Décision

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Gabarit CSF

Chambre de la sécurité financière c. Viau

2020 QCCDCSF 3

 

 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

C A N A D A

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1329

 

 

DATE :

7 février 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ* : 

Me Marco Gaggino

Président

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

 Membre

 

 

SANDRA ROBERTSON, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Plaignante

c.

 

CHANTAL VIAU, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective (certificat numéro 202249, BDNI 3049041)

 

Intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs visés par la plainte disciplinaire ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

[1]           L’intimée est citée devant le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») à la suite d’une plainte disciplinaire du 24 juillet 2018 libellée comme suit :

 

1.         À Sainte-Catherine, le ou vers le 21 juillet 2016, l’intimée a recommandé à M.E. de racheter sa police d’assurance vie permanente [Vie entière M.E.], ce qui ne convenait pas à sa situation financière et personnelle, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.         À Sainte-Catherine, le ou vers le 21 juillet 2016, l’intimée n’a pas donné tous les renseignements utiles et nécessaires à M.E. et I.R. alors qu’elle leur recommandait de remplacer l’ensemble de leurs polices d’assurance vie existantes, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

3.         À Saint-Catherine, le ou vers le 21 juillet 2016, l’intimée n’a pas fourni à l’assureur les renseignements qu’il est d’usage de fournir, alors qu’elle n’a pas indiqué que M.E. détenait la police d’assurance vie [Multiterme], ni que I.R. détenait la police d’assurance vie [Vie entière I.R.] en plus d’inscrire un capital erroné pour l’assurance vie [Multiterme], contrevenant aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, D-9.2, r.3);

4.         À Sainte-Catherine, le ou vers le 25 août 2016, l’intimée n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de M.E., alors qu’elle lui a fait souscrire à la police d’assurance invalidité [The Edge], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10);

 

5.         À Sainte-Catherine, le ou vers le 25 août 2016, alors qu’elle faisait souscrire à M.E. une proposition pour l’émission d’un contrat d’assurance invalidité [The Edge], laquelle était susceptible d’entraîner la résiliation ou une réduction des protections de la police d’assurance [Multiterme], l’intimée n’a pas rempli le préavis de remplacement requis, contrevenant ainsi à l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, D-9.2, r. 10).

 

[2]           Le Comité s’est réuni les 21 janvier, 22 janvier et 9 mai 2019 afin de procéder à l’audience sur culpabilité de cette plainte.

[3]            La plaignante était alors représentée par Me Julie Piché et l’intimée était représentée par Me René Vallerand.

I- PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[4]           La procureure de la plaignante a fait entendre deux (2) témoins et a produit les pièces P-1 à P-35.

Témoignage de Me Sandra Robertson

[5]           Me Robertson est syndique adjointe à la Chambre de la sécurité financière (« CSF »).

[6]           Elle a été responsable du dossier de l’intimée depuis son ouverture.

[7]           À cet effet, celle-ci a témoigné sur les informations qu’elle a recueillies dans le cadre de son enquête.

[8]           Considérant que les acteurs principaux du dossier ont également témoigné sur plusieurs faits relatés par le témoin, nous nous limiterons à ne référer qu’à certains aspects du témoignage de Me Robertson qui permettent une compréhension globale de celui-ci ou qui sont à sa connaissance personnelle, et ce, pour ne pas alourdir indûment la présente décision.

[9]           Au moment des faits, l’intimée était détentrice d’un certificat en assurance de personnes pour le cabinet Services financiers Primerica Ltée et était également inscrite à titre de représentante de courtier pour un courtier en épargne collective[1].

[10]        Les consommateurs M.E. et I.R., dont il est question dans la plainte disciplinaire contre l’intimée, sont des conjoints.

[11]        Au moment des infractions alléguées contre l’intimée, les consommateurs détenaient les polices suivantes :

-       Assurance-vie entière pour l’assuré M.E. souscrite le 1er octobre 1992 pour un capital assuré de 25 000 $, payable sur 25 ans, avec une prime annuelle de 202,50 $ (« Vie entière M.E. »)[2];

-       Assurance-vie entière pour l’assurée I.R. souscrite le 24 mars 1999 pour un capital assuré de 60 670 $[3], payable sur 20 ans, avec une prime annuelle de 283,58 $ (« Vie entière I.R. »)[4];

-       Assurance-vie universelle pour l’assuré M.E. souscrite le 1er octobre 2001 pour un capital assuré de 25 000 $, avec une prime mensuelle de 18,32 $ (Police 3 ou « Vie universelle M.E. »)[5];

-       Multiterme vie souscrite le 12 avril 2011 dont les deux (2) consommateurs sont les assurés. Cette police comporte un capital assuré de 205 000 $, décroissant jusqu’à 50 %. En juillet 2016, le capital assuré était de 169 945 $. De plus, cette assurance comporte, au bénéfice de M.E., un avenant donnant droit à un crédit en cas d’invalidité de M.E. (remboursement des dettes et des paiements hypothécaires durant l’invalidité) de même qu’au paiement d’une prestation mensuelle de 1 025 $ à M.E. au cours de cette invalidité. La prime annuelle pour ce produit est de 668,32 $ (« Multiterme »)[6].

-       Assurance-vie entière souscrite le 4 octobre 2013 pour l’assurée C.R. (fille des consommateurs) pour un capital assuré de 50 000 $, payable sur 15 ans, avec une prime annuelle de 497,00 $ (« Vie entière C.R. »)[7].

[12]        Toutes ces polices ont été émises par l’Industrielle Alliance (« IA »).

[13]        Lors d’une rencontre du 21 juillet 2016, les consommateurs ont signé une proposition d’assurance-vie individuelle auprès de la Compagnie d’Assurance-Vie Primerica du Canada (« Primerica ») présentée par l’intimée[8].

[14]        La police a été émise le 19 août 2016[9].

[15]        De même, une proposition d’assurance-invalidité a été souscrite par M.E. le
25 août 2016 auprès de la compagnie d’assurance The Edge Benefits (« The Edge »)[10].

[16]        Cette police a été émise le 5 octobre 2016[11].

[17]        Le même jour, M.E. a transmis un avis de résiliation de la police Vie universelle M.E., de la police Multiterme et de la police Vie entière C.R.[12].

[18]        Les consommateurs ont par la suite annulé la police de Primerica le 19 décembre 2016[13] et celle de The Edge le 23 janvier 2017[14] puisqu’ils remettaient en vigueur la police Multiterme ainsi que la police Vie entière C.R[15].

[19]        Par lettre du 15 mars 2017, Me Robertson a demandé à l’intimée la copie complète et intégrale de son dossier client des consommateurs M.E. et I.R., incluant ses notes de travail et celles personnelles[16].

[20]        L’intimée a remis certains documents à Me Robertson le 31 mars 2017.

[21]        Une demande de documents supplémentaires a été formulée le 6 décembre 2017, laquelle visait à obtenir notamment les entrées relatives à l’analyse des besoins financiers (« ABF ») effectuée par l’intimée à l’égard des consommateurs puisque l’ABF qui lui avait été transmise antérieurement s’avérait incomplète.

[22]        À cet égard, un rendez-vous téléphonique a été tenu le 12 décembre 2017 entre Me Robertson et l’intimée. Le résumé de cet entretien téléphonique, de même que son contenu intégral, ont été produits comme pièce P-23.

[23]        Préalablement à cet entretien, l’intimée a transmis d’autres documents relatifs à l’ABF, qui se sont également avérés incomplets, selon le témoignage de Me Robertson.

[24]        Par ailleurs, Me Robertson a témoigné sur chacun des chefs de la plainte disciplinaire contre l’intimée en mentionnant les faits et pièces relatifs à ceux-ci et elle a donné des précisions à l’égard des reproches formulés contre l’intimée.

Témoignage de M.E.

[25]        M.E. est surintendant en excavation.

[26]        Il a connu l’intimée par l’entremise de sa conjointe, I.R.. Ainsi, l’intimée s’occupait des assurances collectives et des R.E.É.R. à l’école où sa conjointe travaille. C’est dans ce cadre qu’elle aurait rencontré le personnel de cette école pour présenter la philosophie et les produits d’assurance offerts par Primerica.

[27]        M.E. étant intéressé à en savoir plus, une première rencontre, d’une durée de deux (2) ou trois (3) heures entre l’intimée et les consommateurs, a lieu à la résidence de ceux-ci à la fin juin ou au début juillet 2016[17].

[28]        En juillet 2016, le courtier d’assurances de M.E. était M. Luc Roy de l’IA.

[29]        Lors de cette première rencontre, l’intimée prend connaissance des assurances des consommateurs et présente son « plan de match », lequel était d’économiser sur les primes d’assurances et investir ces économies pour constituer un capital.

[30]        À l’issue de cette rencontre, une seconde rencontre est prévue pour le 21 juillet suivant.

[31]        Par ailleurs, dans les heures précédant la seconde rencontre, les consommateurs transmettent à l’intimée les sommaires des polices d’assurance de l’IA afin que celle-ci puisse prendre connaissance des montants de valeur de rachat, de couverture et de primes mensuelles pour ces polices[18].

[32]        La seconde rencontre a lieu le 21 juillet 2016 de 19h30 à 22h00, approximativement.

[33]        Lors de cette rencontre, l’intimée soumet aux consommateurs un schéma produit comme pièce P-24[19].

[34]        Ce schéma présente la situation actuelle et proposée pour les consommateurs en ce qui concerne :

-       l’épargne pour la retraite;

-       les dettes et l’élimination des dettes;

-       la couverture d’assurance-vie.

[35]        Les informations contenues au schéma proviennent notamment des sommaires des polices d’assurance des consommateurs ayant été transmis le même jour.

[36]        Ainsi, le schéma indique la couverture, la prime mensuelle et la valeur de rachat des cinq (5) polices d’assurance des consommateurs.

[37]        Dans le cas de la police Multiterme, laquelle avait un capital décroissant, le schéma précise que sa couverture en juillet 2016 est de 169 000 $.

[38]        De même, le schéma indique que le montant total des valeurs de rachat des cinq (5) polices totalise la somme de  4 555,23 $, devant servir de « fonds d’urgence » tel qu’il appert à la section du scénario proposé.

[39]        Cette même section contient une proposition de couverture d’assurance-vie pour un montant de 500 000 $ pour M.E., 300 000 $ pour I.R. et 10 000 $ pour C.R.

[40]        L’intimée a par ailleurs écrit le montant approximatif des différentes possibilités de primes mensuelles[20] en fonction de ces montants de couverture dans le cadre d’une seule nouvelle police d’assurance-vie. Ainsi, ces primes varient de 100,14 $ à 138,14 $ par mois.

[41]        Selon M.E., l’intimée a recommandé, lors de cette rencontre, d’annuler les cinq (5) polices d’assurance souscrites auprès de l’IA et de les remplacer par une seule police d’assurance-vie à être souscrite auprès de Primerica, et ce, pour dégager une économie qui aurait permis une épargne intéressante à long terme.

[42]        Cette épargne apparaît au schéma de l’intimée puisque le coût de la couverture pour les cinq (5) polices alors en place est de 165,11 $ par mois alors que pour la couverture proposée, la prime varie de 100,14 $ à 138,14 $ par mois.

[43]        Par ailleurs, des modifications ont été apportées au schéma.

[44]        Ainsi, alors qu’à l’origine les couvertures devaient être de 500 000 $ pour M.E., de 300 000 $ pour I.R. et de 10 000 $ pour C.R., pour des primes variant de 100,14 $ à 138,14 $ par mois, l’intimée a réduit la couverture de M.E. à 400 000 $, celle d’I.R. à 200 000 $ et a annulé la couverture de C.R. Les nouvelles primes mensuelles associées à ces réductions dans les couvertures varient de 72,49 $ à 100,99 $.

[45]        Selon M.E.,  ces modifications s’expliquent par le fait que pour lui, il était hors de question d’annuler les deux (2) assurances qui venaient à échéance à court terme, soit en octobre 2017 et en mars 2019[21]. Ainsi, alors que l’intimée suggérait aux consommateurs d’éliminer toutes les assurances avec l’IA,  M.E. ne voyait pas la logique d’annuler celles qui étaient presque payées.

[46]        Compte tenu du maintien de ces deux (2) assurances et de l’existence d’une assurance-vie collective de 80 000 $ offerte par la Commission de la construction du Québec (« CCQ »), la couverture d’assurance des consommateurs et les primes mensuelles furent diminuées sur le schéma.

[47]        Lors de la même rencontre, l’intimée prépare, explique aux consommateurs et remet ABF[22]. Bien que cette ABF comporte une signature électronique des consommateurs en date du 19 juillet 2016[23], le témoin confirme ne pas avoir rencontré l’intimée à cette date[24].

