Robitaille Équipement inc. c. Intact Compagnie d'assurance | 2024 QCCS 645 | |||||
COUR SUPÉRIEURE | ||||||
| ||||||
CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | QUÉBEC | |||||
| ||||||
Nº : | 200-17-034546-234 | |||||
| ||||||
DATE : | 4 mars 2024 | |||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : | L’HONORABLE | DENIS JACQUES, j.c.s. | ||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
ROBITAILLE ÉQUIPEMENT INC. ET SERGE PILON | ||||||
Demandeurs | ||||||
c. | ||||||
INTACT COMPAGNIE D’ASSURANCE | ||||||
Défenderesse | ||||||
| ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
JUGEMENT | ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
[1] La demanderesse Équipement Robitaille inc. (« Robitaille ») est une société par actions œuvrant dans le domaine de la « vente au détail de produits d’attaque au sol, de pièces et d’équipements à neige »[1].
[2] Le demandeur Serge Pilon est le président de Robitaille, en plus d’être membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (« l’Ordre des CPA »).
[3] Intact compagnie d’assurance (« Intact »), assure la responsabilité civile de la demanderesse Robitaille ainsi que de ses administrateurs et dirigeants en vertu de la police [...] entrée en vigueur le 30 mai 2018.
[4] Les demandeurs soutiennent que la défenderesse Intact a eu tort de leur opposer une exclusion de la police en regard d’une demande de couverture dans le cadre d’un recours institué contre eux en outrage au tribunal.
[5] Ils réclament en conséquence à la défenderesse les frais de défense qu’ils ont dû défrayer à titre d’honoraires professionnels pour contester le recours, soit 133 870,76 $.
[6] De la même façon, le demandeur Pilon estime qu’Intact devait le défendre dans le cadre d’une plainte logée à son ordre professionnel. Il réclame en conséquence les honoraires payés à ses avocats, soit 12 570,55 $.
[7] Intact, s’appuyant sur la police et ses clauses d’exclusion, conteste les deux réclamations.
LE CONTEXTE
[8] Le 31 mars 2003, Guy Hamel dépose une demande de brevet relativement à un modèle de lame destiné à être installé sur de la machinerie de déneigement. Le brevet lui fut accordé le 10 février 2004. Ce brevet 830 est identifié alors comme « an articulated scraper blade system ».
[9] Le 29 décembre 2003, Guy Hamel (« Hamel ») et sa compagnie, 9125-6651 Québec inc. (« 9125 »), déposent une demande en injonction contre Les Fontes PNS inc. (« PNS »), alléguant alors une violation de leur brevet[2].
[10] Le 19 septembre 2005, une ordonnance d’injonction permanente est prononcée de consentement contre PNS par le greffier spécial de notre Cour, ordonnance libellée en ces termes :
3. ÉMET l’ordonnance d’injonction permanente enjoignant les défendeurs ainsi que leurs employés, officiers, administrateurs ou sous-traitants, de ne pas fabriquer, construire, produire, vendre ou de faire tout autre procédé pouvant être considéré comme tel, de tout appareil identique ou semblable au « articulated scraper blade system »;
4. ÉMET l’ordonnance d’injonction permanente enjoignant les défendeurs ainsi que leurs employés, officiers, administrateurs ou sous-traitants, de ne pas faire de publicité, d’offrir ou de faire tout autre procédé pouvant être considéré comme tel, concernant tout appareil identique ou semblable au « articulated scraper blade system »[3].
[Nos soulignements]
[11] Soulevant une contravention à ces ordonnances, Hamel intente une demande en outrage au tribunal contre PNS et contre Robitaille Équipement inc., alors identifiée comme sous-traitant de PNS.
[12] Le 27 septembre 2007, le juge Raymond Pronovost de notre Cour maintient la demande en outrage contre PNS mais acquitte Robitaille Équipement inc. faute de preuve de la connaissance par cette dernière de l’ordonnance, bien que celle-ci soit identifiée comme un sous-traitant[4].
[13] Le 20 février 2009, la juge Bélanger déclare PNS à nouveau coupable d’outrage au tribunal dans le même dossier[5].
[14] Dans le même jugement, la juge Bélanger ordonne que les sous-traitants soient avisés :
[64] ORDONNE à Les Fontes P.N.S. ltée d'aviser ses sous-traitants, dans les dix jours du présent jugement, de cesser la vente de toutes les lames produites semblables à celles de l'articulated scraped blade system;
[15] Le 27 juillet 2016, Hamel et 9125 déposent une demande en injonction interlocutoire et permanente ainsi qu’une demande de réparation, notamment contre Robitaille Équipement inc. et Serge Pilon, alléguant une contrefaçon de leur brevet de lame 830[6].
