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[1] Le 14 juillet 2003, monsieur Mohammad Ashraf Khan (le travailleur) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative, le 12 juin 2003.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 11 avril 2003 rendue à la suite d’un avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale le 4 avril 2003 ainsi que de son avis complémentaire du 25 avril 2003. La CSST, étant liée par cet avis, retient en relation avec l’événement du 20 décembre 2001, une date de consolidation de la lésion professionnelle au 2 août 2002, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date, ayant résulté en un pourcentage de 7,25 % à titre de préjudice esthétique sans limitations fonctionnelles.
[3] La CSST conclut, compte tenu de la date de consolidation de la lésion professionnelle et de l’absence de limitations fonctionnelles, que monsieur Khan est redevenu capable d’exercer son emploi. Par conséquent, elle cesse de lui verser l’indemnité de remplacement du revenu au 2 août 2002. Pour la période du 3 août 2002 au 10 avril 2003, en raison de sa bonne foi, la CSST l’avise qu’il n’aura pas à rembourser la somme de 9774,76 $.
[4] Une audience a lieu, à Longueuil, le 24 novembre 2004. Monsieur Mohammad Ashraf Khan est présent mais non représenté. Monsieur Vinod Kapoor, propriétaire du Restaurant Le Taj (l’employeur) est présent. La CSST est représentée par Me Benoît Boucher.
L’OBJET DE LA CONTESTATION ET L’ARGUMENTATION DES PARTIES
1. Le travailleur
[5] Monsieur Khan est seul et non représenté. Il témoigne en anglais. Il fait valoir devant la Commission des lésions professionnelles que, depuis son agression subie au travail le 20 décembre 2001, son état physique n’est jamais revenu à la normale. Au contraire, il s’est détérioré. Au surplus, à la suite de cet accident du travail, il n’a jamais été en mesure de retourner à temps complet à son travail de serveur.
2. L’employeur
[6] L’employeur, par la voix de son propriétaire, monsieur Vinod Kapoor, appuie les revendications et prétentions du travailleur. Il a également témoigné lors de l’audience.
3. La CSST
[7] Pour sa part, le procureur de la CSST soutient que la seule compétence de la Commission des lésions professionnelles est de statuer uniquement sur les quatre sujets médicaux qui ont fait l’objet de l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale en avril 2003.
[8] Par ailleurs, le procureur de la CSST soutient être fort « étonné » de la façon dont s’est déroulée l’audience devant la Commission des lésions professionnelles en se disant particulièrement « outré » du fait que :
1- La Commission des lésions professionnelles lui ait posé des questions pour s’informer si la CSST avait statué sur les autres diagnostics dans le dossier. Il a mentionné, en début d’audience, s’être lui-même interrogé pourquoi la CSST n'avait pas rendu de décision sur certains diagnostics. Toutefois, malgré cela, il considère que l’agent de la CSST n’était pas obligé de tenir compte de l’opinion de son médecin désigné;
2- Au surplus, ce procureur souligne que la CSST a rendu une décision d’admissibilité dans laquelle le seul diagnostic accepté fut celui de blessures par balles . Une autre décision d’admissibilité de la CSST, non contestée par le travailleur, avait refusé le diagnostic de radiculopathie en C-8 parce que n’étant pas reliée avec l’événement initial;
3- Celui-ci se dit « surpris » des questions suggestives posées par l’assesseur médical assistant la Commission des lésions professionnelles, tant au travailleur qu’à l’employeur, notamment celles portant sur le fait accidentel initial alors que la compétence de la Commission des lésions professionnelles devait se limiter uniquement aux questions strictement médicales, excluant le diagnostic;
4- À la suite d’un commentaire de la soussignée relativement à la sévérité du traumatisme initial et à ses conséquences sur le plan médical, le procureur de la CSST a réagi en alléguant, d’une part, que le fait accidentel était banal, puisque, dans les faits, même si le travailleur a reçu cinq balles dans le corps, ses blessures ont été superficielles et que, d’autre part, il n’y avait eu aucune notion de bagarre dans la version contemporaine de l'événement donnée par le travailleur;
5- Il soutient que, dès les premières questions qui lui furent posées à titre de procureur de la CSST en début d’audience, puis par la suite au travailleur et à l'employeur, la Commission des lésions professionnelles a démontré que sa décision était déjà prise.
[9] Afin de répondre adéquatement aux prétentions des parties, il convient d’examiner les faits à l’origine du présent litige.
LES FAITS
[10] Le 20 décembre 2001, le travailleur est âgé de 55 ans. Il est serveur depuis environ 10 ans au Restaurant Le Taj à temps complet.
[11] Le 20 décembre 2001, celui-ci est victime d’une agression physique à la suite d’un cambriolage dans une banque juxtaposée au restaurant :
Two men, after robbing the bank in the lobby of the building, tried to make their escape thru the restaurant. One of the robbers, thinking that I was trying to stop him started shooting, hitting me four times. [sic]
(Dossier C.L.P. page 23)
[12] Lors de l’audience, le travailleur témoigne plus amplement quant aux circonstances entourant cet événement survenu le 20 décembre 2001. Lors de ce cambriolage, un premier cambrioleur a tenté de s’échapper à travers le restaurant et l’a heurté alors qu’il tenait un plateau rempli de vaisselles. Le travailleur se trouvait dans un espace restreint entre des rangées de tables. Le cambrioleur l’a heurté violemment afin de l’expulser de son chemin. Le travailleur s’est accroché à lui et les assiettes ont volé de toutes parts. Alors qu’il tenait le cambrioleur, le travailleur est tombé sur le plancher. Ils ont roulé ensemble pendant plusieurs pieds, sans toutefois que le travailleur soit capable de mentionner la distance exacte, puisque le tout s’est déroulé très rapidement. Au cours de sa chute, il est tombé, soit sur des chaises ou sur des tables, ne pouvant s’en souvenir précisément, puisqu’il s’est blessé à la jambe qui saignait abondamment. Il est demeuré avec une cicatrice à la jambe qu’il a d’ailleurs exhibée à l’audience.
[13] Puis, un deuxième cambrioleur a surgi dans le restaurant. Il a atteint le travailleur de quatre projectiles à l’abdomen et à la cuisse droite.
[14] Le propriétaire du restaurant, monsieur Vinod Kapoor, mentionne qu’il était présent sur les lieux de travail le 20 décembre 2001. Il témoigne que la cuisine est située à l’arrière du restaurant tandis que lui-même se trouvait au milieu du restaurant. Le premier cambrioleur est entré par la porte avant. Quelques instants plus tôt, il avait aperçu le travailleur tenant un plateau rempli de vaisselle dans les mains. Il confirme qu’effectivement l’espace entre les tables est très étroit. Soudainement, il a entendu un cri (dont il ne pouvait identifier la provenance). Il a alors aperçu un deuxième cambrioleur, portant une cagoule, devant la porte avant du restaurant. Tous les clients, il y en avait environ 75 à ce moment-là, se sont projetés au sol. Puis, il a entendu des coups de feu. Les clients se sont mis à courir dans tous les sens dans le restaurant. Il a aperçu le travailleur étendu par terre, à l’arrière du restaurant près de la cuisine, qui criait : « j’ai été tiré ». Le tout s’est déroulé très rapidement. Il y a une distance d’environ 40 pieds entre l’endroit où il a aperçu le cambrioleur et l’endroit où il a trouvé le travailleur étendu par terre. Toutefois, il mentionne ne pas avoir vu le travailleur rouler par terre avec le premier cambrioleur ni lorsque le deuxième cambrioleur a tiré sur lui. Par contre, dit-il, les chaises et les tables étaient sens dessus dessous.
[15] Transporté en ambulance à l’urgence de l’hôpital Général de Montréal, le travailleur est gardé en observation au cours de la nuit à l’unité de traumatologie sous les soins du docteur Evans.
[16] Le 21 décembre 2001, le docteur Evans demande une évaluation à un orthopédiste en vue d’éliminer un syndrome du compartiment. Dans sa réponse, ce spécialiste constate qu’il n’y a pas une telle complication et suggère un analgésique.
[17] Une consultation en physiothérapie, en date du 21 décembre 2001, révèle que la physiothérapeute note une augmentation de la douleur au membre inférieur droit, une augmentation de l’enflure et une diminution de la mobilisation active de tout le membre inférieur droit.
[18] La même journée, le travailleur obtient son congé. Les notes d’observation du centre hospitalier font état que le travailleur a reçu trois balles au niveau de l’abdomen et une au niveau de la cuisse droite avec un point de sortie à la fesse droite. Il n’y a aucune atteinte nerveuse ni vasculaire périphérique.
[19] Par la suite, le travailleur retourne à son domicile. À l’audience, il témoigne être demeuré alité plusieurs mois. Pendant au moins deux mois, une infirmière se rendait à son domicile afin de changer régulièrement ses pansements.
[20] Le 11 janvier 2002, le docteur Ravel remplit deux rapports médicaux. Le premier pour une visite du 20 décembre 2001[1] et le deuxième pour une visite du 11 janvier 2002[2]. Son diagnostic une atteinte des tissus mous aux niveaux de la cuisse et de l’abdomen à la suite d’un traumatisme par balles .
[21] La note clinique du docteur Ravel pour cette visite en clinique externe, même si elle n'est pas datée, se retrouve à la page 49 du dossier C.L.P. et porte la signature de ce médecin. Il précise que le travailleur a subi deux chirurgies lombaires dans le passé, dont la dernière en 1994 et qu’il souffre d’une récurrence de douleurs lombaires depuis le traumatisme, avec boiterie et diminution de la force des muscles fléchisseurs et extenseurs du membre inférieur. Cependant en raison de la douleur due aux plaies, il ne peut évaluer adéquatement l’état du membre inférieur droit. Il pose le diagnostic de plaies qui guérit en émettant aussi l’hypothèse d’une « recurrent back injury ». Il le dirige en clinique d’orthopédie.
[22] Le 18 janvier 2002, le travailleur débute des traitements en physiothérapie.Le rapport initial en physiothérapie[3] fait état notamment de douleurs à la région lombaire basse et à la face latérale de la jambe droite ainsi que de sensations de brûlure ou froideur au 1er orteil droit. On retrouve à la page 50 du dossier C.L.P. les notes cliniques de la physiothérapeute. Parmi les problèmes, elle note que le travailleur se plaint de douleurs constantes à la région lombaire droite et à la jambe droite augmentées par le changement de position; d’une douleur intermittente au 1er orteil augmentée au toucher de même qu'une douleur bilatérale depuis une semaine aux deux bras à l’effort physique léger à modéré. Son examen clinique démontre pour la région lombaire une limitation douloureuse de la flexion; un SLR droit positif à 74 cm et pour le genou droit des amplitudes articulaires actives diminuées en flexion. Elle note que les problèmes lombaires ont été exacerbés par les blessures. Les traitements entrepris en physiothérapie concernent le genou droit, la hanche droite et la colonne lombaire.
