Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Fortier) c. Blanchette |
2014 QCTDP 9 |
JP 1249 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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N° : |
705-53-000036-130 |
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DATE : |
28 mai 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHèle PAUZÉ |
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AVEC L'ASSISTANCE DES ASSESSEURS : |
Mme Judy Gold Me Jean-François Boulais |
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COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, agissant en faveur de VÉRONIQUE FORTIER |
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Partie demanderesse |
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c. |
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LUCIE BLANCHETTE |
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Pierre Bisson |
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Parties défenderesses |
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VÉRONIQUE FORTIER |
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Partie victime
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal des droits de la personne (ci-après cité le « Tribunal ») est saisi d'une demande introductive d'instance dans laquelle la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après citée la « Commission ») allègue que les défendeurs, monsieur Pierre Bisson et madame Lucie Blanchette, ont porté atteinte à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de madame Véronique Fortier sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la condition sociale en refusant de conclure avec madame Fortier un acte juridique ayant pour objet un bien ordinairement offert au public, soit la location d'un logement, le tout contrairement aux articles 4, 10 et 12 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] (ci-après citée la « Charte »).
[2] En conséquence, la Commission demande, entre autres, au Tribunal :
DE CONDAMNER solidairement les défendeurs monsieur Pierre Bisson et madame Lucie Blanchette à verser à madame Véronique Fortier la somme de sept mille dollars (7 000$) répartie comme suit :
a) Une somme de cinq mille dollars (5 000 $) à titre de dommages moraux;
b) Une somme de deux mille dollars (2 000 $) à titre de dommages punitifs;
LE TOUT avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle conformément à l'article 1619 C.c.Q. à compter de la signification de la proposition de mesures de redressement pour les dommages moraux et depuis la date du jugement pour les dommages punitifs, et les entiers dépens incluant, le cas échéant, les frais d'experts, tant pour la préparation de leur rapport que leur présence à la Cour.
I. LA PREUVE
A. La preuve en demande
1. Le témoignage de madame Véronique Fortier
[3] À la fin avril 2011, madame Fortier est à la recherche d’un logement pour le 1er juillet. À l’époque, elle est en arrêt de travail suite à un accident de voiture survenu en 2008. Elle reçoit une rente de la Société de l’assurance automobile du Québec (ci-après citée la « SAAQ ») au montant de 682,79 $ par période de 14 jours et ce, pour une période indéterminée[2].
[4] Vers le 28 avril, alors qu'elle est en visite chez son frère à Saint-Sulpice, madame Fortier remarque une pancarte annonçant un logement à louer. Elle appelle au numéro de téléphone qui y est inscrit et discute avec la propriétaire, madame Lucie Blanchette, qui l’informe qu’elle a trois logements à louer, dont un quatre pièces et demi sur la rue Payette à Saint-Sulpice au montant de 650 $ par mois. Ce logement intéresse madame Fortier puisqu'il a la superficie recherchée, un prix abordable et est situé près de la résidence de son frère. Alors, elle prend rendez-vous avec madame Blanchette pour une visite le lendemain.
[5] Le lendemain vers 10 h 00, madame Fortier visite le logement en compagnie de sa belle-sœur, madame Julie Sénécal. Lors de la visite, madame Blanchette s’informe de son emploi du temps et des raisons qui l’incitent à s’établir à Saint-Sulpice.
[6] Madame Fortier lui répond qu’elle reçoit des indemnités de la SAAQ, suffisantes pour payer le loyer demandé, et qu’elle a en sa possession une lettre qui confirme le montant de ses indemnités. Cependant, madame Blanchette, ne lui demande pas de lui faire voir cette lettre. En outre, madame Fortier lui mentionne qu’elle envisage un retour aux études et qu’elle souhaite vivre à Saint-Sulpice pour se rapprocher de son frère.
[7] Lors du contre-interrogatoire, madame Fortier mentionne qu’elle ne se souvient pas d'avoir fait part à Madame Blanchette qu’elle avait déjà visité d’autres appartements à louer pour 700 $ par mois qui ne lui convenaient pas pour différentes raisons, dont le prix élevé.
[8] À la fin de la visite, madame Fortier dit à madame Blanchette qu’elle réfléchirait et qu’elle l’appellerait si elle décidait de louer le logement.
[9] Quelques heures plus tard, madame Fortier téléphone à madame Blanchette et lui manifeste son désir de louer le logement. Madame Blanchette semble réticente à lui louer; elle lui repose des questions sur sa capacité de payer, sur ses projets d’études et sur ses motifs de résider à Saint-Sulpice. Madame Blanchette lui dit également qu’elle « précipitait les choses » et qu’elle voulait d’abord consulter son conjoint avant de procéder. En plus, madame Blanchette demande à madame Fortier de lui fournir les coordonnées de son locateur actuel.
