Décision

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Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 19 février 2024

Référence neutre : 2024 QCTAQ 02414

Dossier  : SAI-M-319952-2211

Devant les juges administratifs :

JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER

DANIEL CÔTÉ

 

F. I. H.

Partie requérante

c.

VILLE DE LAVAL

Partie intimée

et

HOMBURG TRUST (186)

Partie mise en cause

 


DÉCISION INCIDENTE


 


 


APERÇU

[1]                    Par requête introductive d’instance, Fonds immobilier Homburg (Homburg) conteste la valeur inscrite au rôle d’évaluation foncière de 2022-2023-2024 pour l’unité d’évaluation foncière située au 1580 à 1660, boulevard Le Corbusier, à Laval[1].

[2]                    Cette unité d’évaluation est un centre commercial situé en bordure de l’autoroute des Laurentides comprenant plus de 160 locaux commerciaux, connu sous le nom de « Centre Laval ». La valeur déposée au rôle est de 115 125 100 $.

[3]                    Le 21 septembre 2023, la Ville de Laval (Ville) dépose une requête incidente en communication de documents auprès du Tribunal.

[4]                    À l’audience, les procureurs de la Ville font quatre amendements à leur requête. Ces amendements ont pour effets de retirer, d’ajouter et de modifier les conclusions de la requête.

[5]                    L’un de ses amendements concerne la 13e facture pour les années 2018 et 2019. La partie requérante s’engage verbalement à l’audience à transmettre ces documents et le Tribunal prend acte de cet engagement.

[6]                    Au cours du délibéré, le procureur de la partie intimé transmet au Tribunal une demande d’amendement supplémentaire de sa requête. Il demande que deux de ses conclusions soient modifiées en remplaçant les termes « Ville de Laval » par « l’évaluateur de l’organisme municipal responsable de l’évaluation ». Considérant que le Tribunal peut accepter un amendement à une requête en tout temps avant qu’une décision soit rendue, que l’amendement demandé n’affecte pas les enjeux débattus lors de l’audience, mais aussi en considérant le consentement de la partie adverse, le Tribunal a autorisé cet amendement.

[7]                    À la suite de tous ces amendements, les conclusions recherchées par la Ville au moyen de sa requête incidente sont les suivantes :

ORDONNER à Fonds immobilier Homburg de transmettre à l’évaluateur de l’organisme municipal responsable de l’évaluation, dans les quinze (15) jours de la décision à être rendue sur la présente demande, les documents suivants quant aux unités dévaluation en litige :

  1. La liste de location détaillée, incluant les loyers de base et les frais additionnels, pour les périodes finissant les 31 décembre 2019 et 2021 ;
  2. Tous les baux en vigueur au 1er juillet 2020 ;
  3. Les 13e facture pour l’année 2021;
  4. Les vacances mensuelles pour 2021 ;
  5. Les listes des coûts des améliorations locatives pour HomeSense (Marshalls), Le Grenier, Matelas Dauphin et Avril.

ORDONNER à Fonds immobilier Homburg que ces documents soient transmis à l’évaluateur de l’organisme municipal responsable de l’évaluation d’une manière qui permet leur utilisation complète et sans limitation, notamment leur téléchargement, leur impression, leur annotation et leur classification;

DÉCLARER que la confidentialité de ces documents est déjà protégée par la loi, de telle sorte que la signature d’un engagement de confidentialité préalable à leur transmission n’est pas requise;

DÉCLARER que l’évaluateur peut utiliser ces documents dans le cadre de ses fonctions, ce qui inclut notamment la confection du rôle d’évaluation;

DÉCLARER illégal, invalide et sans effet la dernière portion de la dernière phrase du dernier paragraphe de la pièce DI-15, soit la partie débutant par « et … ».

[8]                    Le Tribunal prononce à l’audience une ordonnance de non-publication, nondiffusion et non-divulgation des pièces DI-009, DI-011, DI-012, DI-013, DI-014 et DI015 et de mise sous pli confidentiel de celles-ci. Le Tribunal réitère celle-ci dans la présente décision.


CONTEXTE

[9]                    Une demande de révision (DDR) est transmise à la Ville par Homburg afin de contester la valeur inscrite au rôle d’évaluation.

[10]               Dans le cadre du processus de réponse de l’évaluateur, une demande[2] de transmission de document est faite à Homburg par l’évaluateur de l’organisme municipal responsable de l’évaluation (OMRE) afin que ce dernier puisse étudier le bien-fondé de la DDR.

[11]               Certaines informations sont transmises à la Ville, mais certaines demeurent manquantes.

[12]               À la suite du dépôt de la requête introductive d’instance, la Ville demande à plusieurs reprises que certains documents et informations lui soient transmis. Plusieurs communications ont lieu entre la Ville et Homburg à ce sujet[3].

[13]               Le procureur de Homburg propose à la Ville de signer une entente de confidentialité concernant les documents demandés. La Ville est avisée que les documents manquants lui seront transmis à la suite de la signature de cette entente de confidentialité.

[14]               La Ville refuse de signer un engagement de confidentialité dans le cadre de la simple communication de documents pré-audience. Elle prétend que la Loi sur la fiscalité municipale[4] (LFM) protège déjà la confidentialité de documents et qu’un engagement vise à empêcher certaines utilisations de ceux-ci.

[15]               Par l’entremise de son évaluateur, Homburg transmet tout de même certains documents à la Ville. Cette transmission s’effectue autant par l’envoi du document même que par l’envoi d’un lien donnant accès à des documents sur une plateforme infonuagique[5].

