Section des affaires sociales
En matière de régime des rentes
Référence neutre : 2023 QCTAQ 07511
Dossiers : SAS-M-256836-1701 / SAS-M-311058-2110 / SAS-M-319400-2211 /
SAS-Q-236739-1810 / SAS-Q-238409-1812 / SAS-Q-252533-2011 /
SAS-Q-264557-2210 / SAS-Q-264715-2210 / SAS-Q-266611-2301
Devant les juges administratifs :
STÉPHAN F. DULUDE
KARL LEFEBVRE
M… G…
et
R… B…
et
G… T…
et
J… F…
SUCCESSION R… M…
c.
et
COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE LA JEUNESSE
et
Litige
[1] Les diverses parties requérantes contestent la constitutionnalité d’une législation provinciale à leur égard à la suite de décisions en révision rendues par la partie intimée.
Contexte
[2] Les parties requérantes ont toutes subi divers événements qui les ont obligés à réclamer à la partie intimée une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans.
[3] Par cette demande et les dispositions législatives applicables contestées, une réduction du montant de la rente mensuelle de retraite payable à 65 ans est imposée aux parties requérantes pour chaque mois où une rente d’invalidité est reçue.
[4] La partie intimée en informe les parties requérantes et rend les décisions en conséquence en appliquant un calcul d’où résulte une diminution de la rente de retraite payable à 65 ans et qui représente la conséquence d’avoir obtenu une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans.
[5] Les parties requérantes demandent la révision de ces décisions à la partie intimée qui maintient sa position en rendant les décisions en révision suivantes :
– Décision en révision du 18 novembre 2016 – M.G.
– Décision en révision du 24 octobre 2022 – M.G.
– Décision en révision du 20 août 2018 – R.B.
– Décision en révision du 17 janvier 2023 – R.B.
– Décision en révision du 14 octobre 2020 – J.F.
– Décision en révision du 12 octobre 2022 – J.F.
– Décision en révision du 2 novembre 2022 – G.T.
– Décision en révision du 13 octobre 2022 – G.T.
– Décision en révision du 6 octobre 2021 – R.M. (Succession de)
Questions en litige
[6] Précisons d’entrée de jeu que les montants des prestations dans les décisions en révision de la partie intimée ne sont pas remis en cause par les parties requérantes.
[8] Plus précisément, on demande au Tribunal de déclarer inopérants lesdits articles selon les motifs suivants :
1. Pour cause d’invalidité, en raison de leur incompatibilité avec la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11 (ci-après Charte canadienne), dans la mesure où ils portent atteinte au droit à l’égalité (article 15), fondé sur l’effet combiné de l’âge, du sexe, des déficiences mentales ou physiques, et de la pauvreté, en niant un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, perpétuer et accentuer un désavantage chez les personnes ayant reçu des prestations d’invalidité entre 60 et 65 ans;
2. En raison de leur incompatibilité avec la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 (ci-après « Charte québécoise »), dans la mesure où ils portent atteinte au droit à la reconnaissance et à l’exercice, sans discrimination (article 10) – par l’effet combiné du handicap, de l’âge, du sexe, et de la condition sociale – du droit à la sauvegarde de la dignité (article 4) et au droit à des mesures d’assistance financière (article 45) des personnes ayant reçu des prestations d’invalidité entre 60 et 65 ans;
[9] Dans le dossier SAS-M-256836-1701, la partie requérante souhaite pour le moment réserver ses recours à l’encontre de l’article
Analyse
[10] Il appert essentiel de présenter le droit applicable pour ensuite le juxtaposer aux faits communs des dossiers. Nous débuterons par reprendre les dispositions contestées pour les lire à la lumière de l’article
[11] Comme cet argument reposant sur la Charte canadienne est, à lui seul, suffisant pour disposer du litige, il importe peu de s’attarder aux autres prétentions soulevées par les parties notamment quant à l’incompatibilité avec la Charte québécoise[1].
[12] En effet, la Charte canadienne, étant une partie intégrante de la Constitution du pays, bénéficie d’une primauté sur toute autre règle de droit sous réserve de celles qui sont de nature constitutionnelle. Elle est reconnue comme un texte phare de l’ordre juridique au Canada :
« Il ne s'agit pas d'une loi ordinaire ni même d'une loi de nature exceptionnelle comme la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, appendice III. Il s'agit d'une partie de la constitution d'un pays adoptée selon un processus constitutionnel qui, dans le cas du Canada en 1982, a revêtu la forme d'une loi du Parlement du Royaume‑Uni. (…) La Charte ne tire pas son origine de l'un ou l'autre niveau de compétence législative du gouvernement, mais de la Constitution elle‑même. Elle appartient au fond même du droit canadien. En réalité, elle est "la loi suprême du Canada": Loi constitutionnelle de 1982, art. 52 »[2].
1. Le droit
[13] Les textes contestés se présentent comme suit :
[14] Bien que la mécanique diffère légèrement d’un article à l’autre, on remarque qu’une réduction de la rente de retraite est appliquée pour une personne ayant bénéficié d’une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans. Cette réduction est passée de 0,5 % par mois (article
[15] La personne qui bénéficie de la rente d’invalidité doit être considérée invalide au sens de la LRRQ selon les paramètres suivants :
95. Une personne est considérée invalide si Retraite Québec la déclare atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée.
Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice alors que ses limitations fonctionnelles la rendent incapable de remplir à temps plein les exigences habituelles liées à tout travail. Pour l’application du présent alinéa, seules sont considérées les limitations fonctionnelles très sévères. Toutefois, les limitations fonctionnelles sévères peuvent être considérées si les caractéristiques socioprofessionnelles de la personne lui sont défavorables malgré des efforts de scolarisation, de réadaptation et de réinsertion.
En outre, dans le cas d’une personne âgée de 60 ans ou plus, une invalidité est grave si elle rend cette personne régulièrement incapable d’exercer l’occupation habituelle rémunérée qu’elle détient au moment où elle cesse de travailler en raison de son invalidité.
Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.
Retraite Québec publie périodiquement ses directives en matière d’évaluation médicale de l’invalidité.
(Soulignement du Tribunal)
[16] Il n’est pas contesté que les différentes parties requérantes ont été reconnues comme « invalides » au sens de la LRRQ.
[17] L’article
15 (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
(Soulignement du Tribunal)
[18] L’élément déclencheur qui entraîne la diminution de la rente de retraite, peu importe le pourcentage retenu ou l’article étudié, est le versement d’une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans. Le versement de cette dernière découle directement de la reconnaissance, par Retraite Québec, d’une condition d’invalidité (ou de déficience) physique ou mentale grave et prolongée.
[19] Les textes contestés de la LRRQ ne traitent pas d’une réduction de la rente de retraite simplement à la suite de l’obtention d’une somme d’argent ponctuelle ou périodique, mais cible directement la catégorie des personnes ayant été déclarées invalides et ayant bénéficiés d'une rente à titre de soutien.
