CONSEIL DE DISCIPLINE |
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ORDRE DES TRAVAILLEURS
SOCIAUX ET DES THÉRAPEUTES |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
37-17-013 |
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DATE : |
Le 11 mai 2018. |
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LE CONSEIL : |
Me MYRIAM GIROUX-DEL ZOTTO |
Présidente |
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Mme ANNE-MARLEINE DELCY, travailleuse sociale |
Membre |
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Mme CLAIRE SOUCY, travailleuse sociale |
Membre |
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ÉTIENNE CALOMNE, travailleur social, ès qualités de syndic adjoint de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec |
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Plaignant |
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c. |
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MANON FOURNIER, travailleuse sociale |
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Intimée |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION |
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CONFORMÉMENT
AU DEUXIÈME PARAGRAPHE DE L’ARTICLE
LE CONSEIL DE DISCIPLINE REND LA MÊME ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIVULGATION ET DE NON-DIFFUSION DES INFORMATIONS RELATIVES À LA CONDITION DE SANTÉ DES DEUX USAGERS VISÉS PAR LA PLAINTE, DES SERVICES DU CENTRE LOCAL DE SERVICES COMMUNAUTAIRES CONSULTÉS PAR CEUX-CI AINSI QUE LES RAISONS À L’ORIGINE DE CES CONSULTATIONS POUR UN MOTIF DE VIE PRIVÉE ET DE SECRET PROFESSIONNEL.
CONFORMÉMENT
AU DEUXIÈME ALINÉA DE L’ARTICLE
INTRODUCTION
[1] Le 12 octobre 2017, Étienne Calomne (le plaignant), syndic adjoint de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (l’Ordre), dépose une plainte disciplinaire contre Manon Fournier (l’intimée) lui reprochant d’avoir posé un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de sa profession en consultant, sans autorisation et sans justification professionnelle, les dossiers de deux usagers d’un Centre local de services communautaires (le CLSC).
[2] À l’audition, l’intimée enregistre un plaidoyer de culpabilité sur le chef d’infraction de la plainte.
[3] Considérant que celle-ci est membre de l’Ordre et qu’elle enregistre un tel plaidoyer, le Conseil de discipline (le Conseil), unanimement et séance tenante, la déclare coupable du chef de la plainte.
[4] Les parties sont ensuite prêtes à se faire entendre au sujet de la sanction, le plaignant suggérant d’imposer à l’intimée une période de radiation temporaire de deux semaines sur ce chef et l’intimée une réprimande.
LA PLAINTE
[5] La plainte disciplinaire du présent recours comporte un seul chef d’infraction ainsi libellé :
1.
Le ou vers le 25 avril
2016, l’intimée, exerçant sa profession au CIUSSS de
l’Est-de-l’Ile-de-Montréal, a posé un acte dérogatoire à l’honneur et à la
dignité de sa profession en consultant, sans autorisation et sans justification
professionnelle, les dossiers de deux usagers du CLSC Hochelaga-Maisonneuve, soit Mme (…) et
M. (…), commettant ainsi une infraction aux dispositions de l’article
[Reproduction intégrale sauf l’anonymisation]
QUESTION EN LITIGE
[6] Le Conseil doit répondre à la question en litige suivante :
1) Quelle est la sanction juste et appropriée dans les circonstances particulières du présent dossier?
[7] Le Conseil est d’avis que la réprimande constitue la sanction répondant à ces critères pour les motifs exposés ci-après dans la décision.
CONTEXTE
[8] L’intimée devient membre de l’Ordre le 29 juin 1993.
[9] Elle agit à ce titre jusqu’au 1er octobre 1994, date où elle déménage en France.
[10] L’intimée revient au Québec en 2010.
[11] Depuis ce temps, elle exerce sa profession auprès de la clientèle enfance-famille-jeunesse au sein d’un CLSC faisant partie du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal (le CIUSSS).
[12] Les employés offrant des services professionnels à ce CLSC ont accès à un dossier informatique permettant de consigner les informations relatives aux clients qui les consultent.
