COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
RÉGION : Montréal |
MONTRÉAL, le 15 juin 1999 |
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DOSSIER : |
DEVANT LE COMMISSAIRE: Me Carmen Racine |
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ASSISTÉE DES MEMBRES : Pierre Gamache Associations d’employeurs a |
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Claude Bouthiller Associations syndicales |
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DOSSIER CSST : 110477-71-9902 |
AUDIENCE TENUE LE : 4 juin 1999 |
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À : Montréal |
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MARDOCHE PEREZ4866, rue Côte-des-Neiges Montréal (Québec) H3V 1H1 |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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et |
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LACE DESIGN9250, rue Meilleur, suite 202 Montréal (Québec) H2N 2A5 |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
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DÉCISION
[1] Le 11 février 1999, le travailleur, monsieur Mardoche Perez, conteste une décision rendue par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 février 1999.
[2] Par cette décision, la révision administrative maintient la décision rendue par la CSST le 3 juin 1998 et, en conséquence, elle établit que le diagnostic relatif à la lésion professionnelle du 20 mars 1997 est celui de contusion à l’épaule gauche à la face postérieure du thorax gauche, que cette lésion est consolidée le 23 mars 1998 sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles, que les soins ou traitements ne sont plus nécessaires depuis la date de consolidation de la lésion et que le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi à compter de cette date. Elle confirme également que la CSST peut cesser le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 29 mai 1998.
[3] Le travailleur est présent à l’audience et représenté. L’employeur est absent bien que dûment convoqué.
[4] L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’annuler la décision rendue par la révision administrative, de déclarer que l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier et, en conséquence, de déclarer que le diagnostic relatif à la lésion professionnelle du 20 mars 1997 est celui d’entorse cervicale, que cette lésion n’est pas encore consolidée, que les soins ou traitements sont toujours nécessaires et qu’il est trop tôt pour déterminer une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[6] LES FAITS
[7] Le 20 mars 1997, le travailleur est victime d’un accident d’automobile dans le cadre de son travail de représentant pour l’employeur. À cette occasion, un véhicule lourd (tracteur ou bulldozer) frappe le côté gauche de son automobile. Le travailleur dépose une réclamation à la Société d’assurance-automobile du Québec qui, le 22 juin 1997, refuse cette demande d’indemnisation et réfère le travailleur à la CSST.
[8] Le 26 août 1997, le travailleur dépose donc une réclamation à la CSST.
[9] Entre temps, le 20 mars 1997, jour de l’événement, le travailleur se rend à l’urgence de l’hôpital. Le médecin note que ce dernier n’a pas l’air en détresse. Il circule librement. Il se plaint de douleurs aux côtes et à l’arrière de la tête.
[10] L’examen objectif ne révèle aucune blessure apparente.
[11] Le médecin consulté ne prescrit aucun examen supplémentaire.
[12] Il donne son congé au travailleur et l’avise que ses douleurs seront plus fortes dans les jours à venir.
[13] Le 23 mars 1997, le travailleur se rend de nouveau à l’urgence de l’hôpital. Il consulte pour un problème de douleur et de raideur au cou sans irradiation cependant. Le médecin mentionne que le travailleur ne s’est pas frappé la tête lors de l’accident. Son examen met en relief une légère sensibilité à la palpation du cou mais une bonne amplitude des mouvements du rachis cervical. Il diagnostique un spasme musculaire au cou et il prescrit des « Tylénols » ou des « Advils ».
[14] Le 4 avril 1997, le travailleur revoit un médecin pour un problème de douleur au cou et à l’épaule gauche. Le médecin note une sensibilité au niveau du trapèze gauche mais une bonne amplitude des mouvements du rachis cervical. Il diagnostique une entorse cervicale.
[15] Le 30 avril 1997, dans un rapport adressé à la Société de l’assurance-automobile, le médecin indique que le travailleur souffre de douleurs dorsales gauches et de douleurs à la palpation de l’hémithorax et de l’ « hémidorsal » gauches. Il précise, de plus, que le travailleur ne peut soulever des choses lourdes.
[16] Le 30 avril 1997, le travailleur se soumet à une radiographie de la colonne cervicale, dorsale et lombaire. Au niveau de la colonne cervicale, le radiologiste note un « moderate degenerative disc disease C5-6, C6-7 ». Au niveau de la colonne dorso-lombaire, la radiographie met en évidence des « minimal degenerative changes ».