[16] Le 29 mars 2017, cette demande est jointe avec le dossier 200-17-023821-168 où Hamel et sa compagnie ont déposé une demande en injonction et dommages pour contravention aussi à leur brevet 830 à l’encontre de la compagnie Lames Nordik.
[17] Le 11 décembre 2017, notre Cour prononce la scission d’instance afin que le débat soit entendu en deux temps, soit d’abord sur la validité du brevet 830 ainsi que sur les allégations de contrefaçon de l’invention et, dans un deuxième temps, sur les dommages réclamés.
[18] Le 4 juin 2018, le demandeur Pilon signe une proposition d’assurance auprès d’Intact, et ce, à titre de président de Robitaille Équipement inc.
[19] À l’audience, les parties conviennent que la police contractée par Robitaille Équipement inc. est entrée en vigueur la première fois le 30 mai 2018.
[20] La proposition d’assurance signée par le demandeur Pilon contient au chapitre des faits connus la question suivante :
a) Une personne ou entité visée par la proposition d’assurance fait-elle l’objet d’une réclamation en cours?
[21] Après avoir répondu positivement à cette question, les renseignements suivants sont ajoutés à la main par le mandataire de Robitaille à la proposition d’assurance signée par Serge Pilon :
Note 1 : Poursuite contre Serge Pilon, Robitaille Équipement, Équipement DHP et Immeuble SP et BP inc. pour violation de brevet pour lequel nous ne croyons pas être en défaut.
[22] Dans le texte imprimé de la proposition, en caractères majuscules, le contractant est avisé de ce qui suit :
SANS RESTREINDRE LA PORTÉE DE TOUT AUTRE RECOURS DONT LES ASSUREURS PEUVENT SE PRÉVALOIR, LA GARANTIE PROPOSÉE NE COUVRIVRA PAS LES RÉCLAMATIONS DONT UN ASSURÉ A CONNAISSANCE NI LES RÉCLAMATIONS QUI DÉCOULENT DE FAITS OU DE CIRCONSTANCES DONT CET ASSURÉ A CONNAISSANCE.
[23] Le 13 août 2021, la juge Suzanne Ouellet de notre Cour rend jugement au terme d’une audience qui aura duré 26 jours sur la demande introductive d’instance en injonction contre les demandeurs en 2016 et contre Lames Nordik en 2017.
[24] Par sa décision, la juge Ouellet délivre l’ordonnance recherchée à l’encontre de Lames Nordik, mais la rejette à l’égard de Robitaille Équipement inc. et Pilon.
[25] Le 9 septembre 2021, les saisies effectuées chez Robitaille Équipement inc. sont déclarées abusives et sont annulées par la juge Ouellet[7].
[26] Le 15 décembre 2021, une requête pour l’émission d’une ordonnance spéciale à comparaître à une accusation d’outrage au tribunal est déposée par Hamel et 9125 à l’encontre des demandeurs[8].
[27] Le 20 décembre 2021, une citation à comparaître à une accusation d’outrage au tribunal est délivrée à l’encontre des demandeurs et Lames Nordik, laquelle est notifiée à monsieur Pilon le 30 décembre 2021, en vue d’une comparution le 7 janvier 2022.
[28] Le 11 février 2022, le Syndic adjoint de l’Ordre des CPA communique par lettre avec monsieur Pilon, un membre de l’Ordre, afin de l’informer qu’il a reçu une demande d’enquête sur de possibles contraventions à une ordonnance de la Cour et pour obtenir des informations additionnelles à ce sujet[9].
[29] Le 22 février 2022, le demandeur Pilon communique par téléphone avec monsieur Jacques Malo, expert en sinistre chez Intact, afin de réclamer de cette dernière d’assumer sa défense à l’encontre de la demande en outrage au tribunal et de la plainte déposée auprès du syndic adjoint de l’Ordre des CPA[10].
[30] Le 25 février 2022, monsieur Pilon répond à la demande formulée par le Syndic adjoint de son ordre professionnel[11].
[31] Le 1er mars 2022, le syndic adjoint de l’Ordre des CPA informe le demandeur Pilon de la fermeture du dossier d’enquête le concernant[12].
[32] Le 9 mai 2022, Intact transmet au demandeur Pilon sa décision en lien avec la couverture d’assurance de l’assurée Robitaille Équipement inc.