[13] Pour y parvenir, ils utilisent le numéro d’identification personnelle (le NIP) que l’employeur leur attribue, ce qui établit l’identité de l’employé concerné lors d’une consultation du dossier informatique d’un client.
[14] En 2014, l’intimée reçoit des collègues de travail dans la cour arrière de sa résidence.
[15] Elle apprend alors que l’un d’entre eux a déjà rendu des services professionnels à un couple de son voisinage (le couple) lorsque l’un des conjoints du couple le salue indiquant l’avoir connu à titre de travailleur social.
[16] Pendant l’été 2015, les relations entre l’intimée, son conjoint, leur fils et ce couple se détériorent.
[17] Le couple cultive des fleurs en pot dans le jardin de leur domicile pour en faire le commerce.
[18] Soupçonnant l’intimée d’être à l’origine de la disparition d’une partie de leurs cultures, ils installent des caméras de surveillance, la mettent en demeure de cesser de poser les gestes reprochés en plus de la suivre avec attention de manière à contrôler ses déplacements.
[19] L’intimée, se sentant harcelée par les comportements du couple, se demande si les relations tendues avec ses voisins sont liées à des problèmes de santé mentale.
[20] Elle évoque cette possibilité avec son conjoint et leur fils pour expliquer le conflit dans lequel ils se trouvent en les invitant à être prudents pour éviter d’aggraver la situation.
[21] Le 25 avril 2016, désemparée face à cette situation et l’escalade des tensions prévalant entre sa famille et le couple, l’intimée consulte les dossiers informatiques que le CLSC possède à leur sujet sachant qu’ils ont déjà eu recours à des services professionnels dans le passé.
[22] À ce moment, elle n’intervient pas à titre de membre de l’Ordre auprès du couple et aucun motif professionnel ne justifie la consultation du dossier informatique de ces deux personnes.
[23] L’intimée prend connaissance d’un premier dossier en consultant les notes évolutives des deux professionnels du CLSC consultés.
[24] Elle accède ensuite au dossier de l’autre personne comprenant les notes évolutives des trois professionnels du CLSC ayant rendu des services à celle-ci.
[25] Par la suite, l’un des deux conjoints du couple se rend au domicile de l’intimée pour discuter avec elle.
[26] C’est le fils de l’intimée qui répond en son absence, cette dernière étant en France pour la période des vacances.
[27] Cette personne requière du fils de l’intimée qu’il demande à sa mère de cesser de voler les plantes dans leur cour arrière.
[28] Le fils de l’intimée rétorque à cette personne que si elle a des problèmes de dépression, elle doit se faire soigner.
[29] À la suite de cet événement, le couple s’inquiète que l’intimée et sa famille détiennent des informations confidentielles au sujet de leur santé en raison des activités professionnelles que celle-ci exerce au CLSC.
[30] Le 20 juin 2016, ils déposent une plainte à la Commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CIUSSS (la Commissaire aux plaintes) assignée au CLSC où exerce l’intimée.
[31] Le 8 juillet 2016, la Commissaire aux plaintes confirme que l’intimée a consulté les dossiers informatiques du couple le 25 avril 2016, ce qui constitue un bris de confidentialité.
[32] Le 14 juillet 2016, l’intimée est informée de la décision du CIUSSS de lui imposer une suspension de cinq jours sans solde pour les gestes qu’elle a posés le 25 avril 2016.
ANALYSE
[33] L’arrêt de principe en matière de sanction disciplinaire est Pigeon c. Daigneault[1].
[34] Dans ce jugement, la Cour d’appel confirme l’importance d’imposer une sanction juste et raisonnable adaptée aux circonstances particulières du cas à l’étude et permettant d’atteindre les objectifs suivants : au premier plan, la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser les mêmes gestes tout en considérant le droit du professionnel d'exercer sa profession.
[35] Il y a lieu de souligner que l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif[2].
[36] L’analyse, d’une façon équilibrée, des éléments objectifs et subjectifs propres au professionnel ayant commis l’infraction et du contexte dans lequel celle-ci a été perpétrée, permet de s’assurer que la sanction retenue ne soit pas punitive.
