Décision

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Gendron c. 9272-2800 Québec inc. (Scootershop)

2022 QCCQ 4373

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE ST-JÉRÔME

 :

700-32-702919-190

 

DATE :

4 mai 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU

JUGE PATRICK

CHOQUETTE, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

PIERRE-MARC GENDRON

Demandeur

c.

9272-2800 QUÉBEC INC. f.a.s.n. LA SCOOTERSHOP

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Pierre-Marc Gendron demande l’annulation de la vente d’un cyclomoteur de marque Yamaha de l’année 2009, le remboursement du prix d’achat de 2 539,80 $ et des dommages de 400 $ au motif que ce véhicule est affecté de vices qui le rendent impropre à l’usage auquel il est destiné.

[2]                9272-2800 Québec inc. (Scootershop) conteste la demande aux motifs que la garantie contractuelle d’une période de deux ans est honorée, laquelle est expirée au moment de la mise en demeure de Pierre-Marc Gendron.

Les questions en litige

a)     Le cyclomoteur est-il impropre à l’usage auquel il est destiné au moment de la vente?

b)     Pierre-Marc Gendron a-t-il droit à l’annulation de la vente et des dommages-intérêts?

Le contexte

[3]                Le 7 mai 2017, Pierre-Marc Gendron fait l’achat d’un cyclomoteur de marque Yamaha de l’année 2009 pour son plus jeune fils chez Scootershop d'une somme de 2 539,80 $[1].

[4]                La vente est assortie d’une garantie contractuelle d’une période de deux ans pour le remplacement ou la réparation de pièces défectueuses dans les conditions normales d’utilisation[2]. Cette garantie est nulle, si les scellés sur les boulons sont brisés, et conditionnelle à la mise au point printanière du cyclomoteur chez Scootershop.

[5]                Pierre-Marc Gendron prend possession du cyclomoteur le 13 mai 2017. Dès le 22 mai 2017, le cyclomoteur montre des indices de mauvais fonctionnement.

[6]                Le 15 juin 2017, il constate les problèmes de démarrage occasionnels du cyclomoteur et le mauvais fonctionnement des composantes électriques comme le klaxon et l’éclairage. Le cyclomoteur est transporté à l’atelier de Scootershop qui procède au remplacement de la batterie, sous garantie.

[7]                Les 18 juillet, 17 août et 17 octobre, le cyclomoteur est en panne et nécessite des remorquages. Il est ensuite entreposé pour l’hiver.

[8]                Pierre-Marc Gendron amène le cyclomoteur à l’atelier de Scootershop vers le 15 mai 2018 pour l’entretien printanier. Plusieurs composantes sont remplacées sous garantie dont la batterie, à nouveau[3].

[9]                Dans les jours suivants, les problèmes de démarrage intermittents se manifestent et le cyclomoteur est souvent en panne. Le cyclomoteur est rapporté à l’atelier de Scootershop au début du mois d’août 2018. Après vérification, les problèmes ont pour origine la saleté dans le réservoir d’essence et les travaux effectués ne sont pas inclus à la garantie contractuelle[4]. Selon le bon de travail du 6 août 2018, l’odomètre affiche 1 222 km.

[10]           Selon Pierre-Marc Gendron, son fils vit toujours les mêmes problèmes de fiabilité, le cyclomoteur ne démarre que 20 % du temps et n’est que très peu utilisé lors des mois d’août, septembre et octobre jusqu’à son remisage hivernal[5].

[11]           Le cyclomoteur est à nouveau conduit à l’atelier de Scootershop en avril 2019 pour la mise au point printanière. Plusieurs composantes sont remplacées sous garantie dont le démarreur et la batterie[6].

[12]           Après quelques jours d’utilisation, le cyclomoteur est à nouveau en panne et rapporté à l’atelier de Scootershop vers le 27 avril 2019.

[13]           À cette occasion, Scootershop procède au changement du carburateur sous garantie. L’odomètre du cyclomoteur affiche 1 330 km selon le bon de travail du 2 mai 2019[7].

[14]           Après quelques jours d’utilisation, le cyclomoteur montre les mêmes problèmes de fonctionnement et de démarrage intermittents. Le représentant de Scootershop vient reprendre le cyclomoteur le 20 mai 2019, mais avise cette fois que les réparations requises ne sont pas couvertes par la garantie contractuelle maintenant expirée.