[10] Très intéressée par cet appartement, madame Fortier ne veut pas courir le risque de le perdre. Ainsi, la même journée, elle fait l’aller-retour de chez elle à La Plaine pour obtenir ces informations. Le lendemain, le 30 avril, elle appelle madame Blanchette pour lui communiquer les coordonnées de madame Spadavekia, la conjointe de son propriétaire de l’époque.
[11] Madame Fortier relate que lors de leurs discussions, madame Blanchette a mentionné qu’elle doutait de sa capacité de payer le loyer demandé. Madame Fortier a tenté de la rassurer en lui disant qu’elle n’avait pas de voiture pour grever son budget. Elle est allée jusqu’à lui proposer que son frère se porte caution pour garantir le bail. Cependant, madame Blanchette a refusé cette proposition sous prétexte qu’elle était trop compliquée.
[12] Madame Fortier ajoute qu’elle se rendait compte que son statut de rentière de la SAAQ n’était pas bien reçu par les propriétaires. Pour pallier à ce désavantage, elle a accepté de répondre à plusieurs questions qu’elle jugeait trop personnelles.
[13] Vers le 1er mai, madame Blanchette lui téléphone pour l’informer qu’elle serait « possiblement d’accord » de lui louer le logement compte tenu des bonnes références obtenues de son locateur. Par contre, elle demande à ce que madame Fortier fasse les démarches auprès d’Hydro-Québec et de Vidéotron pour qu’ils lui fassent parvenir directement les copies de ses derniers relevés de compte.
[14] En raison de leurs politiques de confidentialité, ces entreprises refusent de transmettre les relevés de compte à un tiers. Madame Blanchette lui suggère alors d’imprimer des copies numériques de ses relevés de compte et de les lui remettre lors de la signature du bail, qu’elles conviennent pour le lendemain, soit le 3 mai. Comme Madame Blanchette réside à une bonne distance de Saint-Sulpice et que l’appartement en location est encore occupé, elle est d’accord pour rencontrer madame Fortier chez le frère de celle-ci pour la signature du bail.
[15] Madame Fortier n’aura pas l’occasion de remettre ses relevés de compte à madame Blanchette puisque peu de temps avant le rendez-vous du 3 mai, cette dernière contacte madame Fortier pour l’informer qu’elle ne veut plus lui louer le logement, sans toutefois préciser les raisons du refus.
[16] Madame Fortier affirme avoir été vexée par ce refus puisqu'elle se considérait comme une très bonne locataire. Elle dit avoir toujours entretenu de bonnes relations avec ses locateurs et a toujours payé son loyer avant la date requise.
[17] De plus, elle n’aurait pas eu de difficulté à payer le loyer demandé; en fait, elle aurait même pu payer un loyer plus élevé. À cette époque, elle avait des économies et des placements qui lui permettaient de pallier aux imprévus. Elle déclare, en contre-interrogatoire, qu’elle n’en a pas fait mention à madame Blanchette puisqu'elle considérait qu’elle n’avait pas besoin de le faire et que sa rente de la SAAQ démontrait qu’elle pouvait payer le loyer demandé. D’ailleurs, avec sa rente bimensuelle de 682 $, elle paie un loyer de 650 $ par mois sans difficulté depuis plusieurs années.
[18] Madame Fortier affirme également s’être sentie rejetée par le refus de madame Blanchette de lui louer le logement. Elle vivait alors une période difficile et ce refus ajoutait au niveau de stress qu’elle subissait. Elle croyait avoir trouvé l’appartement qu’elle cherchait à Saint-Sulpice et se voyait devoir recommencer ses recherches.
[19] Un ou deux jours après ces évènements, madame Fortier trouve un logement de quatre pièces et demi situé à Repentigny au coût mensuel de 650 $. Ce logement lui convient, bien qu'il soit loin de la location qu’elle avait d’abord privilégiée.
2. Les témoignages de madame Jiacomina Spadavekia et monsieur Vincenzo Iasenzanimo
[20] Au printemps 2011, madame Jiacomina Spadavekia et son conjoint, monsieur Vincenzo Iasenzanimo, sont propriétaires de deux immeubles comprenant six logements. Ils partagent entre eux les tâches d’administration et d’entretien de ces immeubles; madame Spadavekia s’occupe de la comptabilité et du nettoyage, alors que monsieur Iasenzanimo s’occupe des locations et des réparations.
[21] Madame Fortier était déjà locataire dans leur immeuble de la rue Ancoli à Terrebonne lorsqu'ils en ont fait l’acquisition en juin 2010. Elle y réside jusqu’en juin 2011. Elle vivait seule dans le logement et payait un loyer de 500 $ à 600 $ par mois qui n’incluait pas les coûts de chauffage et d’électricité. Madame Fortier leur remettait à l’avance une série de chèques postdatés pour s’acquitter de son loyer; jamais elle n’a été en retard de paiement. En somme, elle était une bonne locataire.
[22] Ni madame Spadavekia ni monsieur Iasenzanimo ne se souviennent avoir reçu un appel de la part de madame Blanchette ou de monsieur Bisson, leur demandant des références au sujet de leur locataire, madame Fortier.
