Décision

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Rousseau c. Villeneuve Mazda inc. / 4035771 Canada inc.

2018 QCCQ 8489

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RIMOUSKI

LOCALITÉ DE

MATANE

« Chambre civile »

N° :

125-32-700138-181

 

DATE :

 31 octobre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

LUCE KENNEDY, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

LÉONCE ROUSSEAU

Demandeur

c.

VILLENEUVE MAZDA INC. / 4035771 CANADA INC.

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Estimant que le véhicule qu’il achète présente des vices cachés, Léonce Rousseau demande l’annulation du contrat et le remboursement des 3 699,99 $ payés à Villeneuve Mazda inc. (Villeneuve).

[2]           Villeneuve nie la gravité des vices et conteste la demande d’annulation du contrat.

QUESTIONS EN LITIGE

[3]           Monsieur Rousseau fait-il la démonstration, par preuve prépondérante, que le véhicule est affecté de vices cachés?

[4]           Monsieur Rousseau a-t-il agi en acheteur prudent et diligent?

[5]           La diminution du prix de vente s’avère-t-elle plus appropriée que l’annulation du contrat?

CONTEXTE

[6]           Le 7 juin 2018, monsieur Rousseau se présente chez Villeneuve. Il souhaite acquérir un Ford Escape de l’année 2008, affichant un odomètre de 226 000 kilomètres.

[7]           À l’origine, Villeneuve souhaite obtenir 3 995 $ pour ce véhicule. À la suite de diverses négociations, Villeneuve baisse le prix de 1 000 $ en précisant sur le contrat que « Le rabais est équivalent aux réparations futures à effectuer ».

[8]           Monsieur Rousseau ne fait pas inspecter le véhicule. Il semble en bon état, malgré certains petits défauts. Il signe le contrat et appose également sa signature tout près de la mention suivante :

« Vendu tel quel, sans aucune garantie légale ou conventionnelle. À vos entiers risques et périls. J’accepte les conditions ci-haut et j’ai signé : »

[9]           Dix jours s’écoulent avant que des problèmes mécaniques se manifestent lors d’un freinage. Il en informe Villeneuve. Le directeur commercial lui propose une réparation des freins. Monsieur Rousseau refuse et demande la réparation de tous les problèmes qu’il constate sur son véhicule. Villeneuve refuse.

[10]        Deux jours plus tard, monsieur Rousseau se rend chez Canadian Tire pour une inspection complète du véhicule. Le mécanicien constate plusieurs irrégularités :

« Pièces qui ne fonctionnent pas : lave vitre avant et arrière, essuie-glace arrière, disques et plaquettes avant, bearing idler, seal de cam, pompe à eau, courroie, batterie de clé, les deux joints drive shaft, gasket de panne à moteur, seal essieu avant, seal de transmission, rockeur panel, fuel pumpe driver, fuite de manifold avant, couvert de timing coule, alignement des pneus ».

[11]        Le 26 juin, monsieur Rousseau se rend faire inspecter le véhicule par un policier de la Sûreté du Québec, qui constate une fuite du système d’échappement dans le compartiment moteur. Le policier lui remet un avis de vérification d’un véhicule routier.

[12]        Le même jour, monsieur Rousseau se rend chez un représentant autorisé par la SAAQ à procéder à cette vérification mécanique (Canadian Tire). Le certificat démontre certaines défectuosités majeures : collecteur-raccord fuite, système d’échappement fuite. Certaines défectuosités mineures : feu de freinage ne s’allume pas, feu de plaque ne s’allume pas, joint universel anormal, membrure modifiée et mal réparée, disques endommagés des deux côtés avant du véhicule, lave-glace inadéquat, fuite du silencieux.

[13]        L’expert conclut que ce véhicule routier n’est pas conforme aux exigences du Code de la Sécurité routière et sa réglementation.

[14]        Lors de l’audience, monsieur Rousseau mentionne avoir donné le véhicule concerné au remorqueur après l’avoir mis au rancart. Depuis, il a fait l’acquisition d’un nouveau véhicule.