[15]           Pierre-Marc Gendron constate que les nombreuses réparations n’améliorent pas la fiabilité du cyclomoteur et que les prochaines réparations ne seront pas sous garantie.

[16]           En plus des frais d’immatriculation et d’assurance pour un cyclomoteur qui ne fonctionne que de façon intermittente, Pierre-Marc Gendron considère que les coûts ne feront qu’augmenter.

[17]           Le 17 juin 2019, Pierre-Marc Gendron met Scootershop en demeure de lui rembourser 2 950 $ puisque le cyclomoteur ne fonctionne pas et n’a jamais fonctionné correctement[8].

[18]           Scootershop répond, le 25 juin 2019, et conteste les prétentions de Pierre-Marc Gendron. Daniel Héroux, président de Scootershop, souligne que le programme de garantie est honoré du début à la fin, garantie maintenant échue.

[19]           Lors de l’instruction, Pierre-Marc Gendron informe le Tribunal que le cyclomoteur est vendu 500 $ à un commerçant, pour la valeur des pièces. Il modifie sa demande en conséquence.

Analyse

a)     Le cyclomoteur est-il impropre à l’usage auquel il est destiné au moment de la vente?

[20]           Il s’agit d’un contrat de vente de véhicule usagé entre un consommateur et un commerçant. Cette réclamation doit être étudiée en fonction des dispositions suivantes du Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur (RLRQ, c. P40.1) relativement à la garantie de qualité et d’usage normal :

Code civil du Québec

[1726] Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[1727] Lorsque le bien périt en raison d’un vice caché qui existait lors de la vente, la perte échoit au vendeur, lequel est tenu à la restitution du prix; si la perte résulte d’une force majeure ou est due à la faute de l’acheteur, ce dernier doit déduire, du montant de sa réclamation, la valeur du bien, dans l’état où il se trouvait lors de la perte.

[1728] Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l’ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l’acheteur.

[1729] En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

[1733] Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s’il n’a pas révélé les vices qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien.

Cette règle reçoit exception lorsque l’acheteur achète à ses risques et périls d’un vendeur non professionnel.

Loi sur la protection du consommateur (LPC)

[34] La présente section s’applique au contrat de vente ou de louage de biens et au contrat de service.

[35] Une garantie prévue par la présente loi n’a pas pour effet d’empêcher le commerçant ou le fabricant d’offrir une garantie plus avantageuse pour le consommateur.

[37] Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

[38] Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[261] On ne peut déroger à la présente loi par une convention particulière.

[262] À moins qu’il n’en soit prévu autrement dans la présente loi, le consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la présente loi.

[272] Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a) l’exécution de l’obligation;

b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c) la réduction de son obligation;

d) la résiliation du contrat;

e) la résolution du contrat; ou

f) la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

[21]           Le commerçant peut toujours offrir une garantie contractuelle, mais celle-ci ne peut en aucun temps être moins avantageuse que la garantie légale. On ne peut d’ailleurs exclure la garantie d’usage normal d’un bien prévue aux articles 37 et 38 LPC.

[22]           Ces dispositions allègent le fardeau du consommateur qui n’est pas tenu de faire une preuve directe d’un vice caché, mais doit plutôt démontrer que le bien ne sert pas, pendant une durée raisonnable, considérant les critères énumérés à l’article 38 de la LPC.

[23]           Dans un arrêt récent de la Cour d’appel du Québec[9], on y explique que pour les contrats de consommation, les articles 37 et 38 LPC créent une présomption de responsabilité; le commerçant et le fabricant ne peuvent plaider leur ignorance d’un vice dont l’existence est prouvée ou présumée lors de la vente. Leur seule défense est de prouver que le bien n’est affecté d’aucun défaut caché lorsque mis sur le marché.

[24]           Pour bénéficier de la présomption de responsabilité découlant de ces articles, le consommateur doit donc satisfaire les deux conditions suivantes :

1) qu’il acquiert le bien d’un commerçant;

2) que le bien ne sert pas à l’usage auquel il est normalement destiné ou ne sert pas à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard au prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[25]           Évidemment, le premier élément de la condition s’applique puisque Scootershop est un commerçant assujetti à la LPC.

[26]           Quant à la seconde condition, les problèmes de fonctionnement et de démarrages intermittents se manifestent dès les premières journées suivant la vente.

[27]           Même si effectués sous garantie durant les deux premières années, plusieurs composantes sont remplacées dont la batterie, en deux occasions, et le carburateur ce qui, selon la preuve non contredite, n’améliore pas le fonctionnement du cyclomoteur.

