Décision

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Décision

Longpré c. Allard

2021 QCTAL 677

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Sherbrooke

 

No dossier :

480424 26 20190910 G

No demande :

2843310

 

 

Date :

12 janvier 2021

Devant le juge administratif :

Marc Landry

 

Ginette Longpré

 

Gordon Addis

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Patricia Allard

 

Patrick Arcuri

 

Locataires - Partie défenderesse

et

 

LOUISE MARCEAU

 

Caution - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le 10 septembre 2019, les locateurs réclament (des locataires et d’un endosseur) des dommages-intérêts matériels de 3 200 $ à la suite de l’éviction du sous-locataire qui occupait sans droit le logement après la fin du bail (loyer perdu du mois de juillet 2019, changement d’une porte-patio, frais de serrurier, de cadenas, d’huissier et de réparations) et des dommages-intérêts moraux de 5 000 $ (perte de jouissance des lieux, atteinte à la personne).

[2]      Il s’agit d’un bail du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 590 $.

[3]      Les locateurs habitent l’immeuble à logements (un triplex).


[4]      Les 27 octobre 2018, les locataires (Patrick Arcuri et Patricia Allard) qui viennent de se séparer sous-louent le logement à un sous-locataire (Dave Michaud). La mère (Louise Marceau) du sous-locataire intervient au contrat de sous-location pour se porter garante du paiement du loyer en faveur des locataires[1].

[5]      Les locateurs ne s’opposent pas à la sous-location après en avoir été informés.

[6]      Le contrat de sous-location[2] ne révèle pas que Mme Marceau se porte garant envers les locateurs.

[7]      Les locateurs sont des tiers relativement au contrat de sous-location selon le principe de la relativité du contrat (article 1440 du Code civil du Québec[3]), bien que la loi leur réserve la possibilité de consentir ou non à la sous-location (article 1871 du Code civil du Québec).

[8]      Il n’y a aucune stipulation pour autrui dans le contrat de sous-location (article 1444 du Code civil du Québec).

[9]      De plus, l’endossement de Mme Marceau au bénéfice des locataires se limite au seul paiement du loyer durant le bail, selon le contrat de sous-location.

[10]   Le cautionnement de Mme Marceau ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté (article 2343 du Code civil du Québec).

[11]   Par conséquent, la demande des locateurs à l’égard de Mme Marceau est rejetée puisqu’elle est sans fondement à son égard, aucun lien de droit étant existant entre les locateurs et Mme Marceau.

[12]   Le 9 janvier 2019, les locataires avisent les locateurs qu’ils ne renouvellent pas le bail à son échéance le 30 juin 2019.

[13]   Le 3 juillet 2019, les locateurs prennent recours dans le dossier 469119 afin d’obtenir l’expulsion du sous-locataire qui continue d’occuper les lieux après la fin du bail.

[14]   Le 10 juillet 2019, les locateurs obtiennent un jugement dans le dossier précité qui constate la fin du bail principal et de la sous-location depuis le 30 juin 2019 et l’occupation sans droit du logement par le sous-locataire depuis cette dernière date. La décision ordonne l’expulsion du sous-locataire et des occupants sur la base des articles 1889 et 1940 du Code civil du Québec.

[15]   Le logement est reloué à compter du 1er août 2019. Les locateurs réclament aux locataires le loyer perdu du mois de juillet 2019.

[16]   Les locateurs avaient cependant reçu un avis de non-reconduction du bail dès le début du mois de janvier 2019.

[17]   Les locataires ne peuvent être tenus responsables de la perte de loyer du mois de juillet 2019. Leur responsabilité s’arrête au 30 juin 2019, avec la fin du bail non reconduit. Le bail est terminé. Le sous-locataire occupe le logement sans droit depuis le 1er juillet 2019, tel qu’il ressort de la décision du 10 juillet rendue dans le dossier 469119. Dès lors, il n’y a plus de bail. C’est alors le sous-locataire et lui seul qui commet une faute en demeurant dans le logement et qui devait être poursuivi en dommages.

[18]   De plus, les locateurs devaient démontrer avoir fait des efforts suffisants, de janvier à juin 2019 inclusivement, afin de relouer le logement pour le 1er juillet 2019. Ils devaient voir à minimiser les dommages (article 1479 du Code civil du Québec). Or, ils ne démontrent pas les efforts de relocation nécessaires durant cette période.


[19]   Les locataires ne peuvent être tenus responsables du comportement du sous-locataire qui, après la fin du bail, aurait posé un geste criminel en tirant des plombs avec une carabine (il n’est d’ailleurs pas démontré[4] que le sous-locataire est l’auteur du geste), endommageant la porte-patio d’un autre logement de l’immeuble.

[20]   Au surplus, la propre preuve des locateurs révèle que leur assureur Desjardins les a indemnisés le 7 août 2019 des dommages subis, ledit assureur étant subrogé dans les droits des locateurs à la suite de son paiement et étant détenteur du droit de poursuite relativement à la porte-patio.