[23] Le 31 janvier 2002, le travailleur consulte le docteur Lacroix. Les notes cliniques de ce médecin sont citées par le docteur Desnoyers dans son expertise du 2 août 2002[4] (mais elles ne sont pas au dossier C.L.P.). Le docteur Desnoyers cite l’examen clinique du docteur Lacroix pratiqué en janvier 2002:
Monsieur sera également vu par le Dr Vincent Lacroix en date du 31 janvier 2002. On fait référence aux chirurgies de discoïdectomie de 1990 et 1994.
On mentionne que Monsieur avait eu une certaine perte de sensibilité en post-opératoire en 1994 mais que ceci était résolu et qu’en date de l'examen du 31 janvier 2002, Monsieur avait quelques zones de baisse de sensibilité à la face latérale de la jambe jusqu’au niveau du pied à droite.
L’examen physique avait démontré un tripode légèrement positif à droite, la dorsi-flexion du pied droit et gauche était normal et forte, baisse marquée de sensibilité à la piqûre et au toucher léger à la face latérale de la jambe jusqu’à la face latérale et médiane et la portion inférieure du pied à droite.
Dans les conclusions, le médecin mentionnait que ce n’était pas facile de faire la différence à savoir si les douleurs actuellement étaient une recrudescence des douleurs de 1990 ou s’il avait subi une irritation retardée de son nerf sciatique depuis les blessures par balles .
[sic]
[24] Le 8 février 2002[5], les notes de la physiothérapeute font état d’une amélioration des douleurs mais qui persistent et le réveillent la nuit.
[25] Le 11 février 2002, la CSST rend une décision d’admissibilité[6] dans laquelle elle accepte le diagnostic de blessures par balles à l’estomac, à la jambe et à la hanche droites.
[26] Le 1er mars 2002, la physiothérapeute note une amélioration des douleurs lombaires et à la jambe avec l’analgésique prescrit pour les douleurs à la colonne cervicale et à l’épaule. Elle mesure un SLR à 65°des deux côtés reproduisant une douleur à la jambe du côté droit.
[27] Le 13 mars 2002, le docteur V. Lacroix produit un rapport médical dans lequel il note la présence d’un traumatisme multiple par balles . Il diagnostique des symptômes de dystrophie sympathique réflexe au niveau du 1er orteil droit, de sorte que le travailleur ne peut marcher. Il est en attente d’un électromyogramme afin de préciser le diagnostic. Il le dirige vers un neurologue.
[28] Le 18 mars 2002, dans le dernier rapport en physiothérapie, on note une amélioration au niveau de la hanche et de la cuisse. Toutefois, le travailleur ressent encore des douleurs au niveau du 1er orteil. La proprioception est légèrement diminuée. Le travailleur obtient son congé avec recommandations d’effectuer ses exercices à la maison.
[29] Le 2 mai 2002, le docteur Lacroix diagnostique, sur un rapport médical de CSST, une radiculopathie au niveau de C-8 de même qu’une douleur lombaire chronique avec une possibilité d’atteinte nerveuse au niveau de L-5. Il suspecte également une dystrophie sympathique réflexe. Le 30 mai 2002, ce médecin constate toujours la présence d’une radiculopathie au niveau C-8 pour laquelle il demande une résonance magnétique. Il note la persistance de la douleur à la jambe droite. Il dirige le travailleur au docteur T. Dahan à la Clinique de la douleur.
[30] Le 5 juin 2002, la résonance magnétique de la colonne cervicale est ainsi interprétée par le docteur A. Assaf, radiologiste :
The C2-C3 segment is normal.
At C3-C4, there is minimal right foraminal stenosis.
At C4-C5, there is mild right foraminal stenosis and minimal on the left side. Tiny posterior osteophytes are seen. These are not significant.
At C5-C6, there is significant bilateral foraminal stenosis due to osteophytes. The right side is more affected. We also see a small postero-central disco-osseous complex mildly compressing the dural sac. This is narrowing the spinal canal but it is not causing significant central stenosis.
At C6-C7, there is mild bilateral foraminal stenosis. There is a wide-based disco-osseous complex with its epicenter just left of the mid line. It is compressing the dural sac. The spinal canal is again narrow to just about 10 mm and therefore there is no significant central stenosis for now.
At C7-T1, there is a wide-based subligamentous hernia at the left postero-lateral-foraminal aspect. It measures 1.1 cm in the vertical diameter. The left C8 nerve root could be affected. There is no significant central stenosis at that level. The rest of the study is unremarkable.
(Dossier C.L.P. page 54)
[31] Le 26 juin 2002, le docteur Lacroix confirme son diagnostic de radiculopathie au niveau C-8 gauche vu les symptômes et les résultats de la résonance magnétique qui font état de la possibilité d'une compression de cette racine. Il demande un électromyogramme. Il dirige le travailleur vers un orthopédiste, le docteur R. Reindl.
[32] Le 30 juin 2002, le travailleur retourne à ses fonctions de serveur à temps partiel, à raison de deux jours par semaine. À l’audience, le travailleur mentionne que, bien qu’il ait toujours travaillé à temps complet avant son accident du travail, par la suite, il a été incapable, à cause de son état physique, de travailler plus de deux jours par semaine. Il utilisait encore des béquilles à l’occasion en raison de douleurs à sa jambe droite et à son orteil droit. Il souffrait encore de douleurs au cou et au bras gauche.
[33] Le 9 juillet 2002, la CSST refuse le diagnostic de radiculopathie au niveau de C-8 au motif qu’il ne constitue pas une lésion professionnelle, puisque non relié à l’événement du 20 décembre 2001. Le travailleur conteste cette décision. Le 15 avril 2003, la CSST à la suite d’une révision administrative maintient sa décision initiale refusant le diagnostic de radiculopathie au niveau de C-8 à titre de lésion professionnelle au motif entre autres qu’aucune lésion au niveau cervical n’avait été identifiée dans la période suivant le traumatisme ni au rapport de physiothérapie. Cette décision n’est pas contestée par le travailleur puisque, nous dit-il à l’audience, cette décision n’était rédigée qu'en français (alors qu'il parle uniquement anglais) et que, de plus, il était à l’extérieur du pays pour la période de juin 2003 à septembre 2003.
[34] Le 2 août 2002, le docteur Jacques Desnoyers, médecin désigné par la CSST, produit une expertise médicale. D’emblée, il précise que l’objectif de son expertise est de se prononcer sur les cinq sujets médicaux prévus à l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[7] (la loi). Au niveau de « l’histoire de la maladie actuelle », il constate :
Monsieur Khan est un homme de 55 ans, pakistanais qui, le 20 décembre 2001, est impliqué dans un vol de banque armé. Monsieur est un serveur dans un restaurant. Le restaurant est adjacent à une banque. Après ou avant le vol de banque, il appert que les voleurs passèrent à travers le restaurant. Celui-ci était bondé.
Monsieur s’intercalera entre l’un des voleurs et la sortie. Il s’en est suivi une certaine échauffourée. Monsieur recevra un coup de poing, sera projeté au sol, sera enchevêtré dans les chaises et il appert que le voleur, à un certain moment donné, ouvrira le feu à 5 reprises. Monsieur sera touché à l’abdomen et à la cuisse droite.
Monsieur fut transporté à l’hôpital général. Il sera gardé 1 journée. Il aura congé le lendemain. Pendant 2 mois et demi, il gardera le lit, une infirmière ira à domicile pour les pansements. Rapidement, Monsieur nous mentionne que plusieurs problèmes étaient apparents.
En effet, il nous dit qu’il avait mal au cou avec des irradiations au niveau du membre supérieur gauche et des faiblesses au niveau du membre supérieur gauche.
Il avait également des douleurs dans la région lombaire basse à droite. Il avait également des douleurs au niveau de la cuisse, c’est-à-dire l’endroit où il fut atteint et des douleurs qui irradiaient au niveau de la face antérieure de la jambe droite et jusqu’au gros orteil droit.
Le lecteur est prié de noter à ce stade-ci de la lecture que Monsieur Khan fut opéré pour hernie discale à un niveau inconnu mais dans la région de L4 à S1 en 1990 et en 1994. Pour suivre la condition actuelle, Monsieur nous mentionne qu’il fut soigné à l’hôpital général. Il fut soigné par le Dr Vincent Lacroix. Celui-ci prescrira de la physiothérapie. Il fera de la physio pendant 2 à 3 mois à raison de 2 jours/semaine.
Monsieur nous mentionne que ceci a beaucoup aidé la mobilité au niveau de la cuisse et de la hanche droite. La physio adressait surtout le dos et le membre inférieur. Il n’y a pas eu de physiothérapie pour le cou et le membre supérieur gauche. Le Dr Lacroix récemment aurait prescrit une résonance magnétique cervicale et un électromyogramme et référé Monsieur en neurochirurgie.
(Dossier C.L.P. pages 57 et 58)
[35] Le docteur Desnoyers, au niveau des plaintes et problèmes rapportés par le travailleur, élimine d’emblée les structures normales, à savoir le membre supérieur droit, l’absence de douleurs dorsales, de douleurs aux niveaux du dos à gauche et au membre inférieur gauche de même que l’absence de problèmes abdominaux ou thoraciques.
[36] Par la suite, le docteur Desnoyers fait état de chacune des régions où le travailleur rapporte un problème, notamment cervico-brachial, lombaire ainsi qu’au membre inférieur droit :
Région cervico-brachiale : Monsieur nous dit avoir surtout une difficulté à bouger la tête de droite à gauche.
Les stations fixes sont difficiles. Monsieur nous dit avoir des douleurs qui irradient le long du membre supérieur gauche vers le 4e et le 5e doigt. Il nous dit avoir une sensation de baisse de force. Il nous dit qu’il ne peut pas forcer sur les objets avec une force de préhension comme auparavant. Il nous dit que lorsqu’il doit servir au restaurant, qu’il ne peut mettre plus de 2 assiettes alors qu’auparavant, il en transportait plus.