[37] Parmi les facteurs objectifs à considérer se retrouvent la gravité de la faute, le préjudice découlant des gestes reprochés au professionnel et subi par le public, le lien de l’infraction avec l’exercice de la profession, le fait que le geste constitue un geste isolé ou répétitif et la gradation des sanctions face à l’existence d’antécédents disciplinaires.
[38] Concernant les facteurs subjectifs, il faut notamment tenir compte du contexte de l’infraction, de l'expérience, du plaidoyer de culpabilité, du passé disciplinaire, du risque de récidive, de l’absence ou non de bénéfice personnel ou de préméditation et de l'âge du professionnel de même que sa volonté de corriger son comportement[3].
[39] C’est dans la perspective des paramètres exposés précédemment que le Conseil répond à la question en litige en procédant d’abord à l’analyse des facteurs objectifs et subjectifs propres au dossier présentement à l’étude, ces derniers devant être pris en considération pour répondre adéquatement à celle-ci.
[40] L’étude des décisions soumises par les parties aidera également le Conseil à trancher le débat dont il est saisi.
Quelle est la sanction juste et appropriée dans les circonstances particulières du présent dossier?
Les facteurs objectifs
[41]
Faut-il le rappeler, l’intimée enregistre un plaidoyer de culpabilité
sur le chef d’infraction de la plainte fondée sur l’article
Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.
[42] Il s’agit d’une disposition générale permettant d’apprécier toute faute disciplinaire lorsqu’aucune autre règle n’existe à l’égard d’une conduite qui, par ailleurs, peut être répréhensible.
[43]
Au sujet de l’article
[44]
L’obligation générale du professionnel d’agir en tout temps d’une façon
compatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession inclut
celle de respecter l’obligation codifiée à l’article
[45] Cet article impose au professionnel de respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession.
[46] Le Code des professions étant la loi applicable à l’ensemble des professionnels, l’adoption de l’article 60.4 par le législateur confirme l’importance de cet élément dans la relation professionnelle.
[47] De plus, la codification des exceptions établissant les paramètres limités à l’intérieur desquels il est permis à un professionnel d’y déroger démontre toute l’importance de ce droit dans notre système professionnel.
[48] Le Tribunal des professions[5] explique en ces termes la raison objective pour laquelle cette obligation revêt un caractère aussi important en droit professionnel :
Le secret professionnel est à la base même de tout le droit professionnel puisqu'il vise à assurer une relation de confiance entre le bénéficiaire des services et le professionnel.
[49] L’intimée agissant à titre de membre de l’Ordre obtient des informations confidentielles en raison des privilèges associés à l’exercice de sa profession.
[50] Cependant, la démarche que celle-ci entreprend à l’égard du couple ne s’inscrit pas dans le cadre d’une relation professionnelle, mais elle est initiée par l’existence d’un conflit interpersonnel de voisinage relevant de la sphère de sa vie privée.
[51] Le professeur Royer explique que le secret professionnel vise deux objectifs soit celui de protéger la confidentialité des rapports entre un professionnel et son client et celui d’assurer la non-divulgation en justice de ces informations confidentielles[6].
[52] En consultant les dossiers du couple, l’intimée brise la confidentialité des informations obtenues par les autres professionnels qu’ils ont consultés.
[53] Comme l’énonce la Cour d’appel dans Mintz[7], la reconnaissance du secret professionnel est intimement liée aux valeurs fondamentales d’une société, à savoir le droit à la protection de la vie privée et à la dignité humaine.
[54]
La confidentialité de renseignements obtenus dans le cadre d’une
relation professionnelle constitue effectivement une valeur fondamentale de la
société québécoise en vertu de l’article
[55] Dans l’arrêt de la Cour d’appel précité[8], il est établi qu’en dépit de l’importance à ce que le secret professionnel soit le plus absolu possible, le client peut y renoncer de façon expresse ou tacite.
[56] Les principes entourant la renonciation au secret professionnel établissent que seul le client est habileté à le faire puisque c’est à lui que les informations confidentielles appartiennent.
[57] Dans le présent dossier, faut-il le rappeler, aucune des deux exceptions au secret professionnel ne s’applique.