3. Le témoignage de madame Julie Sénécal
[23] En avril 2011, madame Sénécal, la belle-sœur de madame Fortier, accompagne cette dernière lors de sa visite du logement de la rue Payette à Saint-Sulpice.
[24] Madame Sénécal rappelle que le climat était cordial lors de la visite. En réponse aux questions de madame Blanchette au sujet de ses revenus et occupations, madame Fortier a répondu qu’elle recevait des prestations de la SAAQ et qu’elle envisageait faire des études universitaires à distance.
[25] En outre, madame Fortier fait part à madame Blanchette qu’elle n’a pas de voiture et a un train de vie modeste. Elles échangent sur la disponibilité des services de transport en commun à proximité du logement à louer.
[26] Madame Fortier informe également madame Blanchette que son frère est prêt à l’endosser si nécessaire. Cependant, celle-ci n’est pas intéressée.
[27] Puisque madame Blanchette a demandé les coordonnées de son locateur actuel, madame Sénécal accompagne madame Fortier à La Plaine pour récupérer les informations requises.
[28] Madame Sénécal ajoute que madame Fortier était enthousiaste à l’idée d’avoir trouvé un logement qui lui convenait et qui la rapprochait de la famille de son frère.
B. La preuve en défense
1. Le témoignage de monsieur Pierre Bisson
[29] Monsieur Bisson et sa conjointe, madame Blanchette, sont propriétaires de quelques immeubles comptant au total 12 logements. Ils ont acquis la propriété de la rue Payette à Saint-Sulpice en 2004.
[30] Monsieur Bisson s’occupe de l’entretien des immeubles et partage avec madame Blanchette les tâches reliées à la location des logements. Ils décident ensemble de la sélection des nouveaux locataires.
[31] Concernant les évènements en litige, monsieur Bisson affirme n'avoir jamais été en contact avec madame Fortier. C’est sa conjointe qui lui a transmis les coordonnées de la locatrice de madame Fortier avec qui il a communiqué pour avoir des références. Il ignore si la femme à qui il s’est adressé était la propriétaire; toutefois, il sait que c’était la personne qui avait la tâche de percevoir les loyers. Il n’a pas cherché à en savoir davantage sur le statut de la personne à qui il a parlé.
[32] À la question de monsieur Bisson à savoir si madame Fortier payait bien son loyer et si « tout était correct », son interlocutrice lui a répondu que oui. Néanmoins, monsieur Bisson affirme que cette réponse ne lui fournissait pas la preuve que les loyers étaient toujours bien payés et qu’il lui manquait encore des détails. Toutefois, lors de cette conversation, il n’a pas cherché à connaître les informations qui lui manquaient.
[33] Monsieur Bisson explique qu'il gère avec sa conjointe une entreprise et qu’ils fonctionnent de façon professionnelle. Ils doivent donc vérifier les informations inscrites sur les fiches techniques remplies par les locataires potentiels. Compte tenu de leurs mauvaises expériences antérieures, ils doivent s’assurer que les aspirants locataires sont dans la possibilité de payer leur loyer. Ainsi, ils appliquent un ratio selon lequel le loyer ne doit pas excéder 32 % à 35 % du revenu net mensuel du candidat.
[34] Ils ont refusé de louer le logement de la rue Payette à madame Fortier parce qu’elle ne rencontrait pas leur critère financier et non en raison de sa condition sociale.
[35] Monsieur Bisson précise que la question d’accepter un locataire avec la caution d’un endosseur ne s’est jamais présentée dans le passé. Il ne ressort pas clairement de son témoignage si l’offre de madame Fortier de fournir un endosseur lui a été communiquée par sa conjointe.
2. Le témoignage de madame Lucie Blanchette
[36] Madame Blanchette est copropriétaire avec son conjoint d’immeubles locatifs, dont celui de la rue Payette à Saint-Sulpice.
[37] C’est elle qui assume la responsabilité de faire visiter les logements à louer et de faire remplir une fiche informative par les aspirants locataires. C’est monsieur Bisson qui vérifie les références et la solvabilité des postulants. Ensuite, ils discutent de la candidature et prennent conjointement la décision concernant une demande de location.
[38] En 2011, au moment des évènements en litige, madame Blanchette et monsieur Bisson font eux-mêmes les enquêtes de crédit sur les locataires potentiels. Ils leur font remplir une fiche descriptive et vérifient l’information contenue dans celle-ci en communiquant avec les propriétaires et employeurs des aspirants locataires.
[39] Vers la mi-avril ou la fin avril 2011, madame Blanchette reçoit madame Fortier et sa belle-sœur pour la visite du logement de la rue Payette.
