Sleno c. Transat Télécom inc. | 2023 QCCQ 8936 | |||||||
COUR DU QUÉBEC | ||||||||
« Division des petites créances » | ||||||||
CANADA | ||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||||
DISTRICT D’ | ABITIBI | |||||||
LOCALITÉ D’ | AMOS | |||||||
« Chambre civile » | ||||||||
N° : | 605-32-700207-235 | |||||||
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DATE : | 15 novembre 2023 | |||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | JEAN-PIERRE GERVAIS, J.C.Q. | ||||||
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KEVIN SLENO | ||||||||
Partie demanderesse | ||||||||
c. | ||||||||
TRANSAT TÉLÉCOM INC. | ||||||||
Partie défenderesse | ||||||||
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JUGEMENT | ||||||||
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[1] Monsieur Sleno poursuit la défenderesse soutenant que celle-ci n’a pas respecté l’engagement souscrit de lui fournir un accès internet à un prix convenu.
[2] Transat Télécom inc. (Transat) s’inscrit en faux contre cette affirmation et plaide à l’inverse, s’être conformée à ses obligations.
[3] Voici à quoi se résument les faits saillants de cette histoire :
[4] La défenderesse est un fournisseur internet qui offre ses services dans la région de Montréal.
[5] En janvier 2020, le demandeur fait une recherche sur le Web afin de comparer les différents forfaits qu’offre ce type d’entreprise.
[6] Sur un site spécialisé en la matière, il voit que Transat offre ses services pour un prix fixe, à vie, de 25 $ plus taxes mensuellement.
[7] À l’aide du menu déroulant, il consulte les conditions qui lui révèlent que ceci est offert aux nouveaux abonnés et qu’il s’agit d’une offre de lancement qui impose que les frais soient payés pour toute l’année en un seul versement.
[8] Intéressé, il contacte directement la compagnie et au téléphone on lui confirme tout ce qu’il a pu lire sur le site tiers.
[9] Il adhère donc à ce service le 16 janvier 2020 et, exactement comme on le lui avait annoncé, on lui réclame 19,95$ pour le frais d’ouverture du dossier, 479,40 $ pour le service en tant que tel et 99,95 $ en ce qui concerne l’achat du modem qui est requis. On soustrait du total 210,00$ pour ramener le forfait au prix promis que monsieur Sleno acquitte sur le champ en un seul versement.
[10] Outre une lettre de bienvenue, monsieur Sleno affirme ne pas avoir reçu de contrat ou autre confirmation, quelle qu’elle soit.
[11] L’année suivante, on lui transmet une facture qui est toujours conforme à l’entente de départ, soit 479,40 $ moins ce que l’on décrit comme un crédit récurrent de 180 $, pour un total avant taxes de 299,40 $.
[12] Les frais facturés et payés pour la troisième année sont encore là exactement les mêmes.
[13] Cependant, lorsqu’on approche de la date de renouvellement pour 2023, on transmet par courriel au demandeur, un avis qui l’informe qu’à compter du 18 janvier suivant, il y aura majoration, le prix passant de 25 $ mensuellement à 30,95$ plus taxes.
[14] Choqué par ceci, il contacte la compagnie et enregistre la discussion qu’il a avec une préposée.
[15] D’entrée de jeu, celle-ci ne nie par qu’on lui a offert un tel forfait à vie à monsieur Sleno, mais ajoute que vu l’augmentation des coûts, on a d’autres choix que de majorer le tarif.
[16] Dans l’enregistrement, on entend l’interlocutrice dire « on vous a peut-être dit que le prix n’allait pas augmenter, mais je n’étais pas présente. »
[17] Et un peu plus tard, maintenant toujours qu’il doit y avoir augmentation, elle ajoute « vous n’avez aucun contrat avec nous. »
[18] L’insistance du demandeur pour qu’on respecte l’entente de départ est veine, avec comme résultat qu’on lui refuse de maintenir le prix à ce qu’il était.
[19] Le service internet est donc cessé à compter du 18 janvier 2023.
[20] La défenderesse, par la voie de son vice-président, monsieur Ahmed Boulil, explique d’une manière générale qu’aucun fournisseur internet ne peut faire une telle offre à ses clients. Malgré tout, il ne dit pas que son entreprise n’a jamais eu recours à une telle promotion.
[21] Son propos est plutôt à l’effet que monsieur Sleno a conclu un contrat pour une durée d’une année, qui fut renouvelé deux fois, jusqu’à ce qu’on lui réclame une augmentation.
[22] D’ailleurs, il affirme qu’une copie dudit document lui a été transmise par courriel au moment où il a adhéré au service.
[23] Il produit un exemplaire du contrat, mais pas du courriel établissant qu’il a été bien communiqué à son client.
[24] Qu’il ait été communiqué ou non, on voit que celui-ci se borne, quant à la nature du forfait, à dire qu’il s’agit d’une entente de 12 mois pour un prix de 479,40 $. Il est muet quant au crédit qu’on accorde les trois premières années et énonce les conditions générales de l’abonnement.
[25] À noter que l’entente en cause s’applique à tout genre de forfait, qu’il soit à durée déterminée ou non. En somme, au-delà des termes et conditions probablement applicables à tous les clients, le document en cause ne traite pas du cas particulier du demandeur.