[58] Tous ces éléments démontrent la gravité objective de l’infraction que l’intimée commet.
[59] La gravité d’une infraction s’évalue aussi en fonction des conséquences probables, que ces conséquences se soient matérialisées ou non[9].
[60] En l’espèce, la simple possibilité qu’une telle conduite ébranle la confiance du public suffit à établir la gravité objective de la contravention présentement à l’étude.
[61] En résumé, les facteurs objectifs devant être pris en considération dans la détermination de la sanction à imposer à l’intimée sont les suivants :
· La contravention alléguée à la plainte constitue un acte isolé;
· La gravité de la faute professionnelle à l’étude pour les motifs invoqués précédemment;
· La nécessité d’imposer une sanction exemplaire pour dissuader les autres membres de la profession de poser les mêmes gestes ainsi que l’intimée de récidiver.
Les facteurs subjectifs
[62] Au niveau des facteurs atténuants propres au présent dossier, il faut retenir :
· Le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimée à l’égard du chef de la plainte;
· L’absence d’antécédents disciplinaires la concernant;
· La suspension de cinq jours sans solde que l’employeur impose à l’intimée à la suite de l’infraction qui lui est reprochée.
[63] L’intimée prétend avoir consulté les deux dossiers informatiques des usagers visés par la plainte pendant six minutes seulement.
[64] Cependant, ce fait ne peut être retenu à titre d’élément atténuant.
[65] Tout comme la Cour supérieure[10], le Conseil est d’opinion que la confidentialité ne vit qu’une fois.
[66] Ainsi, si des informations sont révélées sans droit, le dommage ne peut être réparé, et ce, indépendamment du délai écoulé entre le début et la fin de la consultation.
[67] Également, l’intimée souligne l’absence de divulgation à des tiers des informations obtenues lors de la consultation des deux dossiers informatiques.
[68] Elle insiste aussi sur son absence d’intention malicieuse à l’égard de l’utilisation des informations confidentielles recueillies souhaitant seulement mettre fin au conflit de voisinage par des interventions plus efficaces et mieux adaptées à la personnalité des deux personnes impliquées dans celui-ci.
[69] En dépit de l’absence d’une preuve que celle-ci révèle les renseignements confidentiels à des tiers, que l’intimée ait ou non eu l’intention de briser la confidentialité du secret de ces renseignements ne constitue pas un élément pertinent à considérer en droit disciplinaire comme le rappelle la Cour supérieure dans l’affaire Lapointe[11].
[70] Il est bien établi que les infractions disciplinaires sont de responsabilité stricte, et que les notions de « mauvaise foi » ou « intention de tromper » ne présentent de pertinence que s'il s'agit là d'un élément constitutif prévu dans le libellé d'une disposition[12]. Ce qui n’est pas le cas ici.
[71] Le Code des professions s’applique à tous les professionnels et met en place divers mécanismes afin d’assurer la protection du public par la surveillance de l’exercice de la profession[13].
[72] L’arrêt Tremblay c. Dionne[14] de la Cour d’appel énonce que les lois d’organisation des ordres professionnels sont des lois d’ordre public, politique et moral ou de direction qui doivent s’interpréter en faisant primer les intérêts du public sur les intérêts privés.
[73] En consultant le dossier informatique et confidentiel de deux personnes de son voisinage, l’intimée utilise les privilèges que l’exercice de sa profession lui confère pour tenter de régler une situation difficile relevant de sa vie privée.
[74] Malgré l’objectif de l’intimée d’utiliser ces informations pour améliorer ses interventions auprès des personnes concernées, il demeure que sa démarche s’inscrit dans le conflit de voisinage dans lequel elle et sa famille se trouvent.
[75] En conséquence, par sa conduite l’intimée fait primer ses intérêts sur ceux du public à qui des services professionnels sont rendus.
[76] D’autres solutions plus appropriées doivent être envisagées par le professionnel vivant un tel conflit que la transgression d’une obligation aussi importante que le respect du secret professionnel.
[77] L’intimée étant membre de l’Ordre depuis le 29 juin 1993, elle possède six années d’expérience professionnelle au moment de commettre l’infraction.
