Décision

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Doussot c. Volkswagen Saint-Bruno

2025 QCCQ 1134

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

LOCALITÉ DE

LONGUEUIL

« Chambre civile »

 :

505-32-705883-222

 

DATE :

8 avril 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

NATHALIE DROUIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

Félix Doussot

 

Partie demanderesse

 

c.

 

Volkswagen Saint-Bruno

 

Partie défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

  1.                 En juillet 2021, Félix Doussot souhaite acquérir son tout premier véhicule automobile, une Golf GTI 2017, offerte chez le concessionnaire Volkswagen de SaintBruno. Le père de Félix[1] l’accompagne dans cette importante démarche.
  2.                 Satisfait de son essai routier, et rassuré par une garantie de deux ans, Félix va de l’avant et achète le véhicule. Félix prend possession de sa voiture au mois d’août 2021, en compagnie de son grand-père cette fois. Ce dernier conduit alors le véhicule, à la demande de Félix.
  3.                 Le même jour, le système d’embrayage fait défaut. Le concessionnaire accepte de remplacer le disque d’embrayage, mais exige, malgré tout, une participation financière de Félix dans le coût de la réparation et du remorquage.
  4.                 Lorsqu’une deuxième panne survient, à peine quelques jours plus tard, le concessionnaire refuse de couvrir la réparation. Ce dernier invoque alors un mauvais usage du système d’embrayage par le conducteur.
  5.                 Devant ce refus, Félix se tourne vers un garagiste spécialisé, lequel doit remplacer, non seulement le disque d’embrayage, mais également le cylindre maître. Selon le mécanicien spécialisé, une défectuosité du cylindre maître est à l’origine de la défaillance du disque d’embrayage.
  6.                 Félix estime que la garantie prévue à son contrat et les garanties légales applicables devraient couvrir le coût de toutes les réparations (710,00 $ + 3 088,79 $). Il réclame aussi le remboursement des frais de remorquage (149,47 $ - 140,00 $ + 160,97 $ + 141,42 $), les frais d’envoi de deux mises en demeure (52,14 $ + 12,27 $), ainsi qu’une compensation pour ses inconvénients (500,00 $).
  7.                 Le concessionnaire invoque que la réparation en cause est exclue par le contrat de garantie. Un mauvais usage du véhicule est également invoqué en contestation générale de toute garantie, conventionnelle ou légale.
  8.                 Le Tribunal accorde en partie la réclamation de Félix, soit une somme de 4 372,92 $. Voici les explications.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.                 Le présent dossier soulève les questions suivantes :
  1.      Tenant compte de toutes les garanties applicables, le concessionnaire est-il tenu d’assumer le coût des réparations réclamées par Félix de même que les frais de remorquage?
  2.      Félix a-t-il droit à une compensation pour ses frais d’envoi de mise en demeure et ses inconvénients?

