Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Faraj) c. Tobin |
2012 QCTDP 3 |
JP1249 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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N° : |
700-53-000006-126 |
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DATE : |
3 avril 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHÈLE PAUZÉ |
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COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, organisme public constitué en vertu de la Charte des droits et liberté de la personne (L.R.Q., c. C-12), agissant en faveur de monsieur BADRE FARAJ |
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Partie demanderesse-requérante |
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c. |
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LISE TOBIN |
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Partie défenderesse-intimée |
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BADRE FARAJ |
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Partie victime et plaignante
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JUGEMENT SUR REQUÊTE POUR MODE SPÉCIAL DE SIGNIFICATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE ET PAR VOIE DES JOURNAUX (Art. 138 C.p.c. et 28 L.C.C.J.T.I.) |
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[1] Le Tribunal des droits de la personne (ci-après «le Tribunal») est saisi d'une requête présentée par la demanderesse-requérante, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après «la Commission»), afin d'obtenir l'autorisation de signifier à la défenderesse-intimée, madame Lise Tobin, la demande introductive d'instance par voie électronique ou, subsidiairement, par la voie des journaux dans le quotidien La Presse.
[2] Après les représentations du procureur de la demanderesse-requérante, le Tribunal a accueilli la requête, séance tenante, pour les motifs suivants :
[3] La Commission a introduit devant le Tribunal une demande introductive d'instance contre madame Tobin, alléguant qu'elle a, entre le 26 et le 28 mars 2010, proféré des propos offensants et discriminatoires fondés sur l'origine ethnique ou nationale de monsieur Badre Faraj, plaignant en l'instance. La Commission lui réclame, au nom de monsieur Faraj, un montant de 4 000 $, soit 3 000 $ en dommages moraux et 1 000 $ en dommages punitifs.
[4] La Commission allègue, dans sa requête, qu'elle ignore l'adresse personnelle de madame Tobin, et ce, malgré qu'elle ait effectué plusieurs démarches afin de l'obtenir.
[5] La Commission allègue ainsi que madame Tobin n'a consenti qu'à lui fournir une adresse commerciale, soit l'adresse de l'entreprise Services Immobiliers Multi Plus inc. dont madame Tobin est actionnaire, tel qu'il appert d'une copie du relevé CIDREQ[1].
[6] Or, il n'y a aucune activité à cette adresse, tel qu'il appert du rapport de tentative de signification de la demande introductive d'instance par monsieur Yannick Labattaglia, huissier de justice, le 29 février 2012[2].
[7] La Commission a également mandaté l'entreprise de dépistage GROUPecho GCO Canada afin de retrouver l'adresse de madame Tobin[3]. L'adresse obtenue par cette entreprise est la même que celle que lui avait fournie madame Tobin, tel que mentionnée au paragraphe 5 des présentes.
[8] Madame Tobin a cependant fourni à la Commission son adresse courriel.
[9] La Commission a d'ailleurs transmis à cette adresse de courrier électronique, le 27 octobre 2011, la Résolution CP-604.20, tel qu'il appert de la confirmation de remise du message au destinataire, tel qu'il appert de la pièce R-4[4].
[10] De plus, la Commission a déposé à l'appui de la présente requête, un affidavit, signé par madame Rhina Maltez, technicienne en administration à la Commission, dans lequel cette dernière atteste qu'elle a transmis le 1er mars 2012 un courriel à madame Tobin, qu'elle a reçu ce même jour confirmation par le serveur de la Commission indiquant la remise du courriel et qu'elle n'a reçu depuis aucun avis de la part du serveur de courriels de madame Tobin indiquant une impossibilité de livrer le courriel[5].
[11] L'article 114 de la Charte des droits et libertés de la personne[6] énonce que la demande introductive d'instance doit être signifiée conformément aux règles du Code de procédure civile[7], une exigence qui est reprise par l'article 42 des Règles de procédure et de pratique du Tribunal des droits de la personne[8].
[12] L'article 138 C.p.c. prévoit que :
«138. Si les circonstances l'exigent, le juge ou le greffier peut, sur requête, autoriser un mode de signification autre que ceux prévus par les articles 120, 122, 123 et 130, notamment par avis public ou par la poste, sauf si ce dernier mode est déjà autorisé par lesdits articles.
Le juge ou le greffier peut également, sur le vu du procès-verbal de la personne qui a tenté de faire une signification, autoriser cette personne à signifier la procédure autrement qu'en la manière prévue aux articles 123 et 130. L'autorisation doit apparaître sur l'original de ce procès-verbal lequel doit alors être déposé au greffe. Une mention de cette autorisation doit apparaître sur les copies de l'acte de procédure à signifier. Cependant, lorsque la tentative de signification a été faite par un huissier ou un shérif et qu'il a consigné celle-ci à son procès-verbal, ce dernier peut, sans autorisation, signifier la procédure en laissant sur place copie de l'acte à l'intention du destinataire.