[16]               Les liens transmis permettent la visualisation des documents, mais ne permettent pas à l’expert de les télécharger, de les classer, de les annoter ou autrement d’y effectuer un traitement. Certains s’affichent tête-bêche. De plus, ces liens expirent après un certain délai, rendant ceux-ci inutilisables pour visualiser les documents.

[17]               Homburg prétend que les liens ont été soumis sous cette forme en conséquence du refus de la Ville de signer un engagement de confidentialité.

[18]               Malgré tout, des documents supplémentaires sont transmis à la Ville après l’envoi des liens.

QUESTIONS EN LITIGE

[19]               Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Est-ce que les documents communiqués au cours du processus du recours sont confidentiels par l’effet des articles 78 et 79 LFM;
  2. Est-ce que la transmission de documents au moyen de lien informatique permettant uniquement la consultation et ayant une date d’échéance est suffisante dans le cadre d’un recours et respecte les principes de justice naturelle?
  3. Est-ce que les documents demandés sont pertinents aux fins de préparation d’une expertise par l’expert évaluateur de la Ville?
  4. Est-ce qu’une ordonnance de confidentialité doit être émise sur ces documents?

PREUVE ET ANALYSE

1) Est-ce que les documents communiqués au cours du processus du recours sont confidentiels par l’effet des articles 78 et 79 LFM

[20]               Le Tribunal répond négativement à cette question.

[21]               Sur cette question, la Ville est d’avis que la LFM prévoit suffisamment de mesures de confidentialité applicables aux documents rassemblés par l’évaluateur en vue de la confection et la tenue à jour du rôle. Ainsi, aucune entente de confidentialité n’est nécessaire.

[22]               Homburg a une vision tout autre. Elle est d’opinion que, durant le processus juridictionnel, l’évaluateur n’exerce plus ses fonctions établit à la LFM et que par conséquent, les articles 78 et 79 LFM ne sont pas applicables. Les informations transmises doivent donc être protégées par une entente de confidentialité.

[23]               L’article 5 LFM établit que l’OMRE a compétence en matière d’évaluation. L’évaluateur de l’OMRE ou son représentant[6] a deux fonctions : la confection du rôle (articles 14 et 19 LFM) et la tenue à jour de ce rôle (articles 174 à 178, LFM).

[24]               Dans le cadre de la confection du rôle, c’est l’évaluateur de l’OMRE qui signe le rôle d’évaluation et le dépose auprès du bureau du greffier de la municipalité[7].

[25]               Une fois le rôle déposé, celui-ci devient la propriété de la municipalité locale pour laquelle il est fait[8]. Ce droit de propriété du rôle s’étend à tous les documents rassemblés ou préparés par l’évaluateur en vue de la confection ou de la tenue à jour du rôle, qu’ils aient servi ou non à cette fin[9].

[26]               Même si la municipalité locale est propriétaire des documents liés au rôle, c’est l’OMRE qui en a la garde[10].

[27]               L’article 79 LFM détermine qui a accès aux documents rassemblés ou préparés par l’évaluateur en vue de la confection ou de la tenue à jour du rôle, qu’ils aient servi ou non à cette fin.

[28]               Le législateur a divisé volontairement la LFM en chapitre. Chacun des chapitres de cette loi concerne des éléments spécifiques dont la portée est différente. Dans le cadre du présent recours, trois chapitres font ressortir l’intention du législateur. Ces chapitres sont les suivants :

-       Chapitre VII, intitulé « Propriété et garde du rôle », lequel inclut notamment les articles 78 et 79 LFM liés à la confidentialité de documents;

-       Chapitre X, intitulé « Révision administrative et recours devant le tribunal »; et

-       Chapitre XV, intitulé « Tenue à jour du rôle ».

[29]               Le libellé de l’article 79 LFM précise que la confidentialité concerne les documents visés par le deuxième alinéa de l’article 78 LFM, c’est-à-dire les documents rassemblés ou préparés par l’évaluateur en vue de la confection ou de la tenue à jour du rôle, qu’ils aient servi ou non à cette fin.

[30]               Le législateur fait ainsi référence aux chapitres de la LFM qui concernent la confection et la tenue à jour du rôle. Cependant, le chapitre X concernant la révision administrative et le recours devant le Tribunal n’est nullement mentionné à l’article 78 ni à l’article 79 LFM.

[31]               Le législateur n’a pas prévu de confidentialité pour les documents rassemblés durant le processus d’un recours devant le Tribunal.

[32]               Qui plus est, comme mentionné précédemment, l’OMRE est uniquement le gardien de ces documents. Le rôle et ses documents liés sont la propriété de la municipalité locale.

[33]               L’article 124 LFM prévoit que la DDR est déposée auprès de l’OMRE. Il s’agit d’un processus administratif qui permet à l’OMRE d’ajuster la valeur inscrite au rôle d’évaluation foncière pour une unité d’évaluation. Comme l’un des rôles de l’OMRE est la confection du rôle, il est logique que celui-ci puisse réviser sa propre analyse d’une propriété.

[34]               La confection du rôle, sa tenue à jour ainsi que la demande de révision font partie du processus administratif lié au rôle d’évaluation foncière. Bien que ces trois éléments fassent partie du même processus, seuls les documents rassemblés et préparés par l’évaluateur en vue de la confection ou de la tenue à jour du rôle, qu’ils aient servi ou non à cette fin, sont confidentiels par l’article 79 LFM.