[26] Ceci résume la preuve soumise au Tribunal pour décider du présent litige.
[27] De l’avis du demandeur, Transat s’est livrée à une pratique que condamne la Loi sur la protection du consommateur en ayant recours à une publicité inexacte et en ne respectant pas les engagements pris.
[28] Du côté de la défenderesse, on estime plutôt que monsieur Sleno était parfaitement au fait de la situation et que conformément à l’article
Analyse
[29] À première vue évidemment, il peut paraître étrange et singulier qu’un fournisseur d’internet se risque à offrir un même tarif à vie. Il est évidemment normal que ses propres frais augmentent et qu’en conséquence le coût d’un abonnement soit majoré.
[30] Cependant, la preuve est concluante à l’effet que c’est bien ce que Transat Télécom inc. a fait comme offre de lancement.
[31] Rappelons que même si l’annonce de ce forfait se trouvait sur un site tiers, les conditions décrites, notamment la durée et le mode de paiement annuel, ont toutes été confirmées lorsque monsieur Sleno communique avec la défenderesse ou se rend à son l’établissement, en janvier 2020.
[32] Les facturations qu’on lui achemine les années suivantes tendent à confirmer ceci, puisqu’on y trouve la mention « crédit récurrent », sans aucun autre commentaire.
[33] Quant à la question de savoir si on lui a transmis autre chose que la lettre de bienvenue et la première facture lorsqu’il décide de faire affaire avec Transat, la preuve est contradictoire.
[34] Cependant, rien ne permet de mettre en doute ce que dit le demandeur et ce n’est pas la production d’un document généré et imprimé en 2023 qui est susceptible de prouver qu’on lui a fait parvenir le tout par courriel.
[35] La preuve est donc concluante à l’effet que Transat a publicisé un forfait de fourniture internet à un prix fixe de 25 $ mensuellement, pour la vie durant de l’abonné.
[36] Donc, non seulement elle en a fait l’annonce, mais a confirmé le tout à son client en janvier 2020 pour finalement, unilatéralement briser l’entente conclue au début 2023.
[37] À titre de réparation, monsieur Sleno exige le remboursement du coût du modem, l’écart de prix entre le tarif promis, soit 25$ par mois et le tarif régulier qui est de 35 $, calculé sur une période de 5 ans, des dommages pour le temps perdu à tenter de régler le problème et magasiner un nouveau forfait et enfin, 750 $ à titre de dommages punitifs.
[38] D’entrée de jeu, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’accorder le remboursement de l’achat du modem, qui s’élève à 103,34 $, puisque celui-ci ne peut être utilisé avec une autre entreprise.
[39] Quant à la différence de prix, rappelons que la réclamation de monsieur Sleno s’appuie sur un écart de 10 $ entre ce qu’on lui a promis et le tarif régulier.
[40] Cependant, ce n’est pas ce dernier qu’on lui a offert, mais plutôt 30,95 $. La différence étant donc de 5.95 $, la somme qui doit être allouée s’élève à 412,24 $.
[41] Il y a également lieu d’accorder 250 $ de dommages additionnels en lien avec les tracas et les inconvénients résultant du refus de respecter les engagements souscrits par Transat.
[42] Maintenant, en ce qui concerne les dommages-intérêts punitifs, c’est l’article
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
1978, c. 9, a. 272; 1992, c. 58, a. 1; 1999, c. 40, a. 234.
[43] Dans le cas présent, Transat, outre de ne pas avoir respecté l’entente prise en janvier 2020 avec son client, s’est livrée à une pratique interdite sur le prix, contrevenant ainsi à l’article
224. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit:
[…] c) exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé.
Aux fins du paragraphe a.1 du premier alinéa, le prix réellement payé par le commerçant est celui qu’il a payé, déduction faite de tous les frais qu’il a payés mais qui lui sont remboursés.
Aux fins du paragraphe c du premier alinéa, le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l’obtention du bien ou du service. Toutefois, ce prix peut ne pas comprendre la taxe de vente du Québec, ni la taxe sur les produits et services du Canada. Le prix annoncé doit ressortir de façon plus évidente que les sommes dont il est composé.
1978, c. 9, a. 224; 1999, c. 40, a. 234; 2009, c. 51, a. 12; 2017, c. 24, a. 50.
[44] Rappelons que l’octroi de dommages-intérêts punitifs vise à dissuader un commerçant d’enfreindre la loi ou de se livrer délibérément à une pratique interdite.
[45] Dans le cas présent, on ne peut trouver aucune excuse au comportement de Transat avec comme résultat que le montant réclamé par le demandeur n’est pas exagéré ni inadéquat. C’est donc 750 $ qui sera attribué à ce titre.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande;
CONDAMNE la défenderesse à verser au demandeur la somme de 765,58 $, en plus de l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
CONDAMNE la défenderesse à rembourser au demandeur, à titre de dommages-intérêts punitifs la somme de 750 $, en plus de l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
LE TOUT avec les frais de justice incluant 12,68 $ soit le coût de la mise en demeure.
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| __________________________________ Jean-Pierre Gervais, J.C.Q. | |
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Date d’audience : | 1er novembre 2023 | |
AVIS :
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