Déry c. Yamaha Motor Canada Ltd. |
2019 QCCQ 5969 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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LOCALITÉ DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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« Chambre civile » |
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N° : |
400-32-700883-189 |
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DATE : |
4 septembre 2019 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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ROGER DÉRY |
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Demandeur |
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c. |
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YAMAHA MOTOR CANADA LTD. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Roger Déry (le demandeur) demande l’annulation de la vente d’une motoneige achetée neuve le 18 janvier 2017 du concessionnaire Mauricie Évasion Sports de Saint-Tite au prix de 12 646,10 $.
[2] La défenderesse a répondu par une contestation écrite, produite au dossier. Cependant, au jour de l’audience, elle était absente bien qu’ayant été dûment convoquée et appelée.
[3] Selon le témoignage du demandeur, que le Tribunal a autorisé à procéder par défaut, et selon la chronologie des évènements détaillés[1], le demandeur a toujours eu des ennuis avec le système de bougies de la motoneige.
[4] Le demandeur a pu parcourir environ 765 kilomètres avec la motoneige, dont une vingtaine de kilomètres sans connaître de problématique lors du démarrage. Il n’osait pas aller très loin avec la motoneige de peur de ne pas pouvoir la redémarrer et revenir.
[5] Il a fait part de la situation au concessionnaire à plusieurs reprises, mais ce dernier n’a pas été en mesure de corriger le problème.
[6] Les bougies ont été changées à plusieurs reprises sans cependant régler le problème.
[7] Depuis les évènements, le concessionnaire a fermé ses portes et c’est pourquoi le demandeur s’est adressé au fabricant.
[8] Le demandeur est toujours en possession de la motoneige et il se dit prêt à la remettre à la défenderesse.
ANALYSE
[9] Le contrat de vente intervenu est soumis à la Loi sur la protection du consommateur[2].
[10] Cette loi contient des garanties légales, soit une garantie d’usage à l’article 37, une garantie de durée raisonnable du bien à l’article 38 et une garantie contre les vices cachés à l’article 53.
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[…]
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
[11]
L’article
54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.
Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l’article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
[12]
Le demandeur peut aussi se prévaloir de la garantie contre les vices
cachés prévue à l’article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[13] Quatre conditions sont requises pour que la garantie s’applique : le vice doit être grave et diminuer de façon importante l’usage ou l’utilité du bien, il doit exister au moment de la vente, il ne doit pas avoir été dénoncé à l’acheteur et il doit être caché[3].
[14]
L’article
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.
[15]
Il y a lieu de reproduire également l’article
1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.
[16]
Dans un arrêt du 3 février 2017[4],
la Cour d’appel du Québec écrivait relativement à l’article
[…]
[26]
La majorité des juristes s’étant exprimés
sur le sujet attribue à l’article
[27] L’affaire m’incite à pousser la réflexion.
[28] Selon moi, l’application de la règle posée par cet article a pour effet pratique de mettre en œuvre non pas une double, mais bien une triple présomption en faveur de l’acheteur, soit celle de l’existence d’un vice, celle de son antériorité par rapport au contrat de vente et, enfin, celle du lien de causalité l’unissant à la détérioration ou au mauvais fonctionnement. Sous ce rapport, je partage les vues du professeur Deslauriers qui y voit une présomption de responsabilité :
460. Remarquons
toutefois que si l’acheteur poursuit un vendeur professionnel ou un fabricant,
le régime extracontractuel n’est pas nécessairement le plus profitable. En
effet, l’article
[…]
[Références omises]
[17] Le demandeur ayant acheté la motoneige en janvier 2017, ce n’est vraiment qu’au début de la saison suivante qu’il a pu l’utiliser. Il a connu des problèmes dès le mois de décembre 2018 et ensuite tout au long de janvier 2019.
[18]
La preuve révèle qu’un mauvais fonctionnement de la motoneige est
survenu prématurément considérant le prix payé et considérant la bonne
utilisation que le demandeur en a faite. La responsabilité de la défenderesse
est donc présumée en vertu de l’article
[19]
La responsabilité de la défenderesse est également engagée en vertu de
la garantie légale de durée raisonnable prévue à l’article
[20]
Le demandeur a droit à l’annulation de la vente comme le prévoit autant
l’article
[21] Le demandeur réclame le remboursement du prix de vente de 12 646,10 $ ainsi que les frais de courrier recommandé de 10,50 $ pour la mise en demeure adressée à la défenderesse le 29 mars 2018.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[22] ACCUEILLE la demande.
[23] ANNULE le contrat de vente de la motoneige de marque Yamaha, modèle VK540 FHW, numéro de série JYE8KX007HA002687, de l’année 2017, achetée de Mauricie Évasion Sports.
[24] DONNE ACTE au demandeur de son offre de remettre à la défenderesse ladite motoneige.
[25]
CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de
12 656,60 $, plus les intérêts sur cette somme au taux légal, majoré
de l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[26] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur les frais de justice de 202 $.
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__________________________________ PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
7 août 2019 |
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[1] Pièce P-4-A.
[2] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1.
[3] ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007
CSC 50,
[4]
CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société
mutuelle d'assurances générales,
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