[48]        À l’issue de cette rencontre, une proposition d’assurance-vie temporaire individuelle est souscrite auprès de Primerica et signée électroniquement par les consommateurs[25].

[49]        Dans cette proposition, la couverture pour M.E. est de 400 000 $ alors qu’I.R. est assurée pour la somme de 200 000 $, conformément au schéma à la pièce P-24. De même, un dépôt de 100,99 $ est prévu, montant qui devait correspondre à la prime mensuelle applicable pour cette assurance.

[50]        Pour M.E., I.R. et lui voulaient d’abord déterminer s’ils étaient assurables auprès de Primerica et, à quel prix. Le cas échéant, l’intimée devait leur faire part des montants de prime. Si ces montants étaient moindres que ceux payables à l’IA, les consommateurs auraient alors annulé les assurances de l’IA, sauf les deux (2) polices venant à échéance à court terme.

[51]        Référant à la section 12 de la proposition à Primerica à la pièce P-8 intitulée « Informations sur la couverture en vigueur », qui indique l’existence de trois (3) polices, soient : la Vie universelle M.E., la Vie entière M.E. et la Multiterme, M.E. confirme qu’il a discuté des polices existantes avec l’intimée. Par ailleurs, il ajoute que s’il est vrai qu’il désirait conserver la police Vie entière M.E, il ne comprend pas pourquoi il n’est pas indiqué que les polices Vie universelle M.E. et Multiterme sont à remplacer. En effet, dans son plan, ces polices étaient à remplacer, sous réserve de son assurabilité et des primes payables auprès de Primerica.

[52]         Par ailleurs, M.E. mentionne qu’il manque la police Vie entière I.R. à cette section, laquelle n’était pas à remplacer.

[53]        Lors de la signature de la proposition, aucun préavis de remplacement d’assurance n’est présenté aux consommateurs.

[54]        Néanmoins, le témoin reconnaît sa signature sur un document manuscrit daté du 21 juillet 2016 qui se lit comme suit :

« Nous désirons réfléchir avant d’envoyer les préavis de remplacement pour nos polices d’ass. vie avec I.A. Nous préférons rien annuler. »[26]

[55]        Ce document a été rédigé par l’intimée devant M.E.

[56]        À cette époque, M.E. ne savait pas ce qu’était un préavis de remplacement. Pour lui, ce papier n’avait aucune valeur légale. Il avait été signé parce que les consommateurs n’étaient pas entièrement sûrs de faire le transfert de leurs assurances, puisqu’ils voulaient d’abord savoir s’ils étaient assurables et à quel prix.

[57]        Par ailleurs, la police Multiterme comportait une assurance-invalidité pour M.E. Celle-ci devait être remplacée si les consommateurs étaient assurables pour un prix qui leur convenait auprès de Primerica. Il restait donc à discuter d’un remplacement de cette assurance-invalidité, ce qui n’a pu être fait à la rencontre du 21 juillet, considérant l’heure tardive.

[58]        Selon M.E., une rencontre a donc eu lieu entre l’intimée et lui le 14 août 2016 pour discuter de  l’assurance-invalidité[27].

[59]        À cet égard, M.E. a transmis à l’intimée les détails de son assurance Multiterme par courriel le 14 août 2016[28]. Cette assurance prévoyait une prestation de 1 025 $ par mois pour couvrir les paiements hypothécaires de sa maison en cas d’invalidité.

[60]        Après réception de cette information, l’intimée demande à M.E., par courriel du
19 août 2016, de faire certaines vérifications relativement à ses bénéfices d’assurance-invalidité auprès de la CCQ[29] :

« Bonjour [M.E.] Oui je vois que tu aurais 1025$ par mois en cas d’invalidité, je pourrais aussi te l’offrir, mais avant ça ce serait important de voir ce qui te couvre avec la CCQ … regarde en pièce jointe le carnet medic construction de base, tu devrais en avoir un personnel de la sorte, l’invalidité se trouve en dernière page (courte et longue durée) en sachant ce que tu aurais droit avec ccq on pourra déterminer ce que tu peux ensuite ajouter. »

[61]        Suite à des vérifications, M.E. écrit à l’intimée le même jour pour l’aviser que, bien qu’il soit couvert par la CCQ, il désirait une couverture supplémentaire au même montant que celle prévue dans sa police Multiterme. En effet, en cas d’invalidité, M.E. désirait utiliser les prestations de la CCQ pour ses besoins quotidiens alors que la prestation de sa police Multiterme visait à couvrir ses frais hypothécaires[30].

[62]        L’intimée lui a alors proposé une assurance-invalidité comportant une prestation de 1 000 $ par mois.

[63]        Cette proposition faisait suite, selon M.E., à une évaluation de ses besoins effectuée par l’intimée.

[64]        Une proposition a donc été complétée et signée auprès de The Edge lors d’une rencontre tenue avec l’intimée le 25 août 2016.

[65]        Par ailleurs, M.E. a témoigné à l’effet que la mention prévue à la section 1B de cette proposition selon laquelle l’assurance de The Edge ne remplace aucune autre assurance est erronée. Selon lui, il était très clair que cette assurance devait remplacer la police Multiterme de l’IA, ce qu’il aurait d’ailleurs mentionné à l’intimée.

[66]        Les consommateurs ayant demandé à ce que la prime pour leur assurance avec Primerica soit prélevée le 19 du mois[31], M.E. a écrit un courriel à l’intimée le 13 septembre 2016 pour savoir s’il était accepté auprès de The Edge et à quel prix[32].

[67]        Dans ce même courriel, M.E. indique qu’il a jusqu’au 18 septembre « pour prendre une décision pour les assurances », ces « assurances » étant l’assurance-vie de Primerica et l’assurance-invalidité de The Edge. Ainsi, M.E. devait décider s’il annulait les trois (3) assurances détenues auprès de l’IA, et ce, à la lumière des dates où les primes étaient payables.

[68]        L’intimée a informé M.E., par courriel du 16 septembre 2016, qu’il était accepté pour son assurance-invalidité avec une prestation de 1 000 $ par mois de remplacement de revenu au coût de 44,49 $ par mois. Par ailleurs, l’intimée indique que pour l’assurance-vie, les couvertures sont de 400 000 $ pour M.E. et de 200 000 $ pour I.R., pour une prime de 91,49 $ par mois. Le total des primes pour ces deux (2) assurances est donc de 135,98 $ par mois[33].

[69]        Le 5 octobre 2016, M.E. transmet à l’I.A. un avis de résiliation pour trois (3) polices, soit : la police Vie universelle M.E., la police Multiterme et la police Vie entière C.R[34].

[70]        M.E. ne se souvient pas avoir communiqué avec l’intimée pour l’informer de la résiliation de ces trois (3) polices.

[71]        Cependant, suite à la résiliation de ces polices, M.E. reçoit un appel de son courtier d’assurance le 31 octobre qui lui demande pourquoi il ne l’avait pas appelé avant de changer d’assurances et si des préavis de remplacement avaient été complétés. Ne sachant pas ce qu’était un préavis de remplacement, le courtier explique à M.E. qu’il s’agit d’un document reflétant les avantages et les inconvénients de remplacer des assurances existantes.

[72]        Pour M.E., ces documents n’avaient ni été montrés, ni expliqués, ni remis par l’intimée.

[73]        Cette situation était, pour M.E., la « goutte qui fait déborder le vase » quant à la relation des consommateurs avec l’intimée, ceux-ci ayant vécu d’autres irritants.

[74]        D’abord, l’intimée avait mentionné aux consommateurs que l’assurance-vie était moins pertinente après 65 ans alors que leurs besoins financiers à la retraite seraient moindres et que leur maison serait payée. Or, lorsque M.E. a pris connaissance de la police de Primerica, il a constaté que les primes après 65 ans étaient exorbitantes[35], et donc qu’elles seraient trop élevées pour les consommateurs s’ils changeaient leurs plans de vie.

[75]        Par ailleurs, les consommateurs n’avaient pas apprécié que le service technique de Primerica soit en anglais.

[76]        En novembre, les consommateurs ont donc rencontré leur courtier qui a effectué une analyse de leurs besoins. Suite à cet exercice, le courtier a mentionné qu’il y avait effectivement un besoin d’assurance supplémentaire de 200 000 $, ce dont ils n’étaient pas au courant.

[77]        N’ayant plus confiance en l’intimée, les consommateurs ont alors entrepris les démarches afin de réactiver les assurances-vie qu’ils avaient avec l’IA, incluant la Multiterme qui comprenait un avenant d’assurance-invalidité. Le seul changement effectué a été d’augmenter la couverture de la police d’assurance-vie temporaire de M.E. à 200 000 $ au lieu de 25 000 $.

[78]        M.E. a transmis une lettre à l’intimée le 9 novembre 2016 l’avisant de la fin de leur relation d’affaires[36].

Contre-interrogatoire

[79]        Le témoin relate que la rencontre du 13 juillet 2016 a duré deux (2) ou trois (3) heures et la deuxième, un bon deux (2) heures et demi.

[80]        Lors de la première et de la deuxième rencontres, personne n’est intervenu par téléphone ou autrement en rapport avec le dossier.

[81]        M.E. a soumis à l’intimée des sommaires de polices le 21 juillet 2016 à sa demande, pour connaître leurs détails spécifiques.

[82]        Lors de la première rencontre, l’intimée a expliqué la méthode de pensée de Primerica, des assurances et des investissements. L’intimée expose alors que le concept de Primerica est de créer un fonds d’urgence. À cet effet, on favorise des polices temporaires qui se terminent à 65 ans ce qui permet une épargne.  

[83]        À la fin de la rencontre, les consommateurs étaient d’accord pour qu’une deuxième rencontre ait lieu, et ce, pour recevoir une proposition plus concrète.

[84]        À cet effet, la conjointe de M.E. était en faveur de la constitution d’un fonds d’urgence, mais lui n’était pas d’accord avec ce concept qui impliquait de résilier les polices d’assurance-vie qui venaient à échéance à court terme.

[85]        Le 21 juillet 2016, M.E. n’est pas encore décidé quant à la résiliation de ses polices d’assurance. À cet effet, ce document à la pièce P-10 confirme l’indécision des consommateurs. Pour M.E., il n’annule pas l’obligation de l’intimée de remplir des préavis de remplacement. À cet égard, lorsqu’il y est écrit : « Nous préférons rien annuler », cela veut dire que les consommateurs étaient indécis, car ils ne savaient pas s’ils étaient assurables.

[86]        Sa décision de remplacer les polices est survenue lorsqu’il y a eu acceptation d’assurabilité par Primerca et The Edge.

[87]        M.E. a fait l’évaluation de ses besoins avec l’intimée pour son assurance-invalidité. Il avait une assurance de 1 025 $ par mois avec l’IA et il a demandé une assurance de 1 000 $ par mois. Avec la CCQ, il devait recevoir 3 000 $ par mois pour ses prestations d’invalidité de courte et de longue durée.

II- PREUVE DE L’INTIMÉE

[88]        Le procureur de l’intimée a fait entendre deux (2) témoins en plus de produire les pièces I-1 à I-8.

Témoignage de Brigitte Grenier

[89]        Le témoin est conseillère en sécurité financière, représentante en épargne collective et directrice de succursale. Elle occupe le poste de Vice-présidente régionale auprès de Services financiers Primerica.

[90]        À ce titre, Mme Grenier supervise et forme des agents, et s’assure de la conformité.

[91]        Elle connaît l’intimée depuis plus de cinq (5) ans. Elle l’a recrutée et formée durant sa période probatoire. Elle fait partie de l’équipe qu’elle supervise.

[92]        Le témoin relate qu’elle a donné des conseils à l’intimée dans le cadre de sa rencontre avec les consommateurs.

[93]        Ainsi, le 13 juillet 2016, l’intimée, qui était chez les consommateurs, l’appelle pour lui expliquer que ceux-ci possédaient des polices datant de plus de 20 ans. L’intimée demandait comment elle pouvait savoir s’il y avait eu des changements après toutes ces années, pour qu’elles soient à jour dans le système.

[94]        Mme Grenier a proposé de demander aux consommateurs d’obtenir auprès de l’IA les sommaires de ces polices.

[95]        Le 21 juillet 2016, l’intimée ayant reçu les sommaires, l’a appelée pour lui faire part du fait qu’il ne restait qu’un (1) an à payer à la police Vie entière de M.E. et trois (3) ans à la police Vie entière de I.R. et qu’elle voulait les laisser en place puisqu’il ne restait pas beaucoup de temps à payer et que le coût des primes était bas.