[40] Lors de cette visite, madame Blanchette pose les questions d’usage à madame Fortier, notamment sur ses références et sur les raisons qui l’amènent à vouloir déménager à Saint-Sulpice. Madame Fortier lui répond qu’elle reçoit des indemnités de la SAAQ et qu’elle envisage retourner aux études pour pouvoir conserver ses indemnités. Madame Blanchette lui demande ensuite quelle école elle entend fréquenter et si elle a une voiture pour s’y rendre. Madame Fortier répond qu’elle n’a pas de voiture et qu’elle utilisera le transport en commun pour se rendre à l’école à Repentigny. En réaction, Madame Blanchette lui propose d’aller plutôt vivre à Repentigny pour être plus près de l’école.
[41] Au terme de cette visite, madame Fortier, qui semble intéressée par le logement, dit à madame Blanchette qu’elle réfléchirait et qu’elle l’appellerait s’il y a lieu.
[42] Quelques heures plus tard, madame Fortier la rappelle et manifeste son désir de louer le logement. Madame Blanchette lui dit qu'elle devrait normalement remplir une fiche descriptive mais lui demande, dans le cas présent, de fournir les coordonnées de son propriétaire actuel.
[43] Subséquemment, madame Fortier lui communique les cordonnées de la personne qui percevait son loyer, madame Spadavekia. Madame Blanchette transmet cette information à monsieur Bisson.
[44] Le soir même ou le lendemain, son conjoint contacte madame Spadavekia et lui demande si madame Fortier est locataire chez elle, depuis combien de temps et si elle payait bien son loyer. Selon madame Blanchette, madame Spadavekia a confirmé que les chèques de loyer lui étaient bien remis à chaque mois. Cependant, ils n’ont pas su, suite à cette conversation, si les chèques remis à madame Spadavekia couvraient la totalité du loyer ou si certains de ces chèques étaient sans provision.
[45] Quand madame Fortier la rappelle pour obtenir une réponse à sa demande de location, madame Blanchette lui dit qu’elle a besoin d’autres preuves pour évaluer ses habitudes de paiement. Ainsi, elle lui demande de lui fournir des relevés de compte d’Hydro-Québec ou de Vidéotron.
[46] La journée même ou le lendemain, madame Fortier la contacte pour l’informer que ces entreprises ne peuvent pas transmettre les relevés de compte à un tiers. Alors, elles s’entendent pour que madame Fortier lui remette des copies de ces relevés. Madame Blanchette lui demande aussi de lui faire parvenir par télécopieur la fiche descriptive complétée.
[47] Madame Blanchette affirme avoir reçu cette fiche complétée par madame Fortier, toutefois, elle ne peut pas la produire en preuve puisqu'elle l’a détruite.
[48] Quelques temps après, madame Fortier la rappelle et l’informe qu’elle a tous les documents demandés et suggère qu’elles se rencontrent chez son frère à Saint-Sulpice pour signer le bail. Madame Blanchette accepte, en disant que monsieur Bisson serait sans doute en mesure de se rendre au rendez-vous.
[49] Madame Blanchette discute ensuite avec son conjoint de la demande de location de madame Fortier. Ils se sentent bousculés par le désir impétueux de madame Fortier de procéder à la location et en viennent à la conclusion que, même si madame Fortier fournit les preuves de ses habitudes de paiement et de ses revenus, elle ne rencontre pas les critères financiers qu’ils ont établis pour accepter un locataire. Donc, environ une heure avant le rendez-vous convenu, madame Blanchette appelle madame Fortier pour l’informer qu’ils lui refusent sa demande de location de logement.
[50] Madame Blanchette précise que le seul critère qu’ils considèrent pour évaluer une demande de location est la capacité de payer du candidat. Ils déterminent celle-ci en appliquant le barème que leur aurait suggéré leur comptable, c’est à dire que le coût du loyer ne doit pas être supérieur à 32 % du revenu net gagné.
[51] L’application de ce barème au revenu de madame Fortier, même en lui accordant 5 % de grâce, démontre que 37 % de son revenu mensuel lui permettrait de payer un loyer maximum de 547 $ par mois, soit un montant bien en deçà du montant de loyer de 650 $. Madame Blanchette doute que madame Fortier soit dans la possibilité d’assumer les frais de location puisque même sans voiture, l’écart entre le loyer que madame Fortier peut se permettre et le loyer demandé est trop grand. En fait, le loyer demandé de 650 $ représente presque 50 % du revenu mensuel de madame Fortier.
[52] Madame Blanchette ajoute que madame Fortier lui a mentionné qu’elle avait visité d’autres logements au coût de 700 $ par mois, qu’elle considérait trop dispendieux et qu’un loyer de 650 $ par mois était abordable pour elle. Madame Blanchette fait remarquer que de passer de son loyer actuel de 575 $ par mois à un loyer mensuel de 650 $ représente une très forte augmentation.
[53] En contre-interrogatoire, madame Blanchette mentionne qu’elle et son conjoint n’ont pas fait d’enquête de crédit au sujet de madame Fortier. Ils ne lui ont jamais demandé si elle avait d’autres sources de revenu et madame Fortier ne leur a jamais fourni cette information non plus.