[28]           En juin 2019, malgré la mise au point et d’autres remplacements sous garantie, le cyclomoteur n’est pas fonctionnel et est fréquemment en panne. Le cyclomoteur n’est pas utilisé depuis.

[29]           On peut certes affirmer que Scootershop est de bonne foi et honore la garantie conventionnelle en remplaçant à ses frais de nombreuses pièces défectueuses durant une période de 2 ans.

[30]           Mais la liste des composantes défectueuses et la récurrence des mêmes problèmes empêchent le fils de Pierre-Marc Gendron de jouir d’un usage normal du bien pendant une durée raisonnable.

[31]           Dans son tableau/calendrier[10], Pierre-Marc Gendron illustre les dates où le cyclomoteur est soit en atelier, utilisé, ou inutilisable. Force est de constater que le fils de Pierre-Marc Gendron ne profite que très peu du cyclomoteur durant les périodes estivales de 2017 et 2018. Le faible kilométrage enregistré à l’odomètre le confirme.

[32]           Daniel Héroux de Scootershop plaide que les jeunes conducteurs de cyclomoteur ne prennent généralement pas soin de leur monture et qu’ils ne connaissent que deux vitesses soit « arrêté » et « pleins gaz ». Il ajoute également qu’il ne faut pas s’attendre à la même fiabilité mécanique que pour une automobile.

[33]           Ces hypothèses générales ne satisfont pas le lourd fardeau de preuve incombant au commerçant de démontrer que les problèmes émanent d’un mauvais usage ou n’existent pas lors de la vente.

[34]           On ne reproche pas à Scootershop de ne pas honorer sa garantie contractuelle, mais de vendre un bien qui ne sert pas à l’usage auquel il est destiné.

[35]           Malgré sa bonne foi, Scootershop est responsable, au terme de la garantie légale de qualité, d’usage et de durabilité prévue à la LPC.

[36]           Daniel Héroux admet d’ailleurs que Pierre-Marc Gendron subit plus de problèmes que la moyenne. De façon tout aussi sincère, il relate également que l’entreprise n'œuvre plus dans le secteur de la vente des cyclomoteurs à essence usagés.

[37]           Le Tribunal conclut donc qu’à la date de la vente, le cyclomoteur est affecté de vices importants qui en empêchent l’usage normal.

b)    Pierre-Marc Gendron a-t-il droit à l’annulation de la vente et des dommages-intérêts?

[38]           Lors de l’instruction, Pierre-Marc Gendron informe le Tribunal de la vente du cyclomoteur à un commerçant pour le prix de 500 $. Il comprend qu’il n’est plus en mesure de demander l’annulation de la vente, ne pouvant remettre le bien.

[39]           Il modifie sa réclamation pour réclamer les dommages de 2 939,80 $ moins les 500 $ reçus de la vente du cyclomoteur pour un total de 2 450 $[11].

[40]           Il informe le Tribunal qu’il ne dispose d’aucune facture ou preuve documentaire justifiant la réclamation de 400 $ pour frais de remorquage.

[41]           Prouve-t'il des dommages de 2 040 $?

[42]           La perte d’usage, les troubles inconvénients liés aux pannes et la perte de valeur du véhicule lors de la revente constituent des dommages compensables. Toutefois, le Tribunal doit considérer que le bien est utilisé pendant un certain temps. Usant de sa discrétion, le Tribunal évalue les dommages subis par Pierre-Marc Gendron à 1 500 $[12].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[43]           ACCUEILLE la demande en partie;

[44]           CONDAMNE 9272-2800 Québec inc. à payer à Pierre-Marc Gendron 1 500 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la demeure soit le 25 juin 2019;

[45]           CONDAMNE 9272-2800 Québec inc. au paiement des frais judiciaires limités à la somme de 103 $ représentant les droits de greffe quant au dépôt de la demande.

 

 

__________________________________

PATRICK CHOQUETTE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

2 mars 2022

 


[1] P-1.

[2] D-2.

[3] D-4.

[4] D-5.

[5] Tableau d'utilisation P-5.

[6] D-6.

[7] D-6.

[8] P-3.

[9] CNH Industrial Canada Limited c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, 2017 QCCA 154 et Renaud c. Auto Jean Yan, 2017 QCCQ 2403.

[10] P-5.

[11] Arrondi.

[12] Voir notamment Provost c. Bazoo Scooter, 2010 QCCQ 7839.

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