Décision

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Gagnon c. 9378-7471 Québec inc. (Piscines Trévi)

2021 QCCQ 16445

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

SAINT-JÉRÔME

« Chambre civile »

 :

700-32-702443-191

 

 

 

DATE :

4 juin 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU

JUGE

PIERRE CLICHE, C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SYLVAIN GAGNON

Demandeur

c.

9378-7471 QUÉBEC INC. faisant affaire sous le nom de PISCINES TRÉVI

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]   Monsieur Sylvain Gagnon réclame 2 500 $ à l’entreprise 9378-7471 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Piscines Trévi (Trévi), à titre de remboursement du prix payé pour des travaux de réparation de sa piscine hors terre et de frais d’intérêts, incluant 50 $ à titre de dommages exemplaires.

[2]   Trévi conteste le bien-fondé de cette réclamation soutenant que les dommages constatés à la piscine de monsieur Gagnon résultent de son non-respect des procédures lors de sa fermeture pour la période hivernale.

[3]   Trévi ajoute que les travaux dont monsieur Gagnon demande le remboursement furent réalisés à sa demande.

LES QUESTIONS EN LITIGE

  1. Trévi est-elle la seule responsable des dommages causés à la piscine de monsieur Gagnon?
  2. Dans l’affirmative, monsieur Gagnon est-il justifié d’obtenir le remboursement des frais de réparation que lui a facturés Trévi et de frais d’intérêts de même qu’une indemnité à titre de dommages exemplaires?

CONTEXTE

[4]   Le 29 mars 2013, monsieur Gagnon fait l’acquisition auprès de Trévi d’une piscine hors terre de 21 pieds de diamètre pour le prix de 5 047 $, taxes incluses.

[5]   Son installation présente alors certaines défectuosités, lesquelles sont réparées par Trévi quelques semaines plus tard.

[6]   Au cours des deux premières années de son utilisation, celle-ci est munie d’un système de générateur de chlore à base de sel.

[7]   Monsieur Gagnon, avec l’aide de son voisin, électricien de métier, procède à la mise à terre des composantes électriques de sa piscine en utilisant un câble approprié et une tige en zinc.

[8]   Au cours de l’automne 2013, il affirme avoir procédé à la fermeture de sa piscine en suivant les recommandations du manufacturier, et ce, comme il le fait depuis quelques années pour celles de son père et de son voisin en perte d’autonomie.

[9]   Au cours de l’été 2014, il constate une légère déformation au bas d’une partie d’un des murs en acier de sa piscine.

[10]           Le 21 avril 2014, monsieur Reynald Vaillancourt, contrôleur de qualité et estimateur pour Trévi, se présente chez lui pour vérifier le tout.

[11]           Il constate alors la présence d’une légère ondulation au bas d’un des murs dont la cause, selon lui, résulte probablement d’un surplus d’eau à l’intérieur de la piscine durant la période hivernale.

[12]           Monsieur Gagnon, étant plutôt d’opinion que ceci pourrait résulter du gel et du dégel du sol glaiseux sur lequel elle est installée, juge alors qu’il n’est pas nécessaire de réparer cette légère ondulation ni d’alerter sa compagnie d’assurance.

[13]           Monsieur Vaillancourt constate cependant que la valve à trois voies, située sous l’écumoire, est cassée, laquelle est alors remplacée.

[14]           Au cours de l’été 2015, monsieur Gagnon décide de ne plus utiliser le système de chloration au sel après avoir découvert que le boitier du transformateur de ce système est brisé.

[15]           Le générateur de sel (cellule) se trouvant relié au tuyau et au coude connectés au retour d’eau est laissé sur place étant donné que son module, permettant d’obtenir des données quant à la température et à la qualité de l’eau, est toujours fonctionnel.

[16]           Utilisant du chlore en granules, il n’éprouve aucun problème avec les composantes de sa piscine au cours de la période estivale de l’année 2015.

[17]           Au cours du mois de mai 2016, il constate un léger écoulement d’eau sans teinte à la base de l’orifice extérieur du retour d’eau ayant environ trois pouces de diamètre.

[18]           Après s’être rendu au magasin Trévi de Laval, où il avait initialement acheté sa piscine, il est avisé que les pièces de ce retour d’eau ont possiblement été mal installées et de surveiller, au cours de l’été, l’apparition possible d’un phénomène de corrosion sur le mur dans lequel est installé ce retour d’eau étant donné que son installation est toujours sous garantie.

[19]           Au cours de l’été 2016, il ne constate rien d’anormal à ce sujet.

[20]           Au moment de procéder à la fermeture de sa piscine pour l’hiver, il retire le générateur de sel non fonctionnel laissant uniquement un coude visé à la base du retour d’eau.  