[54] À la question à savoir si madame Fortier lui a proposé de fournir un endosseur qui se porterait garant de son bail, madame Blanchette répond « Pas à ce que je me rappelle ».
[55] Madame Blanchette affirme qu’elle et son conjoint ne tiennent pas compte de la condition sociale des aspirants locataires dans l’évaluation de leur candidature. D’ailleurs, elle a déjà loué à une famille monoparentale ainsi qu’à une personne qui percevait des prestations d’assurance emploi pendant deux mois, chaque hiver. Le seul critère dont ils tiennent compte est la capacité de payer de l’aspirant locataire, évaluée selon leur barème.
[56] Madame Blanchette reconnaît qu’elle a écrit dans une lettre adressée à la Commission en date du 26 décembre 2011, en faisant référence à madame Fortier, ce qui suit :
que la Commission devrait s’attarder sur son dossier à la SAAQ afin de savoir pourquoi la SAAQ exigeait d’elle de s’inscrire dans une école, probablement vu son jeune âge, de même du fait d’alléger les prestations versées à son égard dans le futur pour qu’elle devienne autonome. De plus, juste à regarder le montant qu’elle nous réclame et le pourquoi, on voit très bien que cette personne manque de maturité et désire profiter du système avec la loi du moindre effort.
Madame Blanchette explique le sens de ses propos en disant qu’en tant que prestataire de la SAAQ, madame Fortier pouvait entreprendre une telle poursuite puisqu'elle n’avait pas à payer les frais d’un avocat alors que madame Blanchette et son conjoint devaient assumer les frais d’un avocat pour se défendre.
II. LES QUESTIONS EN LITIGE
[57] Le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
1) Les défendeurs ont-ils, par discrimination fondée sur la condition sociale, refusé de conclure avec madame Fortier un acte juridique ayant pour objet un bien ordinairement offert au public, soit le bail d'un logement, en contravention avec les articles 10 et 12 de la Charte?
2) Les défendeurs ont-ils porté atteinte de manière discriminatoire au droit de madame Fortier à la sauvegarde de sa dignité, en contravention des articles 4 et 10 de la Charte?
3) La plaignante a-t-elle droit aux dommages moraux et punitifs réclamés en sa faveur?
III. LE DROIT APLICABLE
[58] Les articles 4, 10, 12 et 49 de la Charte, invoquées dans le présent dossier, énoncent que :
4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
12. Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages intérêts punitifs.
[59] Pour prouver l'existence d’une discrimination au sens de l'article 10 de la Charte, la demanderesse doit faire la preuve de trois éléments[3] :
1) une distinction, exclusion ou préférence;
2) fondée sur l'un des motifs énumérés à l'article 10 de la Charte;
3) qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à une pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne.
[60] Pour que la deuxième de ces conditions soit remplie, il n'est pas nécessaire que la différence de traitement ait été uniquement motivée par l'une des caractéristiques personnelles constituant un motif interdit de discrimination. Il suffit que l'une de ces caractéristiques ait contribué à la différence de traitement préjudiciable. Autrement dit, la Commission doit démontrer que « la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l'effet préjudiciable »[4].
[61] Pour satisfaire à son obligation de convaincre, la Commission doit faire une preuve qui rend l'existence de la discrimination alléguée plus probable que son inexistence[5].
A. La condition sociale
[62] Dans l’arrêt Whittom[6], la Cour d’appel sous la plume du juge Brossard, énonçait clairement que la pauvreté ou la suffisance du revenu constituait un élément constitutif de la condition sociale.
[63] Dans Commission des droits de la personne du Québec c. Gauthier [7], le Tribunal écrivait :
[I]l apparaît que la condition sociale peut être définie comme la situation qu'une personne occupe au sein d'une communauté, notamment de par ses origines, ses niveaux d'instruction, d'occupation et de revenu, et de par les perceptions et représentations qui, au sein de cette communauté, se rattachent à ces diverses données objectives.
(nos soulignements)
[64] Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Briand [8], le Tribunal écrivait que la « condition sociale » d'une personne, peut découler de plusieurs éléments, tels que la scolarité, une absence de ressources de toutes sortes et même des origines familiales ».
B. Le droit à la dignité
[65] Le fondement de la dignité est que chaque être humain possède une valeur intrinsèque, qui le rend digne de respect[9]. Dans l’arrêt Law, la Cour suprême s’exprime ainsi sur le sens du terme :
La dignité humaine signifie qu’une personne ou un groupe ressent du respect et de l’estime de soi. Elle relève de l’intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelle qui n’ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne. […] La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne. [10]
[66] L’article 4 de la Charte protège le droit à la dignité. Conjugué à l’article 10, cette disposition permet de sanctionner une atteinte à la dignité fondée sur la condition sociale.
C. Le droit à l'égalité dans l'accès au logement
[67] Le droit au logement met en cause le droit de propriété, lequel est, dans une certaine mesure, protégé par l'article 6 de la Charte. Ce droit est cependant circonscrit de façon importante[11], notamment par les autres droits également reconnus par la Charte.