[17] Le 5 mai 1997, le médecin consulté diagnostique un « moderate cervical and R shoulder strain » et un « moderate spasm in R upper trapeze ». Il prescrit de la physiothérapie.
[18] Le 3 juin 1997, le médecin indique que le travailleur ressent toujours des douleurs. Il retient un diagnostic d’entorse ou d’étirement musculaire (« muscle sprain »).
[19] Le 4 août 1997, le médecin reprend ce diagnostic en précisant que l’étirement musculaire se situe au niveau cervical gauche.
[20] Les 3 et 26 septembre 1997, le médecin note la persistance des douleurs et l’incapacité du travailleur de lever des objets lourds.
[21] Le 10 octobre 1997, le docteur Dahan émet le premier rapport médical à l’attention de la CSST. Il diagnostique alors une « thoracalgie » et une cervico-brachialgie gauche. Il soupçonne la présence d’une hernie discale cervicale. Il prescrit des travaux légers pour cinq demi-journées et des traitements d’acupuncture.
[22] Le 24 octobre 1997, une résonance magnétique cervicale est effectuée. Elle révèle ce qui suit :
Discopathie étagée avec très petite hernie discale sous ligamentaire médiane en C3-C4 et C4-C5, grosse hernie discale plus chronique en postéro-latéral gauche en C5-C6 avec sténose spinale et foraminale, petite hernie discale postéro-latérale gauche en C6-C7.
[23] Le 22 janvier 1998, le docteur Dahan diagnostique des hernies discales cervicales multi-étagées.
[24] Par ailleurs, le travailleur poursuit ses traitements de physiothérapie. Les notes des physiothérapeutes démontrent une amélioration de l’état de santé du travailleur au fil des traitements.
[25] Le 23 mars 1998, le docteur Sullivan examine le travailleur à la demande de la CSST. Son examen objectif démontre une perte de l’amplitude des mouvements du rachis cervical et une palpation douloureuse à ce niveau. Les réflexes sont normaux; il n’y a pas d’atrophie mais la force musculaire est réduite à gauche. Le docteur Sullivan est d’avis que les réactions du travailleur sont exagérées. Il conclut :
Suite à l’examen du requérant et suite à la révision de son dossier, il nous apparaît très clair qu’il n’existe aucune pathologie connue au système musculo-squelettique nous permettant de lui attribuer soit un diagnostic précis, soit un traitement utile ou même un pronostic. Il nous apparaît que la présence d’une douleur suite à l’événement accidentel est primordiale chez ce requérant et serait attribuable à une dysfonction psycho-neurologique.
Donc, autre que le diagnostic de contusions dont l’évolution médicale n’a laissé aucune séquelle orthopédique, il m’est donc impossible, en tant qu’orthopédiste, de déterminer un autre diagnostic pour expliquer la douleur continue dont le requérant nous a fait part.
[26] Il retient donc un diagnostic de contusions au cou, à l’épaule, à l’hémithorax et à la région dorso-lombaire du côté gauche. Cette lésion est consolidée le 23 mars 1998 sans nécessité de traitements après cette date, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles.
[27] Le 23 avril 1998, le docteur Dahan reprend le diagnostic de hernie discale cervicale.
[28] Le 27 avril 1998, le docteur Dahan manifeste son désaccord face aux conclusions du docteur Sullivan. Il s’exprime en ces termes :
Premièrement, au premier paragraphe de la section « historique » de son expertise, le Dr Sullivan ne semble pas donner de l’importance à la nature du fait accidentel qui impliquait quand même un traumatisme majeur. Le « bulldozer » voyageait à une vitesse importante et l’accident a causé une perte totale du véhicule de Monsieur Perez, ceci selon les dires du patient.
D’autant plus, nous voyons la constance des symptômes de douleurs cervicales tout au long de l’histoire, débutant le jour même du fait accidentel.