[20] Est-ce suffisant pour conclure à une discrimination prohibée suivant l’article
1.1 Le fardeau de preuve et les principes des articles
1.1.1. Le fardeau de preuve
[21] Le fardeau de preuve quant à l’atteinte à un droit repose sur les épaules des parties requérantes (première étape) et il incombe à la partie mise en cause de prouver que la restriction constitue une limite raisonnable au sens de l’article
1.1.2. La distinction et la discrimination (article
[22] L’article
[23] La législation peut établir une distinction reposant sur l’un des motifs énumérés ou analogues de la disposition. Toutefois, tant que cette législation ne crée pas de désavantage réel dans un contexte social ou politique, elle ne contrevient pas à l’article
[24] On doit reconnaitre qu’il demeure rare qu’une distinction s'appuyant sur l’un des motifs énumérés ou analogues de l’article 15 et qui résulte en la négation du droit au même bénéfice de la loi, n’entraine pas une discrimination[7].
[25] Cela étant dit, l’article
[26] Il faut donc être en présence d’une distinction discriminatoire et non simplement d’une distinction.
[27] La discrimination au sens de l’article 15 implique l’idée suivante[10] :
« J'affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. »
[28] L’article
[29] Tel que mentionné précédemment, on doit examiner les retombées de la distinction sur une partie requérante; celle-ci doit prouver qu’elle est soumise à un traitement inégal devant la loi ou que cette dernière a une incidence particulière sur elle en ce qui concerne la protection ou le bénéfice qu’elle offre, ainsi qu’établir que la loi a une portée discriminatoire d’un point de vue légaliste[12].
[30] L’effet discriminatoire peut impliquer aussi l’idée que la distinction entraîne une conséquence disproportionnée sur une partie requérante, lorsque comparé à d’autres[13].
[31] L’article 15 n’interdit pas uniquement une discrimination manifeste, explicite sur un groupe identifiable, mais également une loi d’apparence neutre qui engendre un impact sans commune mesure sur des administrés bénéficiant d’une protection contre la discrimination reposant sur un motif défini ou analogue indiqué à cette disposition. La loi les désavantage donc indirectement[14].
1.1.3. Les principes de l’article
[32] La Cour suprême enseigne que l’analyse d'une telle question d’égalité comporte deux volets[15] :
« Le premier volet de l’analyse fondée sur l’art. 15 consiste donc à se demander si, à première vue ou de par son effet, une loi crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue. […]
Le second volet de l’analyse est axé sur les désavantages arbitraires — ou discriminatoires —, c’est-à-dire sur la question de savoir si la loi contestée ne répond pas aux capacités et aux besoins concrets des membres du groupe et leur impose plutôt un fardeau ou leur nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage dont ils sont victimes […]. »
[33] Malgré la possibilité de présenter une preuve commune aux deux volets, il faut s’attarder à effectuer une analyse distincte pour chacun des volets[16].
[34] La norme de preuve que doit satisfaire l’administré à l’effet qu’il y a eu violation d’un droit ou d’une liberté reste la prépondérance des probabilités et l’État se doit d’aider le Tribunal à relever la pertinence, s’il en est, de la distinction législative attaquée[17].
A) Premier volet – motif énuméré ou analogue
[35] On se doit, à la première étape, de cerner suffisamment d’éléments de preuve pour convenir d’une atteinte et il n’est pas nécessaire de s’acquitter d’un lourd fardeau à cet égard[18].
[36] Il est relativement aisé d’établir une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue suivant l’article
[37] Dans les dossiers actuels, il n’est pas contesté que les parties requérantes s'identifient à des personnes affublées d’une « invalidité physique grave et prolongée »[20] et que leur condition représente un motif expressément mentionné à l’article
[38] Les parties requérantes doivent, à cette étape, démontrer que la loi a un effet disproportionné sur leur groupe protégé. Un travail de comparaison à ce sujet avec des individus étrangers à ce groupe reste un incontournable[21].
[39] L’égalité ne peut que reposer sur un concept comparatif avec la situation d’individus étrangers au présent groupe dans un contexte socio-politique où la question est soulevée. Il demeure inutile de trouver un groupe de comparaison aux caractéristiques indiscernables[22]. Il faut noter que l’exercice de comparaison est considéré dans l’analyse des deux volets[23].
[40] Le mot « distinction » du premier volet infère que l’administré est traité, directement ou indirectement, différemment des autres[24].
[41] Par voie de conséquence, on ne peut donc pas se limiter à prouver un impact particulier de la législation attaquée sur un groupe protégé. Ce dernier doit établir que la loi attaquée a un effet disproportionné par rapport aux personnes qui ne font pas partie de ce groupe[25].
[42] Bien que les parties requérantes ne soient pas dans l’obligation de prouver pourquoi la loi contestée a un effet disproportionné, elles doivent à tout le moins démontrer que la loi a créé ou a contribué à un effet disproportionné sur celles-ci. Ces deux termes, créé et a contribué, désignent la cause de l’effet disproportionné[26].
[43] La retombée disproportionnée découle de situations où on refuse des avantages ou on impose des fardeaux plus fréquemment que d’autres au groupe protégé par l’article
[44] Deux types d’éléments de preuve sont à considérer pour prouver que la loi a un effet disproportionné sur le groupe protégé[28], soient ceux portant sur « tous les éléments contextuels de la situation du groupe de demandeurs » (Withler, par. 43, cité dans Fraser, par. 57) et ceux portant sur « les conséquences pratiques de la loi ou politique contestée » (Fraser, par. 58).
[45] La preuve sur tous les éléments contextuels de la situation du groupe protégé a trait aux obstacles, entre autres, physiques, sociaux ou culturels décrivant la situation des intéressés. Cette preuve peut provenir de l’administré, des témoins experts ou d’un avis juridique. Le but recherché demeure de faire la démonstration que l’appartenance à ce groupe est associée à certaines caractéristiques qui ont désavantagé des membres du groupe[29].
[46] Les éléments de preuve sur les conséquences pratiques de la loi réfèrent au caractère disproportionné de l’effet de celle-ci sur les membres du groupe protégé et peuvent s’articuler autour de statistiques, mais sans convenir de règles rigides. En fin de compte, on se doit d’établir l’existence d’un traitement distinct d’exclusion ou de préjudice statistiquement important et qui n’est pas le résultat de la chance[30].
[47] Il est sans doute préférable que la discrimination déclarée repose sur les deux types d’éléments de preuve, mais il ne devrait pas être indûment difficile pour l’administré de s’acquitter de son fardeau de preuve[31].
[48] À ce sujet, le Tribunal tient compte de ce qui suit[32] :
« a) Aucune forme particulière de preuve n’est requise;
b) Le demandeur n’a pas à démontrer que la loi ou la mesure de l’État contestée était la seule ou la principale cause de l’effet disproportionné; il lui suffit de démontrer que la loi était une cause (c’est-à-dire que la loi a créé l’effet disproportionné en question sur un groupe protégé ou y a contribué);
c) Le lien de causalité peut être établi par une inférence raisonnable. Selon la nature de la loi contestée ou de la mesure de l’État contestée, le lien de causalité peut être évident et ne nécessiter aucune preuve. Lorsque des éléments de preuve sont requis, les tribunaux doivent garder à l’esprit qu’il n’existe pas nécessairement de statistiques. Des témoignages d’experts, des études de cas ou d’autres preuves qualitatives peuvent suffire. Dans tous les cas, les tribunaux devraient examiner les éléments de preuve qui visent à démontrer l’existence d’un lien de causalité pour s’assurer qu’ils sont conformes aux normes associées à leur discipline;
d) Les tribunaux devraient examiner attentivement les preuves scientifiques (voir Institut national de la magistrature, Manuel scientifique à l’intention des juges canadiens (2018); voir aussi National Research Council and Federal Judicial Center, Reference Manual on Scientific Evidence (3e éd. 2011);
e) Si les preuves scientifiques sont nouvelles, les tribunaux ne devraient les admettre que si elles ont un [TRADUCTION] "fondement fiable" (R. c. J.-L.J.,
[49] Ainsi, par ce qui est établi précédemment, il est possible de conclure que la loi contestée crée un effet disproportionné sur des parties requérantes par rapport à d’autres groupes dans les paramètres présentés, ou y contribue, que le Tribunal aborde le second volet[33].