[96]        Elle s’est dite en accord avec cette proposition de l’intimée.

[97]        Ce même jour, après 22h00, l’intimée l’a appelé pour l’aviser qu’elle et les consommateurs avaient convenu de garder toutes les polices existantes en place. Il manquait cependant, selon l’intimée, un montant pour combler le remplacement de revenu en cas de décès prématuré de l’un ou l’autre des conjoints.

[98]        Comme il n’était pas dans leur philosophie de rajouter un sixième contrat pour la même famille, Mme Grenier a recommandé à l’intimée de s’assurer de la capacité de payer des clients et du besoin d’assurances.

[99]         Elle lui a également demandé de s’assurer que le client ne voulait pas annuler les polices existantes et que s’il y avait un doute à cet effet, les préavis de remplacement devaient absolument être remplis.

[100]     Selon l’intimée, le client ne voulait pas annuler les polices existantes et il ne voulait pas remplir les préavis.

[101]     À cet effet, Mme Grenier mentionne avoir entendu M.E. dire qu’il ne voulait pas annuler ses polices existantes. Il n’était alors pas sur main libre, mais à côté du téléphone de l’intimée.

[102]     Mme Grenier a alors mentionné à l’intimée qu’il était important d’aviser le client que si jamais il voulait annuler certaines de ses polices ou que s’il pensait en annuler, il fallait alors augmenter la couverture de la nouvelle proposition pour répondre aux besoins des consommateurs et remplir un préavis de remplacement.

[103]     Il a par ailleurs été convenu qu’il serait mieux que le client écrive une lettre pour confirmer qu’il ne voulait pas remplir les préavis de remplacement et qu’il ne voulait pas annuler les polices existantes.

[104]     Le témoin précise par ailleurs qu’en 2016, lorsqu’une police est conjointe et payable au premier décès, le système de Primerica ne permet de sélectionner qu’un des deux conjoints. Il n’y a pas d’onglet relatif à une police payable au premier décès, et ce, tant dans la proposition que dans l’ABF.

[105]     La témoin affirme qu’elle est familière avec les règles de tarification de Primerica. À cet effet, il faut indiquer le capital assuré dans la proposition pour que le tarificateur puisse déterminer s’il faut ou non remplacer une police existante. De même, si des polices restent en place, le tarificateur va vérifier que le client n’est pas surassuré.

[106]     En ce qui a trait aux signatures apparaissant à l’ABF, le témoin mentionne que lorsque l’agent entre dans le système pour remplir des informations, le système va générer la date du moment où l’accès est effectué. À cet effet, en cliquant « oui » à la permission de divulgation des renseignements, l’intimée a bloqué la date de signature électronique du document. Pour permettre la mise à jour de la date de la signature électronique, l’intimée devait cliquer « non » à cette question. C’est pour cette raison que l’ABF complétée le 21 juillet comporte une date de signature électronique du 19 juillet 2016, et ce, bien que des modifications furent apportées à ce document par la suite.

Contre-interrogatoire

[107]     En contre-interrogatoire, le témoin explique avoir connu l’intimée par l’un de ses associés. Elle est devenue l’une de ses amis.

[108]     Pour le genre de polices vendues aux consommateurs, l’intimée reçoit une commission de 70 % de la prime alors que Mme Grenier reçoit 40 %.

[109]     Le témoin affirme que l’intimée aurait dû inscrire dans la proposition, ainsi que dans l’ABF, l’assurance-vie collective de 80 000 $ provenant de la CCQ.

[110]     Elle n’a conservé aucune note des conversations avec l’intimée.

[111]     Le témoin note que dans la proposition de Primerica[37], à la page 410, il manque la police Vie entière I.R. qui apparaît dans l’ABF, à la pièce P-9, page 269. Cette police aurait dû apparaître dans la proposition.

[112]     Finalement, Mme Grenier confirme qu’il est d’usage et conforme aux règles de prudence de ne pas annuler une police d’assurance avant l’émission d’une nouvelle police et qu’il faut aviser le client de cette règle de prudence.

 

Témoignage de l’intimée

 

[113]     Au moment des faits, l’intimée travaille à temps plein pour Primerica. Elle détient, par ailleurs, un certificat en assurance de personnes depuis le 19 novembre 2014 et elle est inscrite comme représentante de courtier pour un courtier en épargne collective depuis le 28 novembre 2013[38].

[114]     Concernant les circonstances de sa relation d’affaires avec les consommateurs, l’intimée explique avoir fait une présentation chez l’employeur d’I.R. durant laquelle elle a traité des produits offerts par Primerica.

[115]     À l’issue de cette présentation, les consommateurs ont manifesté leur intérêt à avoir une présentation à domicile sur les produits offerts par Primerica.

[116]     Une première rencontre, d’une durée de trois (3) heures, a donc eu lieu le 13 juillet 2016, au domicile des consommateurs au cours de laquelle l’intimée fait un survol rapide des options disponibles pour ceux-ci et recueille leurs informations personnelles et financières, qu’elle alimente dans l’ABF.

[117]     Pour ce faire, l’intimée examine notamment les contrats d’assurance-vie remis par les consommateurs.

[118]     À cet effet, l’intimée explique une problématique relative au système d’entrée de données de Primerica qui fait en sorte qu’elle ne puisse pas entrer la police Multiterme qui offre une couverture d’assurance-vie au premier décès, aux noms de M.E. et de I.R., et ce, bien qu’il s’agisse d’une police conjointe. L’intimée, bloquée par les limites du système, a donc inscrit le capital assuré au nom d’I.R. à la section de l’ABF où il faut divulguer l’ensemble des couvertures en vigueur[39].

[119]     La police Multiterme comportait un capital assuré de 205 000 $ décroissant jusqu’à 50 %. Au 12 avril 2016, ce capital était de 169 945 $[40].

[120]     Invitée à expliquer pourquoi un capital de 205 000 $ apparaît dans l’ABF contenue à la pièce P-9[41] ainsi que dans la proposition d’assurance de Primerica pour la police Multiterme[42],  l’intimée témoigne à l’effet qu’elle n’était pas certaine du montant à inscrire. Elle a décidé d’inscrire le montant de 205 000 $ puisqu’il s’agissait du montant initial qui apparaissait à la police Multiterme, bien qu’elle savait qu’au décès la somme payable serait approximativement de 169 000 $.

[121]     Par ailleurs, l’intimée a changé de façon manuscrite le capital assuré de cette police dans l’ABF à la pièce P-9 en indiquant que celui-ci était non pas de 205 000 $, mais de 169 000 $.

[122]     L’intimée a imprimé une première version de l’ABF, signée électroniquement par les consommateurs, qu’elle amènera chez ceux-ci lors de la deuxième rencontre.  

[123]     Quant à la date de signature du 19 juillet 2016 qui apparaît sur l’ABF, à la pièce P-9, l’intimée explique qu’elle a accédé au document à cette date et, par erreur, a coché « oui » à la case de divulgation des renseignements, ce qui a modifié et verrouillé au
19 juillet la date de signature des consommateurs.

[124]     Par ailleurs, les ajouts faits à l’ABF à l’occasion de la deuxième rencontre avec les consommateurs ont été intégrés à l’ABF qui a été transmise à Primerica. À cet égard, l’intimée soumet que la pièce P-9 n’est pas la version qui a été transmise à Primerica, car elle contient des annotations.

[125]     En ce qui a trait au schéma (pièce P-24), l’intimée témoigne qu’il a été confectionné le 13 juillet 2016 puis bonifié le 21 juillet 2016.

[126]     À cet effet, l’intimée explique que lorsqu’elle a pris connaissance des contrats d’assurance le 13 juillet 2016, elle a constaté que certains de ceux-ci étaient plus anciens.

[127]      Elle a donc communiqué avec Mme Grenier pour lui demander comment faire pour vérifier s’il y avait eu des ajouts à ces contrats. Mme Grenier a alors suggéré à l’intimée d’obtenir les sommaires des polices auprès de l’IA.

[128]     Munie de cette information, l’intimée a demandé aux consommateurs de se procurer et de lui transmettre les sommaires de tous leurs contrats avant leur prochaine rencontre prévue pour le 21 juillet 2016.

[129]     L’intimée a reçu les sommaires le 21 juillet 2016, en après-midi. Elle constate alors qu’il reste peu d’échéance aux polices Vie entière de M.E. et d’I.R., ce qui, selon elle,
« change la donne ».

[130]     En effet, lors de la rencontre du 13 juillet, il avait été question de remplacer ces contrats et d’en obtenir la valeur de rachat. Cette possibilité, qui intéressait particulièrement I.R., n’était pour l’intimée plus une option au 21 juillet, ce qu’elle valide avec Mme Grenier.

[131]     La rencontre du 21 juillet a lieu en soirée. Cette rencontre a duré trois (3) heures et demie.

[132]     L’intimée témoigne à l’effet qu’elle a inscrit au schéma, à la pièce P-24, la valeur de rachat des cinq (5) polices d’assurance des consommateurs selon l’information contenue aux sommaires obtenus le 21 juillet.

[133]     À cet effet, l’intimée explique que lors de la rencontre du 21 juillet, il y avait une polarisation dans la vision respective des consommateurs. Ainsi, I.R. était en faveur d’utiliser la valeur de rachat des contrats pour créer un fonds d’urgence alors que M.E. était opposé à cette stratégie. C’est donc parce qu’I.R. a parlé de la possibilité d’utiliser la valeur de rachat que l’intimée a présenté cette option. Cependant, l’intimée témoigne du même souffle que pour elle, il ne s’agissait pas d’une option, car les deux (2) polices Vie entière étaient presque rendues à terme.

[134]     Finalement, il a été décidé de ne remplacer aucune assurance.

[135]     Cependant, les consommateurs sont conscients que leurs besoins d’assurance sont trop bas.

[136]     Il est donc convenu de prévoir un remplacement de revenu de 60 % pour M.E. et de 100 % pour I.R., ce qui est reflété au schéma à la pièce P-24. Ainsi, la couverture pour M.E. passe de 500 000 $ à 400 000 $, alors que celle de I.R. passe de 300 000 $ à 200 000 $.

[137]     Par ailleurs, l’intimée précise que le montant de 80 000 $ d’assurance-vie collective provenant de la CCQ qui apparaît au schéma a été fourni par M.E. Cependant, ce montant n’a pas été considéré, et ce, à la demande de M.E. En effet, M.E. occupait un nouvel emploi et il n’était pas sûr de ses orientations de carrière.

[138]     La proposition d’assurance à être soumise ce soir-là devait donc couvrir les besoins de remplacement de revenus des consommateurs alors que les contrats existants devaient couvrir leurs dettes.

[139]     Puisque cette stratégie impliquait d’ajouter un sixième contrat aux cinq (5) contrats existants avec une mensualité supplémentaire, l’intimée a appelé Mme Grenier. Celle-ci lui suggère alors de faire confirmer par le client qu’il s’agit bien de sa décision.

[140]     Par ailleurs, quant aux préavis de remplacement, l’intimée témoigne que, pour chaque annulation, il faut remplir un préavis de remplacement. De même, s’il y a un doute quant à l’intention du client, il faut remplir ce préavis.

[141]     Elle ajoute que ces préavis ne sont pas compliqués à générer à l’aide du système. D’ailleurs, ils sont déjà, au 21 juillet, « remplis en gros » puisque le 13 juillet l’intimée avait coché électroniquement dans l’ABF qu’il y avait des polices à remplacer, générant par le fait même des préavis de remplacement.

[142]     Comme M.E. lui confirme le 21 juillet qu’il ne veut rien annuler et qu’il ne veut pas remplir les préavis, celle-ci appelle Mme Grenier pour valider la marche à suivre dans ces circonstances.

[143]     Mme Grenier lui suggère de faire un écrit.

[144]     Selon l’intimée, les mots qui se trouvent à la pièce P-10, soit « nous désirons réfléchir, nous préférons ne rien annuler » proviennent de la bouche des consommateurs.

[145]     L’intimée ajoute que comme la situation est « un peu ambiguë » il n’y a pas de préavis de rempli.

[146]     L’intimée précise que Mme Grenier a été témoin de la discussion téléphonique avec les consommateurs lorsqu’elle leur dit : « vous êtes certains de bien avoir compris, vous êtes sûrs que vous ne voulez rien annuler ? » et que leur réponse est affirmative.

[147]     À l’issue de la rencontre, une proposition d’assurance auprès de Primerica est complétée et soumise électroniquement[43].

[148]     Interrogée sur la section 12 de cette police où il est requis d’énumérer toutes les couvertures d’assurance-vie individuelle en vigueur faisant ou non l’objet de remplacement, l’intimée admet qu’on n’y retrouve pas la police Vie entière d’I.R.