[78] Il s’agit d’un élément aggravant, puisqu’elle aurait dû savoir qu’elle était tenue de respecter l’obligation fondamentale qui lui incombe de préserver la confidentialité des renseignements consignés au dossier informatique des clients recevant des services professionnels du CIUSSS ou de toute autre institution du réseau public de la santé auquel son titre lui donne accès.
[79] Le plaignant souligne qu’au mois de novembre 2015, le couple exige que leur demande de services professionnels soit confiée à un autre CLSC plutôt qu’à celui où exerce l’intimée, craignant que le conflit avec cette dernière mette en péril la confidentialité des informations consignées à leurs dossiers.
[80] Selon lui, il s’agit d’un autre fait aggravant devant être considéré pour la détermination de la sanction.
[81] La preuve établit que cette demande est formulée dans un contexte de relation établie avec une autre professionnelle que l’intimée.
[82] En conséquence, en l’absence d’une preuve que l’intimée est informée de l’existence de cette demande au moment où elle consulte les dossiers visés par la plainte, on ne peut tirer l’inférence négative que suggère le plaignant.
[83] Le risque de récidive est aussi un facteur pertinent à la détermination d’une sanction disciplinaire adéquate comme le rappelle le Tribunal des professions dans l’affaire Médecins (Ordre professionnel des) c. Chbeir[15].
[84] À cet égard, le plaignant qualifie le risque de faible étant donné que l’intimée reconnaît d’emblée l’infraction reprochée, les regrets sincères qu’elle exprime et les conséquences subies liées à sa faute professionnelle.
[85] Le Conseil est d’accord avec l’évaluation du plaignant en l’absence d’une preuve qu’il existe un risque à cet égard.
[86] De plus, faut-il le souligner, le Conseil est justifié de lui faire confiance considérant la mission première de celui-ci d’assurer la protection du public.
[87] Également, ayant rencontré l’intimée en personne, le plaignant est en meilleure position pour évaluer s’il existe un risque de récidive dans la perspective où celle-ci choisit de s’abstenir de témoigner devant le Conseil.
La jurisprudence
[88] Le plaignant soumet plusieurs décisions pour étayer sa recommandation au sujet de la sanction à imposer alors que l’intimée en présente deux autres[16].
[89] Rappelons que le plaignant recommande l’imposition d’une période de radiation temporaire de deux semaines alors que l’intimée estime que la réprimande constitue la sanction appropriée.
[90]
Il ressort de l’analyse des cas de contraventions à l’article
[91] Par ailleurs, la plupart de ces cas sont plus graves que le présent dossier s’agissant de professionnel ayant consulté sans droit plus de dossiers que l’intimée[17] ou ayant commis l’infraction pendant une période plus longue qu’une seule journée[18].
[92]
L’affaire Marquis[19]
doit être écartée, l’article
[93] Le Conseil de discipline de la cause Minca[20] impose une période de radiation temporaire de trois mois à la docteure ayant consulté, le 10 juin 2016, le Dossier Santé Québec d’une amie qu’elle considère comme une mère, étant malade, ayant quitté son domicile en ambulance et dont personne ne sait où elle se trouve, pas même son mari.
[94] Cependant, à la différence du présent dossier, cette sanction résulte d’une recommandation conjointe des parties entérinée par le Conseil et la disposition de rattachement de l’infraction à laquelle cette professionnelle est déclarée coupable est l’article 60.4 du Code de déontologie.
[95] De plus, la lecture de la décision permet d’apprendre que ce médecin divulgue à une amie l’endroit où la dame est hospitalisée créant ainsi une brèche dans le bouclier mis en place par le personnel soignant pour protéger la dame de son mari qui l’aurait violentée.
[96] Sans minimiser l'importance du principe de la parité des sanctions imposées par les pairs, il est établi qu’un conseil de discipline n'est pas lié par ses précédents[21].
[97] Selon le Tribunal des professions dans Bion[22], ce principe est encore plus vrai en ce qui a trait aux précédents émanant d'ordres distincts, chaque ordre étant indépendant et chaque conseil de discipline étant composé de pairs membres du même ordre.
