Bienvenue c. 6740464 Canada inc. (Silencieux GMS Longueuil) |
2018 QCCQ 1305 |
JD2786
COUR DU QUÉBEC
« Division des petites créances »
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LONGUEUIL
LOCALITÉ DE LONGUEUIL
« Chambre civile »
N° : 505-32-035855-163
DATE : 7 février 2018
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
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JOHANNE BIENVENUE
Demanderesse
c.
6740464 CANADA INC. fasn de SILENCIEUX GMS LONGUEUIL
ET INTACT COMPAGNIE D’ASSURANCE
Défenderesses
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JUGEMENT
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[1] Le 23 avril 2015, Johanne Bienvenue (« Mme Bienvenue ») fait changer les pneus de sa voiture chez 6740464 Canada inc. (« Silencieux GMS »).
[2] Le 4 mai suivant, la voiture perd une première roue avant, puis une deuxième quelques semaines plus tard.
[3] Estimant que la responsabilité de Silencieux GMS est engagée, Mme Bienvenue lui réclame ainsi qu’à l’assureur de celle-ci Intact Compagnie d’assurance (« Intact ») la somme de 15 000,00 $ en compensation pour les dommages causés à sa voiture mais aussi pour la grande frayeur, le stress et les inconvénients causés par ces deux incidents.
Questions en litige
[4] La responsabilité de Silencieux GMS est-elle engagée?
[5] Dans l’affirmative, Mme Bienvenue a-t-elle droit au montant réclamé?
Le contexte
[6] Le 23 avril 2015, Mme Bienvenue fait poser les pneus d’été de sa voiture au garage Silencieux GMS.
[7] Le 4 mai suivant, elle perd la roue avant côté passager en amorçant un virage. La voiture subit des dommages importants à l’avant. Mme Bienvenue la fait remorquer chez le concessionnaire Chrysler de Boucherville (« le Concessionnaire »). Elle ne récupère sa voiture que le 21 mai suivant. Son assureur assume la plus grande partie des coûts de réparations sauf en ce qui concerne l’installation des gougeons (studs) et des noix de roues que Mme Bienvenue paie elle-même.
[8] Lorsqu’elle reprend sa voiture le vendredi 21 mai, Mme Bienvenue entend des bruits inquiétants. Elle téléphone immédiatement au Concessionnaire : comme le garage est fermé le vendredi après-midi, le préposé lui dit de rapporter la voiture le lundi suivant.
[9] Mme Bienvenue déclare avoir remisé la voiture dans son garage et ne la reprendre que le lundi suivant pour se rendre chez le Concessionnaire. Alors qu’elle est en route, la roue avant côté conducteur se détache ce qui cause des dommages à la carrosserie du côté gauche.
[10] Mme Bienvenue fait remorquer à nouveau la voiture chez le Concessionnaire qui effectue les réparations dont encore une fois, son assureur assume la plus grande part (2 258,42 $).
[11] Après examen, le mécanicien est d’avis que les gougeons et les noix des roues avant et des roues arrière sont trop serrés. C’est probablement ce qui a causé le bris des roues avant. Pour éviter que cela ne se reproduise avec les roues arrière, Mme Bienvenue paie pour les faire changer, ce qui lui coûte 322,18 $.
[12] Malgré ce travail, Mme Bienvenue dit ne plus se sentir en confiance dans sa voiture et au surplus, elle a perdu sa valeur marchande en raison de deux accidents importants de mai 2015 dont elle attribue l’entière responsabilité à Silencieux GMS.
[13] Par mise en demeure écrite du 29 juin 2015, Mme Bienvenue lui réclame la somme de 75 000,00 $ pour tous les préjudices subis en raison des deux accidents de mai, soit notamment le paiement de sa franchise de 500,00 $ à chaque incident, le travail payé au concessionnaire pour le remplacement des boulons et des noix de roues mais surtout, une compensation pour la frayeur, le stress et les inconvénients causés par ces accidents.
[14] Mme Bienvenue intente la présente action et réduit sa réclamation à 15 000,00 $ pour bénéficier du recours à la Division des petites créances.
Analyse et décision
La responsabilité de Silencieux GMS est-elle engagée?
[15] L’article 176 de la Loi sur la protection du consommateur[1] (" la L.p.c. ") applicable en l’instance, accorde à Mme Bienvenue une garantie de trois mois ou de 5 000 km sur le travail effectué par Silencieux GMS :
176. Une réparation est garantie pour trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint. La garantie prend effet au moment de la livraison de l'automobile.
[16] Pour mettre en jeu cette garantie, Mme Bienvenue doit établir par preuve prépondérante que les bris survenus en mai 2015 sont reliés au travail effectué par le préposé de Silencieux GMS le 23 avril 2015.