À la page 3 de son rapport dans la section « études radiologiques », le Dr Sullivan néglige de préciser qu’au niveau du segment C5-C6, il s’agit d’une grosse hernie discale postéro-latérale gauche et foraminale gauche. Il néglige aussi de mentionner la présence d’une sténose spinale significative avec une sténose foraminale gauche. Au lieu, il semble indiquer qu’il s’agit tout simplement d’hernie discale sous-ligamentaire étagée.
Dans la section « examen physique » de la page 3, le Dr Sullivan semble indiquer que Monsieur Perez collabore très mal à l’examen physique. Nous devons préciser que ceci n’aurait pas été notre expérience au cours des examens cliniques pratiqués le 22 janvier 1997 (avant l’accident du 20 mars 1997) au moment de notre consultation initiale, ni aux examens cliniques subséquents, comme celui du 10 octobre 1997 et celui du 23 avril 1998.
Au premier paragraphe de la section « commentaires » à la page 3 de son expertise, il nous semble que Dr Sullivan va au-delà de ses limites d’expertise en posant un diagnostic de dysfonction psycho-neurologique.
D’autant plus, dans la première phrase du premier paragraphe de la section « commentaires » qui se trouve à la fin de la page 3 de son expertise, le Dr Sullivan conclut qu’il est très clair qu’il n’existe aucune pathologie connue au système musculo-squelettique permettant l’attribution d’un diagnostic précis chez ce patient.
Considérant le fait que ce patient est porteur d’une importante hernie discale cervicale avec sténose spinale secondaire, qui a été causée par le fait accidentel décrit ou soit rendue symptomatique par le fait accidentel décrit, nous avons beaucoup de difficulté à retenir les conclusions diagnostiques du Dr Sullivan.
Bien que ce patient vit des séquelles psychologiques sous forme d’anxiété et difficulté d’adaptation à son syndrome douloureux chronique, nous jugeons que ceci devrait être pris en charge par un psychiatre ou un psychologue de façon à complémenter les traitements physiques.
Il est clair que la possible présence de troubles d’adaptation psychologique à son syndrome de douleurs chroniques n’élimine pas du tout l’importance de la composante physique du problème de l’incapacité fonctionnelle et du syndrome douloureux de Monsieur Perez.
Ainsi, nous ne pouvons retenir le diagnostic posé par le Dr Sullivan.
Nous ne sommes pas d’accord que la lésion est consolidée et nous jugeons que ce patient mérite une prise en charge dans un programme de réadaptation pluridisciplinaire intensive qui inclurait une psychothérapie. (…) (sic)
[29] Le 27 avril 1998, le docteur Dahan diagnostique des hernies discales cervicales, une entorse D-L (dorso-lombaire) et des contusions.
[30] Le 27 mai 1998, le docteur Racine, membre du Bureau d’évaluation médicale, examine le travailleur. Il décrit ainsi l’événement du 20 mars 1997 :
Le 20 mars 1997, il conduisait son auto et au coin d’une rue un bulldozer l’a frappé du côté gauche. Il semble que l’impact ait eu lieu au niveau de la face postérieure de l’épaule gauche et de l’hémithorax gauche puisque la collision a eu lieu un peu en arrière de la porte du conducteur.
[31] Au moment de cet examen, le travailleur se plaint des symptômes suivants :
Il accuse des douleurs au niveau de la région de l’épaule, tant à la face antérieure que postérieure, au niveau de la région thoracique haute au cou et au bras, mais pas de malaise en bas du coude ni sensation de faiblesse ou d’engourdissements. Les douleurs sont continuelles et l’éveillent à toutes les nuits. Il a une sensation de faiblesse au niveau des membres supérieurs parce qu’il utilise plutôt sa main gauche que sa main droite malgré qu’il soit droitier.
Il affirme ne pouvoir faire une flexion de son cou sans provoquer de vertiges, des malaises cervicaux et des céphalées. Par ailleurs, les mouvements du cou ne sont pas limités, sauf pour une raideur et douleur en fin de mouvement.
Les mouvements de son épaule gauche sont normaux et souples mais manquent de tolérance.
Depuis un an, il affirme n’avoir eu aucune amélioration malgré les traitements.