[35]               Une fois le processus de révision administrative terminée, la personne qui n’est pas satisfaite de la réponse de l’OMRÉ peut déposer un recours devant le Tribunal[11]. C’est alors que débute le processus juridictionnel. On passe ainsi d’un pouvoir administratif à un pouvoir juridictionnel.

[36]               D’ailleurs, la lecture de l’article 182 LFM met en relief cette scission entre processus administratif et juridictionnel. En effet, cet article prévoit que l’évaluateur signataire du rôle modifie celui-ci à la suite d’une décision ou d’un jugement rendu par un tribunal.

[37]               Le processus de tenue à jour d’un rôle est un processus continu, mais uniquement pour les événements décrits au chapitre XV de la LFM. Le recours devant le Tribunal ne fait pas partie du processus de tenue à jour du rôle. C’est la décision rendue à la fin du processus juridictionnel qui active le processus de tenue à jour.

[38]               Bien que l’article 138.9 LFM prévoit que l’OMRE est automatiquement partie au litige devant le Tribunal, rien dans la loi ne prévoit une obligation de l’OMRE de défendre le rôle qu’il a confectionné ou encore sa mise à jour.

[39]               L’évaluateur signataire du rôle ou son remplaçant exerce sa fonction de confection et tenue à jour du rôle dans la cadre du processus administratif. Si l’évaluateur décide de participer au litige devant le Tribunal, son rôle change complètement dès le début du processus juridictionnel. Il perd alors son chapeau d’évaluateur signataire du rôle et devient un témoin expert dont la fonction première est d’éclairer le Tribunal[12]. Son rôle n’est alors plus édicté par la LFM; il n’est plus sous son égide.

[40]               La Ville prétend que l’article 142 LFM a pour effet que le processus d’audience fait partie du processus de tenue à jour du rôle[13]. Le Tribunal n’est pas de cet avis. Cet article prévoit simplement une possibilité pour l’évaluateur de déléguer un de ses assistants pour le remplacer comme témoin. Rien dans la LFM n’oblige l’évaluateur signataire du rôle ou son remplaçant à être le témoin expert en évaluation pour la municipalité. Cette dernière pourrait, à sa discrétion, choisir une firme privée externe tant à la confection du rôle que pour agir à titre de témoin expert dans le dossier[14].

[41]               Le législateur, dans sa sagesse de ne pas s’ingérer dans le processus judiciaire, a sciemment omis l’étape de la requête au Tribunal de cette protection de confidentialité accordée par les articles 78 et 79 LFM. Il donne plutôt le pouvoir au Tribunal de gérer luimême la recevabilité des moyens de preuve présentés devant lui dans le but de faire apparaître le droit[15].

[42]               Le Tribunal a tout de même déjà indiqué qu’il voyait mal que des informations protégées par ces articles pourraient devenir publiques du seul fait qu’elles sont liées à un débat public[16].

[43]               Cet équilibre entre la protection d’informations privilégiées et le caractère public de la justice[17], lequel est fondamental, est assuré par les règles de la Loi sur la justice administrative[18] (LJA) régissant la fonction juridictionnelle du Tribunal[19]. Pour ce faire, les membres du Tribunal «  peuvent notamment rendre toutes ordonnances qu’ils estiment propres à sauvegarder les droits des parties. »[20].

[44]               Le Tribunal peut émettre des ordonnances de confidentialité en audience. Mais un vide de protection juridique de la confidentialité lors d’échanges d’informations subsiste dans la période entre le dépôt du recours au Tribunal et le début de l’audience. Ni la LFM ni la LJA ne protège automatiquement la confidentialité des documents.

[45]               Pour maintenir une saine administration de la justice, les parties doivent pouvoir discuter et négocier librement et sans réticences à tout moment, notamment durant la période entre le dépôt de la requête et le processus de conférence préparatoire. Elles doivent pouvoir échanger des informations sans craindre la divulgation des informations sensibles et confidentielles.

[46]               Durant cette période, il appartient aux parties de prendre les moyens pour s’assurer que les informations que l’une d’elles considère comme étant confidentielles sont protégées. Elles devront aussi établir entre elles l’utilisation qu’elles peuvent en faire. Ce qui peut être fait par la signature d’une entente de confidentialité.

[47]               Un autre moyen disponible pour les parties est d’obtenir une ordonnance de confidentialité sur certains documents ou informations durant la période de gestion d’instance.

[48]               Bien qu’il s’agît d’une option pour les parties, celle-ci doit être utilisée avec parcimonie. Les parties devraient privilégier la signature d’une entente de confidentialité entre elles. Il en va de l’économie de la justice.

[49]               D’ailleurs, le Tribunal est d’avis que l’économie de la justice aurait été mieux servie si les parties avaient signé de façon consensuelle une entente de confidentialité. La présente requête aurait ainsi pu être évitée et les experts des parties auraient pu faire avancer le dossier et discuter davantage dans le but d’en venir à une possible entente.

[50]               Tous ces éléments mènent le Tribunal à la conclusion qu’un évaluateur qui participe à titre de témoin expert durant le processus juridictionnel n’exerce plus ses fonctions liées à la confection et tenue à jour du rôle et ainsi, les articles 78 et 79 LFM ne lui sont plus applicables.

2) Est-ce que la transmission de document au moyen de lien informatique permettant uniquement la consultation et ayant une date d’échéance est suffisante dans le cadre d’un recours et respecte les principes de justice naturelle?