B) Second volet – Démontrer que la loi impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage
[50] À cette étape de l’analyse, on doit vérifier l’existence d’un préjudice causé au groupe protégé qui prend la « forme d’une exclusion ou d’un désavantage économique, d’une exclusion sociale, de préjudices psychologiques, de préjudices physiques ou d’une exclusion politique »[34].
[51] Il faut y trouver une incidence négative ou l’aggravation d’une situation pour le groupe protégé en suivant une analyse contextuelle modulée reposant sur la situation du groupe et sur le risque que la mesure aggrave la situation[35].
[52] Afin de conclure que les critères de la seconde étape sont satisfaits, on peut retenir certains facteurs pour démontrer qu’une loi a des effets négatifs sur un groupe en particulier : les stéréotypes ou préjugés ainsi que l’arbitraire[36] :
« Le juge n’est pas tenu de prendre en compte ces facteurs; même s’ils "peuvent aider à démontrer qu’une loi a des effets négatifs sur un groupe particulier, [...] ils ne sont ‘ni des éléments particuliers du critère établi dans l’arrêt Andrews, ni des catégories auxquelles doit se rattacher la plainte de discrimination’ " (Fraser, par. 78, citant Québec (Procureur général) c. A,
a) Stéréotypes ou préjugés : Ces facteurs ont joué un rôle essentiel à la deuxième étape dans l’affaire Ontario (Procureur général) c. G,
b) Arbitraire : Une distinction qui n’a pas pour effet de restreindre l’accès à des avantages ou d’imposer un fardeau, ou bien celle qui est fondée sur les capacités réelles d’une personne, sera rarement discriminatoire (Andrews, p. 174-175). La juge Abella a expliqué le rôle que peut jouer l’arbitraire dans l’analyse tant dans l’arrêt Québec c. A (par. 221 et 331) que dans la décision Taypotat (par. 16, 18, 20, 28 et 34). Dans l’arrêt Taypotat, la Cour a axé l’analyse sur "les désavantages arbitraires — ou discriminatoires —, c’est-à-dire sur la question de savoir si la loi contestée ne répond pas aux capacités et aux besoins concrets des membres du groupe et leur impose plutôt un fardeau ou leur nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage dont ils sont victimes" (par. 20 (nous soulignons). »
[53] Le fardeau de preuve pour le deuxième volet[37] n’oblige pas l’administré à prouver que le législateur souhaitait discriminer par sa mesure. Au-delà de la connaissance d’office habituelle, le Tribunal peut, pour ce volet, s’enquérir de faits notoires, non contestés, qu’il est possible de démontrer immédiatement et avec exactitude en se rapportant à des sources facilement accessibles d’une précision incontestable. Par exemple, la Cour suprême du Canada a pris connaissance d’office de l’histoire du colonialisme en lien avec le taux d’incarcération chez les Autochtones[38]. Enfin, un tribunal peut s'autoriser de procéder par inférence pour convenir qu’une loi renforce, perpétue ou accentue un désavantage lorsque la preuve appert pointer dans cette direction.
[54] Le Tribunal se doit au surplus de considérer le contexte législatif afin d’évaluer si une distinction est discriminatoire. Les facteurs suivants sont à estimer[39] :
« […] les objets du régime, la question de savoir si la politique est conçue dans l’intérêt de divers groupes, l’affectation des ressources, les objectifs d’intérêt public particuliers visés par le législateur et la question de savoir si les limites prévues par le régime tiennent compte de ces facteurs (Withler, par. 67; voir aussi par. 3, 38, 40 et 81). »
[55] L’étendue des obligations de l’État de remédier aux inégalités sociales ne mérite pas d’être abordée dans les circonstances[40].
[56] Dès que les parties requérantes arrivent à convaincre le Tribunal qu’elles sont victimes d’une atteinte à leurs droits suivant l’article
« [39] Lors de l’examen fondé sur l’article premier, le fardeau incombe à la partie qui demande le maintien de la restriction — en l’espèce, le PGC (Oakes, p. 136‑137). Pour s’acquitter de ce fardeau, le PGC doit satisfaire à la norme de preuve qui s’applique en matière civile, c’est‑à‑dire la preuve selon la prépondérance des probabilités (Oakes, p. 137; RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général),
[57] D’où l’importance de dresser les principes applicables pour l’article
1.1.4. Les principes de l’article
[58] L’article
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
[59] Alors que les parties requérantes ont le fardeau de démontrer qu’elles sont victimes d’une atteinte à leur droit prescrit à l’article
[60] L’arrêt phare en cette matière est l’affaire Oakes[43] qui présente les critères applicables afin de déterminer si la violation d’une liberté ou d’un droit protégé peut se justifier conformément à l’article
[61] L’un des défis de l’analyse à l’aulne des critères réside dans l’importance de considérer le contexte factuel de la règle de droit et dans le fait que l’interprétation doit retenir un équilibre entre les droits individuels et les besoins de la collectivité[44].
[62] Rappelons que la norme de preuve pour évaluer une justification respectant l’article
« Lorsqu’une preuve est nécessaire pour établir les éléments constitutifs d’une analyse en vertu de l’article premier, ce qui est généralement le cas, elle doit être forte et persuasive et faire ressortir nettement à la Cour les conséquences d’une décision d’imposer ou de ne pas imposer la restriction. »
[63] Il importe de présenter les critères et de les expliciter suivant les enseignements de la Cour suprême à cet égard. L’État doit démontrer que la mesure préjudiciable aux droits et libertés peut se justifier, par prépondérance des probabilités, pour les motifs ci-dessous[46] :
- Les moyens choisis par l’État pour atteindre son objectif sont raisonnables et justifiés et suivant une règle de proportionnalité.
A) Premier volet : L’objectif poursuivi est suffisamment important et répond à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique
[64] L’objectif poursuivi ne doit pas être présenté de façon tellement vaste qu’on en vient à compromettre son étude ni de l’aborder de façon si étroite qu’on ne peut que retenir le moyen favorisé par l’État[47]. En somme, l’objectif doit être circonscrit avec suffisamment de précision dans le but d’en apprécier son importance et d’évaluer la précision avec laquelle les moyens nécessaires à sa réalisation ont été élaborés[48].
[65] L’État n’est pas dans l’obligation de faire la démonstration d’un préjudice né et actuel afin de retenir le caractère réel et urgent de son objectif. Nul besoin d’attendre que le préjudice appréhendé se réalise avant d’adopter, en amont, une législation visant à le neutraliser en aval. Bien qu’une appréhension raisonnée d’un préjudice puisse suffire, encore faut-il que l’État présente une preuve sérieuse et suffisante justifiant d’utiliser les moyens déployés[49].