[33] L’expert en sinistre Malo d’Intact informe alors le demandeur Pilon du refus de couverture en raison, d’une part, de l’exclusion fondée sur un litige antérieur quant à l’outrage au tribunal, et de l’absence de couverture quant à la plainte au syndic de l’Ordre des CPA[13].
[34] Le 3 août 2022, le juge Étienne Parent de notre Cour prononce l’arrêt des procédures à l’égard des citations à comparaître délivrées contre les demandeurs Pilon et Robitaille le 20 décembre 2021[14].
[35] Le juge Parent refuse néanmoins de déclarer la poursuite de Hamel et 9125 abusive et de donner suite à la demande des demandeurs visant le remboursement de leurs honoraires extrajudiciaires encourus, les mêmes réclamés en l’espèce.
[36] Le 21 septembre 2022, le jugement du juge Parent est porté en appel par Hamel et 9125.
[37] Le 22 novembre 2022, les avocats des demandeurs transmettent à Intact une mise en demeure leur réclamant les frais de défense encourus pour contester la demande en outrage au tribunal ainsi que pour l’enquête auprès du syndic de l’Ordre des CPA[15].
[38] Le 2 décembre 2022, monsieur Malo réitère la position d’Intact et maintient sa négation de couverture en regard des frais de défense réclamés[16].
[39] Le 9 janvier 2023, la Cour d’appel accueille les requêtes en rejet de l’appel logé par Hamel et 9125 à l’encontre du jugement du juge Étienne Parent[17].
[40] La réclamation des honoraires professionnels actualisés a été réduite par les demandeurs à l’audience pour tenir compte de la récupération des taxes.
ANALYSE ET DÉCISION
[41] L’article 2503 du Code civil du Québec établit en ces termes l’obligation d’un assureur de prendre fait et cause et d’assumer la défense de son assuré :
2503. L’assureur est tenu de prendre fait et cause pour toute personne qui a droit au bénéfice de l’assurance et d’assumer sa défense dans toute action dirigée contre elle.
Les frais et frais de justice qui résultent des actions contre l’assuré, y compris ceux de la défense, ainsi que les intérêts sur le montant de l’assurance, sont à la charge de l’assureur, en plus du montant d’assurance.
Le gouvernement peut toutefois, par règlement, déterminer des catégories de contrats d’assurance qui peuvent déroger à ces règles et à celle prévue à l’article 2500, de même que des catégories d’assurés qui peuvent être visés par de tels contrats. Il peut également prévoir toute norme applicable à ces contrats.
[42] Dans l’arrêt Progressive Homes ltée[18], la Cour suprême du Canada explique en ces termes l’obligation de défense de l’assureur :
[19] L’assureur est tenu d’opposer une défense si les actes de procédure énoncent des faits qui, s’ils se révélaient véridiques, exigeraient qu’il indemnise l’assuré relativement à la demande (Nichols c. American Home Assurance Co., 1990 CanLII 144 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 801, p. 810‑811; Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co., 2001 CSC 49, [2001] 2 R.C.S. 699, par. 28; Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada, 2006 CSC 21, [2006] 1 R.C.S. 744, par. 54‑55). Il n’est pas pertinent de savoir si les allégations contenues dans les actes de procédure peuvent être prouvées. Autrement dit, l’obligation de défendre ne dépend ni du fait que l’assuré soit réellement responsable ni du fait que l’assureur soit réellement tenu de l’indemniser. Ce qu’il faut, c’est la simple possibilité que la demande relève de la police d’assurance. Lorsqu’il ressort clairement que la demande ne relève pas de la portée de la police, soit parce qu’elle n’est pas visée par la protection initiale, soit en raison d’une clause d’exclusion, il n’y a pas d’obligation de défendre (voir Nichols, p. 810; Monenco, par. 29).
[20] En examinant les actes de procédure pour déterminer si les demandes relèvent de la portée de la police, les parties au contrat d’assurance ne sont pas liées par la terminologie employée par le demandeur (Non‑Marine Underwriters, Lloyd’s of London c. Scalera, 2000 CSC 24, [2000] 1 R.C.S. 551, par. 79 et 81). L’utilisation ou l’absence d’un terme particulier ne sera pas déterminant quant à l’existence ou non d’une obligation de défendre. Ce qui compte, c’est la nature véritable ou le contenu de la demande (Scalera, par. 79; Monenco, par. 35; Nichols, p. 810).