[21]   Les locateurs n’ont fourni aucune pièce justificative quant aux frais de serrurier et de cadenas.

[22]   Quoiqu’il en soit de ces frais et d’autres frais[5] réclamés relatifs au mauvais état dans lequel le logement aurait été laissé lors du départ du sous-locataire (la procédure précise que les dommages matériels réclamés le sont à la suite de l’éviction du locataire dans le dossier 469119), les locateurs ont signé le 15 juillet 2019, jour du départ du sous-locataire, un document[6] dans lequel ils reconnaissent que le logement est laissé en bonne condition.

[23]   Les locateurs sont fortement contredits par cet écrit signé quant à l’état du logement.

[24]   Les photographies[7] produites par les locateurs ne reflètent donc pas l’état du logement au départ du sous-locataire le 15 juillet 2019, mais plutôt un état antérieur aux travaux faits dans le logement par la famille du sous-locataire.

[25]   Les frais de signification d’huissier ne peuvent être accordés puisque la demande des locateurs n’est pas fondée.

[26]   Restent la perte de jouissance des lieux et l’atteinte à la personne.

[27]   Il n’y a aucun détail, aucun exposé des pertes de jouissance et des atteintes subies dans la procédure des locateurs.

[28]   À l’audience, les locateurs expliquent qu’il s’agit en fait d’insultes répétées et de menaces de mort de la part du sous-locataire, de troubles de voisinage.

[29]   Non seulement il n’y a aucun exposé sommaire des pertes de jouissance et des atteintes, les locateurs contrevenant ainsi à l’une des conditions minimales et essentielles relatives au contenu d’une demande formulée (tel que prévu par l’article 3 du Règlement sur la procédure), mais le Tribunal administratif du logement n’a pas de compétence juridictionnelle pour entendre cette partie de la demande puisqu’il ne s’agit pas de fautes contractuelles commises envers les locateurs, mais plutôt de fautes de nature extracontractuelle à la suite de contraventions au Code criminel, aux règles de conduite et de civilité au sens de l’article 1457 du Code civil du Québec ou aux règles de bon voisinage au sens de l’article 976 du Code civil du Québec.

[30]   Pour reprendre l’enseignement du professeur Jobin, ces fautes « ne constituent pas autant de violations du contrat de louage lui-même, mais des fautes extracontractuelles commises à l’occasion du contrat »[8].


[31]   L’arrêt Kerassinis c. Boretsky[9] de la Cour d’appel du Québec est venu limiter la juridiction de la Régie du logement à ce chapitre. La Cour d’appel déclarait :

« […] un comportement de la sorte ne relève pas de la relation contractuelle du fait de son éloignement des règles les plus élémentaires de civilité. À ce titre, il y a consensus dans la jurisprudence et la doctrine à l'égard du fait que la Régie du logement n'a pas compétence pour statuer sur les recours extracontractuels entre locateurs et locataires ».

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]   DÉCLINE compétence juridictionnelle quant aux dommages-intérêts extracontractuels;

[33]   REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc Landry

 

Présence(s) :

les locateurs

la locataire

la caution

Date de l’audience :  

21 décembre 2020

 

 

 


 



[1]    Pièce P-1.

[2]    Idem.

[3]    « 1440. Le contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes; il n’en a point quant aux tiers, excepté dans    les cas prévus par la loi. ».

[4]    La preuve entendue est circonstancielle et insuffisante. Seule une voiture aurait été vue vers 23 h 00 le soir alors que les conditions d’éclairage n’étaient pas bonnes et la couleur décrite du véhicule diverge entre la version du témoin entendu lors de l’audience (verte) et une déclaration écrite antérieure (noire) de ce même témoin. Aucune personne physique n’a été identifiée. Le seul doute que ce soit le locataire derrière le geste est insuffisant. Le témoin a porté plainte auprès de la police, mais il semble qu’il n’y ait pas eu de suite au criminel.

[5]    En tout, 300 $ sont réclamés.

[6]    Pièce C-1.

[7]    Pièce P-4.

[8]    Jobin, Pierre-Gabriel, Le louage, 2e édition, Éditions Yvon Blais, 1996, p. 262.

[9]    2012 QCCA 886. Voir aussi : Dumont-Poupart c. Houde, 2013 QCCQ 12599, Madeleine Aubé j.c.q. : « Toute demande relative au bail au sens de l'article 28 de la Loi sur la Régie du logement doit viser seulement les manquements aux obligations qui découlent directement du bail et non des manquements aux règles de civilité, aux insultes »; Kerassinis c. Boretsky, 2012 QCCA 886 (C.A.); Turcotte c. Chausse, 2013 QCRDL 11984, 4 avril 2013, Francine Jodoin j. adm.; Chaput c. St-Jean, 2018 QCRDL 23281; Rosby c. Foucault, 2018 QCRDL 16825; Giroux c. Talbot, 2017 QCRDL 15135; Martin c. Boucher, 2017 QCRDL 7265; Madore c. Boulet, 2016 QCRDL 23521.

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