[66] De façon générale, on note que les considérations budgétaires, à elles seules, ne constituent pas des objectifs suffisamment importants pour se justifier au sens de l’article
[67] À ce sujet[52] :
« Il s’ensuit, me semble-t-il, que les tribunaux continueront de faire montre d’un grand scepticisme à l’égard des tentatives de justifier, par des restrictions budgétaires, des atteintes à des droits garantis par la Charte. Agir autrement aurait pour effet de déprécier la Charte étant donné qu’il y a toujours des restrictions budgétaires et que le gouvernement a toujours d’autres priorités urgentes. Cependant, les tribunaux ne peuvent pas fermer les yeux sur les crises financières périodiques qui, pour être surmontées, forcent le gouvernement à prendre des mesures pour gérer ses priorités. »
(Italique et soulignement provenant de la Cour)
B) Second volet : Les moyens choisis par l’État pour atteindre son objectif sont raisonnables et justifiés et suivant une règle de proportionnalité
[68] La question qui se pose est de savoir si la restriction imposée par la règle de droit est proportionnelle avec l’objectif poursuivi par l’État en l’évaluant à travers le prisme des trois parties suivantes[53] :
- La règle de droit doit démontrer un lien rationnel avec l’objectif poursuivi;
- La règle de droit doit porter atteinte le moins possible au droit ou à la liberté;
- Il doit y avoir une proportionnalité entre les effets préjudiciables de la règle de droit restreignant un droit ou une liberté et l’objectif, et il doit y avoir proportionnalité entre les effets préjudiciables de la règle de droit et leurs effets bénéfiques[54].
[69] Pour la règle de la proportionnalité, la Cour suprême précise[55] :
« Dans l'examen de la proportionnalité, le tribunal doit déterminer quel est le lien qui existe entre l'objectif de la loi et ce que cette loi réussira effectivement à accomplir, dans quelle mesure la loi restreint le droit en question et, enfin, si l'avantage que la loi vise l'emporte sur la gravité de la restriction du droit. Bref, l'évaluation en vertu de l'article premier est un exercice fondé sur les faits de la loi en cause et sur la preuve de sa justification, et non sur des abstractions. »
[70] On s’interroge si les impacts de la règle législative sur les droits constitutionnels des citoyens sont démesurés comparés aux bienfaits que ladite règle cherche à promouvoir[56].
(I) La règle de droit doit démontrer un lien rationnel avec l’objectif poursuivi
[71] Dans l’étude du lien rationnel avec l’objectif poursuivi, l’État doit établir un « lien rationnel de causalité » ce qui oblige ce dernier à montrer que la disposition contestée apporte une solution proportionnée au problème exprimé[57]. Ainsi, la restriction d’un droit doit servir les fins visées et l’État doit prouver un lien causal, fondé sur la raison ou la logique, entre la violation et l’avantage recherché[58].
[72] L’État doit expliquer en quoi la règle de droit n’est ni arbitraire, ni inéquitable, ni fondée sur des considérations irrationnelles[59].
[73] La preuve à faire à cet égard est peu exigeante et on convient qu’un raisonnement par déduction reposant sur la logique et non entièrement sur une preuve concrète peut s’avérer suffisant[60]. L’État doit expliciter en quoi les moyens choisis sont en phase avec la volonté d’atteindre l’objectif visé et non que les solutions retenues y contribuent nécessairement[61].
[74] Un lien rationnel, même ténu, peut satisfaire à l’exigence constitutionnelle[62], mais ledit lien doit être à tout le moins logiquement déduit[63].
(II) La règle de droit doit porter atteinte le moins possible au droit ou à la liberté
[75] À ce sujet, la Cour suprême énonce[64] :
« La question qui se pose à ce stade de l’analyse est de savoir si la restriction du droit est raisonnablement adaptée à l’objectif. L’analyse de l’atteinte minimale vise à répondre à la question suivante : "[…] existe-t-il des moyens moins préjudiciables de réaliser l’objectif législatif?" (Hutterian Brethren, par. 53). C’est au gouvernement qu’il incombe de prouver l’absence de moyens moins attentatoires d’atteindre l’objectif "de façon réelle et substantielle" (ibid., par. 55). Ce stade de l’analyse vise à garantir que la privation de droits reconnus par la Charte se limite à ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif de l’État. »
(Italique et soulignement de la Cour)
[76] À cette étape de l’évaluation du critère de proportionnalité, le Tribunal peut aussi retenir le principe que l’État devra démontrer que ses moyens retenus limitent aussi peu que cela est raisonnablement possible les droits soulevés par les parties requérantes[65] dans le cadre d’une affaire qui, comme c’est le cas en l’espèce, soulève une matière à connotation sociale[66].
[77] L’approche résulte de l’importance de laisser au législateur une latitude quant à ses choix pour réaliser ses objectifs[67]. Cette largesse quant à l’action législative comporte une condition de taille, soit de répondre à la question afin de savoir si la solution retenue fait partie d’une panoplie de solutions raisonnablement défendables[68].
[78] Cette atteinte minimale exigée de la part de l’État suppose que celui-ci retienne une mesure la moins attentatoire afin d’arriver à son objectif[69].
[79] Il est intéressant de souligner que si le législateur modifie une règle de droit afin d’en diminuer son impact sur les intéressés, le Tribunal peut en conclure que la disposition initiale ne représentait pas une atteinte minimale et qu’il existe une autre solution plus respectueuse des droits[70].
[80] Le tout doit être modulé eu égard à diverses considérations et les intérêts en jeu. Certains facteurs méritent une plus grande déférence pour le choix du législateur et ne sont pas exhaustifs : l’aspect prospectif d’une décision, l’incidence sur les finances publiques, la multiplicité des intérêts divergents, la difficulté d’apporter une preuve scientifique et le court délai dont a bénéficié l’État dans les faits[71]. Néanmoins, il ne faut pas pousser trop loin la notion de respect des choix[72].
[81] Le Tribunal soupèse les effets préjudiciables et les effets bénéfiques des mesures contestées, et l’État doit faire la démonstration que les effets bénéfiques de ces dispositions l’emportent sur leurs effets préjudiciables[73] : « Si les effets préjudiciables de la restriction l’emportent sur les avantages que comporte la disposition, ce volet du critère de la proportionnalité n’est pas respecté »[74].
[82] Le moyen retenu peut avoir un lien rationnel avec l’objectif réel et urgent et il est probable qu’il n’existe aucune autre mesure portant moins atteinte au droit. Bien que les effets préjudiciables de la règle de droit cèdent le pas à l’importance de l’objectif exprimé, on convient qu’il est probable que les effets bénéfiques réels de la règle de droit ne soient pas suffisants pour justifier ces effets négatifs[75].
[83] Il en résulte donc qu’il « doit y avoir proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures restreignant un droit ou une liberté et l’objectif et il doit y avoir une proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures et leurs effets bénéfiques »[76].
[84] Le cadre conceptuel retenu, le Tribunal aborde la preuve et l’essentiel de l’argumentaire des parties.
[85] Nous nous permettons quelques remarques préliminaires avant de retenir l’essentiel pour l’application du cadre conceptuel aux considérations pertinentes des affaires sous étude.