L’endurance fait également défaut. La toux et l’éternuement ne changent pas la symptomatologie. Il n’y a pas de problème d’épaule ou de coude.
Région lombaire et membre inférieur droit : Monsieur nous dit que c’est très douloureux et très difficile. Il nous mentionne être capable de marcher 45 minutes à 1 heure mais ressentir à ce moment des douleurs qui augmentent de plus en plus au niveau de sa jambe droite jusqu’au niveau du gros orteil droit et que ceci limite beaucoup sa capacité au travail. Il doit s’asseoir.
Au fur et à mesure que la journée avance, il nous dit que les douleurs deviennent de plus en plus intolérables et que ceci devient excessivement difficile pour lui de tolérer cette situation et de pouvoir rester au travail. Monsieur est capable de garder la station assise mais seulement s’il est assis dans une chaise confortable mais Monsieur ne pouvant s’asseoir dans un fauteuil bas ou dans un sofa car les douleurs dans le dos sont trop importantes.
Au niveau du membre inférieur droit, Monsieur n’allègue que certains malaises au niveau de la cuisse droite, région où il fut atteint, les douleurs étant surtout au niveau de la jambe à droite antéro-latérale et jusqu’au niveau du gros orteil. À ce stade-ci, nous avons demandé à Monsieur ce qui en était des douleurs de lombalgie et des irradiations au niveau du membre inférieur droit qui avaient nécessité et justifié en 1990 et 1994 un geste chirurgicale.
[…]
(…) Monsieur nous a cependant mentionné que les douleurs au niveau de la jambe et du dos se ressemblent un peu mais que les douleurs au niveau du gros orteil n’ont jamais été présentes auparavant.
[sic]
(Dossier C.L.P. pages 59 et 60)
[37] L’examen clinique du docteur Desnoyers montre des limitations de mouvements à la colonne cervicale en extension, en rotation et en flexion latérale gauche. À la région lombo-sacrée, il note une diminution de la flexion, de l’extension, de la flexion latérale et de la rotation droite. La douleur en flexion et en extension irradie au niveau du membre inférieur droit jusque dans la région antéro-latérale de la jambe et au gros orteil à droite. Son examen neurologique des membres supérieurs démontre une baisse globale de la préhension au niveau de la main gauche. Son examen sensitif montre une baisse de sensibilité du territoire de C8 - T1 à gauche sans atrophie. Il souligne une légère faiblesse de la capacité du travailleur à se déplacer sur les talons à droite. Au niveau de la jambe droite, il remarque la présence de cicatrices très facilement identifiables et écrit : « ces 2 dernières cicatrices ont été causées par une blessure de chaise lorsque Monsieur est tombé et s’est battu avec le voleur ».
[38] À la suite de son examen clinique, le docteur Desnoyers procède à l’analyse de la preuve contenue au dossier:
Sur l’ADR on y lit les informations telles que rapportées par Monsieur Khan aujourd’hui. L’événement survient le 20 décembre 2001.
Sur une note rapport initial et rapport de l’intervention de physiothérapie datée du 18 janvier 2002, on mentionne en plus du problème du membre inférieur droit, des problèmes de la région lombaire basse.
Le 8 février 2002, sur cette même note de physio, on mentionne que Monsieur a encore des problèmes lombaires importants.
Le 12 février 2002, la décision d’admissibilité reconnaît les blessures par balles , estomac, jambe, hanche droite. Dans une note de physio qui n’est malheureusement pas datée, on mentionne qu’en plus des problèmes lombaires et de la jambe droite, de la difficulté à rester assis, couché ou debout et du fait que Monsieur se réveillait la nuit à cause des douleurs, qu’il se plaignait également de douleur au niveau des 2 membres supérieurs depuis 1 semaine.
Monsieur sera également vu par le Dr Vincent Lacroix en date du 31 janvier 2002. On fait référence aux chirurgies de discoïdectomie de 1990 et 1994.
On mentionne que Monsieur avait eu une certaine perte de sensibilité en post-opératoire en 1994 mais que ceci était résolu et qu’en date de l’examen du 31 janvier 2002, Monsieur avait quelques zones de baisse de sensibilité à la face latérale de la jambe jusqu’au niveau du pied à droite.
L’examen physique avait démontré un tripode légèrement positif à droite, la dorsi-flexion du pied droit et gauche était normal et forte, baisse marquée de sensibilité à la piqûre et au toucher léger à la face latérale de la jambe jusqu’à la face latérale et médiane et la portion inférieure du pied à droite.
Dans les conclusions, le médecin mentionnait que ce n’était pas facile de faire la différence à savoir si les douleurs actuellement étaient une recrudescence des douleurs de 1990 ou s’il avait subi une irritation retardée de son nerf sciatique depuis les blessures par balles .
Sur les rapports médicaux de la CSST, le Dr Lacroix, en date du 13 mars 2002, mentionnait que Monsieur avait des symptômes d’une dystrophie sympathique réflexe du gros orteil droit et qu’il est en attente d’un électromyogramme et d’une consultation en neurologie.
Le 2 mai 2002, le Dr Lacroix mentionne une radiculopathie C8, douleur chronique lombaire avec possible atteinte de L5 à droite et une dystrophie sympathique réflexe possible. Une information médicale complémentaire écrite est demandée au Dr Vincent Lacroix. Nous savons que le Dr Lacroix n’a pas répondu à cette demande.
En date du 5 juin 2002, une résonance magnétique de la colonne cervicale est demandée.
(Dossier C.L.P. pages 63 et 64)
[39] Puis, le docteur Desnoyers, dans un résumé du dossier, souligne la présence de « notes au dossier [qui] font état assez rapidement de douleurs lombaires basses avec irradiation au membre inférieur droit. ». Il mentionne que les médecins n’ont pu déterminer la nature exacte des douleurs dans un contexte où le travailleur avait déjà été opéré en 1990 et 1994 pour une discoïdectomie lombaire basse.
[40] Le docteur Desnoyers conclut :
1. Le diagnostic à retenir en regard avec l’événement du 20 décembre 2001 est celui de blessure des parties molles au niveau de l’abdomen, de la fesse droite et de la cuisse droite. Les diagnostics qui sont retenus actuellement sont ceux d’une irritation sciatalgique droite du territoire de L5. De façon accessoire également, Monsieur souffre d’une cervico-brachialgie gauche sur discopathie multi-étagée.
2. En ce qui concerne la blessure des parties molles, la date de consolidation est celle de cette présente expertise, soit le 2 août 2002. En ce qui concerne la cervico-brachialgie, nous ne sommes pas d’avis que celle-ci soit en rapport avec l’événement traumatique. En ce qui concerne la sciatalgie droite, nous estimons qu’il est trop tôt pour nous prononcer tout en mentionnant cependant que nous croyons que Monsieur a aggravé une condition personnelle sous-jacente de chirurgie discoïdectomie en 1990 et 1994.
Nous motivons notre décision de ne pas consolider la lésion de la lombo-sciatalgie dans la mesure où Monsieur pourrait encore bénéficier d’un programme sélectif d’entraînement de renforcement et d’endurance au niveau du membre inférieur droit car nous croyons que le pronostic est favorable à l’effet que Monsieur puisse reprendre son travail de serveur.
3. Il y a atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.
4. Bilan des séquelles : Préjudice esthétique.
224386 1.5% abdomen
224402 4% membre inférieur droit
Lombo-sciatalgie droite, 2% style l’équivalent d’entorse lombaire sur condition personnelle.
5. Nature et suffisance des traitements : Eu égard avec les blessures du 20 décembre 2001, nous estimons que Monsieur devrait être mis dans un programme d’entraînement que ce soit sous forme d’ergothérapie ou un autre programme du genre pour qu’il puisse reprendre une capacité au travail lui permettant de reprendre celui qu’il faisait auparavant, soit serveur.
Nous estimons que l’examen physique actuellement lui permet d’avoir de restrictions de la classe 1 de l’IRSST. Compte tenu du fait que Monsieur fut blessé au niveau du membre inférieur droit avec plaie par balles , associé au fait où Monsieur a déjà une condition personnelle de fragilité avec opération en 1990 et 1994 sur lombo-sciatalgie droite, associé au fait où Monsieur semble avoir repris une certaine recrudescence de la symptomatologie qu’il avait en 1990 et 1994 avec ceci comme différence, que Monsieur nous dit que son gros orteil droit est maintenant atteint alors qu’il ne l’était pas auparavant, fait que nous sommes d’avis que cette fragilité sous-jacente peut expliquer la symptomatologie et la baisse d’endurance actuelle mais en contre partie, nous sommes d’avis que sur des bases objectives, l’examen clinique nous permet d’espérer que Monsieur puisse reprendre son travail normal éventuellement.
Nous sommes d’avis qu’un programme intensif échelonné sur 6 à 8 semaines pourrait être favorable tout en s’assurant que Monsieur puisse continuer à travailler les 10 à 15 heures qu’il fait actuellement à chaque semaine.
6. Il est trop tôt pour nous prononcer sur les limitations fonctionnelles en ce qui concerne la lombo-sciatalgie droite.
En terminant, nous sommes d’avis pour que la condition clinique de Monsieur puisse être parfaitement comprise, qu’il serait pertinent si possible d’obtenir le dossier d’hospitalisation de 1990 ou à tout le moins, de 1994 pour que nous puissions avoir une idée claire de la condition clinique et de la condition du dos de Monsieur et des disques qui furent opérés.
Les limitations fonctionnelles étaient absentes certes mais nous pourrions avoir une meilleure idée de qu’est ce que l’événement récent a aggravé comme condition personnelle sous-jacente.
[sic]
(Dossier C.L.P. pages 66 et 67)
[41] Le 5 septembre 2002, la CSST rencontre le travailleur qui mentionne avoir subi deux chirurgies au niveau du dos en 1990 et en 1994 mais qu’il n’avait plus de problèmes au dos depuis 1994. Il occupe l’emploi de serveur depuis 1993. Il donne la version suivante de l’événement ainsi consignée par l’agent dans ses notes évolutives :
Il y a eu un vol à mains armées dans un établissement voisin du Restaurant dans lequel le travailleur travaille. Pour se sauver les voleurs sont entrés dans le restaurant et c‘est à ce moment que travailleur aura voulu empêcher que les voleurs prennent la fuite et il s’est interposé.