[68] Ainsi, la discrimination dans le logement est sanctionnée par les articles 10 et 12 de la Charte et le Tribunal a rendu de nombreuses décisions concernant ce type de discrimination[12].
[69] Le droit du propriétaire à la libre disposition de ses biens lui permet d'exiger le paiement d'un loyer, d'exiger s’il y a lieu, qu'un locataire fournisse une caution pour le paiement du loyer et de s'assurer de la capacité de payer des personnes qui désirent louer un de ses logements[13]. Ainsi, comme l'écrivait le Tribunal dans l'affaire Sinatra, « [l]e droit légitime d'un propriétaire de contracter avec des locataires responsables et solvables comporte, comme corollaire, l'obligation d'effectuer certaines vérifications à cette fin »[14].
[70] Le droit au logement est un droit fondamental de la personne, reconnu tant par le droit interne que par le droit international[15]. En conséquence, la jurisprudence des tribunaux exige que les propriétaires procèdent à une enquête sur la capacité de payer de postulants locataires. En effet, un propriétaire ne peut refuser de louer un logement notamment au motif qu’il a eu de mauvaises expériences avec d'autres personnes[16].
IV. L’ANALYSE ET LES CONCLUSIONS
[71] Comme nous l’écrivions plus haut, le présent recours concerne, d'une part, le droit d'un propriétaire d'exiger le paiement de son loyer[17] et, d'autre part, le droit d'une personne de ne pas subir de discrimination fondée sur sa condition sociale.
[72] La Commission soutient que madame Fortier s’est vue refuser un logement à cause de sa condition sociale.
[73] Les défendeurs soutiennent, quant à eux, ne pas tenir compte de la condition sociale des aspirants locataires et de madame Fortier, en particulier dans l’évaluation de leur candidature. Leur seul critère est leur capacité de rencontrer le loyer exigé.
[74] Il n’est pas nié que madame Fortier recevait des prestations de la SAAQ, que son revenu était peu élevé et que ce dernier motif est à l’origine du refus des défendeurs.
[75] La plaignante a transmis aux propriétaires la source de ses revenus et les informations qu’ils demandaient sur ses antécédents de crédit. Elle a d’emblée, dès la première rencontre avec madame Blanchette, offert l’endossement de son frère pour garantir le paiement du loyer, et ce, sans qu’on ne le lui demande. Madame Blanchette a dit au Tribunal ne pas se souvenir de cette offre. Or, un témoin qui accompagnait madame Fortier, madame Sénécal, a témoigné du fait que madame Blanchette, informée de cette possibilité, a dit ne pas être intéressée.
[76] Il est vrai que ce témoin est la belle-sœur de la plaignante. Toutefois personne n’a mis en doute ce témoignage et madame Blanchette elle-même ne l’a pas nié.
[77] Madame Fortier a transmis le nom et les coordonnées de ses anciens propriétaires. Monsieur Bisson a soutenu avoir placé un appel à ces personnes, mais dans son témoignage, il a mis en doute les informations qu’il dit avoir reçues. En substance, il a dit que ce n’était pas parce que madame Fortier fournissait des chèques à l’avance qu’ils étaient honorés par sa banque. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas poussé son enquête très loin. D’autre part, les anciens propriétaires ont été entendus. Ils ont confirmé que madame Fortier payait bien son loyer. Ils ont affirmé n’avoir aucun souvenir d’un appel des défendeurs.
[78] Le jour où elle espérait signer son bail, madame Fortier, pour répondre à la demande de madame Blanchette, était en possession de ses factures de services (Vidéotron et Hydro-Québec). Toutefois, avant même la rencontre, elle reçoit un appel lui annonçant le refus de la location.
[79] Madame Blanchette a expliqué au Tribunal qu’avant la rencontre prévue, elle et son conjoint, après discussion, ont convenu que même si la preuve du paiement des factures leur était apportée, madame Fortier ne rencontrait pas les critères qu’ils s’étaient fixés. D'ailleurs, les défendeurs ont franchement admis ne pas avoir fait d’enquête de crédit et s’être plutôt fiés à un ratio selon lequel le loyer ne doit pas excéder 32 % à 35 % du revenu net mensuel du candidat et qu’ils ont refusé de louer à madame Fortier parce qu’elle ne rencontrait pas « leurs critères financiers ».
[80] Cette exigence d’un pourcentage fixe apparaît neutre, mais en fait elle ne l’est pas puisqu'elle exclut de facto des personnes qui, comme la plaignante, n’ont pas, au regard de l’exigence, la capacité financière de la rencontrer. Prise en elle-même, cette règle est fondée sur un stéréotype : à savoir que les personnes qui n’ont pas ce revenu ne peuvent en principe rencontrer les obligations financières du bail. C’est une situation tout à fait similaire qui était examinée dans l’affaire Whittom, citée plus haut dans laquelle la Cour écrit :
[…] On ne saurait généraliser le risque ni l'établir en fonction de critères strictement abstraits, tel le pourcentage des revenus consacrés au logement, sans tenir compte de la situation et de l'état de l'individu concerné, locataire potentiel.