[51]               À cette question en litige, le Tribunal détermine que la transmission d’informations par un lien informatique ne doit pas empêcher le traitement et la manipulation de cette information par son destinataire.

[52]               De plus, l’expiration de ce lien informatique ne saurait être fixée avant la tenue d’une conférence préparatoire, d’une conférence de gestion ou de l’audience, afin qu’un membre du Tribunal puisse déterminer de la pertinence de l’expiration du lien.

[53]               De l’opinion de Homburg, les documents transmis par des liens infonuagiques sont utilisables par la Ville malgré les restrictions quant à leur manipulation. Selon eux, Homburg a rendu les documents disponibles à la Ville.

[54]               Mais la Ville n’est pas de cet avis. Pour eux, les risques liés à la confidentialité ne justifient pas les restrictions de manipulation. Ces restrictions compliquent et alourdissent le travail de leur expert.

[55]               L’article 18 LFM prévoit une obligation du propriétaire ou de l’occupant d’un bien ou d’un terrain, ou encore son mandataire, de fournir ou rendre disponible les renseignements relatifs au bien et dont ce dernier a besoin dans l’exercice de ses fonctions.

[56]               Notre analyse ci-dessus a déterminé que l’OMRE n’est pas dans l’exercice de ses fonctions durant le processus juridictionnel. Par conséquent, l’article 18 LFM ne s’applique pas et il ne prévoit aucune obligation du requérant de fournir ou rendre disponible à l’évaluateur les renseignements que ce dernier juge nécessaire à son analyse pour les fins du recours.

[57]               Le partage d’information durant le processus de recours devant le Tribunal, et ce, même aux étapes préliminaires, est tout de même une nécessité. Il permet aux parties d’entamer des discussions et des négociations dans le but de rapprocher les parties, où même conclure une entente avant l’audience.

[58]               Le nouveau Code de procédure civile[21] (Ncpc) a d’ailleurs renforcé les principes de transparence, de communication au préalable et de partage de la preuve entre les parties. Ces principes sont importants dans un souci d’économie de la justice.

[59]               Le deuxième alinéa de la disposition préliminaire du Ncpc est clair à ce sujet :

Le Code vise à permettre, dans l’intérêt public, la prévention et le règlement des différends et des litiges, par des procédés adéquats, efficients, empreints d’esprit de justice et favorisant la participation des personnes. Il vise également à assurer l’accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile, l’application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et l’exercice des droits des parties dans un esprit de coopération et d’équilibre, ainsi que le respect des personnes qui apportent leur concours à la justice.

[Accentuation du Tribunal]

[60]               L’article 148 Ncpc prévoit d’ailleurs une obligation de coopération des parties dans le but de s’entendre.

[61]               Même si le Tribunal n’est pas soumis à l’application du Ncpc, il peut s’en inspirer ou utiliser celui-ci pour suppléer à l’absence de dispositions applicables[22]. Le Tribunal doit permettre un débat loyal[23] et faire preuve de souplesse dans la conduite de ces débats[24].

[62]               À la lecture de la LJA et du Règlement sur la procédure du Tribunal administratif du Québec[25], on constate l’importance que le Tribunal doit porter au règlement du litige en amont et de l’échange des documents. C’est le cas du processus de conférence préparatoire[26] et de conférence de gestion[27] qui favorise l’échange de documents et la collaboration entre les parties.

[63]               D’ailleurs, le deuxième alinéa de l’article 1 du Règlement sur la procédure du Tribunal administratif du Québec[28] édicte que ce règlement « vise à ce que les demandes soient traitées de façon simple, souple et avec célérité, notamment par la collaboration des parties et des représentants, et ce, dans le respect des règles de justice naturelle ».

[64]               La jurisprudence[29] constante du Tribunal encourage l’échange de documents et d’information entre les parties durant le processus d’un recours devant le Tribunal. Une gestion hâtive d’instance est un principe important et l’échange d’information est au cœur de celui-ci[30]. Mais le traitement et la manipulation des données incluse dans les documents doivent aussi être possibles.

[65]               Les moyens permettant la communication de document ou de pièce entre les parties ont bien évolué depuis les dernières décennies. La transmission sur support numérique est désormais la manière la plus efficace de communiquer des informations. Que ce soit par courriel ou par lien vers une plateforme infonuagique, il s’agit d’outils modernes à la disposition des parties pour répondre adéquatement à cette obligation d’échange d’informations et de documents.

[66]               Dans le présent dossier, l’envergure de l’unité d’évaluation, comprenant plusieurs dizaines de locaux commerciaux, implique la transmission d’une très grande quantité de documents. Les experts des parties doivent avoir accès à la totalité des informations nécessaires et pertinentes à leur analyse. La transmission d’extrait ou de résumé de documents n’est pas suffisante[31], car l’expert doit s’assurer d’avoir en main l’information complète.

[67]               Ainsi, l’ampleur des documents à transmettre et la nécessité d’avoir accès à l’ensemble des documents justifient l’utilisation d’un lien infonuagique vers les documents.

[68]               Peu importe la quantité de documents transmis, il est cependant fastidieux pour un expert de ne pas pouvoir classer, imprimer, renommer ou annoter les documents reçus. L’empêcher de faire ces actions alourdit sa tâche, augmente le temps pour effectuer son expertise et augmente les frais pour la partie ayant engagé cet expert.