Une bagarre a suivi, chute, coup etc... et travailleur a reçu 5 balles, abdomen, 2 au côté droit, haut fesse droite cuisse droite (de bord en bord)
Selon travailleur c’est lors de la bataille qu’il s’est blessé au coup, il a mal au bras gauche, sa main gauche a ¯ force et il a mal au dos. [sic]
(Dossier C.L.P. page 7)
[42] Le 18 octobre 2002, le docteur Reindl constate la présence d’une douleur au genou et au cou. Il précise qu’il va revoir le travailleur avec une copie de la résonance magnétique.
[43] Le 22 octobre 2002, le docteur M. Ware diagnostique une douleur myofasciale à l’épaule et au bras gauches. Il recommande des blocs supra-scapulaires. Il s’interroge sur la cause d’une douleur mécanique au genou droit.
[44] Le 30 octobre 2002, le docteur Reindl diagnostique une douleur cervicale accompagnée d’une radiculopathie gauche au niveau de C-8 sur dégénérescence cervicale multiétagée. Il recommande des traitements conservateurs.
[45] Le 3 décembre 2002, le docteur Ware écrit dans son rapport médical : « radiculopathie cervicale - épisode aiguë sur un problème chronique » [sic].
[46] Du 8 décembre 2002 au 1er février 2003, le travailleur cesse le travail, à cause d’une recrudescence de ses douleurs, nous dit-il à l’audience. Aucune réclamation n'est déposée auprès de la CSST.
[47] Le 17 décembre 2002, le docteur Ware diagnostique une atteinte des tissus mous au cou et à l’épaule gauche. Il pense qu’il faut éliminer la présence d’une protrusion discale au niveau de C8-T1. Il recommande des massages et de la physiothérapie.
[48] Le 17 décembre 2002[8], le travailleur téléphone à son agente à la CSST qui écrit la teneur de la conversation dans ses notes : « le travailleur me dit que ça ne va pas bien…il a dû consulter un médecin pour son cou et bras…me dit qu’il a besoin de physiothérapie. »
[49] Le 20 décembre 2002, le docteur M. A. Fitzcharles diagnostique une synovite au genou droit. Il s’interroge également sur la possibilité d’une déchirure méniscale.
[50] Le 9 janvier 2003, le docteur Desnoyers, médecin désigné par la CSST, produit une deuxième expertise médicale après avoir examiné le travailleur le 6 janvier 2003. Les douleurs cervico-brachiales se sont exacerbées au début décembre 2002 avec irradiations et engourdissements jusque dans la main gauche. Des infiltrations effectuées par le docteur Ware ont beaucoup diminuées les douleurs, mais restent encore présentes. Il y a une faiblesse d’utilisation du membre supérieur gauche. À la région lombaire aucune modification depuis son premier examen. Pour le membre inférieur droit, il note la présence de douleurs au niveau du genou droit, de la face antérieure du tibia droit et au niveau du gros orteil droit. La toux augmente les douleurs dans la région cervico-brachiale gauche et quelquefois dans la région lombaire. Le travailleur se plaint toujours de douleur au niveau de son gros orteil.
[51] À l’examen, le docteur Desnoyers constate une amélioration des mouvements de la colonne cervicale sauf l’extension qui demeure limitée. Le rachis lombo-sacré démontre toujours des limitations de mouvement. L’examen neurologique démontre une faiblesse de la préhension côtés radial et cubital de la main gauche. Il y a aussi une baisse très légère des intrinsèques de la main gauche. L’examen sensitif démontre une baisse alléguée de la sensation à la piqûre de la région dorsale globale, mais surtout de la région dorso-radiale de la main gauche. L’examen neurologique des membres inférieurs est négatif. Une atrophie est présente au premier intrinsèque gauche. Les examens spécifiques démontrent que les douleurs, irradiant de C4 à T1 à gauche, sont également présentes au niveau du trapèze gauche dans la région de l’angle médian de l’omoplate gauche.
[52] Le docteur Desnoyers conclut :
1. Diagnostics :
Les diagnostics en relation avec l’événement traumatique du 20 décembre 2001 sont les suivants : blessures par balles parties molles abdomen, fesse droite, cuisse droite.
De façon accessoire, monsieur présente une cervico-brachialgie gauche sur discopathie multi-étagée.
Monsieur est également en statut post-discoïdectomie L4-L5 à 2 reprises en 1990 et 1994 pour sciatalgie droite.
2. Date de consolidation :
La date de consolidation est celle de cette présente expertise du 6 janvier 2003.
Les parties molles avaient été consolidées le 2 août 2002.
En ce qui concerne la sciatalgie droite, nous estimons que la condition actuelle de monsieur correspond à une condition lombaire d’évolution normale compte tenu des chirurgies en 1990 et 1994. Nous ne pouvons relier la condition actuelle à l’événement traumatique du 20 décembre 2001.
En ce qui concerne la cervico-brachialgie gauche, monsieur est toujours symptomatique de cette condition mais il semble que les modalités de traitement actuellement soient des modalités de soutien et d’entretien et non à visée de guérison. Il s’agit d’une condition personnelle.
3. Existence d’une APIPP :
Il y a atteinte permanente à l’intégrité physique.
4. Pourcentage de cette atteinte :
Préjudice esthétique :
224 386 Abdomen 1.5 %
224 402 Membre inférieur droit 4%
Lésion non-CSST :
204 219 Discoïdectomie un espace L4-L5 droit 3%
Ankylose :
207 591 flexion antérieure, degrés retenus 50 5%
207 644 extension, degrés retenus 20 1%
207 680 flexion latérale droite, perte de 10° 1%
207 760 rotation droite, perte de 5° 1%
(règle particulière 4)
Commentaires :
Le lecteur est prié de noter que dans l’expertise versée en annexe A, certaines amplitudes articulaires du rachis étaient plus élevées alors qu’elles sont actuellement plus faibles. Nous notons une condition variable. Nous avions dans notre expertise alloué 2% pour lombo-sciatalgie droite sur l’équivalent d’une entorse lombaire sur condition personnelle. Nous n’avions pas la connaissance du dossier antérieur.
Eu égard avec les amplitudes, il n’est pas probable que la nature de l’événement du 20 décembre 2001 ni l’évolution au dossier puissent avoir entraîné ou être la source ou la genèse d’une baisse d’amplitudes aussi importante.
5. Nature, nécessité, suffisance, durée des traitements :
Nous estimons que monsieur, eu égard avec les blessures subies lors de l’événement traumatique du 20 décembre 2001, a bénéficié de soins appropriés et justifiés, échelonnés sur une période suffisante.
D’un point de vue cervico-brachial, nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une condition personnelle qui pourra bénéficier de temps à autre d’infiltrations cortisonées au site présumé d’irradiation.
En ce qui concerne le côté lombaire, nous sommes d’avis que monsieur a une condition qui ressemble en toute probabilité à celle d’une évolution normale d’une condition lombaire ayant eu une discoïdectomie à deux reprises avec lyse d’adhérences en L4-L5 pour sciatalgie droite en 1990 et 1994. Il semble que monsieur ait été déstabilisé dans cette condition pendant plusieurs mois. L’examen clinique objectif d’aujourd’hui ne nous permet pas de noter de problèmes résiduels. Nous notons la baisse importante des amplitudes articulaires qui aujourd’hui s’effectuait dans les limites retenues de façon souple et harmonieuse, témoignant de l’absence de phénomènes d’irritation ou de douleur dans les amplitudes retenues.
6. Existence de limitations fonctionnelles :
A) L’arrêt de travail est actuellement motivé pour un problème cervico-brachial gauche. Il est de notre avis qu’il s’agit d’une condition personnelle. D’un point de vue objectif, nous sommes d’avis sur la base de cette condition que monsieur a des limitations fonctionnelles à l’effet qu’il devrait :
· éviter de transporter des charges de plus d’une dizaine de livres avec le membre supérieur gauche;
· éviter de lever des charges à bout de bras devant lui;
· éviter de pousser ou tirer des objets de façon répétée avec le membre supérieur gauche;
· éviter les mouvements de flexion, extension ou rotation répétés du rachis cervical;
· éviter de se retrouver sur des véhicules ou objets qui vibrent, style camion, lift ou loader.
En ce qui concerne la notion de pousser et tirer, la notion correspond à la supposition que monsieur ait à l’effectuer principalement avec le membre supérieur gauche.
B) En ce qui concerne la région lombo-sacrée, nous estimons sur la base évolutive de sa condition de 1900 et 1994 que monsieur devrait avoir des limitations fonctionnelles de la classe 1 de l’IRSST à l’effet qu’il devrait;
· éviter les flexion et extension répétées du rachis;
· limiter les charges à transporter à environ 20 kilos;
· éviter de se retrouver sur des terrains en pente où il devrait pousser ou tirer des objets;
· éviter de se retrouver sur des objets qui vibrent, style camion, lift ou loader.
[sic]
(Dossier C.L.P. pages 81 à 83)
[53] Le 14 janvier 2003, le docteur Ware diagnostique : une hernie discale cervicale, une douleur myofaciale des tissus mous de l’épaule gauche et une blessure au genou droit pour laquelle il s’interroge sur la possibilité d’une déchirure méniscale.
[54] Le 18 février 2003, le docteur Ware diagnostique une cervicalgie post traumatique et une blessure au genou droit. Il note que le travailleur a besoin de physiothérapie.
[55] Le 11 mars 2003, le docteur Ware produit un rapport complémentaire dans lequel il énonce :
I have read the report of Dr Desnoyers dated 9 January 2003. I am concerned that no consideration has been made of the fact that, as I understand it, Mr. Khan was not only shot by one assaillant but also was in a close fight with another, involving physically stopping the first and wrestling him to the ground; he was shot by the second man. I believe that even if Mr Khan had prior low back and neck pains, this act of physical assault may have caused new soft tissue damage or considerably aggravated his prior condition. These facts are based on my initial interview with Mr Khan in Dec 2002. I hope that these considerations will be included in his dossier and final report.
(Dossier C.L.P. page 85)
[56] Le 19 mars 2003, la CSST transmet le dossier au Bureau d’évaluation médicale en précisant avoir accepté le diagnostic de : « blessures par balles : estomac, jambe et hanche droite » mais refusé celui de « radiculopathie ». Elle lui demande son avis sur les quatre sujets médicaux suivants : la date de consolidation de la lésion; la nécessité des soins et traitements; l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Au soutien de sa demande, la CSST produit un rapport médical daté du 30 octobre 2002 du médecin qui a charge qu’elle désigne comme étant « Mark Adrian E. »[9]. À ce rapport, elle oppose celui de son médecin désigné, le docteur Jacques Desnoyers du 9 janvier 2003.
