Bell Canada c. Langlois-Vinet | 2023 QCCA 1197 | ||
COUR D'APPEL | |||
CANADA | |||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||
GREFFE DE | |||
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No : | |||
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE | |||
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DATE : Le 22 septembre 2023 | |
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L’HONORABLE |
PARTIE REQUÉRANTE | AVOCATS |
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Me Justine Brien me EMMA LAMBERT
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PARTIE INTIMÉE | AVOCAT |
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Me Guy Paquette
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DESCRIPTION : | Requête pour permission d’appeler d’un jugement rendu le 4 juillet 2023 par l’honorable Lukasz Granosik de la Cour supérieure, district de Montréal. (Articles |
Salle : RC-18 |
AUDITION |
9 h 30 | Début de l’audience. Identification du dossier et des avocats. Remarques préliminaires du juge, s’adressant aux avocats. |
9 h 31 | Argumentation de Me De l’Étoile. |
9 h 37 | Échange entre le juge et Me De l’Étoile. |
9 h 45 | Me De l’Étoile reprend ses représentations. |
9 h 52 | Argumentation de Me Paquette. |
9 h 57 | Demande de précision du juge et réponse de Me Paquette. |
10 h 03 | Me Paquette reprend ses représentations. |
10 h 10 | Réplique de Me De l’Étoile. |
10 h 13 | PAR LE JUGE : Jugement sera rendu sur procès-verbal et transmis aux parties au courant de la journée – voir page 3. Fin de l’audience. |
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Ariane Simard-Trudel, Greffière-audiencière |
JUGEMENT |
[1] La requérante demande la permission d’appeler d’un jugement de la Cour supérieure rendu le 4 juillet 2023 (l’honorable Lukasz Granosik), lequel, en outre, autorise l’exercice d’une action collective et attribue à l’intimée le statut de représentante aux fins de son exercice.
[2] La requérante soutient que le juge a autorisé l’exercice d’une action collective envers Bell en incluant des causes d’action injustifiées fondées sur la Loi sur la protection du consommateur[1] (« Lpc »), le Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur[2] (« RaLpc ») et le Code civil du Québec dépourvues de fondement juridique. Le juge aurait, en outre, omis de traiter de la condition d’autorisation de toute action collective selon laquelle le tribunal doit être « d’avis que […] les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées ». L’erreur apparaîtrait clairement au paragraphe [20] du jugement :
[20] Ainsi, la Demande d'autorisation d'action collective n'a même pas à constituer un recours ayant une chance de gain de cause raisonnable et, à moins d'une pure question de droit qui scelle l'issue de la demande, il y a lieu d'autoriser l'action collective.
[3] Ce faisant, le juge aurait instauré un nouveau fardeau quant à la suffisance de la cause d’action et aurait fait bénéficier l’intimée d’une présomption en faveur de l’autorisation de l’action collective projetée, ce qui équivaudrait à une élimination du seuil applicable au stade de l’autorisation.
[4] Selon les allégations de la requête pour autorisation, des consommateurs ont été sollicités à leur résidence pour la présentation de services offerts par Bell, et ont alors conclu un contrat à distance avec un autre représentant de Bell à qui ils ont immédiatement été dirigé alors que tous les éléments du contrat avaient déjà été conclus. Selon l’intimée, il s’agirait-là d’un stratagème de mauvaise foi qui violerait des dispositions de la Lpc relatives aux contrats conclus par un commerçant itinérant, puisque cette sollicitation aurait été faite par un représentant de la requérante alors qu’il ne se trouvait pas dans un de ses établissements permanents. Ce faisant, la requérante se soustrairait de ses obligations incombant à tout commerçant itinérant.
[5] Selon la requérante, ces allégations ne donneraient pas ouverture à une éventuelle condamnation à des dommages punitifs puisqu’elles ne reposent que sur des opinions, de la spéculation et de la rhétorique, ce que le juge aurait dû conclure.
[6] La requérante soutient aussi que le juge a erré en droit en définissant le groupe visé sans égard au fondement de la demande et de façon incohérente avec les dispositions de la Lpc et du RaLpc. Plus spécifiquement, le juge aurait autorisé deux causes d’actions, la première à l’égard de sollicitations « porte-à-porte » et la seconde à l’égard des contrats conclus ailleurs qu’à l’un de ses établissements. Or, soutient‑elle, un grand nombre de contrats peuvent avoir été conclus ailleurs qu’à l’un de ses établissements, et ce, tout à fait légalement, l’article 8 RaLpc prévoyant expressément que les dispositions relatives aux contrats conclus par un commerçant itinérant ne s’appliquent pas à certains contrats conclus à un marché public ou à une exposition agricole ou commerciale ainsi qu’aux contrats conclus à distance même lorsque la sollicitation a été faite par le commerçant ailleurs qu’à son adresse (la requérante avance d’ailleurs aussi que le contrat passé avec la représentante serait couvert par cette exception).
[7] Un jugement autorisant une action collective ne peut être porté en appel qu'avec la permission d'un juge de la Cour, laquelle n’est accordée que si le requérant démontre que le jugement comporte « à sa face même une erreur concernant l'interprétation des conditions d'exercice de l’action collective ou l’appréciation des faits relatifs à ces conditions, ou encore, lorsqu’il s'agira d'un cas flagrant d'incompétence de la Cour supérieure »[3]. Le test est « exigeant » et la permission d'appel ne sera accordée que de façon exceptionnelle.
[8] Je suis d’avis qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande pour permission d’appeler.
[9] Le juge de première instance, référant aux motifs du juge Bachand dans Benjamin c. Crédit VW Canada inc.[4], estime que la requérante n’a pas démontré que la description des faits et la qualification qu’en fait l’intimée présente moins qu’une simple possibilité d’avoir gain de cause au fond. En outre, il explique que l’article
[10] Peut-être l’audition sur le fond permettra-t-elle de démontrer que l’intimée ne rencontre pas son fardeau de preuve des faits et des infractions allégués; de même, peut-être l’audition au fond permettra-t-elle de démontrer que la composition du groupe doit être restreinte et que certains types de contrats ne sont pas couverts par la demande d’action collective : tel est le but de la défense et de l’audition sur le fond.
Toutefois, vu le simple rôle de filtrage de la requête pour autorisation et le rôle encore plus restreint du juge chargé d’autoriser les appels des jugements qui autorisent une action collective, la requérante ne convainc pas que le juge a, à la face même du jugement, erré de manière manifeste et déterminante ou a commis une simple erreur de droit.
[11] La requérante ne me convainc donc pas que les critères d’octroi d’une permission d’appeler du jugement d’autorisation prévus à l'article
POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :
[12] REJETTE la demande pour permission d’appeler, avec les frais de justice.
| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. |
[1] RLRQ, c. p-40.1.
[2] RLRQ, c. p-40.1, r.3.
[3] Centrale des syndicats du Québec c. Allen,
[4] Benjamin c. Crédit VW Canada inc.,
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