Ces autorisations peuvent être obtenues dans le district du lieu de signification de l'acte de procédure s'il diffère de celui de sa délivrance.» (nous soulignons)
[13] De plus, les articles 28, 31 et 74 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information prévoient que :
«28. Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n'exige l'emploi exclusif d'un mode spécifique de transmission.
Lorsque la loi prévoit l'utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis. De même, lorsque la loi prévoit l'utilisation de la poste certifiée ou recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d'un document technologique, au moyen d'un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.
Lorsque la loi prévoit l'envoi ou la réception d'un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cas d'un document technologique, d'un identifiant propre à l'emplacement où le destinataire peut recevoir communication d'un tel document.
[…]
31. Un document technologique
est présumé transmis, envoyé ou expédié lorsque le geste qui marque le début de
son parcours vers l'adresse active du destinataire est accompli par
l'expéditeur ou sur son ordre et que ce parcours ne peut être contremandé
ou, s'il peut l'être, n'a pas été contremandé par lui ou sur son ordre.
Le document technologique est présumé reçu ou remis lorsqu'il devient accessible à l'adresse que le destinataire indique à quelqu'un être l'emplacement où il accepte de recevoir de lui un document ou celle qu'il représente publiquement être un emplacement où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés, dans la mesure où cette adresse est active au moment de l'envoi. Le document reçu est présumé intelligible, à moins d'un avis contraire envoyé à l'expéditeur dès l'ouverture du document.
Lorsque le moment de l'envoi ou de la réception du document doit être établi, il peut l'être par un bordereau d'envoi ou un accusé de réception ou par la production des renseignements conservés avec le document lorsqu'ils garantissent les date, heure, minute, seconde de l'envoi ou de la réception et l'indication de sa provenance et sa destination ou par un autre moyen convenu qui présente de telles garanties.
[…]
74. L'indication dans la loi de la possibilité d'utiliser un ou des modes de transmission comme l'envoi ou l'expédition d'un document par lettre, par messager, par câblogramme, par télégramme, par télécopieur, par voie télématique, informatique ou électronique, par voie de télécommunication, de télétransmission ou au moyen de la fibre optique ou d'une autre technologie de l'information n'empêche pas de recourir à un autre mode de transmission approprié au support du document, dans la mesure où la disposition législative n'impose pas un mode exclusif de transmission.» (nous soulignons)
[14] À la lumière des faits mis en preuve, le Tribunal est devant une situation où la Commission a tenté sans succès de faire signifier par huissier, tel que prévu au Code de procédure civile, la demande introductive d'instance à madame Tobin à sa seule adresse connue.
[15] L'effet combiné de l'article 138 C.p.c. et des articles 28 et 74 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information permet au Tribunal d'accueillir la présente requête selon ses conclusions[9], et ce, tenant compte que la Commission sera en mesure de faire la preuve de la signification de la demande introductive d'instance à madame Tobin[10].
[16] De plus, tenant compte des principes énoncés à l'article 4.2 C.p.c., afin de préserver la proportionnalité, eu égard à la somme réclamée en l'espèce et eu égard aux coûts afférents à une signification par la voie des journaux, la signification par courrier électronique s'avère le moyen le plus approprié dont dispose la Commission pour signifier la demande introductive d'instance. Il s'agit d'un moyen direct, pratique et peu onéreux, qui rencontre, en l'espèce, les critères de fiabilité exigés par la loi.
[17] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[18] ACCUEILLE la requête;
[19] AUTORISE la signification à l'intimée-défenderesse, madame Lise Tobin, de la demande introductive d'instance par signification par voie électronique;
[20] LE TOUT frais à suivre.
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__________________________________ MICHÈLE PAUZÉ, Présidente du Tribunal des droits de la personne |
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Me Stéphanie Fournier |
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Vizkelety Drapeau Bourdeau Commission des droits de la personne Et des droits de la jeunesse - Contentieux 360, rue St-Jacques Ouest, 2e étage Montréal (Québec) H2Y 1P5 |
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Procureur de la partie demanderesse |
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Date d’audience : |
22 mars 2012 |
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[1] Pièce R-2.
[2] Pièce R-3.
[3] Pièce R-5.
[4] Pièce R-4.
[5] Pièce R-6.
[6] L.R.Q., c. C-12.
[7] L.R.Q., c. C-25 (ci-après «C.p.c.»).
[8] R.R.Q., c. C-12, r. 4.
[9] Voir notamment Boivin et Associés c. Scott, 2011 QCCQ 10324 (CanLII); Droit de la famille - 11837, 2011 QCCS 1491 (CanLII); D.B. c. S.S., A.E./P.C. 2001-1204 (C.S.) et D.B. c. S.S., A.E./P.C. 2001-1205 (C.S.).
[10] Art. 31 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information et pièce R-6.
AVIS :
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