[57] Le 24 mars 2003, le médecin régional de la CSST fait parvenir un « amendement de la demande » au membre du Bureau d'évaluation médicale :
La demande de BÉM concernant M. Khan doit être amendée.
En effet, au point 4, de la section 5, l’APIPP devrait se lire 5.5 % plutôt que 7.5% et au point 5, il a été indiqué qu’il y avait des limitations fonctionnelles classe 1 mais en fait ces dernières sont en relation avec une condition personnelle. Nous laissons au membre du membre du BEM le soin d’établir les limitations fonctionnelles en relation avec l'événement.
À la section 3, dernière ligne, « autres particularités » nous désirons ajouter : condition lombo-sacrée personnelle.
(Dossier C.L.P. page 87)
[58] Le 31 mars 2003, le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Hany Daoud, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur et rend son avis motivé le 4 avril 2003. Le travailleur lui rapporte des symptômes en lombo-sacré et une minime douleur lombaire basse aux mouvements du rachis avec augmentation à la toux et à l’éternuement. Il relate aussi la présence d’une douleur au genou droit « depuis environ 8 à 9 mois ».
[59] Le docteur Daoud note une cicatrice linéaire de 6 cm linéaire antéro-interne avec une largeur de 8 mm environ au niveau de la jambe droite au tiers moyen, secondaire à la chute et à la bataille qui s’en est suivie avec l’un des cambrioleurs. À son examen clinique, il note une sensibilité à la face latérale de la jambe droite. Son examen objectif du rachis cervical et l’examen neurologique des membres supérieurs dénotent une légère limitation des mouvements du rachis cervical, douloureux, sans signes neurologiques périphériques objectivables. L’examen du rachis dorso-lombo-sacré et celui des membres inférieurs dénotent une légère limitation de la flexion lombaire et une légère faiblesse de l’extenseur du 1er orteil droit par rapport au gauche et note que le travailleur a été opéré d’une hernie discale à deux reprises antérieurement. Il constate un Lasègue positif à droite.
[60] Le docteur Daoud se prononce sur les quatre sujets médicaux suivants :
2- DATE OU PÉRIODE PRÉVISIBLE DE CONSOLIDATION DE LA LÉSION:
Considérant les diagnostics retenus par la CSST: blessures par balles estomac, jambe et hanche droites,
Considérant que le patient, suite à l’événement a été observé une nuit à l’hôpital général de Montréal, qu’on a jugé son état stable et qu’on lui a donné son congé le lendemain car les blessures étaient superficielles,
Considérant que ces blessures cutanées ont bien évolué et étaient guéries lors de l’évaluation du docteur Desnoyers en date du 2 août 2002,
Considérant que les diagnostics de cervicobrachialgie gauche et lombo-sciatalgie droite ne sont pas retenus,
Considérant que notre examen de ces plaies par balles est sensiblement similaire à celui du docteur Desnoyers,
Considérant le laps de temps entre l’événement du 20 décembre 2001 et la date de consolidation de ces blessures par balles émise par le docteur Desnoyers soit le 2 août 2002, qui à notre avis, est raisonnable et adéquat pour une consolidation tenant compte de l’événement en soit, des diagnostics retenus, des traitements que le patient a eus, de son évolution, de l’examen du docteur Desnoyers sensiblement similaire au notre,
La date de consolidation pour blessures par balles estomac (abdomen), jambe et hanche droites est le 2 août 2002.
3- NATURE, NÉCESSITÉ, SUFFISANCE OU DURÉE DES SOINS OU TRAITEMENTS ADMINISTRÉS OU PRESCRITS:
Considérant le diagnostic retenu de blessures par balles estomac (abdomen), jambe et hanche droites,
Considérant que ces plaies sont bien guéries et non douloureuses,
Nous ne recommandons aucun traitement en relation avec ces diagnostics.
4- EXISTENCE OU POURCENTAGE D’ATTEINTE PERMANENTE À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DU TRAVAILLEUR:
Considérant les diagnostics retenus,
Considérant les 6 cicatrices déjà mentionnées à l’examen,
Considérant que ces cicatrices sont en forme de cercle et la surface du cercle est égale à Õ R2, le total des surfaces cicatricielles est de 9.8 cm2
Considérant que la cicatrice au niveau de la jambe droite est de 8 mm de largeur par 6 cm de longueur pour un total de 4.8 cm2,
Oui il y a atteinte permanente à l’intégrité physique, soit :
SÉQUELLES ACTUELLES
code description DAP %
224 304 Préjudice esthétique pour cicatrices au niveau
du tronc (abdomen), trois cicatrices de 1.5 cm2
chacune pour un total de 4.5 cm X 0.5% 2.25%
224 331 Préjudice esthétique pour cicatrices au niveau
du membre inférieur, 3 cicatrices totalisant
5.3 cm2, 1 cicatrice linéaire au niveau de la
jambe droite totalisant 4.8 cm2X 1% 5% (maximum)
5- EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES DU TRAVAILLEUR:
Considérant les diagnostics retenus,
Considérant que les cicatrices au niveau de l’estomac (abdomen), jambe et hanche droites sont superficielles, bien guéries, peu adhérentes et non douloureuses,
Il n’y a aucune restriction fonctionnelle en relation avec le diagnostic retenu secondaire à l’événement du 20 décembre 2001.
[sic]
(Dossier C.L.P. pages 101 à 103)
[61] Le 7 avril 2003, le docteur Ware émet un rapport médical dans lequel il conclut à une blessure aux tissus mous à l’épaule gauche ainsi qu’au genou droit qui récupère bien.
[62] Le 25 avril 2003, le docteur Daoud émet un avis complémentaire pour corriger une erreur dans la numérotation des codes : au lieu d’écrire le code 224 304 il aurait fallu indiquer le 224 386 et de substituer au code 224 331 le 224 402.
[63] Le 11 avril 2003, la CSST entérine les conclusions émises par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle confirme cette décision à la suite d’une révision administrative le 12 juin 2003. Contestée par le travailleur, cette décision fait l’objet du présent litige.
[64] Le 1er mai 2003, la CSST rend une décision retenant qu’il résulte de la lésion professionnelle du 20 décembre 2001 une atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur de 8,30 %, lui donnant droit à une indemnité pour dommages corporels de 3 968.48 $.
[65] Par ailleurs, on retrouve au dossier des documents concernant les interventions chirurgicales antérieures, à savoir une discoïdectomie au niveau de L4-L5 droite. La première, effectuée le 16 mai 1990, par le docteur Pokrupa pour un diagnostic postopératoire de « radiculopathie droite au niveau L-5 secondaire à une protrusion discale au niveau L4-L5 ». La deuxième, effectuée le 12 décembre 1994, par le docteur Pokrupa pour un diagnostic pré et postopératoire d’une « récidive d’une protrusion discale au niveau L4-L5 avec sciatique ».
[66] Le 9 décembre 2003, le docteur Ware émet un rapport médical pour des diagnostics de syndrome myofascial et neuropathique post-traumatique et pour une maladie coronarienne ischémique. Le 10 février 2004, ce médecin dirige le travailleur en cardiologie.
[67] Le 11 mars 2004, le docteur M. Chatterjee remplit une attestation médicale dans laquelle il mentionne que depuis l’agression criminelle le travailleur a souffert de plusieurs problèmes et de douleurs sévères, nécessitant toujours des traitements à la Clinique de la douleur, de même que d’une condition cardiaque ischémique.
[68] Le 6 avril 2004, le docteur Ware diagnostique une douleur myofaciale et une maladie cardiaque ischémique pour laquelle le travailleur est en attente de chirurgie cardiaque.
L’AVIS DES MEMBRES
[69] Conformément à l'article 429.50 de la loi, la soussignée fait état de l'avis des membres visés à l'article 374 ainsi que des motifs de cet avis.
[70] La membre issue des associations d’employeurs est d’avis de confirmer la décision rendue par la CSST en révision administrative le 12 juin 2003. Elle considère que le diagnostic, n’ayant pas fait l’objet d’un avis demandé au membre du Bureau d’évaluation médicale, que par conséquent, elle demeure liée par le diagnostic de plaies par balles . Elle retient donc, en relation avec l’événement du 20 décembre 2001, une date de consolidation au 2 août 2002, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date, ayant résulté en un préjudice esthétique de 7,25 % sans limitations fonctionnelles. Elle considère que le travailleur est devenu capable d’exercer son emploi au 2 août 2002, date où devait prendre fin son indemnité de remplacement du revenu.
[71] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que cette décision de la CSST du 12 juin 2003 est illégale au motif que l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier. Il considère que la CSST, avant de soumettre le dossier au membre du Bureau d'évaluation médicale, devait se prononcer sur les diagnostics reliés à la lésion professionnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[72] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 12 juin 2003 est bien fondée.
[73] Il y a lieu de rappeler que cette décision a confirmé une décision initiale du 11 avril 2003, rendue à la suite d’un avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale le 4 avril 2003 et de son rapport complémentaire du 25 avril 2003 ayant retenu, en relation avec l’événement du 20 décembre 2001, une date de consolidation de la lésion professionnelle au 2 août 2002, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date, un pourcentage de préjudice esthétique de 7,25 %[10] sans limitations fonctionnelles.
[74] À la suite de l'examen de la preuve, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la décision initiale de la CSST doit être annulée et la décision rendue subséquemment en révision administrative infirmée au motif qu’elle n’est pas bien fondée puisque la procédure d’évaluation médicale soumise au membre du Bureau d'évaluation médicale est irrégulière.
[75] Cette conclusion quant à l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale soumise au membre du Bureau d'évaluation médicale trouve assise dans la preuve ainsi que dans l’application des dispositions législatives pertinentes.
[76] À ce sujet, la preuve démontre que la CSST a commis des erreurs et des irrégularités déterminantes sur le sort du présent litige. La première erreur résulte du fait que, bien que la CSST disposait de nombreux diagnostics posés par les différents médecins ayant charge du travailleur, elle n'a jamais déterminé s’ils étaient reliés à la lésion professionnelle initiale du 21 décembre 2001.
[77] La deuxième erreur découle du fait que la CSST disposant d’opinions contradictoires, puisqu’il y avait clairement divergence entre les conclusions du médecin ayant charge, le docteur Ware dans son rapport complémentaire ou dans celui du 22 octobre 2002, avec celles du médecin désigné, devait soumettre la question du diagnostic au membre du Bureau d'évaluation médicale.