[149]     À cet égard, bien qu’elle admette que cette information devait se retrouver dans la police à la pièce P-8, l’intimée explique, qu’à son souvenir, il faisait très chaud ce soir du 21 juillet 2016 et que l’internet était « in and out ». Elle a dû réinitialiser son système et elle croit qu’en raison des problèmes d’internet cette police n’a pas été enregistrée. Pour l’intimée, cette omission ne découle donc ni d’une négligence, ni d’un geste intentionnel de sa part. Par ailleurs, puisque c’était la première fois qu’elle livrait une police électroniquement, elle n’a pas pris conscience de cette erreur.

[150]     Toujours en relation avec le fait que la police Vie entière I.R. n’apparaît pas à la proposition, pièce P-8, l’intimée témoigne avoir été questionnée à ce sujet par
Me Robertson le 12 décembre 2017. Sa réponse ayant alors été : «  … j’ai dû omettre ou peut-être ils me l’ont transmis après. Un des deux. », elle explique la contradiction avec son témoignage devant le Comité par le fait qu’elle a été prise au dépourvu par cet entretien téléphonique pour lequel elle était mal préparée. Elle a donc mal répondu à l’enquêtrice.

[151]     Par ailleurs, la question d’assurance-invalidité de M.E. a également été abordée à la rencontre du 21 juillet puisque la police MuItiterme comprenait un avenant invalidité.

[152]     En effet, l’intimée a spécifié à M.E. que les couvertures de 400 000 $ et de    200 000 $ étaient des couvertures d’assurance-vie sans aucun volet d’assurance-invalidité. Elle lui a cependant mentionné qu’elle avait accès à un autre fournisseur, The Edge, pour ajouter cette protection. L’intimée a donc avisé M.E. qu’elle pourrait établir son besoin d’assurance-invalidité en faisant une ABF.

[153]     Cependant, comme il est déjà tard, l’intimée suggère d’y aller une étape à la fois, cet aspect pouvant être adressé plus tard.

[154]     Une autre rencontre a donc lieu le 25 août 2016 pour traiter spécifiquement des besoins d’assurance-invalidité de M.E.

[155]     L’intimée précise qu’aucune rencontre n’a eu lieu entre le 21 juillet et le 25 août. De même, M.E. ne lui a fait part d’aucun changement dans sa situation qui serait survenu durant cette période.

[156]     Le 25 août 2016, une proposition d’assurance est transmise à The Edge[44] relativement à la nouvelle couverture d’assurance recherchée par M.E.

[157]     Quant à l’ABF, l’intimée témoigne à l’effet qu’il y avait déjà eu une ABF de faite, soit en amont de la rencontre du 25 août, dans le cadre de la proposition d’assurance-vie avec Primerica. Cette ABF comprenait les revenus, les dépenses mensuelles et les dettes des consommateurs.

[158]     Par ailleurs, dans la proposition d’assurance à The Edge, l’intimée a utilisé le logiciel de cette compagnie permettant de déterminer l’espace disponible en terme d’assurance-invalidité, lequel est composé des gains mensuels assurables admissibles (« GMAA »), moins les couvertures mensuelles en place.

[159]     Dans le cas de M.E., l’intimée a indiqué que les couvertures en place totalisaient la somme mensuelle de 3 000 $ composée de sa prestation provenant de la CCQ de 2 000 $ et du montant de 1 025 $ par mois prévu à son avenant d’invalidité de la police Multiterme.

[160]     En ce qui concerne la somme de 2 000 $ provenant de la CCQ, l’intimée témoigne qu’étant alors surintendant, M.E. était de la catégorie A, ce qui équivaut à des prestations d’environ 2 000 $ par mois.

[161]     En soustrayant du GMAA la somme de 3 000 $, M.E. avait droit à un montant de couverture supplémentaire de 4 275 $ par mois. L’intimée pouvait donc requérir une couverture de 1 000 $ par mois par le biais de la proposition à The Edge.

[162]     Par ailleurs, l’intimée précise que lors de cette rencontre, différents sujets sont abordés, dont les différents aspects des couvertures recherchées, du délai de carence, de la durée et des différences avec la couverture prévue à la police de l’IA.

[163]     Finalement, l’intimée note que dans la police avec The Edge, elle coche que cette police ne remplace aucune police, car, pour elle, il s’agit d’une coordination et non d’un remplacement, sa compréhension étant que le consommateur allait conserver son assurance Multiterme, ce qui concorde avec la lettre signée par les consommateurs le
21 juillet 2016[45].

[164]     Par ailleurs, l’intimée confirme que si elle avait coché « oui » à la question relative au remplacement de polices existantes, il y aurait eu un préavis de remplacement à faire.

[165]     Le 31 octobre 2016, l’intimée reçoit le message texte suivant de M.E. :

« Bonjour Chantal, mon assureur veut avoir les avis de remplacement, peux-tu les faire parvenir. (…) »[46]

[166]     L’intimée communique donc avec M.E. Cette conversation est résumée comme suit dans les notes personnelles de l’intimée[47] :

« Je reçois un texto du client. Appel téléphonique qui s’en suit. Le client se dit inquiet à mon sujet, il m’apprend qu’après discussion avec sa conjointe, ils ont décidé de cesser les paiements de certains de leurs contrats d’assurance avec industrielle Alliance  il y a environ 1 mois!!! Il me dit que Mr. Roy son assureur (IA) menace de me faire une plainte s’il ne reçoit pas les préavis. Je demande les coordonnées de Mr. Roy pour pouvoir clarifier la situation. Les clients devront vérifier les nos de contrats, car quand je lui demande quel contrats il a annulé et pourquoi, il est incertain et il devra vérifier. » (sic)

[167]     L’intimée précise qu’elle n’avait jamais été avisée auparavant de l’intention des consommateurs d’annuler leurs polices. Au contraire, ce qui avait été discuté le 21 juillet 2016, était que les couvertures de 400 000 $ et de 200 000 $ avec Primerica tenaient compte des polices existantes, ces couvertures devant être révisées s’il y avait annulation de polices.

Contre-interrogatoire

[168]     En contre-interrogatoire, l’intimée revient sur toute la séquence de la transmission de documents à Me Robertson lesquels étaient incomplets suite à la demande du
15 mars 2017. D’autres documents ont été transmis en décembre 2017 à la demande de Me Robertson, notamment en rapport avec l’ABF.

[169]     Par ailleurs, la procureure de la plaignante a posé plusieurs questions pour tenter de démystifier les différentes versions d’ABF transmises par l’intimée[48]

[170]     À l’issue de cette séquence de questions, l’intimée témoigne qu’une version de l’ABF complétée le 13 juillet 2016 a été imprimée et remise le 21 juillet comme brouillon au client. À l’aide des sommaires des assurances, du travail est fait sur le schéma à la pièce P-24, des corrections sont apportées à l’ABF et une fois ces corrections intégrées, l’ABF est transmise à Primerica et remise au client.

[171]     L’intimée témoigne par ailleurs à l’effet que, dans l’ABF imprimée le 21 juillet 2016 et remise aux clients, toutes les polices sont identifiées pour être remplacées[49]. L’intimée ajoute qu’elle aurait dû reprendre cette ABF et qu’elle a commis une erreur en le laissant aux consommateurs puisque ce document a été retravaillé et modifié avant d’être transmis à Primerica.

[172]     Par ailleurs, l’intimée affirme qu’elle a remis une copie électronique de l’ABF finale aux consommateurs le soir du 21 juillet.

[173]     Revenant sur la rencontre du 13 juillet 2016, l’intimée confirme avoir recommandé  aux consommateurs d’annuler leurs cinq (5) polices. Une autre possibilité était de conserver les cinq (5) contrats existants et d’ajouter une autre police.

[174]     Relativement au schéma, pièce P-24, l’intimée confirme que la couverture proposée de 500 000 $ pour M.E. impliquait l’annulation des cinq (5) contrats d’assurance existants.

[175]     L’intimée a par la suite été questionnée sur ses notes de dossier pour l’entrée du 21 juillet 2016[50]. Cette note se lit comme suit, en partie :

« 21 juillet : 2e rencontre. Présentation de l’ABF préparation des  préavis et de la proposition d’assurance vie. Cependant … je dois modifier ma stratégie en cours de route car les clients désirent garder leurs 5 polices d’assurance vie existant. Annulation des préavis. Proposition d’assurance vie et analyse de besoin financier (ABF) modifiées. (…) » (sic)

 

[176]     Confrontée à cette note, l’intimée prétend que sa stratégie d’annuler les cinq (5) polices existait avant qu’elle ne reçoive les sommaires des assurances le 21 juillet en après-midi.

[177]     Suite à cette explication, la procureure de la plaignante a référé à l’extrait suivant d’une chronologie des événements préparée par l’intimée[51] :

« 21 juillet : Présentation ABF, devant ma proposition de changer leur assurance 5 contrats existants et récupérer leur valeur de rachat pour leur créer un fond d’urgence, les clients désirent garder leurs contrats existants, elle aimerait réfléchir il désire rien annule. (…) » (sic)

 

[178]     Confrontée à cette note, l’intimée confirme qu’elle a obtenu les valeurs de rachat le 21 juillet par le biais des sommaires d’assurances et qu’elle a transposé celles-ci dans le schéma, pièce P-24, le même jour.

[179]     Par ailleurs, l’intimée soutient que le remplacement des polices qui venaient à terme n’était pas une option à la vue de ces sommaires et elle prétendra plus tard dans son contre-interrogatoire que cette entrée aurait dû apparaître pour le 13 juillet 2016 et non pas le 21 juillet.

[180]     Finalement, la procureure de la plaignante réfère l’intimée à l’extrait suivant d’un courriel qu’elle a transmis à M.E. le 10 novembre 2016[52] :

« Avoir 1 seul contrat au lieu de 5 pour moi fait du sens … payer $91.49/mois pour 600 000 de couverture totale au lieu de $165/mois pour 162 500 de couverture pour moi aussi fait du sens. Comme vous ne vouliez pas annulé votre police d’IA j’avais diminué votre montant de couverture avec nous. » (sic)

[181]     Confrontée à cet extrait, l’intimée répond qu’elle était alors très émotionnelle et qu’elle n’aurait jamais dû écrire cela.

[182]     L’intimée a par la suite été questionnée sur le courriel que lui adressait M.E. le
13 septembre 2016[53] dans lequel celui-ci écrit :

« As-tu eu des nouvelle pour l’assurance invalidité ? Nous avons jusqu’au 18 pour prendre une décision pour les assurances et nous devons savoir si je suis accepté et à quel prix. »

 

[183]     À cet effet, en réponse aux questions de la procureure de la plaignante, l’intimée affirme ne pas savoir à quoi fait référence M.E. lorsqu’il réfère aux assurances.

[184]     Cependant, l’intimée convient que lorsqu’elle répond le 16 septembre 2016 à M.E., son courriel réfère aux assurances de Primerica ainsi que The Edge.

[185]     Pour terminer, l’intimée soumet au Comité que la pièce P-33 est l’ABF qui a été transmise à Primerica le 21 juillet 2016 en soirée.

Réinterrogatoire

[186]     En réinterrogatoire, l’intimée précise que l’ABF à la pièce P-28 a été préparée à partir des informations recueillies lors de la réunion avec les clients le 13 juillet 2016. À ce moment, il était question de remplacer les cinq (5) polices.

CONTRE PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[187]     La plaignante a fait entendre à nouveau M.E.

[188]     Celui-ci précise qu’il est surintendant en excavation depuis le mois de février 2016 et qu’il a accumulé environ 26 000 heures de travail dans la construction.

[189]     Pour les fins des protections d’assurance offertes par la CCQ[54], sa classe de travailleur est, en 2016, « AN »[55].

[190]     À cet effet, M.E. avait droit à une prestation d’invalidité de longue durée de
2 750 $ par mois et de 675 $ par semaine en courte durée.

Contre-interrogatoire

[191]     En contre-interrogatoire, M.E. admet ne pas avoir corrigé l’intimée lorsque celle-ci a référé au mauvais carnet Medic dans son courriel du 19 août 2016[56].

II- REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[192]     Dans le cadre de son argumentation, la procureure de la plaignante a fait une revue exhaustive des faits et a attiré l’attention du Comité sur divers éléments entachant, selon elle, la crédibilité de l’intimée.

[193]     Par la suite, la procureure a abordé chacun des chefs de la plainte disciplinaire en exposant les motifs pour lesquels l’intimée devrait être reconnue coupable.