2. Remarques préliminaires
[86] Le Tribunal constate que la Loi concernant la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 25 mars 2021 et modifiant d’autres dispositions (2022, chapitre 3)[77] (Loi 17) apporte l’abrogation de l’ancien article
[87] Cette réduction de 0,5 % en devient une de 0,3 % à la lecture du nouvel article
[88] D’un strict point vu mathématique et sans aborder les questions en litige, il en résulte nécessairement un impact financier avantageux pour les parties requérantes, car on décide de diminuer de 0,5 % à 0,3 % les conséquences financières pour ces derniers. Ce choix législatif représente ainsi une baisse de 40 % (de 0,5 % à 0,3 %) et oblige nécessairement la partie intimée à verser une somme d’argent plus importante annuellement.
[89] Une distinction qui, bien que modérée quant à ses effets, reste entière, et ce favorablement, pour les personnes ayant reçu une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans.
[90] Le Tribunal note aussi que le nombre de personnes dans la situation des parties requérantes est de 26 296 sur un total de 2 109 662 bénéficiaires d’une rente, et ce, au 31 décembre 2019[80]. D’un point de vue statistique, cela représente environ 1,24 % de l’ensemble des rentes versées.
3. Application du cadre conceptuel
3.1. Étude selon l’article
[91] Le Tribunal doit maintenant aborder l’analyse des différents volets du fardeau de preuve.
3.1.1. Étude du premier volet : Motif énuméré ou analogue
[92] La démonstration que les parties requérantes sont visées par une distinction reposant sur le motif explicite de la « déficience physique » et tiré de l’article
[93] Le traitement différentiel entre les parties requérantes et les autres personnes quant au droit à une rente de retraite sans diminution est établi par le texte même des dispositions attaquées[82].
[94] Il s’agit à l’évidence de discrimination directe fondée sur un motif énuméré par l’article
[95] Les parties requérantes ont démontré qu’une réduction de la rente de retraite de 0,3 % ou de 0,5 % pour chaque mois où elles ont été dans l’obligation de demander une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans a créé ou a contribué à un effet négatif financier sur leur situation. En effet, la réduction de la rente de retraite qui s’explique par le versement d’une rente d’invalidité à un groupe défini âgé entre 60 et 65 ans impose aux parties requérantes un désavantage ou un fardeau financier importants qui ne sont pas imposés à d’autres personnes à la lumière de la preuve présentée[84].
[96] Il est entendu que l’appartenance à un groupe ayant reçu une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans, et donc uniquement les personnes en situation de « déficience physique » dans notre dossier, engendre une diminution automatique de la rente de retraite versée à 65 ans[85].
[97] Les conséquences pratiques de l’application de la législation en cause pour les parties requérantes sont établies financièrement[86].
[98] Les parties requérantes ont démontré que les dispositions de la loi représentent la seule ou la principale cause de l’effet disproportionné à leur sujet et le lien de causalité à cet effet, notamment par la preuve de nature quantitative financière, est convaincant par prépondérance des probabilités[87].
[99] Les articles de loi créent, pour le groupe protégé en situation d’invalidité, ou si on préfère des personnes affublées d’une déficience physique, un effet disproportionné ou y contribue désavantageusement suivant la preuve.
[100] Le fardeau de preuve du premier volet est satisfait par prépondérance de probabilités, le Tribunal aborde le second.
3.1.2. Étude du second volet : Démontrer que la loi impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage
[101] Il est acquis que les parties requérantes, avant de faire une demande pour la rente de retraite à l’âge de 65 ans, sont dans un état où, suivant la position de l’État (art.
[102] Les parties requérantes n’ont pas fait le choix d’être dans une position où ils subissent les conséquences de leur déficience physique à l’instar d’une personne qui ne choisit pas son origine nationale ou ethnique.
[103] Il reste vain de tenter de comparer la situation des parties requérantes avec des gens qui demandent, par choix, une rente avant l’âge prévue et qui en subissent des conséquences monétaires désavantageuses. Les premières sont condamnées à se tourner vers le régime applicable et les seconds exercent le choix de recevoir leur rente de retraite anticipée.
[104] Le PGQ a fait état de l’importance pour le Tribunal de faire preuve de déférence à l’égard des choix du législateur dans le cadre du régime et qu’une rente de retraite ne constitue pas une « assurance » visant à combler l’ensemble des besoins d’une personne après sa vie active.
[105] Le Tribunal convient de l’importance de retenir qu’un programme de prestations est conçu en gardant à l’esprit les intérêts de divers groupes en fonction de certains facteurs comme l’âge, et qu’un tel programme n’a pas à répondre totalement aux besoins véritables des parties requérantes[88].
[106] Les parties requérantes ont présenté, notamment par différents témoignages et calculs, l’impact des mesures législatives contestées pour chacune de leur situation, ce qui appert nécessaire pour l’étude du premier volet[89]. L’expression de leurs besoins véritables n’est qu’une suite logique de leurs représentations après avoir exposé les contrecoups de la diminution du montant de leur rente à 65 ans, et non l’assise unique de leurs prétentions. Elles se plaignent avant tout d’une discrimination imposée par les dispositions législatives étudiées. Le fait que les montants versés par la partie intimée ne répondent pas ou peu à leurs besoins individuels demeure accessoire au litige principal et ne constitue pas la pierre angulaire de leur argumentation.
[107] Le Tribunal considère que les articles contestés imposent un fardeau ou nie un avantage aux personnes en situation de déficience physique en imposant une réduction de leur rente à 65 ans en raison d’une invalidité au sens de la LRRQ entre 60 ans et 65 ans. Celles-ci font les frais de leur invalidité qui les ont obligés à se tourner vers la partie intimée et en subissent un fardeau ou un désavantage en raison de leur condition.
[108] On s’interroge à savoir si la législation le considère d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage subi par le groupe visé. Il est à noter que le fait de permettre que ce désavantage subsiste par l’effet de la législation n’est pas suffisant en soi pour répondre aux exigences de la deuxième étape[90].
[109] Il faut ainsi établir si le groupe protégé est étiqueté d’un désavantage.
[110] L’examen de la situation des membres du groupe et l’incidence négative des mesures applicables à leur égard se fait suivant une approche contextuelle reposant sur la situation véritable du groupe et sur le risque que la mesure contestée aggrave la situation[91].
[111] On convient que les personnes du groupe visé qui deviennent « invalides », selon la partie intimée, se retrouvent avec un revenu grandement réduit sans la possibilité de se trouver un emploi et doivent composer avec les inconvénients sociaux inhérents reliés à leurs nouvelles limitations[92] :
« Il est malheureusement vrai que l’histoire des personnes handicapées au Canada a été largement marquée par l’exclusion et la marginalisation. Trop souvent, elles ont été exclues de la population active, elles se sont vues refuser l’accès aux possibilités d’interaction et d’épanouissement sociales et elles ont été exposées à des stéréotypes injustes en plus d’être reléguées dans des établissements […] elles ont fait l’objet d’attitudes paternalistes inspirées par la pitié et la charité, et leur intégration à l’ensemble de la société a été assujettie à leur émulation des normes applicables aux personnes physiquement aptes […] Une conséquence de ces attitudes est le désavantage social et économique persistant dont souffrent les personnes handicapées. Les statistiques indiquent que ces personnes, si on les compare aux personnes physiquement aptes, sont moins instruites, sont davantage susceptibles de ne pas faire partie de la population active, ont un taux de chômage beaucoup plus élevé et se retrouvent en nombre disproportionné dans les rangs des salariés les moins bien rémunérés […] »
(Références omises)
[112] Il est reconnu qu’une personne en situation de handicap, comme les parties requérantes, fait face à des défis financiers particulièrement difficiles à surmonter dans notre société et est statistiquement plus souvent confrontée à la pauvreté[93].