ANALYSE

  1.            Le Tribunal accorde tous les frais de réparation et de remorquage.
  2.            Trois régimes de garantie s’appliquent quant aux ratés du système d’embrayage du véhicule acheté par Félix, à savoir :
  • La garantie de 2 ans convenue lors de la vente;
  • La garantie légale de bon fonctionnement d’un véhicule d’occasion;
  • La garantie légale de qualité.
  1.            Le plan de garantie vendu à Félix prévoit plusieurs exclusions, dont certaines composantes du système d’embrayage, à savoir : les goujons à boule d’embrayage et le plateau de pression. Or, il n’y a aucune exclusion spécifique quant au cylindre maître; celui-ci est donc couvert par la garantie.
  2.            De plus, la garantie de bon fonctionnement[2] d’un véhicule d’occasion s’applique. Dans le cas en l’espèce, cette protection est d’une durée d’un mois ou 1 700 km.
  3.            Félix peut également compter sur la garantie légale de qualité[3], alors que son véhicule doit servir à un usage normal, et ce, pour une durée raisonnable.
  4.            La preuve d’un déficit d’usage prématuré permet de présumer de la présence d’un vice, de la gravité de celui-ci et de son existence au moment de la vente.
  5.            Dans les circonstances, comme en l’espèce, un renversement[4] du fardeau de la preuve s’opère; il appartient alors au concessionnaire de faire la démonstration d’une mauvaise utilisation du bien.
  6.            En effet, le concessionnaire prétend que Félix ne sait pas conduire un véhicule manuel et qu’il a vraisemblablement brûlé le système d’embrayage.
  7.            Or, proposer une telle théorie ne suffit pas; il faut en faire la démonstration.
  8.            Félix présente le portrait d’un jeune adulte plutôt prudent. Il se fait conseiller par son père pour l’achat de son tout premier véhicule. Il demande à son grand-père de venir avec lui pour prendre possession du véhicule et le conduire pour la première fois.
  9.            Félix explique aussi avoir appris la conduite automobile sur des véhicules à transmission manuelle.
  10.            Le plus marquant dans cette affaire, c’est que même le mécanicien de Volkswagen affirme que le cylindre maître ne peut pas être endommagé par de mauvaises manœuvres d’embrayage répétées.
  11.            Selon le rapport non contredit, le problème provient du cylindre maître, ce qui a mené aux deux défaillances du disque d’embrayage.
  12.            Le déficit d’usage du véhicule est donc, selon toute vraisemblance, dû à la défaillance du cylindre maître et non à un mauvais usage du conducteur.
  13.            Cette anomalie est couverte en vertu de toutes et chacune des trois protections applicables dans ce dossier. Les réparations et les frais de remorquage sont donc à la charge du concessionnaire. Cela représente une somme de 4 110,65 $.

b) Félix a-t-il droit à une compensation pour ses frais d’envoi de mise en demeure et ses inconvénients?

  1.            Le Tribunal n’accorde que la somme de 12,27 $ pour l’envoi de la mise en demeure au concessionnaire. Elle est devenue nécessaire en raison du refus injustifié du concessionnaire d’assumer ses responsabilités contractuelles et légales. Celle transmise par huissier au siège social de Volkswagen en Ontario était superflue.
  2.            Quant aux inconvénients subis par Félix, ils sont bien réels. Il a dû se battre, alors qu’il avait pourtant payé des sommes importantes, soit près de 2 500,00 $, pour assurer une certaine tranquillité d’esprit. Au lieu, le concessionnaire le blâme, sans aucune preuve.
  3.            Le Tribunal arbitre cependant une somme de 250,00 $, dans une proportionnalité liée à la condamnation pour les autres compensations en cause.
  4.            POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
  5.            ACCUEILLE partiellement la demande;
  6.            CONDAMNE la partie défenderesse, Volkswagen Saint-Bruno, à payer à la partie demanderesse, Félix Doussot, la somme de 4 372,92 $, avec intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.C.Q. à compter du 21 octobre 2021;
  7.            LE TOUT, avec les frais de justice de 108,00 $, payables par Volkswagen SaintBruno à Félix Doussot.

 

 

__________________________________

Nathalie Drouin, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

24 mars 2025

 


[1] L’usage du prénom du demandeur n’est pas fait par manque de considération à son égard, mais bien dans le but d’alléger le texte et de bien le distinguer de son père et de son grand-père.

[2] Loi sur la protection du consommateur

Art. 159. La vente ou la location à long terme d’une automobile d’occasion comporte une garantie de bon fonctionnement de l’automobile:

(…)

c)  durant un mois ou 1 700 kilomètres, selon le premier terme atteint, si l’automobile est de la catégorie C.

Art. 160. Pour l’application de l’article 159, les automobiles d’occasion sont réparties selon les catégories suivantes:

(…)

c)  une automobile est de la catégorie C lorsqu’elle n’est pas visée dans les paragraphes a ou b et qu’au plus cinq ans se sont écoulés depuis la date de la mise sur le marché, par le fabricant, de ses automobiles du même modèle et de la même année de fabrication jusqu’à la date de la vente ou de la location à long terme visée audit article, pourvu que l’automobile n’ait pas parcouru plus de 80 000 kilomètres;

d)  (…)

[3] Loi sur la protection du consommateur

Art. 37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

Art. 38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[4] Guide pratique de la société de consommation, Tome 2, Les garanties; Luc Thibaudeau, (2017) (paragraphe 662)

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