Chef 1

[194]     La procureure rappelle que la police Vie entière de M.E. était payable sur 25 ans. Au moment des faits, il ne restait que quinze (15) mois à courir avant qu’elle ne soit libérée. La prime était de 18,23 $ par mois et il ne restait donc environ que 273,45 $ à payer pour qu’elle soit libérée. En date du 20 juillet 2016, la valeur de rachat était de
1 719,17 $.

[195]     Or, selon la procureure, l’intimée a recommandé à M.E. de racheter cette police. 

[196]     Même après avoir reçu les sommaires des polices d’assurance existantes, l’intimée a persisté dans sa stratégie qui était d’utiliser la valeur de rachat des polices pour créer un fonds d’investissement.

[197]     Nulle part dans les notes de l’intimée ne voit-on que celle-ci a mis un bémol quelconque quant à la pertinence de racheter les polices d’assurance des consommateurs qui étaient presque payées.

[198]     M.E. a résisté à la recommandation de l’intimée malgré que sa conjointe était intéressée par la possibilité de créer un fonds d’urgence avec le produit du rachat de leurs polices.

Chef 2

[199]     Selon le témoignage de M.E., l’intimée n’a jamais dit aux consommateurs qu’à 65 ans les primes de Primerica augmenteraient de manière exorbitante.  

[200]     Ainsi, tel qu’il appert de la pièce P-11[57], pour M.E., à 64 ans sa prime mensuelle est de 70,02 $ par mois alors qu’à 65 ans, sa prime passe à 676,88 $. Cette prime ne change pas pendant les cinq (5) années suivantes, puis elle augmente chaque année d’un autre montant substantiel.

[201]     Il en est de même pour I.R.[58] alors que la prime mensuelle jusqu’à 64 ans est de 21,47 $ et de 193,61 $ à compter de l’âge de 65 ans.

[202]     Cette information n’est pas reflétée dans le schéma, pièce P-24, présenté aux consommateurs le 21 juillet 2016, dans lequel on ne retrouve que le taux actuel, lequel est très attrayant.

Chef 3

[203]     L’intimée n’a pas inscrit deux (2) des polices détenues par les consommateurs à la proposition d’assurance transmise à Primerica le 21 juillet 2016[59].

[204]     Or, à la section 12 de cette proposition, il est demandé d’énumérer toutes les couvertures d’assurance-vie individuelle en vigueur faisant ou non l’objet d’un remplacement sur l’assuré principal proposé, le conjoint et les enfants s’ils sont à leur charge.

[205]     Les polices manquantes à la section 12 sont la police Vie entière détenue par I.R. et la police Multiterme pour M.E.

[206]     Or, l’intimée avait pourtant ces informations en mains puisqu’elle avait obtenu les sommaires des assurances détenues par les consommateurs.

[207]     Les deux (2) consommateurs étant à assurer via la proposition à Primerica, il fallait donc que l’intimée divulgue l’existence de ces polices.

Chef 4

[208]     Ce chef vise la proposition d’assurance-invalidité soumise à The Edge.

[209]     Dans sa déclaration faite à l’enquêteur, l’intimée a dit se fier à l’ABF faite en amont, en relation avec la proposition d’assurance-vie à Primerica.

[210]     À cet égard, pour la procureure de la plaignante, il ne s’agit pas d’une ABF visant à déterminer les besoins en matière d’invalidité puisque celle-ci ne traite pas d’invalidité.

[211]     À cet effet, l’ABF complétée pour les fins de la proposition à Primerica ne comprend même pas l’assurance-vie de 80 000 $ offerte par la CCQ.

[212]     Une telle analyse ne se retrouve pas plus à la proposition d’assurance à The Edge[60].

[213]     En effet, tel que la procureure de la plaignante le rappelle, dans une analyse de besoins, il faut analyser les besoins et les couvertures pour ensuite déterminer s’il y a un déficit d’assurance.

[214]     Or, tout ce que la proposition d’assurance à The Edge prévoit est de remplacer l’avenant de 1 025 $ prévu à l’assurance Multiterme par une somme de 1 000 $. Il n’y a aucune analyse pour en arriver à déterminer s’il s’agit du réel besoin du consommateur.

[215]     À cet effet, peut-être que M.E. n’avait plus besoin de cette prestation mensuelle de 1 000 $ eu égard à sa protection offerte par la CCQ.

[216]     Par ailleurs, la procureure fait remarquer que dans la proposition d’assurance à The Edge, l’intimée n’a indiqué que la couverture offerte par la CCQ en cas d’invalidité, mais elle a omis d’indiquer les détails de la police Multiterme de l’IA, et ce, contrairement à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentant (ci-après le « Règlement »)[61] et des dispositions même de la proposition d’assurance exigeant de fournir les détails de toute police d’assurance demeurant en vigueur[62].

Chef 5

[217]     À la proposition d’assurance à The Edge[63], l’intimée indique que le « existing coverage remaining in force » est de 3 000 $, soit la prestation à recevoir de la CCQ.

[218]     Cependant, l’intimée a témoigné en affirmant que cette somme est composée d’une prestation mensuelle de la CCQ de 2 000 $ et de la somme de 1 025 $ provenant de la police Multiterme.

[219]     Or, selon la procureure de la plaignante, la somme de 3 000 $ qui apparaît dans la proposition est exactement celle correspondant à la prestation payable par la CCQ, et ce, à la lumière de la pièce P-34 qui donne une rente mensuelle de 2 925 $.

[220]     Donc, pour la procureure, l’intimée n’a pas tenu compte de la prestation de
1 025 $ payable en vertu de la police Multiterme, de sorte qu’il était prévu que cette couverture allait être remplacée et donc, un préavis de remplacement devait être complété et transmis à IA.

[221]     À cet égard, même si dans la pièce P-10 M.E. a mentionné vouloir y réfléchir, la procureure de l’intimée note que l’article 22 du Règlement[64] prévoit qu’un tel préavis doit être complété et transmis lorsque la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner la résiliation, l’annulation ou la réduction des bénéfices d’un autre contrat d’assurance.

[222]     D’ailleurs, le fait que M.E. écrive à l’intimée le 13 septembre 2016[65] et lui demande des nouvelles relatives à l’assurance-invalidité, car il doit « prendre une décision pour ses assurances », démontre que la souscription de l’assurance auprès de The Edge était susceptible de conduire à la résiliation de la police Multiterme détenue auprès de l’IA.

[223]     C’est ce qui arrive le 5 octobre 2016. M.E. obtient sa confirmation d’assurance avec The Edge et il annule ses assurances[66].

[224]     À tout événement, la police Multiterme était susceptible d’être remplacée puisqu’elle n’est pas déclarée dans la proposition à The Edge comme « remaining in force »[67].

 

III- REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

Réouverture d’enquête

[225]     D’entrée de jeu, le procureur de l’intimée a présenté une demande de réouverture d’enquête au Comité afin d’entendre à nouveau l’intimée quant à la date de signature qui apparaît à l’ABF, produite le matin de l’audience comme pièce P-33.

[226]     La problématique découle du fait que cette pièce, identifiée comme étant l’ABF transmise à Primerica le 21 juillet, donc la version finale, comporte une date de signature du 19 juillet, tout comme les ABF produites comme pièces P-9 et P-28.

[227]     Comme il s’agissait de clarifier un élément technique et que cette réouverture ne cause aucun préjudice à la plaignante, laquelle a eu l’opportunité de contre-interroger l’intimée sur ces faits ou de produire une contre-preuve, si elle le désirait, le Comité a permis cette preuve.

Preuve sur réouverture d’enquête

[228]     L’intimée explique le fait que la date du 19 juillet 2016 apparaît sur l’ABF transmise à Primerica le 21 juillet parce qu’elle a coché « non » au lieu de « oui » à la question de savoir si le client était avec elle lorsqu’elle a rempli la signature électronique au document.

Représentations de l’intimée

[229]      Le procureur de l’intimée débute son argumentation en rappelant que le Comité doit tenir compte des infractions reprochées et non pas de la conduite générale de l’intimée. À cet effet, s’agissant de droit disciplinaire, si la preuve ne correspond pas à l’infraction reprochée, l’intimée doit être acquittée.

[230]     Par la suite, le procureur de l’intimée a traité de chacun des chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire.

Chef 1

[231]     Pour le procureur de l’intimée, la preuve ne révèle pas qu’elle a recommandé à M.E. d’annuler sa police Vie entière venant à échéance sous peu.

[232]     Au contraire,  M.E. a confirmé qu’une copie papier de l’ABF lui a été remise le
21 juillet et qu’on lui a donné les explications relatives aux montants de couverture de 400 000 $ et 200 000 $ dans le cadre de la proposition de Primerica. Ces couvertures impliquaient de conserver les polices existantes.

[233]     Par ailleurs, il est mentionné à la proposition d’assurance à Primerica[68] qu’il n’y aura pas de remplacement de police. À la page 410 de cette même proposition, il est noté qu’il n’y a aucun remplacement pour les trois (3) polices mentionnées à la rubrique « Informations sur la couverture en vigueur ».

[234]     De plus, les consommateurs ont signé la pièce P-10 qui indique qu’à cette date, il n’y a aucune police à annuler.

[235]      Le procureur reconnaît qu’au 13 juillet 2016, le « plan de match » au départ était de remplacer l’ensemble des polices détenues par les consommateurs, conformément à la stratégie de Primerica.

[236]     Cependant, le chef 1 de la plainte disciplinaire réfère au 21 juillet.

[237]     Ainsi, ayant obtenu les sommaires d’assurance des consommateurs, l’intimée constate que les polices Vie entières de M.E. et d’I.R. viennent à échéance bientôt. L’intimée consulte alors Mme Grenier qui se dit d’accord avec celle-ci à l’effet qu’il n’est pas utile de remplacer ces deux (2) polices.

[238]     À la rencontre du 21 juillet, l’intimée remet l’ABF, pièce P-28, qui a été confectionnée après la rencontre du 13 juillet et qui prévoit le remplacement des polices.

[239]     Le procureur de l’intimée convient qu’il n’était probablement pas approprié de remettre cette ABF prévoyant les remplacements de police. Cependant, l’intimée a témoigné qu’il s’agissait d’un document de travail.

[240]     À tout événement, pour le procureur de l’intimée, celle-ci a présenté des options sans rien recommander.

[241]     Durant la rencontre, il est apparu qu’I.R. était intéressée à annuler les cinq (5) polices pour constituer un fonds d’urgence alors que M.E. ne voulait annuler aucune police.

[242]     L’intimée prépare alors une nouvelle ABF, laquelle ne prévoit aucun remplacement de police.

[243]     À cet égard, le procureur de l’intimée réfère à l’ABF, pièce P-9, dans laquelle aucune police n’est sélectionnée pour le remplacement.

[244]     Par ailleurs, le procureur rappelle que dans son témoignage, M.E. a mentionné que l’ABF lui a été bien expliquée.

[245]     Le procureur considère donc contradictoire que M.E. puisse prétendre avoir eu l’intention de remplacer certaines polices alors qu’il signe une proposition d’assurance où aucune police n’est sélectionnée pour remplacement de même qu’un document où il est écrit que pour l’instant il ne veut remplacer aucune police.

[246]     Par la suite, M.E. a annulé de son propre chef trois (3) des cinq (5) polices existantes sans communiquer au préalable avec l’intimée.

[247]     Pour le procureur de l’intimée, la preuve démontre qu’au 21 juillet 2016, aucune police n’était susceptible d’être remplacée.

[248]     Le témoignage de l’intimée est confirmé, selon son procureur, par celui de
Mme Grenier.

[249]     Ainsi, celle-ci reçoit l’appel de l’intimée le 21 juillet après réception des sommaires d’assurance qui lui dit qu’elle ne veut plus remplacer les polices Vie entières de M.E. et d’I.R.

[250]     En soirée, Mme Grenier reçoit un nouvel appel de l’intimée qui l’informe qu’il a été convenu de garder toutes les polices existantes en vigueur. Mme Grenier veut s’assurer que le client a bien compris et qu’il ne veut pas remplacer ses polices. Mme Grenier entend que le client ne veut pas.

[251]     Finalement, Mme Grenier recommande à l’intimée de dire à M.E. que si jamais il désire annuler des polices, il faudra augmenter la couverture de Primerica et remplir des  préavis de remplacement. De même, elle suggère de faire signer une lettre aux consommateurs pour confirmer leur intention.

[252]     L’intimée n’a donc pas recommandé d’annuler les polices existantes.

[253]     La plaignante n’ayant pas rencontré son fardeau, ce chef d’infraction doit être rejeté.

Chef 2

[254]     Quant au chef 2 de la plainte disciplinaire, le procureur de l’intimée plaide que M.E. convenait qu’à 65 ans les consommateurs auraient plus ou moins besoin d’assurance.