[113] La preuve provenant des parties requérantes à ce sujet est éloquente et leur réalité cadre, en tout ou en partie, avec les notions précédentes. Le désavantage subi par ce groupe protégé ne soulève pas de doute.
[114] Est-ce que le texte législatif en cause a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer ce désavantage? Ou ne laisse-t-il que laisser subsister ce désavantage?
[115] La Cour suprême rappelle que « [l]es actes de l’État qui ont pour effet d’élargir, au lieu de rétrécir, l’écart entre le groupe historiquement défavorisé et le reste de la société sont discriminatoires »[94].
[116] Les mesures étudiées ajustent à la baisse la rente de retraite de toute personne qui, en raison d’une déficience physique, doit se tourner vers la partie intimée afin de réclamer une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans, et ce, dans le respect de la LRRQ.
[117] Le PGQ considère que si le Tribunal fait droit aux prétentions des parties requérantes, elles recevront une rente de retraite totale plus élevée qu’un demandeur qui réclame sa rente à 65 ans, et seront donc avantagées indûment. Ce raisonnement repose sur l’addition de la rente d’invalidité reçue entre 60 et 65 ans avec la rente de retraite à 65 ans, suivi d’une indexation de 2 % par année et d’une espérance de vie à 85 ans qui totalise une somme plus importante que la personne ne recevant que sa rente de retraite[95].
[118] En d’autres termes, le PGQ invite ainsi le Tribunal à comparer l’ensemble des montants reçus sur un horizon de plusieurs années et de faire fi de l’effet réel du désavantage pour les parties requérantes. Ce dernier se mesure, de façon concrète, sur une base mensuelle et non de manière cumulative à la fin d’une vie.
[119] Le Tribunal n’adhère pas à cette vision du PGQ qui ne retient que la finalité comptable à 85 ans en faisant abstraction des effets préjudiciables des mesures dès 65 ans.
[120] D’ailleurs, la preuve des parties requérantes détaille, sans opposition du PGQ, les désavantages financiers qui amènent ces dernières à constater une diminution de leur rente des suites de leur obligation à réclamer une rente d’invalidité entre 60 et 65 ans[96].
[121] Cette réduction de la rente vient creuser davantage le fossé économique existant entre la personne invalide déjà pénalisée par sa situation et le reste de la population (comme établi par la preuve des parties requérantes) ce qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage subi par le groupe protégé.
[122] Le fardeau de preuve du second volet étant satisfait par prépondérance des probabilités, le Tribunal aborde l’argumentaire de la partie mise en cause afin de justifier les dispositions législatives conformément à l’article
3.2. Étude selon l’article
3.2.1. L’objectif poursuivi est suffisamment important et répond à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique
[123] Le fait que l’État soit obligé de réattribuer les ressources du Régime de retraite du Québec (Régime) dans l’optique où on se rend aux arguments des parties requérantes ne peut justifier une discrimination en vertu de la Charte canadienne ni le fait que ledit Régime est de toute façon coordonné avec les mesures de soutien prévues dans la législation fédérale. L’objectif poursuivi d’éviter une réattribution des ressources du Régime et de justifier les mesures par le versement de prestations fédérales qui viendraient « compenser partiellement la réduction de revenus occasionnée par l’application de l’ajustement actuariel »[97] ne peut excuser une atteinte en vertu de l’article
[124] L’argumentaire du PGQ énonce que l’adoption des articles 120.2 et 120.1 poursuit également un objectif important, urgent et réel. Il s’articule principalement autour de l’idée de préserver la pérennité financière du Régime et les mesures, visant des personnes en situation de handicap, participent à cet objectif en réduisant les dépenses dudit Régime[98].
[125] Le Tribunal souligne que le seul témoin du PGQ en a été un de fait et non expert. Ce dernier aurait pu démontrer par une expertise comptable ou actuarielle l’impact des mesures contestées sur la santé financière du Régime.
[126] L’objectif de l’État d’assurer la viabilité du Régime est tout à fait compréhensible et tout aussi important, et nul besoin d’être confronté à des déficits avant d’agir. En revanche, encore faut-il faire une preuve sérieuse et suffisante justifiant de retenir les moyens déployés[99] tout en s’assurant que l’objectif est « important », « réel » et « urgent ».
[127] Une preuve d’expert chiffrée aurait été possible et souhaitable pour démontrer en quoi les mesures visant les personnes en situation d’invalidité permettent à l’État d’atteindre son objectif ou de quelle façon elles y contribuent. Le Tribunal note que le PGQ a renoncé à faire cette preuve de manière précise et que son témoin de fait n’a pas éclairé le Tribunal sur l’impact des mesures contestées sur le régime.
[128] Néanmoins, rappelons qu’une législation encouragée que par des considérations budgétaires, aussi légitimes soient-elles, ne constitue pas en soi un objectif suffisamment important aux termes de l’article
[129] La preuve du PGQ, qui repose grandement sur des commentaires de députés, de ministres et de fonctionnaires, ne retient que l’idée que les mesures sont nécessaires pour soutenir la capacité financière du programme étatique dans l’intérêt de tous.
[130] En ce qui concerne la modification législative de l’article 120.2 à l’article 120.1, la preuve contredit l’objectif important, tant plaidé par le PGQ, de soutenir la santé financière du Régime.
[131] Le législateur a décidé de réduire de 0,5 % (l’ancien article
[132] Si la santé financière du Régime était la pierre d’assise sur laquelle se justifie le choix du législateur de réduire une rente de retraite dans notre contexte, il est difficile d’expliquer pour quelle raison ladite rente est amputée de façon moindre maintenant comparativement à la pratique passée. À la rigueur, on peut saisir l’idée qu’un changement qui reflète une réduction plus importante d’une rente ou qui maintient le statu quo est en phase avec l’objectif recherché, mais nullement si on la bonifie pour obliger la partie intimée à verser un montant supplémentaire.
[133] On ne voit pas comment, ne serait-ce que pour l’adoption de l’article
[134] Avec égards, on fait face à une distorsion ou à une contradiction entre l’argumentaire du PGQ quant à l’objectif important recherché et l’action législative privilégiée. On démontre plutôt que le choix de l’adoption même de l’article
[135] Quant à l’ancien article
[136] Malgré tout, une telle approche reposant uniquement sur des considérations financières ne représente pas un objectif suffisamment important pour se justifier par l’article
[137] Suivant la preuve et les propos du PGQ, les motifs pour une telle disposition reposaient plutôt sur la volonté de limiter les augmentations futures du taux de cotisation et, ainsi, de tenter d’assurer une équité entre les générations. Bien qu’intéressante d’un point de vue politique et sociologique, cette justification ne rime pas avec toute l’importance de la mesure imposée par l’épreuve des considérations d’intérêt public ou le souci d’une crise financière exceptionnelle.