ANALYSE

[15]        Les parties sont liées par un contrat de consommation couvert par les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, puisqu’il s’agit d’un commerçant et d’un consommateur.

[16]        Vu son âge et son kilométrage, le véhicule qu’achète monsieur Rousseau n’est pas couvert par la garantie de bon fonctionnement en raison de sa classification comme « véhicule de catégorie D »[1].

[17]        Toutefois, d’autres dispositions de la Loi sur la protection du consommateur trouvent application. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné[2].

[18]        La loi prévoit également qu’un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien[3].

[19]        Le Tribunal évalue la portée à donner à ces dispositions dans le cas d’un véhicule usagé. Naturellement, cette analyse se fait en fonction de l’âge, du kilométrage et du prix payé pour ce véhicule. En toute logique, la période couverte doit être moins longue que celle prévue pour un véhicule de 5 ans, avec moins de 80 000 kilomètres, qui est garantie pour un mois.

[20]        Les Tribunaux reconnaissent un droit de recours pour une défectuosité grave, lorsque le vice se manifeste dans les quelques jours, ou tout au plus, les quelques semaines suivant l’acquisition. La conduite de l’acheteur qui doit être prudent et diligent, tant lors de l’achat que lorsque vient le temps d’évaluer les dommages, fait également partie de l’analyse que doit faire le Tribunal.

[21]        Rien ne démontre que monsieur Rousseau fait un usage abusif ou déraisonnable du véhicule. En outre, le bris survient environ dix jours après l’achat. Villeneuve propose de procéder à la réparation des freins et monsieur Rousseau refuse. Il souhaite une réparation globale.

[22]        Il s’agit d’un véhicule qui date de 2008 et qui affiche plus de 226 000 kilomètres. Monsieur Rousseau a l’habitude d’acheter des véhicules usagés sans les faire inspecter et fait confiance aux vendeurs. Malgré la mention qui confirme que cette vente se fait sans garantie, il décide de ne pas faire inspecter le véhicule avant l’achat. Malheureusement, l’inspection faite peu de temps après démontre qu’il aurait pu connaître l’état réel du véhicule avant d’en faire l’acquisition. Il admet sa négligence et son imprudence.

[23]        Malgré l’usure et le kilométrage élevé du véhicule, un bris survenu si peu de temps après l’achat, demeure préoccupant.

[24]        Le Tribunal ne peut pas faire droit à la demande d’annulation du contrat puisque monsieur Rousseau n’est pas en mesure de remettre la possession du véhicule à Villeneuve, car il est au rancart. La seule alternative possible s’avère la diminution du prix de vente.

[25]        Monsieur Rousseau demande 2 000 $ comme dédommagement. Afin de procéder à l’analyse de cette demande, le Tribunal prend en compte le 1 000 $ de déduction au contrat de vente pour couvrir certaines réparations futures, la négligence et l’imprudence de monsieur Rousseau, sa décision unilatérale de mettre le véhicule au rancart rendant impossible sa restitution.

[26]        En pondérant tous ces facteurs, le Tribunal conclut que monsieur Rousseau a droit à une certaine indemnité à titre de diminution du prix de vente, en raison du peu de temps qui découle entre l’achat et les bris majeurs.

[27]        Après une analyse de la preuve et exerçant sa discrétion à cet égard, le Tribunal conclut qu’une diminution du prix de vente de 500 $ s’avère raisonnable dans les circonstances.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[28]        ACCUEILLE partiellement la demande;

[29]        CONDAMNE Villeneuve Mazda inc. / 4035771 Canada inc. à payer à Léonce Rousseau 500 $ en capital, avec les intérêts au taux de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 2 août 2018 et les frais de justice de 101 $.

 

 

__________________________________

LUCE KENNEDY, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

30 octobre 2018

 



[1]     Articles 159 et 160 de la Loi sur la protection du consommateur.

[2]     Article 37 de la Loi sur la protection du consommateur.

[3]     Article 38 de la Loi sur la protection du consommateur.

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