[21]           Cependant, au début de la saison estivale 2017, il remarque que la fuite d’eau à cet endroit montre des traces de rouille et de corrosion, et ce, de façon plus marquée, tout près de cette pièce.[1]

[22]           Après s’être rendu au magasin de Trévi de Laval, il affirme avoir rencontré un technicien pour lui expliquer la situation avec photographies à l’appui.

[23]           Quelques jours plus tard, il soutient qu’une personne mandatée par Trévi se présente chez lui pour vérifier la problématique et pour finalement lui demander de se présenter au magasin de Laval le 2 juin 2017.

[24]           À cette date, il lui est remis un document intitulé «Contrat de vente et d’accessoires» sur lequel apparait le nom de monsieur Maxime Martineau, lequel est alors le directeur des ventes chez Trévi.

[25]           Il affirme être alors avisé que la corrosion constatée sur le mur d’acier au bas du retour d’eau pourrait provoquer une perforation dangereuse pour tout baigneur nécessitant le remplacement complet de la toile et des murs d’acier, y compris l’écumoire de sa piscine, de même que l’installation de certains accessoires, le tout pour la somme de 2 305,24 $, taxes incluses, incluant des rabais totalisant 338 $, avant taxes.

[26]           Éprouvant alors des moments difficiles au sein de sa famille, il accepte l’exécution de tels travaux, lesquels sont réalisés le 5 juillet suivant au prix convenu.

[27]           Réalisant après coup les droits qui lui sont conférés aux termes de la Loi sur la protection du consommateur (Lpc),[2] il estime que de tels travaux auraient dû être entièrement réalisés aux frais de Trévi.

[28]           C’est pour cette raison qu’il réclame à cette dernière le remboursement complet du montant payé pour leurs réalisations ainsi que 144,76 $ à titre de frais d’intérêts liés à son compte de carte de crédit, ayant servi au paiement de ces travaux, et 50 $ à titre de dommages exemplaires.

[29]           Selon monsieur Vaillancourt, aucun appel de service n'est fait chez Trévi concernant la piscine de monsieur Gagnon au cours des années 2015 à 2017 inclusivement.

[30]           Il ajoute que suivant ses vérifications, aucun technicien de Trévi ne s’est rendu à son domicile au cours de ces mêmes années.

[31]           Par conséquent, il soutient que les travaux réalisés chez lui en 2017 n’ont pu être exécutés que suivant une demande spécifique de sa part.

[32]           Or, monsieur Gagnon nie catégoriquement avoir requis de tels travaux, lesquels lui auraient été d’ailleurs présentés comme étant la seule solution possible pour corriger les dommages constatés sur sa piscine.

[33]           Monsieur Vaillancourt affirme enfin que la simple installation d’un nouveau retour d’eau, d’un diamètre variant entre huit à dix pouces, aurait permis de régler définitivement la problématique, et ce, pour des frais d’environ 200 $, avant taxes.

ANALYSE

1. Trévi est-elle la seule responsable des dommages causés à la piscine de monsieur Gagnon ?

[34]           Une réponse affirmative doit être donnée à cette question pour les raisons suivantes.

[35]           Il revenait à monsieur Gagnon de démontrer le bien-fondé de sa réclamation et des faits qui la supportent selon la balance des probabilités

[36]           Or, dans le présent cas, le Tribunal ne peut retenir comme étant probable le fait que monsieur Gagnon ait, de sa propre initiative, décidé de procéder au remplacement de la toile et des murs de sa piscine, acquise un peu plus de quatre ans auparavant, et ce, pour des frais correspondants à plus de la moitié de son coût d’acquisition.

[37]           Il est au contraire beaucoup plus probable que de tels travaux lui ont été présentés comme étant alors nécessaires pour corriger la fuite d’eau, provenant de l’installation des pièces composant le retour d’eau, ayant entrainé la corrosion prématurée d’une partie d’un des murs en acier de sa piscine.

[38]           Bien qu’une telle problématique ait pu être réglée à des coûts très faibles, comme expliqués par monsieur Vaillancourt, la preuve prépondérante permet plutôt au Tribunal de conclure que le consentement de monsieur Gagnon fut vicié par des recommandations inutiles et de conseils inadéquats reçus de la part d’un représentant de Trévi.

[39]           En effet, le fait qu’aucun appel de services ne soit inscrit dans ses registres n’exclut pas pour autant la version de faits tels que relatés par monsieur Gagnon, lequel a rendu un témoignage crédible et sans faux-fuyant.

[40]           De plus, Trévi n’a pas réussi à démontrer une mauvaise utilisation de sa part ou un entretien inadéquat de sa piscine au cours des années 2013 à 2017 inclusivement.