L'application généralisée et sans nuance de la position des appelants, telle qu'appliquée en l'espèce à un loyer de 485 $ en regard de revenus de 1 100 $ par mois, entraînerait inévitablement comme effet indirect, quelle que soit la bonne foi des appelants qui n'est nullement mise en doute en l'instance, l'exclusion de tout assisté social et de toute personne dont les revenus seraient équivalents ou inférieurs à ceux de la mise en cause, indépendamment de leur capacité réelle ou non de payer le loyer, exclusion indirecte donc fondée sur la condition sociale de cette catégorie ou même classe de personne.
Comme le souligne à-propos l'intimée, c'est précisément le caractère sommaire d'une évaluation fondée sur des critères purement abstraits qui entraîne des effets pernicieux pour celui ou celle qui, par suite de sa condition sociale, est obligé(e) de consacrer un pourcentage anormal de ses revenus au logement.[18]
(nos soulignements)
[81] Cependant, chaque situation doit être examinée à son propre mérite. Leur conduite ainsi que les admissions des défendeurs ne peuvent ébranler la preuve de la Commission.
[82] Le refus de louer un appartement à partir d’une norme fixe, sans même avoir examiné la capacité du postulant à rencontrer ses obligations, entre autres par une enquête de crédit ou une vérification sérieuse auprès des anciens propriétaires ou fournisseurs de service, allant même jusqu’à refuser d’envisager la possibilité d’un cautionnement, nous convainc que la condition sociale du postulant à joué ici un rôle important dans la décision des défendeurs[19].
[83] Par ailleurs, le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure que les défendeurs ont agi de concert tout au long du processus.
V. LES DOMMAGES
[84] La Commission réclame cinq mille dollars (5 000 $) à titre de dommages moraux en faveur de la plaignante.
[85] Bien que le préjudice moral puisse parfois sembler difficile à évaluer compte tenu du fait qu'il est intangible et invisible, il n’en demeure pas moins réel. Dans l'arrêt Bou Malhab c. Metromédia C.M.R. Montréal Inc., la Cour écrit :
Que le préjudice moral soit plus difficile à cerner ne diminue en rien la blessure qu'il constitue. J'irais même jusqu'à dire que, parce qu'il est non apparent, le préjudice moral est d'autant plus pernicieux. Il affecte l'être humain dans son for intérieur, dans les ramifications de sa nature intime et détruit la sérénité à laquelle il aspire, il s'attaque à sa dignité et laisse l'individu ébranlé, seul à combattre les effets d'un mal qu'il porte en lui plutôt que sur sa personne ou sur ses biens.[20]
[86] Madame Fortier a été vexée et humiliée par la décision des défendeurs alors qu'elle vivait une situation difficile.
[87] Le refus de louer un logement pour des raisons discriminatoires constitue non seulement une atteinte à son droit à l’égalité, mais aussi une atteinte à la sauvegarde de sa dignité. La dignité humaine est en effet bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelle qui n’ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne.[21]
[88] Compte tenu de la jurisprudence, le Tribunal estime à trois mille dollars (3 000 $) la somme nécessaire pour compenser les dommages moraux subis par la plaignante.
[89] La Commission demande également au Tribunal d'ordonner le paiement de deux mille dollars (2 000 $) à titre de dommages-intérêts punitifs. Depuis plus de vingt (20) ans, les tribunaux québécois sanctionnent régulièrement la discrimination dans le logement[22]. Force est de constater qu’elle est toujours présente.
[90] L'octroi de dommages punitifs répond à des objectifs de punition, de dissuasion, et de dénonciation, tel que l'a rappelé la Cour suprême du Canada dans l'arrêt de Montigny c. Brossard (Succession)[23]. De tels dommages ne peuvent cependant être accordés que si l'atteinte est illicite et intentionnelle. Dans l'arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, cette même Cour affirmait que les paramètres suivants doivent être rencontrés afin de qualifier une atteinte d'illicite et intentionnelle :
En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l'art. 49 de la Charte lorsque l'auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l'intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.[24]
[91] En décembre 2011, madame Blanchette écrivait à la Commission : « juste à regarder le montant qu’elle nous réclame et le pourquoi, on voit très bien que cette personne manque de maturité et désire profiter du système avec la loi du moindre effort ».Ces propos démontrent au Tribunal les préjugés de la part des défendeurs, ceux-ci ne pouvant ignorer les effets probables de leur refus. En conséquence, il s’agit d’un cas où le Tribunal doit manifester clairement sa réprobation à l’endroit de leur conduite discriminatoire. Comme l’écrivait le juge Cory : « C'est le moyen par lequel le jury ou le juge exprime son outrage à l'égard du comportement inacceptable du défendeur »[25].
[92] Conformément à l’article 1621 C.c.Q., compte tenu des sommes auxquelles les défendeurs sont déjà tenus, le Tribunal fixe le montant des dommages punitifs à mille dollars (1 000 $).