[255]     À cet effet, M.E. n’a jamais témoigné à l’effet que s’il avait connu l’augmentation de primes après 65 ans, il n’aurait pas pris l’assurance.

[256]     Or, si le « plan de match » est de terminer l’assurance à 65 ans, doit-on aviser les consommateurs que les primes vont augmenter par la suite ?

Chef 3

[257]     Quant au chef 3, le procureur de l’intimée plaide que celui-ci ne réfère pas à la proposition d’assurance.

[258]      Or, tous les renseignements qu’il est d’usage de fournir à l’assureur lui ont été fournis, par biais des ABF.

[259]     À cet effet, le procureur de l’intimée réfère le Comité à l’affaire Chambre de la sécurité financière c. Leclerc[69].

[260]     Pour le procureur de l’intimée, la plaignante a tenté de restreindre la portée du chef 3 à la proposition d’assurance. Or, même si l’information n’apparaît pas dans celle-ci, elle apparaît ailleurs. Il ne s’agit donc pas d’une lacune qui serait sanctionnable.

[261]     Quant à la contradiction soulevée par la plaignante entre sa réponse à l’audience et sa réponse à Me Robertson consignée à la pièce P-23, il est clair pour le procureur de l’intimée que celle-ci connaissait l’existence de cette police. La réponse donnée à
Me Robertson est une réponse malheureuse donnée dans le feu de l’action. Il faut évaluer cette réponse inadéquate à la lumière du contexte alors que Noël approche et que l’enquêtrice est pressée.

Chef 4

[262]     En ce qui a trait au chef 4, le procureur de l’intimée rappelle que le temps a manqué le 21 juillet pour aborder l’assurance-invalidité de M.E.

[263]     Une rencontre a lieu le 25 août 2016.

[264]     Le reproche de ce chef étant qu’il n’y a pas eu d’ABF de fait, le procureur de l’intimée se questionne à savoir si une analyse de besoin était nécessaire.

[265]     À cet effet, il a été mis en preuve que la situation de M.E. n’avait aucunement changée entre le 21 juillet et le 25 août.

[266]     De même, toute l’information nécessaire et requise par l’article 6 du Règlement[70] avait été colligée lors de la rencontre du 21 juillet.

[267]     De plus, M.E. a admis en interrogatoire en chef qu’une analyse des besoins pour l’assurance-invalidité a été faite quand est venu le temps de remplir la proposition d’assurance à The Edge.

[268]     À cet effet, le procureur de l’intimée plaide que l’article 6 du Règlement[71] ne stipule pas dans quel délai l’analyse doit être faite avant l’offre d’assurance, donc, chaque cas est un cas d’espèce.

[269]     Or, l’intimée a complété les informations requises pour les fins de l’assurance-invalidité alors que les données de base avaient été obtenues le 21 juillet.

[270]     Au 25 août, l’intimée connaissait toutes les polices en vigueur pour les analyser selon le deuxième paragraphe de l’article 6 du Règlement[72]. Elle connaissait toutes les polices de l’IA et avait l’avenant invalidité qui servait à rembourser l’hypothèque. Elle était au courant des avantages offerts par la CCQ quant aux prestations de courte et de longue durée.

[271]     Bien que les renseignements colligés quant à la police de la CCQ ne sont pas dans un document séparé, tel que le prévoit l’article 6 du Règlement[73], ils sont dans la proposition d’assurance à The Edge[74], ce qui est conforme à la décision Leclerc[75].

[272]     Donc, toute l’information est disponible dans divers documents complétés par l’intimée.

[273]     Par ailleurs, bien que l’intimée a erronément utilisé la catégorie « A » au lieu de « AN » eu égard à la protection offerte par la CCQ, il faut considérer, selon le procureur de l’intimée, que celle-ci a obtenu le carnet Médic de base de la CCQ et qu’elle l’a transmis à M.E. en lui demandant de le regarder et de lui revenir. Or, M.E. a admis ne pas lui être revenu à ce sujet.

[274]     Finalement, suivant l’analyse qui avait été faite par l’intimée, il y avait amplement de place pour que M.E. souscrive à l’assurance offerte par The Edge pour une couverture de 1 000 $ par mois.

Chef 5

[275]     En ce qui concerne le reproche contenu au chef 5 de la plainte disciplinaire relatif à l’absence de préavis de remplacement pour l’assurance Multiterme, le procureur de l’intimée soumet qu’il n’y a pas de preuve que le 25 août l’intimée a été informée que cette police était susceptible d’être remplacée.

[276]     Ainsi, la preuve révèle plutôt que M.E. voulait garder toutes ses portes de sortie et profiter de la meilleure opportunité. Il a, par la suite, décidé de tout annuler de son propre chef.

[277]     Cependant au moment où il signe la proposition à The Edge, il n’est pas question de remplacer la police Multiterme. D’ailleurs, dans cette proposition il est indiqué que la couverture recherchée ne remplacera aucune autre couverture[76].

[278]     Pour le procureur de l’intimée, le chef 5 devrait être rejeté à la seule vue de la proposition.

[279]     Pour terminer, le procureur de l’intimée note qu’il aurait été facile de remplir un préavis de remplacement. L’intimée s’était d’ailleurs présentée chez les consommateurs avec des préavis de remplacement.

Réplique de la plaignante

[280]     En réplique, la procureure de la plaignante réitère ce que la proposition d’assurance à Primerica indique, soit de ne pas annuler de police avant que les autres soient en vigueur[77] : c’est ce que M.E. a exprimé comme intention et c’est ce qu’il a fait.

[281]     Quant à l’argument relatif au chef 3 selon lequel les informations manquantes à la proposition d’assurance se retrouvaient dans l’ABF, la procureure note que la proposition stipule qu’il faut inscrire toutes les polices dans celle-ci et non pas dans l’ABF, dans les notes du représentant ou dans tout autre document.

[282]     Or, la proposition à la pièce P-8 ne contient pas l’information que M.E. détient la police Multiterme. La police Vie entière d’I.R. n’y apparaît pas non plus et le capital inscrit quant à la Multiterme pour I.R. est de 205 000 $ au lieu de 169 945 $[78].

[283]     Quant à l’argument selon lequel l’instruction de ne pas remplir de préavis émanait de M.E., la procureure de la plaignante rappelle qu’il ne revient pas au client de dicter la conduite au professionnel. Si quelque chose doit être fait, celui-ci doit le faire.

[284]     La procureure de la plaignante rappelle également, quant au chef 4, qu’une ABF est un document sur lequel doit apparaître tout ce que l’article 6 du Règlement[79] demande. Ainsi doivent y apparaître les besoins, les protections existantes et leurs caractéristiques. Ce document doit être complété avec le preneur et, en finale, l’ABF permet de constater s’il y a un déficit ou un surplus dans les couvertures, et ce, pour déterminer s’il y besoin ou non d’assurance supplémentaire. L’ABF est la pierre angulaire du travail du représentant. Or, dans ce dossier, il n’y a aucune ABF qui existe avec les caractéristiques prévues à l’article 6 du Règlement. En fait, il ne s’agit pas d’une question de délai, tel que l’argumente l’intimée, mais de contenu. Même en tenant compte des ABF aux pièces P-9 ou P-33, celles-ci sont silencieuses relativement à l’invalidité. De même, la protection de 80 000 $ offerte par le biais de la CCQ est absente. 

[285]     Commentant l’affaire Leclerc[80], la procureure de la plaignante note que dans celle-ci, le consommateur avait dit qu’il n’avait pas d’assurance-vie et il y a eu omission d’indiquer cette information. Dans notre affaire, l’avenant d’assurance-invalidité de la police Multiterme n’a pas été indiqué.

Duplique de l’intimée

[286]     En duplique, le procureur de l’intimée précise que celle-ci n’avait  pas à dupliquer la couverture d’assurance-vie de la police Multiterme, car cela serait d’induire en erreur l’assureur, cette police conjointe étant payable une seule fois, soit au premier décès.

[287]     Finalement, le procureur rappelle que l’ABF pour l’assurance-invalidité vise à remplacer le revenu en cas d’invalidité. Or, le revenu et les autres sources d’assurance de M.E. ont été notés de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’avoir plus d’information.

IV- ANALYSE ET MOTIFS

Chef 1

[288]     Le chef 1 de la plainte disciplinaire portée contre l’intimée lui reproche d’avoir recommandé à M.E., le ou vers le 21 juillet 2016, de racheter sa police d’assurance-vie entière alors que cette recommandation ne convenait pas à sa situation financière et personnelle.

[289]     Selon la preuve, une rencontre a lieu en présence des consommateurs et de l’intimée le 13 juillet 2016.

[290]     Cette rencontre avait pour but de présenter aux consommateurs la stratégie de Primerica, laquelle prônait la diminution de primes et l’investissement des économies ainsi réalisées.

[291]     Lors de cette rencontre, l’intimée a recueilli les informations alors disponibles eu égard aux polices d’assurance existantes et les informations de base nécessaires à la préparation d’une ABF.

[292]     Les consommateurs étant intéressés par la stratégie présentée par l’intimée, il est convenu de se rencontrer à nouveau le 21 juillet 2016.

[293]     Afin d’avoir les informations à jour des polices détenues par les consommateurs, l’intimée leur demande de faire une demande à l’IA afin d’obtenir les sommaires des polices existantes.

[294]     Ces sommaires sont transmis à l’intimée le 21 juillet 2016, et ce, quelques heures avant la rencontre.

[295]     À l’aide de ces sommaires, l’intimée prépare un schéma[81] reflétant la situation actuelle proposée des consommateurs.  

[296]     À cet effet, la solution proposée est de racheter les cinq (5) polices des consommateurs et de les remplacer par une seule police avec une prime moindre et ainsi, créer un fonds d’urgence provenant de la valeur de rachat des polices annulées.

[297]     Par ailleurs, une ABF est complétée par l’intimée[82], laquelle prévoit également le remplacement des cinq (5) polices existantes des consommateurs.

[298]     Finalement, selon le témoignage de l’intimée, cinq (5) préavis de remplacement sont générés étant donné que l’ABF prévoit l’annulation des cinq (5) polices existantes.

[299]     Cependant, lors de la rencontre, les consommateurs ne s’entendent pas sur la stratégie à adopter.

[300]     Ainsi, pour M.E., il est hors de question de remplacer les polices Assurance-vie entière M.E. et Assurance-vie entière I.R., celles-ci venant bientôt à échéance.

[301]     Quant à I.R., celle-ci est intéressée par la création d’un fonds d’urgence.

[302]     En l’absence de consensus quant au remplacement des cinq (5) polices existantes, les consommateurs signent, à la demande de l’intimée, la pièce P-10 qui stipule qu’ils désirent « réfléchir avant d’envoyer les préavis de remplacement pour [leurs] polices d’assurance vie avec I.A. ».

[303]     Par ailleurs, une proposition d’assurance-vie est complétée auprès de Primerica[83] de même qu’une nouvelle ABF[84], laquelle ne prévoit plus, tout comme la proposition, le remplacement de l’une ou l’autre des polices d’assurance des consommateurs.

[304]     À cet égard, M.E. a témoigné à l’effet qu’il ne désirait remplacer aucune police tant qu’il ne saurait pas s’il était assurable auprès de Primerica et quel serait le montant de la prime.

[305]     Le 19 août 2016, la police d’assurance-vie de Primerica est émise et remise à M.E. par l’intimée.

[306]        Le Comité doit décider si l’intimée a, dans le cadre de la rencontre du 21 juillet 2016, recommandé à M.E. de racheter sa police d’assurance-vie entière qui serait libérée quelques quinze (15) mois plus tard.

[307]     À cet effet, le témoignage de M.E. est formel : la stratégie que propose l’intimée à cette date est d’annuler toutes les polices d’assurance, incluant la Vie entière M.E., et constituer un fonds d’urgence avec les valeurs de rachat qui sont estimées globalement à 4 555,23 $, tel qu’il appert de la pièce P-24.

[308]     D’autre part, l’intimée soutient qu’elle n’a jamais recommandé d’annuler la police Vie entière M.E. Selon son témoignage, après avoir pris connaissance des sommaires de l’I.A. le 21 juillet 2016, le remplacement de cette police ne constituait plus, à ses yeux et après validation auprès de Mme Grenier, une option.

[309]     Après étude de la preuve testimoniale et documentaire, le Comité en vient à la conclusion que l’intimée a, le 21 juillet 2016, recommandé à M.E. de racheter sa police d’assurance-vie entière qui venait à échéance quinze (15) mois plus tard et donc, que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve relativement au chef 1 de la plainte disciplinaire portée contre l’intimée.