[Nos soulignements]
[43] Dans l’arrêt subséquent Ledcor c. Nortbridge[19], la Cour suprême établit comme suit le fardeau de preuve des parties en de telles matières :
[52] Il importe également de garder à l’esprit les indications données par notre Cour dans Progressive Homes quant à l’ordre « généralement recommandé » pour l’interprétation des polices d’assurance (par. 28). L’affaire Progressive Homes concernait des polices d’assurance de responsabilité civile des entreprises et non des polices d’assurance chantier, mais les deux types de police partagent la même structure alternative, en ce sens qu’elles prévoient le type de garantie puis des exclusions précises, et certaines exclusions comportent des exceptions. En conséquence, l’assuré a le fardeau d’établir en premier lieu que le dommage ou la perte faisant l’objet de la réclamation relevait de la garantie initiale. Les parties aux présents pourvois ont concédé que les assurées s’étaient acquittées de ce fardeau (motifs du juge de première instance, par. 9). Il y a alors déplacement du fardeau de la preuve et l’assureur doit établir que l’une des exclusions de la garantie s’applique. S’il y parvient, le fardeau de la preuve se déplace à nouveau et il incombe à l’assuré de prouver qu’une exception à l’exclusion s’applique (voir Progressive Homes, par. 26‑29 et 51). Contrairement à l’affirmation de la Cour d’appel au par. 26 de ses motifs selon laquelle l’exclusion et l’exception en l’espèce doivent être interprétées [traduction] « en symbiose », je ne vois aucune raison de déroger à l’ordre d’interprétation généralement reconnu pour analyser la police et la clause d’exclusion.
[Nos soulignements]
[44] L’obligation d’assumer la défense comporte celle de compenser l’assuré pour les honoraires professionnels raisonnables encourus, en plus de l’indemniser en cas de condamnation.
[45] Tel que mentionné précédemment, Intact s’appuie sur les termes de la police d’assurance pour contester les deux réclamations. D’abord une exclusion en raison d’un sinistre antérieur quant à la demande relative à l’outrage au tribunal et l’absence de couverture relativement à la plainte à l’Ordre des CPA.
[46] Les dispositions pertinentes de la police d’assurance de la responsabilité civile contractée par Robitaille Équipement inc. sont les suivantes[20] :
II. DÉFINITIONS
(A) « Acte fautif » a le sens qui lui est attribué dans la couverture d’assurance de la responsabilité civile visée.
(B) « Assuré » a le sens qui lui est attribué dans la couverture d’assurance visée.
[…]
(H) « Fondé sur » : fondé sur, découlant de, se rapportant à ou résultant directement ou indirectement de.
(I) « Frais de défense » : les frais, honoraires ou charges raisonnables (y compris sans s’y limiter les honoraires d’avocats, de comptables et d’experts) et des autres frais engagés dans la défense ou l’enquête d’une réclamation, y compris les frais associés à des services conseils en matière de preuve électronique.
[…]
(O) « Personne assurée » a le sens qui lui est attribué dans la couverture d’assurance de la responsabilité civile visée.
[…]
[47] Par ailleurs, les dispositions du document « Couverture d’assurance responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants » doivent être analysées de concert avec la police. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :
Formulaire 700.3 version 1 (Pièce D-3)
(Extraits pertinents)
I NATURE ET ÉTENDUE DE LA GARANTIE
[…]
(B) Garantie relative à l’indemnisation de la responsabilité civile des personnes assurées :
Le Souscripteur convient de payer au nom de la société, un sinistre à l’égard duquel la société accorde à une personne assurée une indemnisation, dans la mesure autorisée ou exigée par la loi, en cas de réclamation présentée pour la première fois contre cette personne assurée pendant la période d’assurance ou pendant la période de garantie subséquente, le cas échéant, en raison d’un acte fautif.
(C) Garantie responsabilité civile de la société :
Le Souscripteur convient de payer, au nom de la société, un sinistre découlant d’une réclamation présentée pour la première fois contre elle pendant la période d’assurance ou pendant la période de garantie subséquente, le cas échéant, en raison d’un acte fautif.
I DÉFINITIONS
(A) « Acte fautif »
(1) un acte, une erreur, une omission, une déclaration erronée ou trompeuse ou un manquement à des obligations commis ou prétendument commis par une personne assurée en sa qualité à ce titre, ou de toute affaire reprochée à une personne assurée du simple fait de son statut à ce titre;
[…]
(3) un acte fautif d’un professionnel à l’emploi;
[…]
B) « Acte fautif » d’un professionnel à l’emploi » : un acte, une erreur ou une omission commis ou prétendument commis dans le cadre de services professionnels rendus pour la société, ou le défaut de rendre de tels services, par un employé ou un membre de la direction qui est un comptable professionnel agréé, et uniquement dans le cadre de ses fonctions à ce titre.