[32] L’examen objectif démontre un cou souple sans scoliose antalgique et sans spasme. Les mouvements sont d’amplitude normale et ne provoquent aucun spasme. La palpation des muscles paravertébraux est alléguée douloureuse mais n’entraîne pas de spasme. Il n’existe aucune amyotrophie périscapulaire ou au niveau du bras et de l’avant-bras « malgré une évolution de 14 mois de douleur au membre supérieur gauche ». Les mouvements des épaules sont normaux, égaux et symétriques. Les signes de Hawkins et de Neer sont négatifs. La force musculaire et les réflexes ostéo-tendineux des membres supérieurs sont normaux, égaux et symétriques. Il n’y a pas de signe radiculaire. Enfin, il existe une hyperesthésie variable ne correspondant à aucun territoire précis.
[33] Le docteur Racine conclut :
Il s’agit d’un patient de 46 ans qui a été impliqué dans une collision et il semble que l’impact s’est fait du côté gauche, un peu en arrière de la portière du chauffeur. L’impact a eu lieu au niveau de la face postérieure de l’épaule gauche.
Il a pu avoir une entorse cervicale, mais les médecins qui l’ont vu à l’urgence dans les premiers temps ont noté un examen normal et des mouvements normaux, tant au niveau de l’épaule que du cou.
La radiographie montre la présence d’une dégénérescence C5-C6, C6-C7 et la résonance magnétique établit une grosse hernie, particulièrement en C5-C6. Cependant, l’examen clinique ne révèle aucun signe de radiculopathie au niveau du membre supérieur gauche, signe moteur et de réflexe et sensitif auquel on devrait s’attendre. Il n’a pas non plus d’amyotrophie au niveau du membre supérieur gauche malgré une évolution de 14 mois. Enfin, l’examen actuel est sensiblement normal malgré les réactions du patient au moindre attouchement cutané autour de son épaule gauche.
[34] Il diagnostique une contusion à l’épaule gauche à la face postérieure du thorax gauche. Il consolide cette lésion le 23 mars 1998, sans nécessité de traitements après cette date, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles.
[35] Le 3 juin 1998, la CSST rend une décision conforme à ces conclusions. Le travailleur conteste cette décision mais, le 9 février 1998, elle est maintenue par la révision administrative. Dans cette décision, la révision administrative fait référence à une décision rendue par la CSST, le 3 novembre 1997, où cette dernière accepte la réclamation du travailleur sur la base du diagnostic d’entorse cervicale. Cette dernière décision n’est pas au dossier de la Commission des lésions professionnelles. Par ailleurs, la révision administrative confirme la décision du 3 juin 1998 d’où la présente contestation.
[36] À l’audience, le représentant du travailleur ne fait pas entendre ce dernier.
[37] Il dépose un rapport d’évaluation médicale réalisé par le docteur Line Jacques, neuro-chirurgienne, le 7 février 1999. Ce médecin note des diagnostics pré-évaluation de cervico-brachialgie gauche, de hernie discale C5-C6 gauche et d’ostéo-arthrite de l’articulation acromio-claviculaire. Au niveau des plaintes du travailleur, le docteur Jacques indique que, depuis l’accident du 20 mars 1997, ce dernier présente des douleurs, « surtout à l’épaule gauche ». L’examen objectif révèle des douleurs localisées au niveau de l’omoplate mais aucune ankylose cervicale. De plus, l’examen moteur et la sensibilité sont normaux. Les réflexes ostéo-tendineux (ROT) sont normaux et symétriques et le réflexe cutané-plantaire (au pied) (RCP) est diminué. La démarche est normale.
[38] Le docteur Jacques fait état de deux résonances magnétiques qui démontrent une petite hernie discale cervicale foraminale gauche et un changement ostéoarthritique de l’articulation acromio-claviculaire. Il rapporte également un électromyogramme négatif.
[39] Le docteur Jacques retient un diagnostic de « hernie discale non opérée sans séquelle pas d’ankylose » pour lequel il fixe un déficit anatomo-physiologique de 2% et des limitations fonctionnelles consistant à « éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de : -soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg; travailler en position accroupie; ramper, grimper; effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale; subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (provoqués par du matériel roulant sans suspension, par exemple. ».
[40] L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[41] Dans un premier temps, le représentant du travailleur soutient que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier puisque, le 3 novembre 1997, la CSST accepte la réclamation du travailleur sur la base du diagnostic d’entorse cervicale. Cette décision non contestée constitue chose jugée et la CSST ne peut remettre en cause le diagnostic et demander l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale dans ce contexte.