[310]     À cet effet, non seulement le témoignage de M.E. est affirmatif à cet égard, mais, au surplus, ce témoignage est corroboré par la preuve documentaire produite à l’audience de même que par certaines parties du témoignage de l’intimée.

[311]     Ainsi, l’intimée a témoigné avoir présenté, le 21 juillet 2016, l’option du rachat de cette police en expliquant qu’I.R. avait un intérêt pour la stratégie selon laquelle la valeur de rachat des polices servirait à la création d’un fonds d’urgence et c’est pour cette raison que l’intimée s’est présentée à la rencontre avec une ABF comportant le remplacement de l’ensemble des polices détenues par les consommateurs.

[312]     De même, un schéma est présenté sur lequel apparaît une seule proposition, soit le rachat des cinq (5) polices des consommateurs et la création d’un fonds d’urgence provenant de la valeur de rachat de ces polices.

[313]     Au surplus, selon le témoignage de l’intimée, les préavis de remplacement de ces polices sont prêts alors qu’elle se présente à la rencontre.

[314]     Par ailleurs, la pièce P-29, émanant de l’intimée, confirme que sa stratégie lors de la rencontre du 21 juillet comportait une recommandation de rachat de l’ensemble des polices des consommateurs :

 « 21 juillet : 2e rencontre. Présentation de l’ABF préparation des  préavis et de la proposition d’assurance vie. Cependant … je dois modifier ma stratégie en cours de route car les clients désirent garder leurs 5 polices d’assurance vie existant. Annulation des préavis. Proposition d’assurance vie et analyse de besoin financier (ABF) modifiées. (…) » (sic)

 

[315]     La chronologie préparée par l’intimée[85] permet également de conclure en ce sens :

« 21 juillet : Présentation ABF, devant ma proposition de changer leur assurance 5 contrats existants et récupérer leur valeur de rachat pour leur créer un fond d’urgence, les clients désirent garder leurs contrats existants, elle aimerait réfléchir il désire rien annule (…) » (sic)

 

[316]     Finalement, le courriel de l’intimée à M.E. du 10 novembre 2016[86] confirme à nouveau la stratégie recommandée et présentée par l’intimée aux consommateurs le
21 juillet 2016 :

« Avoir 1 seul contrat au lieu de 5 pour moi fait du sens … payer $91.49/mois pour 600 000 de couverture totale au lieu de $165/mois pour 162 500 de couverture pour moi aussi fait du sens. Comme vous ne vouliez pas annulé votre police d’IA j’avais diminué votre montant de couverture avec nous. » (sic)

 

[317]     Par conséquent, le Comité en vient à la conclusion que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve à l’égard de ce chef et déclarera l’intimée coupable d’avoir contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[318]     Par ailleurs, en application du principe interdisant les condamnations multiples, le Comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16  de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

Chef 2

[319]     Le chef 2 de la plainte disciplinaire reproche à l’intimée de ne pas avoir donné tous les renseignements utiles et nécessaires à M.E. et à I.R. alors qu’elle leur recommandait de remplacer l’ensemble de leurs polices d’assurance-vie existantes.

[320]     À cet effet, la police d’assurance-vie de Primerica émise le 19 août 2016 prévoit que la prime mensuelle pour M.E. est de 70,02 $ à 64 ans alors qu’elle augmente à 676,88 $ à 65 ans[87]. Cette prime ne change pas pendant les cinq (5) années suivantes, puis elle augmente chaque année supplémentaire d’un autre montant substantiel.

[321]     Il en est de même pour I.R.[88] alors que sa prime mensuelle est nivelée à 21,47 $ jusqu’à 64 ans puis elle augmente à 193,61 $ à compter de l’âge de 65 ans.

[322]     Cette information n’est pas reflétée dans le schéma présenté aux consommateurs le 21 juillet 2016 alors que la prime qui y est indiquée est la prime actuelle et nivelée jusqu’à 65 ans.

[323]     De même, selon le témoignage de M.E., l’intimée n’a jamais mentionné que les primes de Primerica subiraient une telle augmentation à 65 ans.

[324]     L’intimée n’a pas nié avoir omis de faire part de cette information aux consommateurs. Elle prétend plutôt qu’il n’était pas utile de la communiquer, et ce, considérant leur intention de prendre leur retraite à plus ou moins 65 ans.

[325]     Après étude de la preuve, le Comité est d’avis que l’intimée devait fournir cette information aux consommateurs puisque celle-ci était nécessaire à la compréhension et à l’appréciation du produit qui leur était vendu.

[326]     À cet effet, bien que la question de la retraite éventuelle des consommateurs a sûrement été discutée, la preuve administrée ne permet pas d’arriver à la conclusion que  celle-ci se ferait au plus tard et dans tous les cas à l’âge de 65 ans pour les deux (2) consommateurs. Il revenait donc à l’intimée d’informer les consommateurs que s’ils avaient besoin d’assurance après l’âge de 64 ans, leur prime connaîtrait un bond spectaculaire.

[327]     Par conséquent, le Comité considère que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve et déclarera ainsi l’intimée coupable de ce chef pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[328]     Par ailleurs, en application du principe interdisant les condamnations multiples, le Comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des articles
16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’égard de l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

Chef 3

[329]     Le chef 3 de la plainte disciplinaire reproche à l’intimée de ne pas avoir fourni à l’assureur, le 21 juillet 2016, les renseignements qu’il est d’usage de fournir.

[330]     Plus particulièrement, l’intimée aurait omis de fournir les renseignements suivants à Primerica dans la proposition d’assurance[89] :

·        l’existence de la police Multiterme détenue par M.E.;

·        l’existence de la police Vie entière I.R.;

·        le véritable capital de la police Multiterme.

[331]     L’étude de la proposition à Primerica révèle qu’effectivement, la police Multiterme détenue par M.E ainsi que la police Vie entière I.R. sont absentes de la section 12 de ce document intitulée « Information sur la couverture en vigueur ».

[332]     De même, le capital inscrit pour la police Multiterme au nom d’I.R. est de
205 000 $ plutôt que de 169 945 $, lequel est le capital en date du 12 avril 2016[90].

[333]     En ce qui a trait à l’absence de la mention de la police Multiterme au nom de M.E., la preuve présentée par l’intimée révèle qu’en raison de limites du système de l’assureur en 2016, il n’était pas possible d’inscrire sur la proposition ou sur l’ABF le nom des deux (2) titulaires d’une police d’assurance conjointe payable au premier décès. C’est ce qui explique le fait que la police Multiterme apparaît seulement au nom d’I.R. sur la proposition à la pièce P-8. Ce reproche à l’égard de l’intimée ne peut donc pas être retenu.

[334]     Il en va cependant autrement en ce qui concerne l’absence de mention de la police Vie entière I.R. à la proposition.

[335]     Ainsi, tant l’intimée que Mme Grenier reconnaissent que cette police aurait dû apparaître à la proposition.

[336]     Cependant, l’intimée explique dans son témoignage que cette absence ne résulte ni d’une négligence, ni d’une omission de sa part. En effet, elle se souvient qu’il faisait chaud le soir du 21 juillet 2016 et qu’il y avait des problèmes avec l’internet qui auraient nécessité qu’elle réinitialise son système. Elle croit ainsi que cette police n’a pas été enregistrée dans la proposition en raison des problèmes techniques qu’elle a vécus. Par ailleurs, comme il s’agissait de la première fois qu’elle livrait une police par voie électronique, elle n’a pas pris conscience de cette omission.

[337]     Le Comité note que cette version, fournie près de trois (3) ans après les événements, est différente de la version qu’a donnée l’intimée à Me Robertson le
12 décembre 2017 dans le cadre de son enquête.

[338]     Ainsi, questionnée au sujet de l’absence de la police Vie entière I.R. dans la proposition à Primerica, l’intimée avait alors répondu :

« […] j’ai juste dû omettre ou peut-être qu’ils me l’ont transmis après. Un des deux. »[91]

 

[339]     Le Comité comprend de cette réponse qu’au 12 décembre 2017, l’intimée justifiait l’absence de mention de cette police par deux (2) seules possibilités : une omission de sa part ou par le fait que les consommateurs n’avaient pas encore informé l’intimée de l’existence de cette police. Or, la preuve révèle que l’intimée connaissait l’existence de la police Vie entière I.R. le 21 juillet 2016.

[340]     L’intimée a expliqué la contradiction entre cette explication et son témoignage par le fait qu’elle se sentait bousculée et elle n’avait pas eu le temps de se préparer adéquatement lorsqu’elle a donné cette réponse, le 12 décembre 2017.

[341]     Le Comité ne peut retenir cette explication.

[342]     Ainsi, un courriel a été transmis à l’intimée le 6 décembre 2017 dans lequel
Me Robertson lui offre de participer à un rendez-vous téléphonique. Dans ce même courriel, Me Robertson suggère 22 plages horaires réparties en cinq (5) jours allant du
12 décembre au 19 décembre 2017. Également, le courriel réfère à l’objectif du rendez-vous téléphonique, soit d’obtenir sa version dans le dossier d’enquête de M.E. et d’I.R. et lui conseille de réviser et d’avoir une copie du leur dossier client avant l’entretien téléphonique[92].

[343]     L’intimée répond le lendemain, 7 décembre, et choisit elle-même la date du
12 décembre 2017 à 11h00 pour procéder à cet entretien.

[344]     Le Comité conclut donc que l’intimée n’a pas été « bousculée » lorsqu’elle a fourni sa réponse à Me Robertson et que l’omission d’inscrire l’existence de la police Vie entière I.R. dans la proposition découle de sa négligence.

[345]     Par ailleurs, le procureur de l’intimée a référé à l’affaire Chambre de la sécurité financière c. Leclerc[93] pour argumenter que même si l’information relative à la police Vie entière I.R. n’apparaît pas à la proposition, elle apparaît ailleurs et donc, il ne s’agit pas d’une lacune qui serait sanctionnable.

[346]     Le Comité ne peut retenir cet argument.

[347]     Ainsi, les faits de l’affaire Leclerc se distinguent de celle qui concerne l’intimée.

[348]     En effet, alors que dans cette affaire le comité de discipline en est arrivé à la conclusion que le fait pour le représentant d’omettre d’inscrire dans ses notes personnelles que le client ne détenait aucune police d’assurance-vie dans le cadre d’une ABF ne constituait pas une faute déontologique, dans notre affaire, l’intimée a omis d’inscrire l’existence d’une telle police dans une proposition.

[349]     Or, tel que l’a souligné la procureure de la plaignante, la proposition à la pièce
P-8 demande d’énumérer dans celle-ci toutes les couvertures d’assurance-vie individuelle en vigueur, qu’elles fassent l’objet d’un remplacement ou non.

[350]     Pour cette même raison, l’intimée devait inscrire le montant réel de couverture payable au décès pour l’assurance Multiterme, soit 169 945 $ et non pas 205 000 $.

[351]     Conséquemment, le Comité considère que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve et déclarera l’intimée coupable sous ce chef pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[352]     Par ailleurs, en application du principe interdisant les condamnations multiples, le Comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

Chef 4

[353]     Le chef 4 de la plainte disciplinaire portée contre l’intimée lui reproche de ne pas avoir procédé à une analyse complète et conforme des besoins de M.E. alors qu’elle lui faisait souscrire la police d’assurance-invalidité avec The Edge, le 25 août 2016.

[354]     Selon la preuve, la couverture d’assurance-invalidité de M.E. a été abordée lors de la rencontre du 21 juillet 2016. Cependant, considérant l’heure tardive, il a été convenu de traiter de cet aspect lors d’une rencontre ultérieure.

[355]     La protection dont bénéficiait alors M.E. découlait d’un avenant invalidité de sa police Multiterme, prévoyant une prestation mensuelle de 1 025 $[94].

[356]     La rencontre prévue pour discuter de la couverture d’invalidité de M.E. a lieu le
25 août 2016. À l’issue de celle-ci, une proposition d’assurance auprès de The Edge[95] est signée par M.E.

[357]     L’article 6 du Règlement[96] prévoit ce qui suit :

« 6. Le représentant  en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance ou d’offrir un produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement, dont un contrat individuel à capital variable, analyser avec le preneur ses besoins ou ceux de l’assuré.

 

Ainsi, selon le produit offert, le représentant en assurance de personnes doit analyser avec le preneur, notamment, ses polices ou contrats en vigueur ou ceux de l’assuré, selon le cas, leurs caractéristiques et le nom des assureurs qui les ont émis, ses objectifs de placement, sa tolérance aux risques, le niveau de ses connaissances financières et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à sa charge et ses obligations personnelles et familiales.

