Jacques c. Industries Dettson inc. |
2021 QCCQ 8084 |
COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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LOCALITÉ DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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« Chambre civile » |
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N° : |
400-32-701524-204 |
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DATE : |
8 septembre 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE ALLEN, J.C.Q. |
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ROBERT JACQUES |
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Demandeur |
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c. |
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INDUSTRIES DETTSON INC. Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur réclame la somme de 1 472,56 $ en raison du mauvais fonctionnement de la fournaise fabriquée par la défenderesse.
[2] Bien que la défenderesse ait produit une contestation par laquelle elle nie responsabilité, au jour et à l’heure de l’audience, elle est absente quoique l’avis de convocation à l’audience ait été transmis aux parties et malgré qu’elle ait été appelée.
[3] La partie demanderesse étant présente et se déclarant prête à être entendue, le dossier procède par défaut tel que le prévoit l’article 559 du Code de procédure civile.
CONTEXTE
[4] Le 4 novembre 2010, le demandeur achète et fait installer au coût de 3 057,78 $ une fournaise de marque Dettson.
[5] Le 9 octobre 2019, la fournaise cesse de fonctionner et l’entrepreneur en chauffage François Boisvert qui se rend sur place identifie la cause du problème comme étant les deux éléments de la fournaise dont il procède au remplacement.
[6] Un peu plus de deux mois plus tard, la fournaise cesse à nouveau de fonctionner et le même entrepreneur en chauffage se rend à nouveau sur place où il constate cette fois que c’est la carte électronique qui s’avère être défectueuse. La pièce étant en rupture d’inventaire chez la défenderesse, elle n’est remplacée que 15 jours plus tard, soit le 14 janvier 2020.
[7] Bien que la garantie du fabricant soit expirée, le demandeur considère qu’il n’est pas normal que des pièces telles que les éléments et la carte électronique doivent être remplacées moins de dix ans après l’achat. Il réclame donc le coût des deux appels de services, soit celui du 9 octobre 2019 pour le remplacement des éléments au montant de 310,43 $ et celui du 14 janvier 2020 pour le remplacement de la carte électronique au montant de 362,17 $.
[8] Enfin, estimant qu’il est par ailleurs anormal qu’un fabricant soit en rupture d’inventaire d’une pièce essentielle au fonctionnement de la fournaise telle que la carte électronique, il réclame des dommages-intérêts de 800 $ pour ses troubles et inconvénients durant les 15 jours où il a été privé du fonctionnement normal de la fournaise en plein hiver et pendant lesquels il a dû opérer celle-ci de façon manuelle.
ANALYSE
[9] Le contrat d’achat et installation de la fournaise le 4 novembre 2010 étant intervenu avec un commerçant, le demandeur bénéficie des garanties légales prévues à la Loi sur la protection du consommateur (LPC) qui permettent au consommateur, qui a acheté un bien d’un commerçant, d’exercer directement contre le commerçant ou le fabricant un recours fondé sur une garantie légale prévue à cette loi, telle que la garantie d’usage de l’article 37 LPC ou la garantie de durabilité eu égard à son prix, aux clauses du contrat et à l’utilisation qui en est faite de l’article 38 LPC.
[10] Ces deux garanties légales sont en fait qu’une application particulière de la garantie légale contre les vices cachés de l’article 1726 du Code civil du Québec et celle que l’on retrouve par ailleurs à l’article 53 LPC[1].
[11] L’acheteur qui prétend que le bien acheté est affecté d’un vice caché, d’un défaut de qualité ou d’un défaut de durabilité a le fardeau de faire la preuve prépondérante des faits au soutien de ses prétentions et de sa réclamation[2].
[12] Ainsi, le consommateur qui exerce un recours en vertu de la garantie d’usage de l’article 37 LPC doit faire la preuve que le bien est affecté d’un déficit d’usage sérieux dont il ignorait l’existence au moment de l’achat. Le consommateur qui exerce un recours en vertu de la garantie de durabilité de l’article 38 LPC doit démontrer que le bien n’a pas servi pendant une durée raisonnable, compte tenu de son prix, des clauses du contrat et des conditions normales d’utilisation par rapport à des biens identiques[3].
[13] Une fois cette preuve faite par le consommateur, le vice caché, le défaut d’usage ou le défaut de durabilité du bien vendu par le commerçant est présumé connu du vendeur et du fabricant et il appartient alors au commerçant ou au fabricant de repousser cette présomption et de faire la preuve des faits susceptibles d’écarter sa responsabilité[4].
i. Coûts de remplacement des éléments et de la carte électronique
[14] L’absence de la défenderesse à l’instruction n’exempte pas le demandeur de son fardeau de preuve exigé de démontrer que la fournaise est affectée d’un déficit d’usage sérieux dont il ignorait l’existence au moment de l’achat ou qui n’a pu servir pendant une durée raisonnable compte tenu de son prix, des clauses du contrat et des conditions normales d’utilisation par rapport à des biens identiques.