[138] L’article 120.1 et l’ancien article
[139] Bien que l’analyse puisse s’arrêter à cette étape, le Tribunal souhaite en continuer son exercice.
3.2.2. Les moyens choisis par l’État pour atteindre son objectif sont raisonnables et justifiés et suivant une règle de proportionnalité
A) La règle de droit doit démontrer un lien rationnel avec l’objectif poursuivi
[140] En ce qui concerne l’adoption de l’article
[141] Bien que l’article
B) La règle de droit doit porter atteinte le moins possible au droit ou à la liberté
[142] Le PGQ argue que, pour le volet de l’atteinte minimale, celui-ci n’a pas à faire la démonstration que le législateur a choisi le moyen le moins attentatoire entre tous pour réaliser son objectif de s’attaquer à des déficits éventuels[103].
[143] Outre ce qui a été indiqué précédemment, la Cour suprême a précisé que « si le gouvernement omet d’expliquer pourquoi il n’a pas choisi une mesure beaucoup moins attentatoire et tout aussi efficace, la loi peut être déclarée non valide »[104].
[144] Il faut s’interroger à savoir s’il existe une approche différente ou une solution de rechange moins attentatoire que de réduire la rente de personnes en situation d’invalidité afin d’atteindre l’objectif de façon réelle et substantielle[105].
[145] L’État reconnaît qu’il existe plusieurs options pour assurer l’avenir du Régime : progression importante du taux de cotisation, élargissement de l’assiette de cotisation de différentes façons et le choix du niveau de réserve[106]. Le PGQ n’a pas présenté de preuve expliquant précisément pour quelle raison le législateur ne retient pas une autre mesure que celles contestées.
[146] Il existe ainsi d’autres moyens moins attentatoires que de contrevenir à l’article
[147] Le législateur a modifié sa règle de droit imposant une réduction de 0,5 % à 0,3 %, ce qui en diminue l’impact sur les parties requérantes. Le Tribunal peut en conclure que l’ajustement de 0,5 % ne représente pas une atteinte minimale et qu’il existe une autre solution plus respectueuse des droits[107].
[148] Le Tribunal considère qu’à la lumière des représentations et de la preuve, les réductions retenues ne représentent pas le moyen le moins attentatoire pour atteindre l’objectif de l’État.
[149] Il doit y avoir proportionnalité entre les effets préjudiciables de la règle de droit restreignant un droit ou une liberté et l’objectif, et il doit y avoir proportionnalité entre les effets préjudiciables de la règle de droit et leurs effets bénéfiques.
[150] On rappelle que suivant la preuve présentée par le PGQ, le nombre de personnes visées à qui on impose une réduction de la rente représente un peu plus de 1 % de l’ensemble des bénéficiaires au 31 décembre 2019[108]. Les effets préjudiciables de la diminution de la rente pour les parties requérantes sont nettement disproportionnés lorsque comparés à l’objectif financier de l’État que l’on souhaite voir profiter à tous.
[151] Cette économie, nécessairement dérisoire dans l’absolu, imposée à des gens statistiquement moins nantis et en situation d’invalidité ne démontre pas quantitativement en quoi le pouvoir étatique atteint ou peut atteindre valablement son but concrètement. La preuve actuarielle est inexistante dans ce dossier.
[152] Les effets préjudiciables de la diminution de la rente de retraite dans le contexte des parties requérantes l’emportent largement sur les effets supposément bénéfiques des mesures contestées qui n’ont pas été démontrés par prépondérance de probabilités, que ce soit par une preuve documentaire ou par une preuve d’expert. L’argumentaire du PGQ à ce sujet tient à diverses supputations dans une optique générale de financement du Régime et nullement dans le cadre de la situation des parties requérantes.
[153] La justification du PGQ pour répondre au respect de la règle de proportionnalité se résume principalement à prétendre que cette diminution de la rente de retraite pour environ 1 % des bénéficiaires contribue à assurer la pérennité du Régime, à maintenir un taux de cotisation acceptable et à établir une plus grande équité entre des bénéficiaires du Régime se trouvant dans des situations similaires[109]. Rien de moins.
[154] En d’autres termes, et suivant le PGQ, les mesures contestées et imposées à ce 1 % pourront assurément apporter des effets bénéfiques recherchés tellement importants pour l’aspect financier du Régime qu’ils sont proportionnels aux affres budgétaires auxquels est confronté le groupe protégé par l’article
[155] L’optimisme du PGQ n’est pas partagé par le Tribunal d’autant plus que la preuve n’est pas à cet effet.
Conclusion
[156] Il n’existe aucune proportionnalité entre les effets préjudiciables de l’application des taux de 0,3 % ou de 0,5 % pour les parties requérantes protégées par l’article
[157] Les effets bénéfiques ont aussi été présentés de façon générale par le PGQ concernant le financement du Régime sans faire, par exemple, de lien actuariel probant entre les mesures et l’impact positif pour ledit Régime. Les parties requérantes ont établi largement les effets préjudiciables disproportionnés endurés par les règles de droit attaquées.
[158] Le Tribunal abonde dans le sens du raisonnement de la Cour d’appel du Manitoba qui, dans une affaire similaire, tient les propos suivants, et qui s’appliquent mutatis mutandis au présent dossier :
« […] The Attorney General has not discharged its onerous burden of demonstrating that the impugned provision is the only mechanism to address its legislative objectives.
[108] The Legislature may create particular benefits (such as income assistance) targeted at particular groups of people with specific eligibility requirements. However, the disproportionate harm created by section 12.1 (2) of the Regulation in further entrenching poverty for persons with disabilities cannot be justified under section 1 of the Charter. »
(Mise en relief de la Cour)
[159] Le Tribunal en vient à la conclusion qu’il n’existe pas de proportionnalité entre les effets préjudiciables de la règle de droit restreignant un droit ou une liberté et l’objectif, pas plus qu’il n’y a de proportionnalité entre les effets préjudiciables de la règle de droit et leurs effets bénéfiques.
[160] Pour l’ensemble de ce qui précède, les articles
[161] La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a effectué un travail fouillé soutenant ses représentations pour convaincre le Tribunal que la législation attaquée par les parties requérantes contrevient à la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ c. C-12) (Charte québécoise). Le Tribunal salue son engagement et son implication sentie dans ce dossier.
[162] Cependant, comme indiqué précédemment, il n’est pas nécessaire de se pencher sur les arguments relevant de la Charte québécoise considérant que le Tribunal en vient à la même conclusion, en utilisant dans son analyse la Charte canadienne.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE les recours;
INFIRME les décisions en révision de la partie intimée;
DÉCLARE inapplicable à l’égard des parties requérantes l’article
RÉSERVE les recours et droits de la requérante M.G. quant à l’inapplicabilité constitutionnelle de l’article
Grey, Casgrain
Me Julius H. Grey
Procureur de la partie requérante
Grey, Casgrain
Me Michaëlla Bouchard-Racine
Procureure de la partie requérante
Laporte & Lavallée, avocats inc.
Me André Laporte
Procureur de la partie requérante
Desroches, Mongeon, avocats inc.
Me Sophie Mongeon
Procureure de la partie requérante
Desroches, Mongeon, avocats inc.