[78] La CSST aurait dû soumettre toute la question du diagnostic au membre du Bureau d'évaluation médicale, au lieu de lui soumettre qu’une partie du diagnostic posé par le docteur Ravel le 11 janvier 2002, soit celui d’atteinte des tissus mous à la cuisse et à l’abdomen à la suite de blessures par balles .
[79] La première irrégularité commise par la CSST, manifeste de la preuve, concerne la détermination du diagnostic de la lésion professionnelle en relation avec l’agression armée dont a été victime le travailleur le 20 décembre 2001. Or, comme le rappelait fort à propos la Commission des lésions professionnelles dans la cause Martin et Société des Alcools du Québec[11], il importe d’identifier correctement le diagnostic puisque « c’est justement le diagnostic qui décrit avec précision la lésion professionnelle subie par la victime d’un accident du travail. Les conséquences de la lésion sont donc intimement liées au diagnostic. »
[80] À ce sujet, il y a lieu de rappeler que le législateur a accordé une grande importance au diagnostic principalement lorsque la CSST est appelée à rendre une décision en vertu des articles 224 et 224.1de la loi[12].
[81] La loi reconnaît, dans un premier temps, la primauté du diagnostic posé par le médecin qui a charge du travailleur, notamment aux articles 199, 200 et 203 de la loi.
[82] Dans un deuxième temps, si la CSST est en désaccord avec le diagnostic du médecin ayant charge, elle peut alors désigner un médecin, comme elle l’a fait dans le présent cas soit le docteur Desnoyers, afin d’obtenir son avis écrit sur toute question relative à la lésion professionnelle, comme le prévoit l’article 204 de la loi.
[83] Dans un tel cas, l’article 205.1 de la loi stipule que ce rapport du médecin désigné en vertu de l’article 204 doit infirmer les conclusions du médecin qui a charge quant à l’un ou plusieurs sujets mentionnés à l’article 212 de la loi.
[84] En cas de désaccord entre les conclusions du médecin désigné et celles du médecin qui a charge, la CSST peut alors se prévaloir du mécanisme de référence à un membre auprès du Bureau d'évaluation médicale, selon les modalités prévues aux articles 204, 206, 212, 217 et 221 de la loi.
[85] Ce n'est que lorsque ces dispositions prévues à la loi sont respectées que la procédure d’évaluation médicale est considérée dès lors conforme, et qu’ainsi le diagnostic et les autres conclusions médicales retenus par le membre du Bureau d'évaluation médicale dans son avis vont lier la CSST aux fins de rendre sa décision conformément aux articles 224 et 224.1.
[86] Dans le présent cas, la preuve dont dispose la Commission des lésions professionnelles[13] relativement au traitement administratif du dossier par la CSST révèle que le 11 février 2002, à la suite de l'événement du 20 décembre 2001, la CSST accepte alors le seul diagnostic, dont elle dispose à cette date, soit celui de blessures par balles à l’abdomen, à la jambe et à la hanche droites. De janvier à juin 2002, a lieu une investigation médicale demandée par le docteur Lacroix dans le but de préciser le diagnostic[14]. Le 30 juin 2002, alors que le travailleur est toujours sous investigation médicale et que sa lésion n’est pas consolidée (aucun rapport médical final n’est émis), il retourne à son travail de serveur à temps partiel. Le 9 juillet 2002, la CSST refuse la radiculopathie en C8 comme lésion professionnelle. C’est la dernière décision que la CSST va rendre dans le dossier concernant les diagnostics, même si les différents médecins ayant charge continuent d’émettre des diagnostics concernant plusieurs sites anatomiques.
[87] En août 2002, son médecin désigné va poser plusieurs conclusions médicales pertinentes dont la CSST ne tiendra pas compte. Est-ce le fait que le travailleur était retourné au travail (dès juin 2002) et que la CSST considérait, dès lors, le dossier clos qui justifie son inaction de déterminer si les autres diagnostics soumis par les médecins ayant charge étaient reliés à la lésion professionnelle initiale? Ceci est surprenant car le 5 septembre 2002, l’agent de la CSST est informé qu’il y a eu lieu une bagarre et que le travailleur allègue que ceci a causé des blessures au dos et au cou avec une perte de force de la main gauche.
[88] Lors de l'arrêt de travail de décembre 2002, le dossier semble « réactivé ». Toutefois, même si la CSST est mis au courant par le travailleur de cet arrêt de travail et qu’elle dispose de nouveaux rapports médicaux de médecins ayant charge du travailleur, elle ne l’informe pas de ses droits de compléter une réclamation et, au surplus, elle ne rend aucune décision concernant ces diagnostics. Elle préfère demander, à nouveau, à son médecin désigné de se prononcer sur les aspects médicaux en janvier 2003.
[89] Certes, la Commission des lésions professionnelles constate que la preuve médicale fait état de nombreux diagnostics, posés par plusieurs médecins ayant eu charge du travailleur, au cours de plusieurs années et concernant de nombreux sites anatomiques. Toutefois, ces difficultés particulières ne permettaient pas à la CSST d’éviter de déterminer si les diagnostics étaient reliés à la lésion professionnelle initiale. La CSST doit tenir compte des diagnostics évolutifs et des investigations médicales plus poussées dans le but de déterminer les diagnostics éventuels reliés à la lésion professionnelle.
[90] Pour s’en convaincre, reprenons brièvement une revue de la preuve médicale qui démontre effectivement la complexité concernant les diagnostics du fait qu’ils sont nombreux, visent plusieurs sites anatomiques différents et sont posés par de nombreux médecins ayant charge du travailleur au cours de plusieurs années (fin décembre 2001 au 6 avril 2004[15]).
[91] À la suite de l’agression armée dont a été victime le travailleur le 20 décembre 2001, le docteur Ravel a émis deux rapports médicaux[16] pour un diagnostic d’atteinte aux tissus mous à la cuisse droite et à l’abdomen secondaire à un traumatisme par balles . Le 11 février 2002, la CSST rend une décision d’admissibilité dans laquelle elle accepte comme lésion professionnelle le seul diagnostic dont elle dispose à cette date de « blessures par balles à l’estomac, à la jambe et à la hanche droites ».
[92] Par la suite, le 2 mai 2002, le docteur Lacroix, médecin ayant charge, fait état pour la première fois dans un rapport médical destiné à la CSST, d’une douleur lombaire chronique avec une possibilité d’atteinte nerveuse au niveau de L-5. Il suspecte une dystrophie réflexe au 1er orteil droit (tout comme le 13 mars 2002) qu’il ne retient pas par la suite. Le 30 mai, il note la persistance d’une douleur à la jambe droite.
[93] Entre décembre 2001 et mai 2002 (date à laquelle la CSST est informée officiellement par le docteur Lacroix d’une problématique au dos et d’une douleur à la jambe droite), tel que mentionné par le docteur Desnoyers le 2 août 2002, on retrouve la présence de « notes au dossier [qui] font état assez rapidement de douleurs lombaires basses avec irradiation au membre inférieur droit ».
[94] En effet, les notes cliniques[17] révèlent que, dès le 21 décembre 2001, le travailleur est référé à un orthopédiste, lors de son séjour à l’unité de traumatologie, dans le but d’éliminer un syndrome du compartiment, donc vraisemblablement parce qu'il présentait des douleurs au membre inférieur droit. Celles du 11 janvier 2002 du docteur Ravel mentionnent la présence d’une récurrence de douleurs lombaires depuis le traumatisme, avec boiterie et diminution de la force des muscles fléchisseurs et extenseurs du membre inférieur droit.
[95] À compter du 18 janvier 2002, les notes en physiothérapie viennent corroborer dès le début des traitements, la présence de plusieurs problèmes, notamment lombaires avec irradiation au membre inférieur droit et à l’orteil droit. Au rapport initial, on indique que les problèmes lombaires ont été exacerbés par l'événement. Le travailleur reçoit des traitements pour le genou droit, la hanche droite et la colonne lombaire.
[96] Le 31 janvier 2002, le docteur Lacroix, dans ses notes cliniques constate la présence de problèmes lombo-sciatalgiques, avec diminution de sensibilité à la face latérale de la jambe jusqu’au niveau du pied à droite et un tripode positif à droite suggérant une recrudescence des douleurs de 1990 ou une irritation retardée du nerf sciatique depuis les blessures par balles .
[97] Le 26 juin 2002, le docteur Lacroix recommande le travailleur au docteur Reindl. Il importe de souligner qu’en juin le travailleur retourne à son travail de serveur à temps partiel, n’étant pas en mesure d’assumer son travail régulier alors qu’il est toujours en investigation médicale.
[98] En juillet 2002, la CSST refuse le diagnostic de radiculopathie en C-8, décision non contestée par le travailleur.
[99] Le 2 août 2002, le docteur Desnoyers, médecin désigné par la CSST, procède à un résumé et à une analyse pertinente et judicieuse du dossier médical, pour constater que :
1. dès le 18 janvier 2002, le dossier fait état en plus du problème au membre inférieur droit à des problèmes reliés à la région lombaire basse;
2. le 31 janvier 2002, le docteur Lacroix fait référence aux chirurgies antérieures de discoïdectomie en 1990 et 1994. Le docteur Desnoyers rapporte d'ailleurs l’examen clinique pratiqué par le docteur Lacroix à cette date;
3. le 8 février 2002, la présence d’un problème lombaire important est noté;
4. le 2 mai 2002, le docteur Lacroix mentionne, outre une radiculopathie au niveau de C-8, la présence d’une douleur chronique avec une possible atteinte de L-5 à droite en plus d’une possibilité d’une dystrophie sympathique réflexe.
[100] Ce qui amène le docteur Desnoyers à retenir comme diagnostic de la lésion professionnelle : des blessures des parties molles au niveau de l’abdomen, de la fesse droite et de la cuisse droite; une irritation sciatalgique droite du territoire de L-5 et une cervico‑brachialgie gauche sur une discopathie multiétagée. Il croit que le travailleur a aggravé une condition personnelle sous-jacente reliée aux chirurgies antérieures de discoïdectomie (en 1990 et en 1994). Il octroie, au bilan des séquelles, un pourcentage de 2 % pour la lombo-sciatalgie droite, soit l’équivalent d’une entorse lombaire sur une condition personnelle.