[17]
Elle ne fait pas entendre de témoin expert, mais présente différents
éléments qui peuvent constituer une preuve par présomption, permise par le Code
civil du Québec (« C.c.Q. ») en vertu de l’article
2846. La présomption est une conséquence que la loi ou le tribunal tire d'un fait connu à un fait inconnu.
[18]
Le Tribunal ne doit prendre en considération que les présomptions
graves, précises et concordantes, et qui établissent selon toute probabilité,
la conséquence que le Tribunal peut tirer d’un fait connu, ici le changement de
pneus effectué en avril 2015, à un fait inconnu, la cause des deux bris
survenus en mai suivant (art.
[19] Mme Bienvenue déclare qu’avant le changement de pneus du 23 avril 2015, elle n’a jamais connu d’incident comme ceux de mai 2015.
[20] Après avoir repris sa voiture le 23 avril, avant le premier incident du 4 mai 2015, elle ne fait que très peu de millage. Elle ne fait faire aucune autre réparation à la voiture, personne ne touche aux pneus ou aux roues.
[21] Mme Bienvenue dépose le rapport sommaire du mécanicien du Concessionnaire qui fait les réparations en mai 2015. Dans cette déclaration écrite du 3 juin 2015, il déclare qu’il faut « changer studs et noix arrière aussi ils ont été trop serrés ».
[22] Craig Fitzpatrick (« M. Fitzpatrick »), représentant de Silencieux GMS, ne conteste pas que le fait de trop serrer les gougeons et les noix des roues peut causer le bris de ces pièces et le détachement des roues.
[23] Il y a donc un lien, selon toute probabilité, entre le changement de pneus chez Silencieux GMS le 23 avril 2015 et le bris des deux roues avant, en mai suivant.
[24] Puisque Silencieux GMS est débitrice de la garantie envers Mme Bienvenue, elle doit fournir des explications claires et complètes, sérieuses et convaincantes la disculpant du bris. Sinon, elle doit satisfaire à la garantie et à ses conséquences inhérentes, dont les dommages sous étude[2].
[25] M. Fitzpatrick prétend que son employé Kevin Eyles (« M. Eyles »), qui fait le changement de pneus en avril 2015, a agi selon les règles de l’art. Cependant, il ne le fait pas entendre comme témoin, il ne produit pas de déclaration écrite de celui-ci pour tenir lieu de son témoignage pour démontrer la façon dont il s’y est pris, notamment en ce qui concerne la force appliquée pour serrer les gougeons et les noix de roues.
[26] M. Fitzpatrick témoigne que si les noix et les gougeons avaient été trop serrés, on verrait des signes d’étirement sur cette pièce, qui est produite au procès par Mme Bienvenue. Or, Silencieux GMS ne dépose pas de rapport d’expert à cet effet. Le Tribunal ne peut considérer à cet effet le témoignage de M. Fitzpatrick, qui n’est pas reconnu comme expert et qui au surplus, en tant que président de Silencieux GMS, ne rencontre pas les exigences d’objectivité et d’impartialité requises d’un expert.
[27] Les interventions d’autres mécaniciens au fil des ans depuis la mise en service de la voiture en 2008, sont trop éloignées pour que le Tribunal puisse considérer qu’elles soient à l’origine des incidents de mai 2015.
[28] Vu ce qui précède, Silencieux GMS est tenue d’indemniser Mme Bienvenue des dommages subis, dans la mesure où ils sont directs et prévisibles.
[29] Ainsi, elle doit lui rembourser les factures payées au Concessionnaire en mai et juin 2015, soit 411,16 $[3].
[30] Elle doit lui rembourser également la franchise de 500,00 $ qu’elle assume à chaque fois, soit 1 000,00 $.
[31] Le véhicule de Mme Bienvenue a peut-être perdu une certaine valeur marchande, mais la seule preuve qu’elle fournit à cet effet est un imprimé de pages internet relatif à la valeur moyenne actuelle d’un véhicule semblable. Or, ce document ne peut constituer une preuve probante de la perte réelle de valeur marchande du véhicule.
[32] Mme Bienvenue réclame compensation pour la grande frayeur éprouvée à chacun des incidents, le stress et les inconvénients causés par toute cette affaire.
[33] Mme Bienvenue a certainement droit à une compensation à ce chapitre, mais qui est difficile à évaluer avec justesse en l’absence de facteurs objectifs.
[34] Le Tribunal retient son témoignage quant aux émotions qu’elle ressent, l’insécurité qu’elle dit éprouver au volant de la voiture. Cependant, elle déclare aussi qu’elle conduit toujours son véhicule depuis mai 2015 et n’a pas fait de démarche pour la revendre.
[35] Usant de sa discrétion et tenant compte de la preuve présentée, le Tribunal lui accorde à ce chapitre la somme de 2 000,00 $.
[36] Puisque la couverture d’assurance n’est pas contestée par l’assureur Intact, la condamnation est prononcée contre celle-ci et son assurée Silencieux GMS.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] ACCUEILLE en partie l'action de la demanderesse;
[38]
CONDAMNE les défenderesses solidairement à payer à la
demanderesse la somme de 3 411,16 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
[39] CONDAMNE les défenderesses solidairement à payer à la demanderesse les frais judiciaires de 200,00$.
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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
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