 

Le représentant en assurance de personnes doit consigner les renseignements recueillis pour cette analyse dans un document daté. Une copie de ce document doit être remise au preneur au plus tard au moment de la livraison de la police. »

[358]     L’intimée allègue que la préparation d’une ABF pour les besoins en matière d’assurance-invalidité de M.E. n’était pas nécessaire, car une ABF avait déjà été préparée le 21 juillet 2016 à l’occasion de la proposition à Primerica visant les besoins d’assurance-vie du consommateur et alors que la situation du client n’avait pas changé entre le 21 juillet et le 25 août 2016. De même, d’autres informations furent recueillies lors de la préparation de la proposition à The Edge. Donc, toute l’information visée par l’article 6 du Règlement[97] se retrouvait dans les divers documents complétés par l’intimée.

[359]      Le Comité ne peut souscrire à cet argument.

[360]     Ainsi, l’article 6 du Règlement veut qu’une ABF soit préparée avant de faire remplir une proposition d’assurance. Le représentant doit analyser avec le preneur les différentes informations pertinentes selon le produit offert. Finalement, le représentant doit consigner les renseignements recueillis dans un document daté qui doit être remis au preneur au plus tard au moment de la livraison de la police.

[361]     Eu égard à l’esprit de cet article et à son rôle dans la protection du consommateur, le Comité est d’avis qu’il ne revient pas au représentant de déterminer si la préparation d’une ABF est nécessaire ou non, et ce, parce que certaines informations ont été colligées antérieurement, pour un autre produit, dans un laps de temps qu’il juge suffisamment court pour être encore valable, selon lui.

[362]     À cet effet, tel que le comité de discipline l’a rappelé notamment dans l’affaire Chambre de la sécurité financière c. Baillargeon[98], le législateur a couché en termes impératifs l’obligation pour le représentant de préparer une ABF de son client et de consigner par écrit les renseignements obtenus avant la souscription d’une proposition d’assurance. À cet égard, il n’appartient pas au représentant de faire des distinctions quant à la nécessité ou non de préparer cette ABF.

[363]     De même, le représentant ne peut se soustraire à cette obligation, en tout ou en partie, en prétendant déjà connaître les besoins d’un client parce qu’il lui aurait déjà rendu des services antérieurement[99].

[364]     Le représentant ne peut non plus s’affranchir de ses obligations de compléter une ABF pour le produit offert en invitant le consommateur, au lieu de lui remettre une ABF complétée en bonne et due forme pour ce produit tel que le prévoit le Règlement[100], à rechercher les informations pertinentes à son analyse de besoins dans divers documents.

[365]     Par ailleurs, il est à noter que si l’ABF préparée dans le cadre de la proposition auprès de Primerica devait être considérée, celle-ci omet l’assurance-vie de M.E. d’un capital de 80 000 $ offerte par la CCQ, information qui aurait dû s’y retrouver, selon le témoignage de Mme Grenier.

[366]     De même, la proposition à The Edge est silencieuse quant à l’avenant invalidité de la police Multiterme. À nouveau, il ne revient pas au client de deviner la teneur de l’analyse qui a été faite à son sujet et si tous les éléments pertinents ont été considérés. Il faut que celle-ci soit consignée par écrit et remise au plus tard lors de la livraison de la police.

[367]     Dans la présente affaire, le Comité conclut donc qu’en ce qui concerne la proposition à The Edge et les besoins d’assurance-invalidité de M.E., aucune ABF conforme au Règlement n’a été préparée par l’intimée.

[368]     En conséquence, le Comité déclarera l’intimée coupable sous le chef 4 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement[101].

[369]     Par ailleurs, en application du principe interdisant les condamnations multiples, le Comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

Chef 5

[370]     Ce chef reproche à l’intimée de ne pas avoir rempli de préavis de remplacement alors qu’elle faisait souscrire à M.E. la proposition pour l’émission d’un contrat d’assurance-invalidité avec The Edge.

[371]     Tel que déjà mentionné, une rencontre a eu lieu entre M.E. et l’intimée le 25 août 2016, à l’issue de laquelle une proposition d’assurance auprès de The Edge[102] est signée par M.E.

[372]      Il n’est pas contesté par l’intimée qu’aucun préavis de remplacement n’a alors été complété par celle-ci puisque, selon ses propos, l’assurance de The Edge ne remplacerait aucune police en vigueur, et ce, tel que le confirme la mention indiquée à la proposition selon laquelle cette assurance n’a pas pour effet de remplacer une autre assurance[103].

[373]     Par ailleurs, M.E. a témoigné à l’effet que la police Multiterme comportait une protection en cas d’invalidité et que cette police devait être remplacée si les consommateurs étaient assurables auprès de Primerica pour un prix qui leur convenait. Selon lui, la rencontre du 25 août visait justement à discuter du remplacement potentiel de la police Multiterme par une autre police comportant une prestation d’invalidité similaire.

[374]     L’article 22 du Règlement[104] prévoit que :

« 22. Lorsque la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner la résiliation, l’annulation ou la réduction des bénéfices d’un autre contrat d’assurance, le représentant doit:

 

[…]

 

 remplir, avant ou en même temps que la proposition d’assurance, le formulaire prescrit à l’Annexe I, si le preneur ou l’assuré a avantage à remplacer son contrat par un autre; »

[375]     La seule question en litige, compte tenu de la preuve, est de déterminer si le
25 août 2016, l’intimée savait ou aurait dû savoir que la souscription du contrat d’assurance avec The Edge était susceptible d’entraîner la résiliation de la police Multiterme.

[376]     Le Comité répond par l’affirmative à cette question, et ce, pour les motifs suivants.

[377]     Tout d’abord, le Comité retient de la preuve que l’intention des consommateurs, exprimée lors de la rencontre du 21 juillet 2016, était de déterminer s’ils étaient assurables et à quel coût et, le cas échéant, d’annuler leurs polices avec l’IA, sauf en ce qui a trait aux polices Vie-entière M.E. et Vie-entière I.R.

[378]     La rencontre du 25 août avait pour but de régler la question de la protection en cas d’invalidité, et ce, considérant que la police Multiterme comportant cet avantage était susceptible d’être remplacée.

[379]     Cette conclusion du Comité est confirmée par le courriel du 13 septembre 2016 qu’adressait M.E. à l’intimée et qui se lit comme suit :

« As tu des nouvelles pour l’assurance invalidité ? Nous avons jusqu’au 18 pour prendre une décision pour les assurances et nous devons savoir si je suis accepté et à quel prix. »[105]

[380]     Il est manifeste que la décision que doivent prendre les consommateurs en fonction des nouvelles à obtenir à l’égard de l’assurance-invalidité concerne l’annulation de leurs trois (3) polices avec l’IA et leur remplacement par l’assurance de Primerica et celle de The Edge. L’intimée se devait donc, le 25 août 2016, de remplir le préavis de remplacement requis par le Règlement[106].

[381]     En conséquence, la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve à l’égard de ce chef et le Comité déclarera l’intimée coupable pour avoir contrevenu à l’article 22 du Règlement[107].

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimée coupable sous le chef d’infraction 1 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

DÉCLARE l’intimée coupable sous le chef d’infraction 2 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

DÉCLARE l’intimée coupable sous le chef d’infraction 3 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

DÉCLARE l’intimée coupable sous le chef d’infraction 4 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10);

DÉCLARE l’intimée coupable sous le chef d’infraction 5 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures sous chacun de ces chefs d’infraction quant aux autres dispositions invoquées à leur soutien ;

ORDONNE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties à une audition pour entendre la preuve et les représentations des parties sur sanction.

 

 

 

(S) Me Marco Gaggino

_________________________________

Me Marco Gaggino

Président du Comité de discipline

 

 

(S) Gisèle Balthazard

_________________________________

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Jean-Simon Britten

THERRIEN COUTURE JOLI-CŒUR, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

 

Dates d’audience :

21 et 22 janvier, et 9 mai 2019

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



*  Le troisième membre du comité, M. Louis-André Gagnon, étant empêché d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’article de 118.3 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

[1] Pièce P-1.

[2] Pièce P-3.

[3] Capital assuré de 50 000 $ et boni d’assurance additionnelle de 10 670 $.

[4] Pièce P-4.

[5] Pièce P-5.

[6] Pièce P-6.

[7] Pièce P-7.

[8] Pièce P-8.

[9] Pièce P-11.

[10] Pièce P-14.

[11] Pièce P-16

[12] Pièce P-17.

[13] Pièce P-20.

[14] Pièce P-21.

[15] Pièce P-26.

[16] Pièce P-2.

[17] La preuve a révélé que cette rencontre a eu lieu le 13 juillet 2016.

[18] Pièces I-2, I-3, I-4, I-5 et I-6.

[19] Pièce P-24, page 144.

[20] Par exemple, si les consommateurs sont des non-fumeurs.

[21] Vie entière M.E. et Vie entière I.R.

[22] Pièce P-9.

[23] Pièce P-9, pages 240 et 263.

[24] Cette problématique dans la date de signature a été expliquée par l’intimée.

[25] Pièce P-8.

[26] Pièce P-10.

[27] Il est à noter que le Comité retient plutôt que cette rencontre a eu lieu le 25 août 2016.

[28] Pièce P-12.

[29] Pièce P-13.

[30] Pièce P-13.

[31] Pièce P-8, page 413.

[32] Pièce P-15.

[33] Pièce P-15.

[34] Pièce P-17.

[35] Pièce P-11, page 372 et 392.

[36] Pièce P-19.

[37] Pièce P-8.

[38] Pièce P-1.

[39] Pièce P-9, page 269, section « Assurance-vie ».

[40] Pièce P-6, page 302.

[41] Pièce P-9, page 269, section « Assurance-vie ».

[42] Pièce P-8, section 12.

[43] Pièce P-8.

[44] Pièce P-14.

[45] Pièce P-10.

[46] Pièce I-8.

[47] Pièce P-29.

[48] Il est à noter qu’il a été laborieux pour le Comité de déterminer clairement quelle ABF a été complétée en rapport avec la police de Primerica, et à quel moment. À cet effet, les pièces P-9, P-28 et P-33 ont toutes été produites comme ABF. La pièce P-9 semble être constituée de deux (2) ABF différentes (R-10 et R-17).

[49] Pièce P-28, page 184.

[50] Pièce P-29.

[51] Pièce P-30.

[52] Pièce P-31.

[53] Pièce P-15, page 162.

[54] Pièce P-34.

[55] Pièce P-35.

[56] Pièce I-7.

[57] Page 372.

[58] Pièce P-11, page 392.

[59] Pièce P-8.

[60] Pièce P-14.

[61] Chapitre D-9.2, r. 10.

[62] Pièce P-14, section 3, option 3, page 491

[63] Pièce P-14, section 3, option 3, page 491.

[64] Chapitre D-9.2, r. 10.

[65] Pièce P-15, page 162.

[66] Pièces P-16 et P-17.

[67] Pièce P14, page 491.

[68] Pièce P-8, page 408.

[69] 2015 QCCDCSF 46, paragraphes 80 à 84.

[70] Chapitre D-9.2, r. 10.

[71] Ibid.

[72] Ibid.

[73] Ibid.

[74] Pièce P-14.

[75] Précité, note 69.

[76] Pièce P-14, page 490.

[77] Pièce P-8, page 410

[78] Pièce P-6, page 302 et Pièce P-8, page 410.

[79] Chapitre D-9.2, r. 10.

[80] Précité, note 69.

[81] Pièce P-24.

[82] Pièce P-28.

[83] Pièce P-8.

[84] Pièces P-9 et P-33.

[85] Pièce P-30.

[86] Pièce P-31.

[87] Pièce P-11, page 372.

[88] Pièce P-11, page 392.

[89] Pièce P-8.

[90] Le capital est décroissant en date du 12 avril de chaque année (voir pièce P-6, page 302)

[91] Pièce P-23.

[92] Pièce P-32.

[93] Précité, note 69.

[94] Pièce P-6, page 300.

[95] Pièce P-14.

[96] Chapitre D-9.2, r. 10.

[97] Ibid.

[98] 2010 CanLII 99871 (QC CDCSF).

[99] Chambre de la sécurité financière c. Lévesque, 2016 CanLII 39912 (QC CDCSF), par. 51.

[100] Chapitre D-9.2, r. 10.

[101] Ibid.

[102] Pièce P-14.

[103] Pièce P-14, section 1 B.

[104] Chapitre D-9.2, r. 10.

[105] Pièce P-15, page 162.

[106] Chapitre D-9.2, r. 10

[107] Ibid.

AVIS :
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