[101] Ainsi malgré que le 2 mai 2002, le médecin traitant, le docteur Lacroix avait fait état d’une douleur lombaire chronique avec une possibilité d’atteinte nerveuse au niveau de L-5 et une persistance d’une douleur à la jambe droite et malgré les constatations de son médecin désigné en août 2002, la CSST n’a pas déterminé si les diagnostics touchant la région lombaire et le membre inférieur droit étaient reliés à la lésion professionnelle.
[102] Le suivi médical subséquent démontre la présence de nouveaux médecins ayant charge du travailleur. Le docteur Reindl constate le 18 octobre 2002 la présence d’une douleur au genou et au cou. Le docteur Ware diagnostique le 22 octobre une douleur myofasciale à l’épaule et au bras gauches nécessitant des blocs supra‑scapulaires et s’interroge aussi sur la présence d’une douleur mécanique au genou droit. Le docteur Reindl note le 30 octobre la présence d’une douleur cervicale accompagnée d'une radiculopathie gauche au niveau de C-8 sur dégénérescence cervicale multiétagée.
[103] Le 8 décembre 2002, le travailleur cesse le travail en avisant la CSST le 17 décembre de son incapacité de travail. À cette date, le docteur Ware diagnostique une atteinte des tissus mous au cou et à l’épaule gauche. Le 20 décembre, le docteur Fitzcharles diagnostique une synovite au genou droit.
[104] Le 9 janvier 2003, la CSST désigne à nouveau le docteur Desnoyers en vertu de l'article 204 de la loi. Celui-ci retient que les diagnostics de cervico-brachialgie gauche sur discopathie multiétagée et celui de statut post-discoïdectomie au niveau de L4-L5 ne sont pas reliés à l'événement de décembre 2001.
[105] Or, on constate qu’en janvier 2003, qu’il n’y a aucune décision de la CSST sur les nouveaux diagnostics des médecins ayant charge, en particulier sur l’atteinte myofaciale au cou et à l’épaule gauche ainsi que sur les problèmes du genou droit.
[106] Dans un tel contexte, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner que le fait pour le médecin désigné de prétendre qu’il s’agit de conditions personnelles non reliées à l’événement, ne dispense pas la CSST de rendre une décision à ce sujet. Cette compétence de décider si un diagnostic constitue une lésion professionnelle relève exclusivement de la CSST selon l’article 349 de la loi.
[107] Mais il y a plus, à la suite du rapport du docteur Desnoyers du 9 janvier 2003, la CSST a demandé au docteur Ware, médecin traitant, ses commentaires qu’il a rédigés dans son rapport complémentaire du 11 mars 2003. Le docteur Ware a manifesté son désaccord avec les conclusions du médecin désigné, conformément à l’article 205 de la loi. Au surplus, il a maintenu son opinion voulant que l’événement pourrait avoir causé une nouvelle atteinte des tissus mous ou aggravé considérablement une condition préexistante tant au niveau du cou que de la région lombaire.
[108] Cependant, la CSST ne tient pas compte de ce rapport complémentaire.
[109] En effet, la CSST soumet le dossier au Bureau d’évaluation médicale en lui demandant de se prononcer uniquement sur 4 des sujets prévus à l’article 212, à l’exception du diagnostic, puisqu’elle ne retient que celui de « blessures par balles à l’estomac, à la jambe et à la hanche droite ». Elle mentionne également que le diagnostic de radiculopathie est refusé comme lésion professionnelle.
[110] Pourtant, dans le dossier soumis à la Commission des lésions professionnelles[18] la preuve démontre clairement que la CSST n’a jamais rendu de décision écrite, conformément à l’article 354, déterminant si les diagnostics posés par les différents médecins ayant charge sont reliés à la lésion professionnelle, par exemple sur une douleur myofaciale et atteinte des tissus mous à l’épaule et au bras gauche; sur les problèmes lombaires et au membre inférieur droit diagnostiqués par le docteur Lacroix comme une dystrophie réflexe du 1er orteil droit.
[111] La CSST n’a pas non plus rendu de décision concernant les douleurs lombaires chroniques avec possibilité d’une atteinte nerveuse de L-5 pas plus d'ailleurs que sur l’aggravation, lors du traumatisme, d’une condition antérieure au dos malgré la présence de nombreux éléments médicaux permettant d’examiner ce dossier sous l’angle d’une aggravation d’une condition personnelle préexistante au dos. Au surplus, dans son rapport complémentaire du 11 mars 2003, le docteur Ware exprime toujours l’opinion voulant que le traumatisme initial, en plus de causer des dommages aux tissus mous, aurait aggravé la condition personnelle antérieure au dos.
[112] Comme le suivi médical a été assuré à la fois par les docteurs Reindl et Ware, il y a lieu également de constater que la CSST n’a jamais statué concernant une problématique au genou (notée par le docteur Reindl).
[113] Il est manifeste que la CSST n’a pas tenu compte des nombreux diagnostics évolutifs posés par les médecins traitants concernant la région lombaire, le membre inférieur droit, le genou, le cou (sauf pour la radiculopathie en C-8), l’épaule ou le bras gauche.
[114] Concernant la région cervicale, malgré la prétention du procureur de la CSST qui, lors de l’audience même après que l’assesseur médical, membre du tribunal, lui ait expliqué que les différents diagnostics touchant la région cervicale n’étaient pas tous de la même nature que celui d’une radiculopathie en C-8, a continué à argumenter que ces diagnostics s’apparentaient à celui de radiculopathie. Par conséquent, il a soutenu la position voulant que la CSST n’avait pas à statuer à nouveau, puisqu’elle avait déjà refusé le diagnostic de radiculopathie à titre de lésion professionnelle. Pourtant, même son médecin désigné a posé le diagnostic de cervico-brachialgie qui n'est certes pas de même nature qu’une radiculopathie en C-8.
[115] La CSST n'a jamais rendu de décision écrite refusant la relation causale entre ces différents diagnostics et la lésion professionnelle initiale. Elle n'a donc jamais écarté des diagnostics ni soumis ceux-ci au membre du Bureau d'évaluation médicale. Au contraire, la CSST a jugé approprié de soumettre au membre du Bureau d’évaluation médicale que le seul diagnostic initial de blessures par balles à l’estomac, à la jambe et à la hanche droite.
[116] Il est alors incompréhensible que le médecin régional de la CSST mentionne au membre du Bureau d'évaluation médicale que la condition lombo-sacrée constituait une condition personnelle préexistante, alors que la CSST n'a jamais rendu de décision en ce sens.
[117] Au surplus, la Commission des lésions professionnelles constate qu’il y avait pourtant clairement divergence entre le médecin qui avait charge, soit le docteur Ware à qui on avait demandé un rapport complémentaire, et le médecin désigné par la CSST, le docteur Desnoyers. Dans un tel contexte juridique, puisqu’il y avait divergence sur les diagnostics à retenir avec la lésion professionnelle, la CSST aurait dû soumettre le tout au membre du Bureau d'évaluation médicale.
[118] Dans un tel contexte, vu la multiplicité des diagnostics et la complexité médicale, comment la CSST pouvait-elle informer le membre du Bureau d'évaluation médicale qu’il y avait juste un diagnostic de retenu alors que la question du diagnostic était si problématique et controversée dans ce dossier?
[119] Cette façon d’agir de la CSST, c’est-à-dire le fait de ne pas avoir rendu de décision écrite, conformément à l’article 354 de la loi, sur les nombreux diagnostics posés par les différents médecins ayant charge, sauf celui de radiculopathie C-8 gauche, a privé le travailleur de son droit de les contester, le cas échéant.
[120] En effet, dans l’état actuel du dossier, de quels recours dispose un travailleur, comme monsieur Khan, lorsque la CSST omet ou refuse de déterminer si les diagnostics posés par les médecins qui ont charge sont reliés à la lésion professionnelle, d’autant plus que la CSST est liée par les diagnostics des médecins traitants?
[121] Dans le présent dossier, il est manifeste de la preuve que le travailleur a été brimé dans ses droits, puisqu’il n’a pas été en mesure de se prévaloir de ses droits de contestation concernant les diagnostics reliés à la lésion professionnelle.
[122] C’est d’ailleurs à une conclusion similaire à laquelle en est arrivée la Commission des lésions professionnelles dans la cause Perron et Agence John Dougherty[19], conclusion que partage la soussignée :
[36] Pour protéger les droits des parties, la CSST devait au minimum soumettre le diagnostic au Bureau d'évaluation médicale ou encore rendre une décision sur la relation entre l’événement accidentel et le diagnostic d’entorse lombaire, démarches non faites dans le présent dossier.
[…]
[44] La Commission des lésions professionnelles conclut que l’ensemble de ces erreurs entachent d’irrégularités le processus de contestation soumis au Bureau d'évaluation médicale, surtout dans un contexte où la CSST n’a jamais rendu de décision sur la relation causale entre l’événement accidentel et plusieurs des diagnostics posés par le médecin traitant.
[45] Compte tenu des irrégularités portant sur une question aussi fondamentale que le diagnostic, il y a lieu de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle rende les décisions s’imposant sur les diagnostics qu’elle reconnaît en lien avec l’événement traumatique, le tout dans le respect des dispositions de la loi.
[123] La soussignée en arrive à la même conclusion dans le présent dossier. En présence d’erreurs commises par la CSST et d’un processus irrégulier d’évaluation médicale résultant de l’inaction de la CSST qui n'a jamais rendu de décision pour déterminer si les nombreux diagnostics posés par les médecins ayant charge sont reliés à la lésion professionnelle, il y a lieu de retourner le dossier à la CSST pour qu’elle rende les décisions appropriées sur les diagnostics tout en respectant la loi.
[124] La Commission des lésions professionnelles estime que l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier. Par conséquent, les décisions rendues par la CSST (en première instance et en révision administrative) entérinant les conclusions du membre du Bureau d'évaluation médicale sont illégales.
[125] Le cas échéant, il appartiendra à la CSST d’assurer le suivi concernant les diagnostics en relation avec la lésion professionnelle et de ses conséquences médicales, telles la date de consolidation de la lésion, la nature des soins et traitements, l’existence et l’évaluation d’une atteinte permanente de même que l’existence et l’évaluation des limitations fonctionnelles, puis de soumettre le tout au membre du Bureau d'évaluation médicale, le cas échéant.
[126] Dans l’état juridique actuel du dossier, considérant que la procédure d’évaluation médicale soumise au membre du Bureau d'évaluation médicale est irrégulière et que le dossier est retourné à la CSST afin d’en assurer le suivi adéquat et en l'absence d’un rapport médical final malgré le retour au travail à temps partiel du travailleur, ce dernier a, par conséquent, droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu considérant l'ensemble des diagnostics retenus par ses différents médecins ayant charge et de la présomption d’incapacité d’occuper un emploi tant qu’une lésion professionnelle n'est pas consolidée, conformément aux articles 46 et 57 de la loi. La CSST prendra en considération les revenus gagnés par le travailleur.