[42] Dans un deuxième temps, si la Commission des lésions professionnelles conclut que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale n’est pas irrégulier, elle doit modifier le diagnostic et retenir celui d’entorse cervicale puisque l’accident n’est pas banal, des problèmes à ce niveau sont notés dès le départ et les docteurs Dahan et Jacques confirment cette problématique. Il est même question de hernie discale cervicale d’où la démonstration de l’existence de problèmes cervicaux.
[43] De plus, les problèmes cervicaux sont toujours présents, ne sont pas consolidés et, s’ils le sont, une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles conformes à celles décrites par le docteur Jacques doivent être reconnues et octroyées.
[44] Il demande donc à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir la présente contestation.
[45] L’AVIS DES MEMBRES
[46] Les membres issus des associations syndicales et patronales sont tous deux d’avis de rejeter le moyen préliminaire et la contestation du travailleur.
[47] En effet, selon les articles 204 , 205.1 , 206 et 217 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi), la CSST n’est pas liée par le diagnostic retenu lors de la décision sur l’admissibilité et elle peut toujours le remettre en cause.
[48] Par ailleurs, la preuve médicale présentée est insuffisante pour modifier le diagnostic et la date de consolidation ou pour octroyer une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[49] LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[50] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord se prononcer sur le moyen préliminaire présenté par le représentant du travailleur et, le cas échéant, elle doit statuer sur le diagnostic relatif à la lésion professionnelle du 20 mars 1997, sur la date de consolidation de cette lésion, sur la nécessité des traitements, sur l’atteinte permanente, sur les limitations fonctionnelles, sur la capacité de travail du travailleur et sur la fin du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[51] Le moyen préliminaire
[52] Le représentant du travailleur soutient que la CSST ne pouvait porter la question du diagnostic devant le membre du Bureau d’évaluation médicale vu la décision non contestée du 3 novembre 1997 acceptant la réclamation du travailleur sur la base d’un diagnostic d’entorse cervicale.
[53] Selon le représentant du travailleur, il y a chose jugée en regard du diagnostic qui ne peut, dès lors, être remis en cause par la CSST.
[54] Avec respect, la Commission des lésions professionnelles ne peut en venir à une telle conclusion.
[55] En effet, au moment de se prononcer sur l’admissibilité de la lésion du travailleur, la CSST est liée par le diagnostic retenu par le médecin traitant du travailleur. Elle détermine donc l’existence d’une lésion professionnelle en regard de ce diagnostic. Dans ce dossier, les premiers diagnostics font état de douleurs au cou, d’étirement au cou ou de spasmes même si les examens objectifs ne mettent pas en évidence de perte d’amplitude des mouvements à ce niveau. Il est donc légitime que la CSST se prononce sur la base de tels diagnostics.
[56] Toutefois, le fait que la CSST rende une décision en s’appuyant sur l’un ou l’autre des diagnostics retenus par les médecins traitants ne peut lier cette dernière et l’empêcher d’obtenir l’avis d’un médecin désigné et, ultérieurement, celui du membre du Bureau d’évaluation médicale.
[57] En effet, il n’existe aucune disposition législative qui retire ce pouvoir à la CSST lorsque cette dernière a rendu une décision. Au contraire, les articles 204, 205.1, 206 et 217 de la loi lui donnent pleine latitude pour ce faire.
[58] De plus, l’article 224.1 de la loi stipule que la CSST est liée par l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale. En conséquence, suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, la CSST a l’obligation légale de modifier le diagnostic pour retenir celui établi par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle pourrait même revoir sa décision d’admissibilité le cas échéant.
[59] En définitive, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST possède de vastes pouvoirs qui lui permettent d’obtenir le maximum d’informations concernant la condition médicale d’un travailleur et ainsi assurer un suivi adéquat de son dossier. La CSST peut demander des informations au médecin traitant mais elle peut également faire examiner le travailleur par un médecin désigné et renvoyer alors toute la question médicale au membre du Bureau d’évaluation médicale. Toutefois, à ce moment, elle est liée par l’avis émis par ce dernier et doit rendre une décision en conséquence.