[15] Tout bien a une durée de vie utile et les garanties légales précitées ne s’appliquent pas à l’usure normale ou à la vétusté. Une détérioration d’un bien tel qu’une fournaise qui survient dans les mois suivant l’achat permet facilement de conclure à un déficit d’usage existant lors de l’achat ou à une détérioration prématurée. Ce n’est pas nécessairement le cas pour un problème survenant un peu moins de dix ans suivant l’achat.
[16] La preuve du demandeur à ce sujet, outre son propre témoignage, repose sur les factures de l’entreprise de chauffage ayant répondu aux appels de services et fait les réparations ainsi qu’à la déclaration pour valoir témoignage de son représentant François Boisvert. Monsieur Boisvert y rappelle les faits, mais ne se prononce d’aucune façon sur la question de la durabilité raisonnable de la fournaise et de ses composantes par rapport à des fournaises similaires, compte tenu de son prix et des conditions normales d’utilisation.
[17] Bien qu’en fin d’audience, le Tribunal ait souligné l’existence de cette lacune dans la preuve du demandeur et qu’il lui ait permis d’y remédier en déposant une preuve documentaire additionnelle, il n’a pas déposé de preuve additionnelle, se contentant de déposer une note exprimant ses propres prétentions sur la question.
[18] Dans les circonstances, le Tribunal ne peut conclure à un mauvais fonctionnement prématuré sans la preuve de durabilité de biens identiques ou de même espèce[5]. Cette première partie de la réclamation est donc rejetée.
ii. Dommages-intérêts pour troubles et inconvénients
[19] Le demandeur prétend par ailleurs qu’il n’est pas normal qu’un fabricant soit en rupture d’inventaire d’une pièce telle que la carte électronique.
[20] L’article 39 LPC stipule que si un bien qui fait l’objet d’un contrat est de nature à nécessiter un travail d’entretien, les pièces de rechange doivent être disponibles pendant une durée raisonnable après la formation du contrat. Au terme de cet article, le fabricant doit donc être en mesure de fournir au consommateur les pièces de rechange dans un délai raisonnable qui s’apprécie entre autres selon la nature du bien et de la pièce, selon qu’elle s’avère essentielle ou non au fonctionnement du bien, la durée de service du bien et la cause du problème d’approvisionnement[6].
[21] Il est de connaissance judiciaire qu’un système de chauffage en bon état de fonctionnement est essentiel pour affronter les hivers au Québec. Aussi, il est anormal qu’une entreprise qui fabrique des fournaises ne puisse fournir avant deux semaines une pièce essentielle à son bon fonctionnement tel qu’une carte électronique.
[22] La défenderesse ne s’étant pas présentée à l’audience, le Tribunal ignore les raisons pouvant expliquer qu’elle n’ait pu fournir la pièce manquante plus rapidement.
[23] Dans les circonstances, la preuve démontre que la défenderesse a manqué à l’obligation que lui impose l’article 39 LPC et, par conséquent, le demandeur est en droit d’être compensé pour les dommages qu’il a pu subir comme conséquence directe et immédiate de ce manquement.
[24] Le demandeur réclame des dommages-intérêts de 800 $ pour ses troubles et inconvénients durant les 15 jours où il a été privé du fonctionnement normal de la fournaise.
[25] Avec égards, bien que la preuve démontre que le retard de la défenderesse à fournir la pièce devant être remplacée a contraint le demandeur à devoir mettre en marche ou interrompre le chauffage manuellement par le disjoncteur du panneau électrique pendant 15 jours, elle est insuffisante pour conclure que les troubles et inconvénients subis par le demandeur justifient le plein montant de la compensation réclamée.
[26] En vertu de la preuve présentée et de son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal accorde au demandeur des dommages-intérêts de 500 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] CONDAMNE la partie défenderesse à payer au demandeur la somme de 500 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 31 août 2020, date d’expiration du délai accordé à la mise en demeure;
[28] CONDAMNE la partie défenderesse à payer au demandeur les frais de justice de 104 $ correspondant aux droits de greffe exigibles pour le dépôt de la demande.
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__________________________________ PIERRE ALLEN, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
17 août 2021 |
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[2] Articles 2803 et 2804 C.c.Q.
[4] Article 1739 C.c.Q. et article 53 LPC; CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, 2017 QCCA 154, par. 28; Voir aussi Jobin, Pierre-Gabriel et Cumyn, Michelle, La vente, 4e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, p. 662.
[5] Sincennes c. Lavigne, 2010 QCCQ 54.
[6] Lamothe c. Chrysler Canada inc., 2009 QCCQ 12757.
AVIS :
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