Les prétentions du procureur de la CSST
[127] Subsidiairement, afin de répondre aux objections du procureur de la CSST, Me Benoît Boucher, soulevées lors de son argumentation, et sans commenter son attitude[20] dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner qu’en vertu de son pouvoir d’enquête, dévolu à l’article 378 par le législateur dans le but de rendre la meilleure décision possible compte tenu de la preuve, elle doit rechercher la vérité. Son rôle consiste à s’assurer de disposer de tous les éléments de preuve afin de rendre la décision la plus éclairée.
[128] Ce pouvoir d’enquête est d’autant plus important en matière d’application d’une loi sociale, telle la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles puisque son objet, décrit à son article 1, vise la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires.
[129] Cet exercice de la compétence de la Commission des lésions professionnelles ne doit pas constituer un exercice de facilité, de futilité ou être illusoire. Il doit être effectué dans le respect des droits fondamentaux des parties d’être vraiment entendues par le tribunal, comme ce fut le cas dans le présent dossier.
[130] Ainsi, le rôle du tribunal de dernier niveau en matière de lésions professionnelles consiste à s’assurer que la décision en litige a été rendue de façon régulière. Tout particulièrement, surtout comme en l’instance lorsque le travailleur se présente seul en audience en plus d’être appuyé dans sa demande par son employeur (également présent sur les lieux de l'accident du travail du 20 décembre 2001) et que la décision contestée découle d’un avis émis par un membre du Bureau d'évaluation médicale et repose sur une procédure d’évaluation médicale (enclenchée par la CSST).
[131] Certes, le procureur de la CSST aurait souhaité que le tribunal adopte une attitude plus « passive » alors que la Commission des lésions professionnelles a plutôt choisi une attitude « active » dans le but de s’assurer de disposer de tous les éléments nécessaires afin de rendre la décision la plus éclairée dans le présent dossier. Au surplus, comme notre tribunal est spécialisé en matière de lésions professionnelles, il peut certes poser toutes les questions qu’il juge nécessaires, surtout lorsqu’il est assisté d’un assesseur médical dans l’exercice de sa compétence quant à des questions médicales, comme celles en litige dans le présent dossier.
[132] Il est à souligner que l’assesseur médical a effectivement posé de nombreuses questions sur des éléments factuels afin de bien cerner les circonstances de l’accident du travail, telles que rapportées par le docteur Desnoyers en détails, afin de vérifier si l’accident du travail avait le caractère aussi léger que le soutenait le procureur de la CSST à l’audience en se référant seulement à la réclamation du travailleur au dossier. D’autant plus important que les témoignages, tant du travailleur que de l’employeur, ont confirmé la véracité des faits relatés par le docteur Desnoyers. Au surplus, ceci a permis d’avoir une confirmation concrète qu’est effectivement survenue une blessure à la jambe après s’être frappé sur une chaise, tel que noté dans les examens des docteurs Desnoyers et du membre du Bureau d'évaluation médicale qui ont, tous deux, retrouvé des cicatrices à la jambe causées lors de la chute lorsque « le travailleur est tombé et s’est bagarré »[21]. Vraisemblablement, dans l’analyse de ce dossier, la CSST n'a pas tenu compte de la présence de ces éléments factuels et médicaux.
[133] Par ailleurs, le fait que le travailleur ne soit jamais retourné au travail à temps complet depuis son accident du travail du 21 décembre 2001, alors qu’à la suite de sa dernière chirurgie lombaire en 1994 il a été en mesure de travailler comme serveur à temps plein pendant toutes ces années jusqu’au fait accidentel en décembre 2001, relative beaucoup l’opinion émise par le docteur Desnoyers voulant que ce ne soit que les conditions personnelles préexistantes qui expliqueraient tous ses problèmes.
[134] D’autant plus que les problèmes du travailleur sont réels et confirmés à l’examen clinique venant corroborer sa version. Ce n'est pas parce qu’il y a présence d’une condition personnelle préexistante tant aux niveaux cervical que lombaire qu’il faut tout de suite éliminer la possibilité d’une lésion professionnelle. La CSST a ainsi évité de s’interroger sur le rôle véritable du traumatisme accidentel, contrairement à ce qu’a fait à juste titre le docteur Ware dans son rapport complémentaire.
[135] La preuve médicale démontre que le travailleur ne démontre pas une exagération dans ses plaintes qui sont toujours restées cohérentes. Il n’y a aucune discordance entre ses plaintes subjectives et les sites anatomiques où des diagnostics sont posés par les médecins qui ont charge et constatés aussi aux examens cliniques du docteur Desnoyers. À ce sujet, ce dont le travailleur se plaint le plus découle d’un problème au membre supérieur gauche (manque de force). Or, on constate une progression des signes clinique, dont l’apparition d’une atrophie à la main, entre les deux évaluations du docteur Desnoyers. Ce qui vient confirmer sa crédibilité et le fait que le travailleur a de la difficulté et se sent plus faible.
[136] Cela nous amène à nous interroger sur l’explication la plus plausible pour une détérioration objective de l’état du travailleur. Soit qu’elle résultait, comme le prétend le médecin désigné par la CSST en août 2002, d’une évolution ou d’une pathologie personnelle ou soit qu’elle ait été causée par l’accident du travail, tel que le soutenait le docteur Ware dans son rapport complémentaire en mars 2003.
[137] La Commission des lésions professionnelles constate que le procureur de la CSST n’est certes pas un néophyte en matière de litige découlant d’une décision rendue par la CSST à la suite d’un avis émis par un membre du Bureau d'évaluation médicale portant sur des sujets médicaux. Par conséquent, le fait de lui avoir adressé des questions en début d’audience, notamment pour déterminer si la CSST avait rendu d'autres décisions concernant des diagnostics dans le dossier[22], ne visait qu’à mettre le dossier à jour. Ces questions et interrogations avaient également comme objectif d’attirer son attention sur la problématique reliée à la question du diagnostic de la lésion professionnelle ayant des conséquences, comme le démontre la présente décision, sur la régularité de la procédure d’évaluation médicale (enclenchée par la CSST) et sur les décisions rendues ultérieurement par l’organisme qu’il représente.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Mohammad Ashraf Khan du 14 juillet 2003;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative, le 12 juin 2003
DÉCLARE irrégulier l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale le 4 avril 2003 ainsi que son rapport complémentaire du 25 avril 2003;
DÉCLARE nulle la décision initiale de la Commission de la santé et sécurité du travail du 11 avril 2003 ;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et sécurité du travail afin qu’elle rende les décisions en conséquence;
DÉCLARE, par conséquent, que monsieur Mohammad Ashraf Khan a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
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Doris Lévesque |
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Commissaire |
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Me Benoît Boucher |
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PANNETON LESSARD |
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Représentant de la partie intervenante |
ANNEXE A
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
__________
1985, c. 6, a. 199.
200. Dans le cas prévu par le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 199, le médecin qui a charge du travailleur doit de plus expédier à la Commission, dans les six jours de son premier examen, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport sommaire comportant notamment:
1° la date de l'accident du travail;
2° le diagnostic principal et les renseignements complémentaires pertinents;
3° la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle;
4° le fait que le travailleur est en attente de traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou en attente d'hospitalisation ou le fait qu'il reçoit de tels traitements ou qu'il est hospitalisé;
5° dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent.
Il en est de même pour tout médecin qui en aura charge subséquemment.
__________
1985, c. 6, a. 200.
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
__________
1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
__________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 3.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
__________
1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
__________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.
__________
1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
__________
1992, c. 11, a. 27.
[1] Dossier C.L.P. page 24.
[2] Dossier C.L.P. page 42.
[3] Dossier C.L.P. page 44.
[4] Dossier C.L.P. pages 63 et 64.
[5] Dossier C.L.P. page 45.
[6] La décision écrite d’admissibilité ne se retrouve pas au dossier de la C.L.P. Toutefois les notes évolutives consignées par l’agent font mention de cette décision (Dossier C.L.P. page 2).
[7] L.R.Q., c. A-3.001.
[8] Dossier C.L.P. page 11.
[9] À ce sujet, il importe de souligner à ce stade-ci que le rapport daté du 30 octobre 2002 émane plutôt du docteur Reindl pour un diagnostic de douleurs cervicales et de radiculopathie gauche en C-8 secondaire à une dégénérescence multi-étagée au niveau de la colonne cervicale nécessitant des traitements conservateurs. Tandis que le docteur « Mark Adrian » auquel se réfère la CSST porte le nom de famille de Ware et ce dernier a émis en octobre 2002 un seul rapport médical (daté du 22 octobre 2002) pour un diagnostic de douleurs myofasciales à l’épaule et au bras gauches nécessitant des blocs supra‑scapulaires, en plus de se questionner sur la cause d’une douleur au genou droit.
[10] Donnant droit à une atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur de 8,30 %.
[11] C.L.P. 161540-64-0105, 9 avril 2002, J.-F. Martel.
[12] Afin de faciliter la lecture de la décision, les articles de loi sont cités en annexe de la présente décision.
[13] Voir commentaires à la note 22.
[14] Dont un électromyogramme et référence à un neurologue (13 mars 2002); une résonance magnétique et référence au docteur Dahan (2 mai 2002) et un électromyogramme et référence à un orthopédiste (26 juin 2002).
[15] Dernier rapport médical dont dispose la Commission des lésions professionnelles (voir la note 21).
[16] Des 20 décembre 2001 et 11 janvier 2002.
[17] Dont disposait la CSST au moins en août 2002, puisque le docteur Desnoyers en fait mention à cette date.
[18] Voir la note 22.
[19] C.L.P. 220128-62-0311, 29 octobre 2004, S. Mathieu.
[20] Les enregistrements de l’audience sont disponibles sur demande.
[21] Voir notamment au dossier C.L.P. page 63.
[22] Il est à souligner que le procureur de la CSST ne disposait pas de la copie originale du dossier CSST mais uniquement de la photocopie du dossier fournie par la C.L.P. en vue de l’audience. Par conséquent, il n'a pas été en mesure de fournir des informations additionnelles ni une mise à jour concernant le contenu du dossier de la CSST qu’il représente devant la C.L.P.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.