[60] La Commission des lésions professionnelles ne peut donc accueillir le moyen préliminaire présenté par le représentant du travailleur car il va à l’encontre des dispositions législatives pertinentes.
[61] L’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale
[62] Le diagnostic
[63] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir un diagnostic d’entorse cervicale et, peut-être, de hernie discale cervicale.
[64] Il ne précise pas s’il désire que ces diagnostics soient ajoutés aux diagnostics de contusions établis par les docteurs Sullivan et Racine.
[65] Il s’appuie sur les rapports médicaux au dossier et sur les rapports plus détaillés des docteurs Dahan et Jacques.
[66] La Commission des lésions professionnelles constate que, au moment de l’événement, le travailleur rapporte des douleurs au cou et à l’hémithorax du côté gauche.
[67] Par la suite, des douleurs sont constatées au cou, à l’épaule gauche et au dos et au thorax du côté gauche. Plusieurs diagnostics d’étirement, d’entorse, de douleurs et de raideurs à ces niveaux sont émis par les médecins consultés sans plus de précision.
[68] Après une résonance magnétique effectuée le 24 octobre 1997, le docteur Dahan retient un diagnostic de hernie discale cervicale.
[69] Toutefois, la Commission des lésions professionnelles remarque qu’il ne rapporte aucun signe objectif d’une telle hernie. Il en est de même des docteurs Sullivan, Racine et Jacques. Au surplus, le docteur Jacques note spécifiquement qu’il n’y a pas d’ankylose cervicale et pas de séquelles à ce niveau. Il note, de plus, que les plaintes du travailleur se situent au niveau de l’épaule et non au niveau cervical.
[70] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles ne dispose pas de la preuve nécessaire pour retenir le diagnostic de hernie discale cervicale.
[71] Quant au diagnostic d’entorse cervicale, la Commission des lésions professionnelles note que plusieurs problèmes sont relevés tant au niveau du cou, du dos, du thorax et de l’épaule du côté gauche. Des spasmes sont notés à ces sites anatomiques. Pourtant, les docteurs Dahan, Sullivan, Racine et Jacques prennent tous connaissance du dossier médical du travailleur et aucun de ces médecins ne retient ce diagnostic précis. La Commission des lésions professionnelles ne possède donc pas de preuve prépondérante lui permettant de déterminer que ce diagnostic est établi et découle de la lésion professionnelle du 20 mars 1997.
[72] En fait, le diagnostic le plus probable reste celui de contusion. Les docteurs Sullivan et Racine analysent l’impact provoqué par l’accident. Plus particulièrement, le docteur Racine évalue le site de l’impact et les suites de cet impact et il conclut que la contusion à l’épaule gauche à la face postérieure du thorax gauche est le diagnostic qui correspond le mieux au mécanisme accidentel. À défaut de preuve prépondérante au contraire, la Commission des lésions professionnelles partage cette conclusion.
[73] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le diagnostic relatif à la lésion professionnelle du 20 mars 1997 est celui de contusion à l’épaule gauche à la face postérieure du thorax gauche et elle maintient, sur ce point, la décision de la révision administrative.
[74] La date de consolidation
[75] La consolidation d’une lésion professionnelle est sa guérison ou l’atteinte d’un plateau thérapeutique au-delà duquel aucune amélioration de l’état de santé du travailleur n’est possible.
[76] Le 23 mars 1998, le docteur Sullivan est d’avis que la lésion du travailleur est consolidée puisqu’il ne croit pas aux différentes plaintes de ce dernier.
[77] Le 27 avril 1998, le docteur Dahan émet l’opinion que la lésion du travailleur n’est pas consolidée et qu’il bénéficierait de traitements pluridisciplinaires. Ces traitements ont-ils été effectués? D’autres traitements ont-ils été prodigués? La Commission des lésions professionnelles l’ignore, le représentant du travailleur n’ayant pas jugé opportun de faire une preuve à ce sujet.
[78] Le 25 mai 1998, le docteur Racine fait un examen dans les limites de la normale. Il constate que son examen est similaire à celui effectué par le docteur Sullivan et, en conséquence, il consolide la lésion à la date de ce dernier examen, soit le 23 mars 1998.