[69]               L’économie de la justice doit viser une facilité de traitement des informations afin de permettre que justice soit rendue avec célérité. Il est donc important que les experts puissent efficacement et rapidement manipuler les documents requis afin d’en faire une analyse et ainsi, entamer les discussions visant un règlement du litige, ou encore, visant à circonscrire le débat.

[70]               Sans possibilités de traitement des documents, le temps requis pour extraire les informations nécessaires à l’expertise et pour s’y référer à nouveau ultérieurement n’est pas raisonnable. Un expert qui ne peut pas classer, imprimer, renommer ou annoter les documents reçus et traiter les informations qu’ils contiennent peut difficilement contredire la preuve et ceci enfreint le droit d’être entendu.

[71]               Pour ces raisons, les liens permettant l’accès aux documents liés au litige devront permettre de classer, imprimer, renommer ou annoter ceux-ci et traiter et manipuler les données et les informations qu’ils contiennent.

[72]               L’accessibilité de ces documents est aussi un enjeu. Comme le processus d’un recours devant le Tribunal débute par le dépôt d’une requête et se termine au moment où une décision est rendue, l’accès au document transmis par l’une des parties doit être possible tout au long de cette période.

[73]               Tous les liens informatiques doivent permettre l’accès aux documents pendant toute la durée du processus. Ces liens peuvent avoir une date d’expiration, mais le lien ne peut expirer avant la fin du recours.

[74]               Le Tribunal est conscient que certaines plateformes de partage de document exigent qu’une date d’expiration soit fixée lorsque le lien est créé ou encore que la date de fin du recours ne soit pas connue. Si c’est le cas, le lien doit être valide au moins jusqu’à la tenue d’une conférence préparatoire, d’une conférence de gestion ou de l’audience. Si un lien expire avant la fin du processus de recours, il doit être renouvelé sur simple demande de la partie adverse.

3) Est-ce que les documents demandés sont pertinents aux fins de préparation d’une expertise par l’expert évaluateur de la Ville?

[75]               Le Tribunal est d’avis que les documents demandés sont pertinents et ordonne leur communication à la Ville.

[76]               La Ville prétend que les documents sont pertinents afin que l’expertise de son expert évaluateur, M. Steve Lachance, soit précise et complète. Durant les étapes préliminaires du recours, la pertinence doit être analysée de façon large. À cette étape, un document est pertinent quand il est utile aux discussions.

[77]               M. Lachance témoigne que les documents demandés couvrent plusieurs années, ce qui lui permet de normaliser les revenus et dépenses et d’éviter les distorsions. Le portait est ainsi plus large. Il mentionne aussi qu’il a besoin des baux complets afin de confirmer les informations nécessaires à son analyse. Il ajoute que la transmission des documents améliorera la qualité des résultats.

[78]               Quant à Homburg, elle prétend que tout ce qui était pertinent a été fourni à la Ville avant la présente audience.

[79]               Le principe de la pertinence et de tout ce qui lui est sous-jacent est très bien décrit dans la décision Corporation Bais Halevy et al c. Boisbriand (Ville de) [32]:

[11]   En temps normal, les demandes en communication de documents avant l’audience s’inscrivent dans une phase exploratoire ou la transparence, la collaboration, et la divulgation mutuelle de tous les éléments pertinents au débat, susceptibles de permettre aux parties d’établir la véracité des faits qu’elles allèguent, doivent être favorisées10.

[12]   Ce principe représente la volonté du législateur11 et est amplement rapporté dans la doctrine12 et la jurisprudence13. Les tribunaux doivent favoriser la divulgation complète de tous les faits substantiels d’une affaire à l’étape préliminaire, de façon à donner aux parties la possibilité de se préparer adéquatement et à permettre éventuellement au juge de première instance de découvrir la vérité et de rendre justice conformément à la loi14.

[13]   Les documents demandés doivent toutefois demeurer pertinents, c’est-à-dire se rapporter au litige, être utiles et susceptibles de faire progresser le débat15.Une demande de communication de documents peut être refusée si elle est déraisonnable ou excessive, notamment en raison de l’importance des coûts ou du temps de recherche nécessaire pour y donner suite16.

[14]   Si le Tribunal se convainc qu’une partie se livre à une recherche à l’aveuglette ou que la demande implique des ressources disproportionnées par rapport au but recherché, ou encore que le document n’est pas susceptible de faire progresser le débat, la demande doit être refusée17. La restriction à cette divulgation doit être traitée comme une exception18.

[…]

[25]   La règle de la proportionnalité implique d’évaluer à chaque étape du dossier si les résultats anticipés par une procédure méritent tout le temps et les ressources qu’on y consacre. Il faut, en résumé, que le jeu en vaille la chandelle, et ce, en fonction du moment précis où le jeu se déroule.

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10 Pétrolière Impériale c. Jacques, 2014 CSC 66 (CanLII). Voir également Hydro-Québec c. Énergie éolienne Le Plateau, 2020 QCCS 2271 et L’Aréna du Rocket inc. c. Ville de Laval et Cité de la Culture et des Sports de Laval, 2021 QCTAQ 03434, par. 10 à 19.

11 Articles 1, 9, 11, 12, 108, 119.1, 137, 138 et 139 de la Loi sur la justice administrative, RLR.Q, chapitre J-3 (LJA); Voir aussi les articles 2, 20, 169, 221, 228 du Code de procédure civile.

12 Denis FERLAND et Benoît ÉMERY, Précis de procédure civile du Québec, 5e éd., vol. 1, Cowansville, Yvon Blais, 2015, p. 500-504; Luc CHAMBERLAND (dir.), Le grand collectif : Code de procédure civile : commentaires et annotations, vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 813.