[98] En l’espèce, une période de radiation temporaire aurait un effet punitif pour l’intimée en égard aux circonstances dans lesquelles elle commet sa faute et de la suspension de cinq jours sans soldes lui ayant été imposée par son employeur.
[99]
Une telle sanction risque également de détériorer les relations déjà tendues
avec les personnes du voisinage de l’intimée visées par le présent recours
notamment par la publication de la décision devant normalement être ordonnée à
la suite de l’imposition d’une radiation conformément au sixième alinéa de
l’article
[100] Par ailleurs, la réprimande constitue une sanction plus juste prenant en considération l’ensemble des particularités du présent dossier d’une façon équilibrée permettant ainsi d’atteindre les objectifs de protection du public et d’exemplarité.
[101] L’intimée devra vivre avec l’antécédent disciplinaire qui s’inscrit maintenant dans son parcours professionnel et répondre aux questions de ses pairs, de son employeur actuel ou futur, ou de ses clients informés de la situation, le cas échéant.
[102] À la différence d’un avertissement émanant de l’Ordre ou d’un employeur, cet événement marque l’histoire professionnelle de l’intimée sans qu’il soit possible d’en effacer la trace.
[103] Il s’agit d’une des conséquences qu’une condamnation disciplinaire risque de comporter pour le professionnel concerné devant également être considérée.
[104] Enfin, l’analyse de la sanction de réprimande, par l’intimée et les autres membres de la profession informés des faits relatifs à la faute de celle-ci, les incitera à éviter de poser les mêmes gestes que ceux faisant l’objet de la présente plainte étant donné le caractère raisonnable de cette sanction.
[105] Il s’agit d’un élément important répondant à la préoccupation de dissuasion du droit disciplinaire.
DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, SÉANCE TENANTE ET UNANIMEMENT, LE 9 AVRIL 2018 :
[106] A
DÉCLARÉ l’intimée coupable du chef d’infraction de la plainte disciplinaire
en vertu de l’article
ET CE JOUR :
[107] IMPOSE à l’intimée une réprimande.
[108] CONDAMNE
l’intimée au paiement des déboursés en vertu de l’article
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_________________________________________ Me MYRIAM GIROUX-DEL ZOTTO Présidente
_________________________________________ Mme ANNE-MARLEINE DELCY, travailleuse sociale Membre
_________________________________________ Mme CLAIRE SOUCY, travailleuse sociale Membre |
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Me Caroline Leblanc |
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Avocate du plaignant |
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Me Robert Tremblay |
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Avocat de l’intimée |
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Date d’audience : |
9 avril 2018 |
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[1]
[2]
Royer c. Chambre de la sécurité financière,
[3] Jean-Guy Villeneuve, Nathalie Dubé et Tina Hobday, Delbie Desharnais, François Lebel et al., Précis de droit professionnel, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 242-259.
[4]
Cardinal c. Chartrand,
[5]
Tran c. Maheu, ès-qual. (chimistes),
[6]
Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée,
[7] Dominion Nickel Investments Ltd. c. Mintz,
[8] Dominion Nickel Investments Ltd. c. Mintz, supra, note 7.
[9]
Lemire c. Médecins,
[10]
Aluminerie Alouette inc. c. Commission
d'accès à l'information (C.S.,
1991-01-24),
[11]
Lapointe c. Backler,
[12]
Bélanger c. Ingénieurs,
[13] Pharmascience
inc. c. Binet,
[14]
[15]
[16] Secours c. Fortin, 1994 CanLII 10843 (QC TP); Sicotte c. Fortin, 1995 CanLII 10866 (QC TP).
[17]
Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et
familiaux (Ordre professionnel des) c. Bédard,
[18] Travailleurs sociaux (Ordre professionnel des) c. Rochette, supra, note 17; Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre des) c. Lamoureux, supra, note 17; Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des) c. Leclerc, supra, note 17; Travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Moïse, supra, note 17.
[19]
Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c.
Marquis,
[20] Médecins (Ordre professionnel des) c. Minca, 2017 CanLII 62822 (QC CDCM).
[21]
Leduc c. Médecins (Ordre professionnel des),
[22]
Bion c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des),
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.