[79] Par la suite, la Commission des lésions professionnelles ne possède aucune donnée concernant le suivi médical du travailleur si ce n’est le rapport médical du docteur Jacques qui, rappelons-le, porte sur un diagnostic de hernie discale cervicale non retenu par la Commission des lésions professionnelles et est silencieux quant à une quelconque date de consolidation de la lésion.
[80] La Commission des lésions professionnelles doit décider selon la preuve prépondérante au dossier. Or, la preuve unique et non contredite situe la date de consolidation de la lésion du 20 mars 1997 au 23 mars 1998. La Commission des lésions professionnelles retient donc cette date de consolidation qui lui apparaît plus que raisonnable compte tenu du diagnostic de contusion confirmé par cette dernière.
[81] La nécessité des soins ou des traitements
[82] La consolidation d’une lésion étant sa guérison ou l’atteinte d’un état stable au-delà duquel aucune amélioration de l’état de santé n’est prévisible, les soins ou traitements visant à guérir ou à améliorer l’état de santé du travailleur ne sont plus nécessaires après le 23 mars 1998, date de consolidation de la lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles confirme donc sur ce point la décision de la révision administrative.
[83] L’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles
[84] Seuls les docteurs Sullivan, Racine et Jacques se prononcent au sujet de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[85] Les docteurs Racine et Sullivan sont d’avis qu’il n’en existe pas alors que le docteur Jacques établit un déficit anatomo-physiologique de 2% pour une hernie discale non opérée et des limitations fonctionnelles visant tout le rachis de la colonne cervicale à la colonne lombo-sacrée.
[86] Or, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir le déficit anatomo-physiologique et les limitations fonctionnelles fixées par le docteur Jacques.
[87] En premier lieu, le docteur Jacques s’appuie sur un diagnostic de hernie discale cervicale non accepté par la Commission des lésions professionnelles.
[88] De plus, le docteur Jacques note précisément que cette hernie qu’il identifie ne crée pas d’ankylose ou de séquelles. Pourtant, le Règlement sur le Barème des dommages corporels prévoit que, pour octroyer un déficit anatomo-physiologique pour une hernie discale non opérée, il faut que cette hernie soit prouvée cliniquement et par des tests spécifiques. L’absence de signes objectifs cliniques ne permet donc pas d’octroyer un déficit anatomo-physiologique.
[89] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles s’explique mal comment le docteur Jacques peut fixer d’importantes limitations fonctionnelles alors que son examen objectif est normal. Les limitations fonctionnelles établies par le docteur Jacques ne s’appuyant pas sur l’examen réalisé par ce dernier, la Commission des lésions professionnelles ne peut déterminer que la preuve est prépondérante à ce sujet.
[90] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la preuve prépondérante au dossier milite en faveur de la non-reconnaissance d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles suite à la lésion professionnelle du 20 mars 1997 et, en conséquence, elle maintient sur ce point la décision de la révision administrative.
[91] La capacité de travail du travailleur et le versement de l’indemnité de remplacement du revenu
[92] Selon la décision de la révision administrative, décision confirmée par la Commission des lésions professionnelles, la lésion du travailleur est consolidée le 23 mars 1998, sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles.
[93] Le travailleur est donc redevenu capable d’exercer son emploi à cette date.
[94] En conséquence, conformément aux articles 57 et 132 de la loi, la CSST peut mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 29 mai 1998 et la Commission des lésions professionnelles maintient également sur ce point la décision de la révision administrative.
[95] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
[96] REJETTE le moyen préliminaire et la contestation du travailleur datée du 11 février 1999;
[97] MAINTIENT la décision rendue par la révision administrative le 9 février 1999 ;
[98] DÉCLARE que le diagnostic relatif à la lésion professionnelle du 20 mars 1997 est celui de contusion à l’épaule gauche à la face postérieure du thorax gauche;
[99] DÉCLARE que cette lésion est consolidée le 23 mars 1998, sans nécessité de traitements après cette date, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles; et
[100] DÉCLARE, en conséquence, que le travailleur est capable d’exercer son emploi à la date de consolidation de la lésion et que la CSST peut mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 29 mai 1998.
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Commissaire |
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PAUL MARSAN, CONSULTANTMonsieur Mario Clermont475, Montée Masson, suite 102 Mascouche (Québec) J7K 2L6 |
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Représentant de la partie requérante |
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