13 Zorg Inc. c. Ville de Laval, 2020 CanLII 108736 (QC TAQ); Envac Systèmes Canada inc. c. Ville de Montréal, 2016 QCCS 1931 (juge Lukasz Granosik); Voir aussi 4337042 Canada inc. c. Gestion ECI inc., 2018 QCCS 4494 (CanLII), par. 26 à 33 (juge Michel Pinseonneau).

14 Propos du lord juge Denning, dans l’arrêt Jones c. National Coal Board, [1957] 2 Q.B. 55 (C.A.), à la p. 63, citation rapportée dans le Précis de procédure civile du Québec, 5e éd, supra note 12.

15 A. c. Frères du Sacré-Coeur, 2019 QCCS 258, par. 27; Glegg c. Smith & Nephew inc., 2005 1 RCS 725, par. 21 et 22

16 A. c. Frères du Sacré-Coeur, supra note 15, par. 28.

17 Groupe Somavrac inc. c. Irving Oil Limited, 2021 QCCS 319.

18 CMC Électronique inc. c. Procureure générale du Québec, 2020 QCCS 124, par. 27.

[Accentuations du Tribunal]

[80]               Le Tribunal précise dans Laval (Ville de) c. Autobus Galland Ltée[33] « qu’une preuve est pertinente lorsqu’elle vise à prouver ou à réfuter un fait litigieux ou lorsqu’elle contribue à l’appréciation de la valeur probante d’une preuve ou d’un témoignage ».

[81]               Mais le Tribunal doit agir avec prudence lorsqu’il décide de la pertinence d’un élément de preuve. Ceci est clairement établi dans la décision Domtar inc. c. Windsor (Ville de)[34] :

[36]   Ainsi, compte tenu de ce qui précède, il appert que face à une demande d’exclusion de la preuve au motif de sa non-pertinence, c’est la prudence qui doit en tout premier lieu guider le Tribunal dans l’appréciation de la pertinence de cette preuve. Ce concept de la pertinence de la preuve est souvent confondu avec celui de la force probante de celle-ci. L’appréciation de la force probante de la preuve et sa relation par rapport au respect des exigences imposées par la loi constituent le fondement même de la décision du Tribunal et doivent à l’évidence faire l’objet d’une étude approfondie. Ce n’est donc que dans le cas exceptionnel où des éléments de preuve apparaissent à leur face même d’absolument aucune utilité, qu’ils seront rejetés prima facie pour absence de pertinence tel qu’on a pu d’ailleurs l’observer dans une décision relativement récente du Tribunal11.

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11 Canadien Pacifique c. Ville de Montréal, TAQ, SAI-M-105304-0505, 30 mars 2007.

[Transcription conforme]

[82]               Le Tribunal doit permettre à chaque partie de faire une défense pleine et entière. Pour ce faire, une partie et son expert doivent pouvoir analyser et contester les conclusions de l’expert de la partie adverse. Tout document qui permet cette contestation est pertinent au litige. Les informations qu’ils contiennent, parfois étalées sur plusieurs années, permettent à l’expert de normaliser certains éléments du dossier.

[83]               La partie requérante a enclenché un processus de contestation du rôle. Elle doit donc s’attendre à ce que la partie intimée demande des documents liés à cette contestation afin d’analyser le fondement de prétentions de cette dernière. Cette analyse des experts de la partie intimée n’est possible que si la partie requérante lui fournit les documents en lien avec l’unité d’évaluation concernée.

[84]               La partie requérante ne peut tout simplement pas débuter une procédure de contestation et ensuite refuser de fournir des documents. Ce déséquilibre empêcherait un débat loyal. La partie intimée doit avoir accès aux documents.

[85]               Le Tribunal s’est récemment prononcé sur une question similaire dans le dossier 2550, Daniel-Johnson Investments Ltd c. Laval (Ville de)[35]. Le Tribunal a ordonné dans ce dossier la communication de plusieurs documents, notamment les baux, des 13e facture et de liste de tous les travaux, et ce, jusqu’à l’année 2021. Tout comme le présent dossier, cette décision porte sur un immeuble à revenu situé à Laval et concernant la contestation du rôle 2022-2023-2024.

[86]               En matière d’expertise, l’expert évaluateur de l’intimée ne saurait se contenter de résumés des baux préparés par l’expert évaluateur de la partie adverse. Il ne peut appuyer son expertise uniquement sur des informations choisies par une autre personne et incluses dans un document confectionné par cette même personne. Il doit pouvoir vérifier que ces informations sont complètes et que la personne qui a préparé l’extrait ou le résumé n’a pas omis certaines données ou informations importantes.

[87]               Comme le plaide le procureur de la partie requérante, le Tribunal considère également que ses demandes d’informations doivent rester dans la limite de la proportionnalité de la cause.

[88]               Chaque dossier présente ses particularités. Les éléments du présent dossier justifient que le Tribunal limite les demandes aux baux négociés, renégociés lors de renouvellement ou signés entre la date de référence du rôle précédent, soit le 1er juillet 2017, et  la date usuelle d’un dépôt triennal, soit au plus tard le 15 septembre 2021[36]. Considérant que l’unité d’évaluation comporte plus de 160 locaux commerciaux et, à ce stade-ci, il est disproportionné de permettre à l’expert de l’intimée de réclamer copie de baux en dehors de ces balises ou la totalité de ceux-ci.