Me Sabrina Péloquin
Procureure de la partie requérante
Laroche St-Pierre, contentieux Retraite Québec
Me Carmen-Gloria Fortin
Procureure de la partie intimée
Bernard, Roy (Justice-Québec)
Me Marie Couture Clouâtre
Procureure de la partie mise en cause
Bernard, Roy (Justice-Québec)
Me Luc-Vincent Gendron-Bouchard
Procureur de la partie mise en cause
Batzikidis, Clément-Major, Fournier
Me Erin Sandberg
Procureure de la partie intervenante
Batzikidis, Clément-Major, Fournier
Me Bushra Jalabi
Procureure de la partie intervenante
[1] Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor)
[2] Law Society of Upper Canada c. Skapinker,
[3] Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), (C.S. Can., 2002-10-31),
[4] Andrews c. Law Society of British Columbia, 1989 CanLII 2 (CSC) aux par. 163 et 164.
[5] Miron c. Trudel, 1995 CanLII 97 (CSC) au par. 131 et Andrews supra note 3 à la p. 182.
[6] Weatherall c. Canada (Procureur général)
[7] Miron c. Trudel
[8] Idem Miron à la p. 486. Voir aussi R. c. Kapp
[9] Idem Kapp aux par. 25. Voir aussi Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat
[10] Andrew supra note 3 à la p. 174.
[11] Première Nation de Kahkewistahaw supra note 8 au par. 18.
[12] Andrew supra note 3 à la p. 182.
[13] Par exemple, Vriend c. Alberta,
[14] Fraser c. Canada (Procureur général)
[15] Première Nation de Kahkewistahaw supra note 8 aux par. 19 et 20. Voir également R. c. C.P.
[16] Sharma supra note 13 au par. 30.
[17] Miron c. Trudel
[18] Première Nation de Kahkewistahaw supra note 8 au par. 34 et Sharma supra note 13 au par. 50.
[19] Withler c. Canada (Procureur général),
[20] Article
[21] Sharma supra note 13 aux par. 40 et 41.
[22] Idem au par. 41.
[23] Idem.
[24] Idem.
[25] Idem au par. 40.
[26] Idem aux par. 45 et 46.
[27] Fraser supra note 13 au par. 55.
[29] Fraser supra note 13 au par. 57.
[30] Idem au par. 58 et 59.
[31] Idem.
[32] Idem.
[33] Sharma supra note 13 au par. 48 et 50.
[34] Fraser supra note 13 au par. 76 et repris dans Sharma supra note 13 au par. 52.
[35] Withler supra note 17 au par. 37 et repris dans Sharma supra note 13 au par. 52.
[37] Idem au par. 55.
[38] R. c. Ipeelee,
[39] Sharma supra note 13 au par. 59.
[40] Idem aux par. 62 et ss.
[41] Frank c. Canada (Procureur général),
[42] Sauvé c. Canada (Directeur général des élections),
[43] R. c. Oakes,
[44] Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau‑Brunswick,
[45] Oakes supra note 41 aux pp. 137-138.
[46] Idem aux pp. 138 et ss. et voir T.U.A.C., section locale 1518, c. KMart Canada Ltd.
[47] Frank c. Canada (Procureur général),
[48] T.U.A.C., section locale 1518 supra note 44 au par. 59 et voir Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général)
[49] Harper c. Canada (Procureur général)
[50] Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Laseur,
[51] Terre-Neuve (Conseil du Trésor) idem au par. 97.
[52] Idem au par. 72.
[53] Oakes supra note 42 aux pp. 139-140.
[54] Tel que reformulé dans Dagenais c. Société Radio-Canada
[55] RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général)
[56] Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401
[57] Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport)
[58] RJR-MacDonald Inc. supra note 54 au par. 153.
[59] Oakes supra note 42 à la p. 139.
[60] Frank supra note 40 au par. 64 reprenant notamment Harper supra note 48 et RJR-MacDonald inc. supra note 54.
[61] Société Radio-Canada c. Canada (Procureur général)
[62] Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux
[63] Voir par exemple Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général)
[64] Carter c. Canada (Procureur général),
[65] Québec (Procureure générale) supra note 61 aux par. 50 et 52.
[66] Libman c. Québec (Procureur général)
[67] Centrale des syndicats du Québec c. Québec (Procureure générale)
[68] Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott
[69] Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony
[70] Par exemple, voir Trociuk c. Colombie-Britannique (Procureur général)
[71] Chaoulli c. Québec (Procureur général)
[72] RJR-MacDonald Inc supra note 54 au par. 136 et repris dans Chaoulli idem.
[73] Harper supra note 48 au par. 119 et Figueroa c. Canada (Procureur général),
[74] Saskatchewan (Human Rights Commission) supra note 67 au par. 147.
[75] Dagenais supra note 53 aux pp. 887 et 888 et repris dans Thomson supra note 47 au par. 124.
[76] Dagenais idem à la p. 889 et Thomson idem.
[77] Adoptée le 23 février 2022 et sanctionné le 24 février 2022 et l’entrée en vigueur des deux dispositions modifiées est rétroactive au 1er janvier 2022 conformément à l’article 120 de la Loi 17.
[78] Article 84 de la Loi 17.
[79] Article 83 de la Loi 17.
[80] Pièce PGQ-9 aux p. 86 et 43.
[81] Withler supra note 18 et paragraphe 36 de la présente décision.
[82] Sharma supra note 23.
[84] Sharma supra note 25 et Fraser supra note 28.
[85] Fraser supra note 28.
[86] Fraser supra note 29.
[87] Miron supra note 16 et Fraser supra note 31.
[88] Withler supra note 18 aux par. 38 et 67.
[89] Sharma supra note 25 au par. 50 : « Il faut toutefois bien comprendre que, même si le fardeau de preuve à la première étape ne doit pas être excessif, le demandeur doit s’en acquitter. La nature exacte du fardeau de preuve imposé aux demandeurs dépend de ce qu’ils demandent. Dans tous les cas cependant, il demeure que les demandeurs doivent s’acquitter d’un fardeau à la première étape. »
[90] Sharma supra note 25 au par. 52.
[91] Idem et citant Withler supra note 18 au par. 37.
[92] Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général)
[93] Stadler idem au par. 90.
[94] Québec (Procureur général) c. A.
[95] Argumentation du Procureur général du Québec, annexe 1.
[96] Par exemple, dans le cas de la requérante M.G., il s’agit d’une diminution de 133,85 $ par mois (Document « Réplique de la requérante M.G. » à la p. 9).
[97] Argumentation du Procureur général du Québec aux par. 149 et 153.
[98] Idem au par. 169.
[99] Harper supra note 48.
[100] Voir les paragraphes 66 et 67 de la présente décision.
[101] Voir le paragraphe 88 de la présente décision.
[102] Voir notamment les pièces PGQ-10, PGQ-18 et PGQ-26.
[103] Argumentation du Procureur général du Québec au par. 177.
[104] RJR-MacDonald Inc. supra note 54 au par. 160. Cité avec approbation dans Alberta supra note 68 au par. 54.
[105] Alberta idem au par. 55.
[106] Pièce PGQ-10 aux pp. 21 à 24.
[107] Supra note 69.
[108] Voir le paragraphe 90 de la présente décision.
[109] Argumentation du Procureur général du Québec au par. 189.
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