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[93] ACCUEILLE en partie la présente demande;
[94] CONDAMNE solidairement les défendeurs, monsieur Pierre Bisson et madame Lucie Blanchette, à verser à madame Véronique Fortier la somme de trois mille dollars (3 000 $) à titre de dommages moraux;
[95] CONDAMNE conjointement[26] les défendeurs, monsieur Pierre Bisson et madame Lucie Blanchette à verser à madame Véronique Fortier la somme de mille dollars (1 000 $) à titre de dommages punitifs;
[96] LE TOUT avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle, conformément à l'article 1619 C.c.Q. à compter de la signification de la proposition de mesures de redressement le 16 novembre 2012, pour les dommages moraux et depuis la date du jugement pour les dommages punitifs;
[97] et les entiers dépens.
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__________________________________ MICHÈLE PAUZÉ, Présidente du Tribunal des droits de la personne |
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Mme Geneviève Griffin, stagiaire |
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BOIES DRAPEAU BOURDEAU 360, rue St-Jacques ouest, 2ème étage Montréal (Québec) H2Y 1P5 |
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Pour la partie demanderesse |
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Me Mario Prieur |
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BOUCHER PRIEUR & ASSOCIÉS 346, boul. l’Ange-Gardien L’Assomption (Québec) J5W 1S3 |
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Pour les parties défenderesses
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Date d’audience : |
26 février 2014 |
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[1] L.R.Q., c. C-12.
[2] La pièce P-4 comprend une lettre de la SAAQ du 1 avril 2011 et deux relevés de virement automatique provenant de la SAAQ datés du 7 décembre 2011 et du 21 décembre 2011. Ces documents confirment le montant des indemnités versées à madame Fortier.
[3] Voir en particulier : Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27.
[4] Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, par. 33 (nos soulignements).
[5] Code civil du Québec (RLRQ), art. 2804 (ci-après cité le « C.c.Q. »); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Habitations communautaires de Côte-des-Neiges, 2007 QCTDP 8, par. 34.
[6] Whittom c. Commission des droits de la personne, [1997] R.J.Q. 1823, 1827 (C.A.) (ci-après cité « Whittom »), confirmant la décision du Tribunal : [1994] 20 C.H.R.R. D/349 (QC T.D.P.).
[7] Commission des droits de la personne du Québec c. Gauthier, [1994] R.J.Q. 253, 260 (T.D.P.).
[8] C.D.P. c. Briand, 1997 CanLII 70 (QC T.D.P.) (nos soulignements).
[9] Commission des droits de la personne du Québec c. Lemay, [1995] R.J.Q. 1967, 1972 (T.D.P.), cité avec approbation par madame la juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, par. 104 (ci-après cité « St-Ferdinand »).
[10] Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, par. 53 (j. Iacobucci).
[11] Commission des droits de la personne c. Gauthier, préc., note 7, 256.
[12] À titre d’exemples : Commission des droits de la personne du Québec c. Thibodeau, [1993] R.J.Q. 297 (T.D.P.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Caci, 1998 CanLII 38 (QC T.D.P.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Quévillon, [1999] J.L. 193 (QC T.D.P.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Sinatra, [2000] J.L. 45 (QC T.D.P.) (ci-après citée « Sinatra »); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Dion, 2008 QCTDP 9; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bétit, 2003 CanLII 32614 (QC T.D.P.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Immeubles Chantal et Martin inc. (Manoir de La Baie inc.), 2013 QCTDP 23 (ci-après citée « Manoir de La Baie inc. »).
[13] C.D.P.c. Briand, préc., note 8; Commission des droits de la personne du Québec c. J.M. Brouillette Inc., [1994] 23 CHRR D/495, par. 13 (QC T.D.P.).
[14] Sinatra, préc., note 12, par. 31.
[15] Desroches c. Commission des droits de la personne, [1997] R.J.Q. 1540 (C.A.). Voir également : Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 R.T.N.U. 3 (entré en vigueur au Canada le 19 août 1976 et ratifié par le Québec le 21 avril 1976), art. 2(2) et 11(1).
[16] À titre d’exemple : Manoir de La Baie inc., préc., note 12.
[17] Droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, art. 6 de la Charte.
[18] Whittom, préc., note 6, 1826-1827.
[19] Québec (Ville de) c. Commission des droits de la personne, [1989] R.J.Q. 831, 841 (C.A.).
[21] Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) préc., note 10.
[22] Commission des droits de la personne du Québec c. Desroches, [1992] J.L. 105 (QC T.D.P.), conf. par [1997] R.J.Q. 1540 (C.A.); C.D.P. c. Gauthier et al., 1993 CanLII 2000 (QC T.D.P.).
[23] de Montigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51, par. 53.
[24] St-Ferdinand, préc., note 9, par. 121 (j. L'Heureux-Dubé).
[25] Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, par. 196.
[26] Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73, par. 120-132.
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