[89]               Les baux pour cette période d’environ 4 ans et 2 mois devraient permettre à l’expert évaluateur de l’intimée de cerner les conditions locatives de l’immeuble en cause. À défaut, la partie intimée pourra faire ses représentations lors de l’audience au fond.

[90]               De plus, aller au-delà de la date du dépôt du rôle contesté équivaudrait à faire abstraction des exigences temporelles imposées au dépôt d’un rôle triennal par la LFM.

[91]               La preuve présentée devant lui démontre que les documents sont pertinents à la préparation de l’expertise de l’expert de la Ville et que leur demande de communication n’est pas une partie de pêche qui dépasse le cadre du recours. Qui plus est, après l’amendement de la requête concernant les années pour lesquelles les baux étaient demandés.

4) Est-ce qu’une ordonnance de confidentialité doit être émise sur ces documents?

[92]               La Ville demande au Tribunal dans les conclusions de la requête incidente de réserver le droit à Homburg de présenter une ordonnance de confidentialité pour les documents que cette dernière voudra produire à l’audience.

[93]               Pour sa part, le procureur de Homburg demande au Tribunal en cours de plaidoirie d’émettre cette ordonnance dans sa décision incidente.

[94]               Considérant que nous sommes qu’à l’étape préliminaire du recours et que l’échange de documents doit se faire par la collaboration entière et complète des parties, le Tribunal ne prononce aucune ordonnance de confidentialité, mais réserve le droit à Homburg de demander une telle ordonnance au moment de l’audience sur le fond.

[95]               Lors de son analyse de la première question en litige, le Tribunal a décidé que les articles 78 et 79 LFM ne s’appliquent pas aux documents échangés durant le processus de recours.

[96]               Que ce soit par une disposition particulière ou par l’article 74 LJA, le Tribunal peut prononcer diverses ordonnances pour rendre ces documents confidentiels. Mais rien ne l’oblige à rendre une ordonnance lorsqu’il est d’avis qu’un moyen alternatif est à la disposition des parties.

[97]               D’ailleurs, le Tribunal a déjà refusé de rendre une telle ordonnance[37].

[98]               Les principes d’échange d’informations et de documents entre les parties avant l’audience ont évoluées au cours des dernières décennies. Il est maintenant clairement établi que cette communication doit se faire au préalable et dans des délais prescrits[38].

[99]               La requête en communication de document vise des documents devant servir à l’analyse de l’expert de la partie intimée. Ceux-ci permettront à cet expert de finaliser son expertise.

[100]           Cet échange de documents doit être facilité par les parties, lesquelles doivent garder à l’esprit la règle de proportionnalité ainsi que le devoir de collaboration. Elles doivent toujours maintenir une attitude de coopération et d’ouverture entre elles, mais aussi entre ses experts et ses procureurs. Agir autrement aurait pour conséquence que la justice administrative ne serait pas bien servie. L’économie de la justice en serait aussi affectée, tout comme la célérité et la qualité de la justice administrative.

[101]           Comme mentionné à plusieurs reprises dans la présente décision, les parties auraient dû signer en amont une entente de confidentialité et éviter une audience sur requête incidente.

[102]           D’ailleurs, dans la quasi-majorité des dossiers du Tribunal, l’échange d’informations et de documents s’effectue sans embûche. Lorsque des documents contiennent des informations confidentielles, très peu de parties refusent de signer une entente de confidentialité. Le Tribunal constate que la signature de ces ententes de confidentialité est une pratique courante, répandue et acceptée.

[103]           La solution de l’entente de confidentialité est celle privilégiée par le Tribunal. Elle a l’avantage de permettre aux parties d’assortir celle-ci de plusieurs modalités, notamment certaines concernant sa portée, sa durée et de possibles pénalités en cas de non-respect.

[104]           Il semble qu’aucune disposition de la LFM ne permet spécifiquement l’utilisation des documents recueillis durant le processus de recours à d’autres fins que celle de ce recours. Mais aucune disposition n’établit clairement le contraire.

[105]           La confidentialité des données recueillies doit faire l’objet d’un débat lors de l’audience sur le fonds et cette confidentialité devra être analysée selon les critères reconnus par le Tribunal ainsi que les Tribunaux supérieurs. Une ordonnance trop restrictive à cette étape pourrait avoir une incidence sur la publicité des débats et l’obligation de motivation des juges qui siège à l’audience sur le fond.

[106]           Une des parties peut demander la confidentialité des documents et des informations qui y sont contenues entre la transmission des documents et l’audience sur le fond. Le Tribunal est d’avis qu’une entente de confidentialité peut limiter celle-ci à cette période intérimaire. Cette entente peut également encadrer l’utilisation des documents et des renseignements qu’ils contiennent par la partie adverse.

[107]           À cet effet, la Ville demande au Tribunal de déclarer invalide et illégale la phrase suivante contenue dans un courriel des procureurs de Homburg[39] : « pour les seules fins de la démarche qui nous occupe présentement, n’impliquant que les seules parties à cette démarche, le seul immeuble visé, et encore, pour le seul rôle d’évaluation foncière à l’étude ».

[108]           Si une partie désire que la confidentialité et l’encadrement de l’utilisation des documents se prolongent au-delà de l’audience, le Tribunal est d’avis qu’il appartient à cette partie d’en faire la demande lors de l’audience sur le fonds et d’en prouver son bien-fondé.

[109]           Mais, encore une fois, le Tribunal se permet de répéter que les parties doivent privilégier la signature entre elles d’une entente de confidentialité établissant ces modalités et qu’elles doivent maintenir une bonne collaboration entre elles.

