12] Fortin c. Mazda Canada inc, 2016 QCCA 31 (Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour Suprême rejetée (C.S. can., 2016-08-11) 36898).
[13] Préc. note 7, par. 28.
[14] Loranger c. Coreas Hernandez, 2015 QCCQ 9576, par. 56 (10 ans) Côté-Tremblay c. Samsung Électronique Canada, 2014 QCCQ 1477, par. 27 (7 ans), Boucher c. Samsung, 2014 QCCQ 10887, par. 22 (7 à 10 ans), Vachon c. Sears Canada, 2013 QCCQ 12448, par. 24 (12 à 15 ans).
[15] Art. 1537 C.c.Q.
AVIS :
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