[41]           Alors que monsieur Vaillancourt souligne que la durée de vie utile d’une toile d’une piscine hors terre est d’environ 8 à 10 ans alors que celle de ses murs en acier varie entre 15 à 20 ans, la corrosion  apparue sur une partie d’un des murs de celle acquise par monsieur Gagnon constitue donc un vice survenu prématurément et dont la cause est probablement liée à la mauvaise installation de son retour d’eau.

[42]           Or, indépendamment de toute garantie conventionnelle, Trévi était tenue aux garanties légales d’usage normal et de durabilité raisonnable prévues aux articles 37 et 38 de la Lpc,[3] lesquelles constituent une application particulière de la notion de vice caché servant d’ailleurs de fondement aux dispositions prévues à l’article 53 de la Lpc.[4]

[43]           Par conséquent, le coût de toute réparation de la piscine de monsieur Gagnon résultant de ce vice aurait dû être entièrement assumé par Trévi.

[44]           En effet, ces réparations résultent d’un vice que ce dernier ne pouvait décelé par un examen ordinaire des pièces formant le retour d’eau suivant leur installation.

[45]           D’ailleurs, celui-ci ne fut pas décelé en 2014 par monsieur Vaillancourt lorsqu’il a lui-même procédé à l’examen de cette piscine.

2. Dans l’affirmative, monsieur Gagnon est-il justifié d’obtenir le remboursement des frais de réparation que lui a facturés Trévi et de frais d’intérêts de même qu’une indemnité à titre de dommages exemplaires ?

[46]           Une réponse affirmative doit être donnée en partie à cette question pour les raisons suivantes.

[47]           D’abord, monsieur Gagnon n’aurait pas dû être appelé à payer pour l’exécution des travaux telle que requis par Trévi étant donné que ceux-ci s’avéraient alors inutiles et disproportionnés par rapport à l’ampleur du vice à corriger.

[48]           C’est donc par erreur, résultant de représentations et de conseils déraisonnables et inappropriés de la part d’un représentant de Trévi, que son consentement à leur exécution fut vicié. 

[49]           Par conséquent et conformément aux dispositions prévues aux articles 1400 et 1491 du Code civil du Québec,[5] concernant les règles applicables en matière de vices de consentement et de répétition de l’indu, de même qu’à celles prévues aux articles 37, 38, 53 et 272 de la Lpc,[6] Trévi doit lui rembourser la somme de 2 305,24 $.

[50]           Monsieur Gagnon a aussi droit d’être indemnisé pour un montant additionnel de 50 $ à titre de dommages exemplaires étant donné que Trévi n’a pas agi en commerçant responsable en lui proposant d’engager des frais inutilement élevés, et ce, sans en assumer la moindre responsabilité.

[51]           Cependant, faute d'avoir produit quelques pièces justificatives que ce soit à ce sujet, il n’a pas droit au remboursement de frais d’intérêts qu’il aurait payé sur son compte de carte de crédit ayant servi au paiement des coûts de réparation de sa piscine.

[52]           En conclusion, il a donc démontré en partie le bien-fondé de sa réclamation pour un montant total de 2 355,24 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[53]      ACCUEILLE en partie la réclamation du demandeur, monsieur Sylvain Gagnon;

[54]      CONDAMNE la défenderesse, 9378-7471 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Piscines Trévi, à payer au demandeur, monsieur Sylvain Gagnon, la somme de 2 355,24 $ avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 10 septembre 2018, date de réception par la défenderesse de la première mise en demeure du demandeur;

[55]      CONDAMNE la défenderesse, 9378-7471 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Piscines Trévi, à payer au demandeur, monsieur Sylvain Gagnon, les frais de justice de 103 $.

 

 

__________________________________

Pierre Cliche, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

8 avril 2021

 


[1]  Photographies, page P-1 de la pièce P-2.

[2]  RLRQ. c. P -40.1.

[3]  37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

 

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[4]  53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

 

Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

 

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

 

Fortin c. Mazda du Canada inc., 2016 QCCA 31 (CanLII), paragraphes 58 et 59.

[5]  1400. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elles lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.

 

L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

 

1491. Le paiement fait par erreur, ou simplement pour éviter un préjudice à celui qui le fait en protestant qu’il ne doit rien, oblige celui qui l’a reçu à le restituer.

 

Toutefois, il n’y a pas lieu à la restitution lorsque, par suite du paiement, celui qui a reçu de bonne foi a désormais une créance prescrite, a détruit son titre ou s’est privé d’une sûreté, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur.

 

[6]  272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

 

a) l’exécution de l’obligation;

b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c) la réduction de son obligation;

d) la résiliation du contrat;

e) la résolution du contrat; ou

f) la nullité du contrat,

 

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

AVIS :
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