[110]           Comme mentionné précédemment, la signature d’une entente de confidentialité est l’outil approprié à cette étape du dossier.

[111]           Le Tribunal est d’avis que les documents demandés par la Ville peuvent contenir des données sensibles pour Homburg. De ce fait, Homburg est justifié de demander à la Ville de conclure une entente de confidentialité portant sur l’un ou plusieurs de ces documents et dont les modalités seront négociées entre elles.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

PREND ACTE de l’engagement de Fonds immobilier Homburg de transmettre à l’intimé dans les trente (30) jours de la fin de l’audience les 13e facture pour les années 2018 et 2019;

ORDONNE à Fonds immobilier Homburg de transmettre à l’intimé, dans les quinze (15) jours de la signature d’une entente de confidentialité entre les parties, les documents suivants quant à l’unité d’évaluation en litige :

  1. La liste de location détaillée, incluant les loyers de base et les frais additionnels, pour les périodes finissant les 31 décembre 2019 et 2021 ;
  2. Tous les baux en vigueur au 1er juillet 2020;
  3. Les 13e facture pour lannée 2021 ;
  4. Les vacances mensuelles pour 2021 ;
  5. Les listes des coûts des améliorations locatives pour HomeSense (Marshall’s), Le Grenier, Matelas Dauphin et Avril ;

ORDONNE à Fonds immobilier Homburg que ces documents soient transmis à l’intimé d’une manière qui permet leur utilisation complète et sans limitation, notamment leur téléchargement, leur impression, leur annotation et leur classification;

RÉSERVE le droit de Fonds immobilier Homburg de présenter au Tribunal une demande d’ordonnance de confidentialité concernant des documents transmis;

ORDONNE la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des pièces DI-009, DI-011, DI-012, DI-013, DI-014 et DI015 et de mise sous pli confidentiel de celles-ci.

LE TOUT sans frais de justice.

 


 

JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER, j.a.t.a.q.

 

 

DANIEL CÔTÉ, j.a.t.a.q.


 

Therrien Couture Joli-Coeur S.E.N.C.R.L.

Me Julien Sapinho

Procureur de la partie requérante

 

Services des affaires juridiques Ville de Laval (SAJVL)

Me Hugues Doré-Bergeron

Procureur de la partie intimée


 


[1] Matricule 8646-69-8523-0-000-0000.

[2] Pièce DI-001.

[3] Pièces DI-002 et DI-005.

[4] RLRQ, chapitre F-2.1.

[5] Pièce DI-006.

[6] LFM, article 21.

[7] LFM, article 70.

[8] LFM, article 78.

[9] LFM, article 78, alinéa 2.

[10] LFM, article 78, alinéa 2 in fine.

[11] LFM, article 138.5.

[12] Beauchamp c. Mascouche (Ville de), 2014 QCTAQ 11281.

[13] Me Patrice Ricard, Demandes préalables de communication de documents au TAQ : entre pertinence et efficacité, Le Faisceau, vol. 51, no 2, automne 2023.

[14] D’ailleurs, le Tribunal constate que certaines municipalités prennent cette décision et engage un expert évaluateur externe pour les fins du recours.

[15] Loi sur la justice administrative, RLRQ, chapitre J-3, art. 11.

[16] 1481874 Ontario Inc. c. Ville de Montréal, 2008 QCTAQ 01330, para. 36 à 39.

[17] Loi sur la justice administrative, RLRQ, chapitre J-3, art. 10.

[18] Loi sur la justice administrative, RLRQ, chapitre J-3.

[19] LJA, article 9 à 11.

[20] LJA, article 74.

[21] Code de procédure civile, RLRQ, chapitre C-25.01.

[22] LJA, article 108.

[23] LJA, article 9.

[24] LJA, article 11.

[25] Chapitre J-3, r. 3.01.

[26] LJA, article 126.

[27] LJA, article 119.1.

[28] préc. note 25.

[29] 4344413 Canada inc. c. Ville de Laval, 2020 QCTAQ 1074,
Énergie Valéro inc. c. Ville de Lévis, 2017 QCTAQ 11494;
Domfoam International inc. c. Ville de Montréal, 2009 QCTAQ 08263;
Immobilière Canadian Tire Ltée c. Ville de Vaudreuil-Dorion, 2012 QCTAQ 06447;
La Compagnie Wal-Mart du Canada c. Ville de Sherbrooke, 2011 QCTAQ 07610 (requête pour permission d’en appeler rejetée par la Cour du Québec, 2012 QCCQ 1488).

[30] Laval c. Autobus Galland Ltée, 2022 QCTAQ 02110, par 32.

[31] 2550, Daniel-Johnson Investments Ltd c. Laval (Ville de), 2023 QCTAQ 05265, par. 40.

[32] 2021 QCTAQ 12590.

[33] 2022 QCTAQ 02110, par. 38.

[34] 2008 QCTAQ 12630.

[35] 2023 QCTAQ 05265.

[36] LFM, article 70.

[37] Québec (Procureur Général) c. The Business Depot Ltd, 2003 CanLII 58074 (QC TAQ) et General Motors of Canada ltée c. Boisbriand (Ville), 2002 CanLII 54712 (QC TAQ).

[38] Règlement sur la procédure du Tribunal administratif du Québec, chapitre J-3, r. 3.01, article 33.

[39] DI-015 (pièce confidentielle).

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.