[…]
(F) « Date des litiges en instance ou antérieurs » : la date de prise d’effet de la présente couverture d’assurance (ou la date de prise d’effet du premier contrat émis par le Souscripteur à la société désignée comprenant la présente Couverture d’assurance dans le cadre d’une suite ininterrompue de renouvellements) ou tel que prévu par un avenant modifiant la présente Couverture d’assurance.
[…]
(L) « Fondé sur » a le sens qui lui est attribué aux Dispositions générales.
[…]
(DD) « Réclamation :
(1) toute demande écrite (autre qu’une action oblique ou demande dérivée) visant des redressements pécuniaires ou non pécuniaires, y compris une injonction;
(2) toute poursuite civile intentée par la signification d’une plainte, d’une mise en demeure, d’un avis de réclamation ou d’un acte de procédure analogue;
(3) toute poursuite pénale ou criminelle intentée par une arrestation, un énoncé des allégations, une dénonciation, une mise en accusation ou un document semblable;
(4) toute enquête ou procédure d’ordre administratif ou règlementaire intentée par le dépôt d’un avis d’inculpation, d’une ordonnance officielle d’enquête, d’une plainte ou d’un document semblable;
(5) toute procédure d’arbitrage ou de médiation intentée par la réception d’une requête visant la désignation d’un arbitre ou d’un médiateur, d’une demande d’arbitrage ou d’une demande de médiation, ou de tout autre document semblable;
(6) tout recours en cas d’abus;
contre un Assuré pour un acte fautif;
(7) toute enquête d’ordre civil, criminel, administratif ou règlementaire intentée par la signification à, ou par la réception par une personne assurée d’un avis écrit de la part d’une autorité d’enquête désignant expressément la personne assurée comme une personne contre laquelle des accusations formelles pourraient être portées;
(8) toute demande officielle d’extradition pour un acte fautif;
(9) toute requête écrite reçue par un assuré et visant la suspension ou l’annulation d’un délai de prescription relatif à toute affaire énoncée aux points (1) à (8) ci-dessus;
ou
(10) aux fins de la garantie (A) Garantie relative aux sinistres non-indemnisés subis par les personnes assurées, une demande écrite présentée à une personne assurée (y compris une personne assurée dans le cadre de ses fonctions au sein d’une entité extérieure) et engageant sa responsabilité statutaire dans l’éventualité où l’entité extérieure se truve en situation d’insolvabilité financière.
[…]
(GG) « Sinistre », toute somme qu’un Assuré est légalement tenu de payer par suite d’une réclamation couverte, y compris, mans sans s’y limiter :
(1) les dommages-intérêts compensatoires, les jugements (y compris les intérêts courus avant et après jugement), ou les règlements;
(2) les dommages punitifs, exemplaires ou multipliés, dans la mesure où ils sont assurables aux termes de la loi d’une juridiction ayant des liens substantiels avec les Assurés, le présent contrat ou la réclamation donnant lieu à ces dommages et étant le plus favorable à leur assurabilité;
(3) les amendes ou pénalités civiles imposées à l’encontre d’une personne assurée, y compris en vertu de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers du Canada, de l’alinéa 2(g)(2)(B) du « Foreign Corrupt Pratice Act » des États-Unis d’Amérique ou toute législation analogue, dans la mesure où les amendes ou pénalités sont assurables aux termes de la loi d’une juridiction ayant des liens substantiels avec les Assurés, le présent contrat ou la réclamation donnant lieu à ces amendes ou pénalités et étant le plus favorable à leur assurabilité;
(4) tous les frais imposés à l’encontre des Assurés dans le cadre d’une poursuite civile dont la défense est entreprise par le Souscripteur; ou
(5) les frais de défense.
Sinistre ne comprend pas :
(a) toute somme non assurable aux termes de la loi en vertu de laquelle la présente couverture d’assurance est interprétée, outre les dispositions prévues aux paragraphes (2) et (3) ci-dessus;
(b) les amendes ou pénalités criminelles imposées à l’encontre d’une personne assurée ou les amendes ou pénalités civiles ou criminelles imposées à l’encontre de la société;
(c) les taxes ou pénalités fiscales imposées à l’encontre de la société ou d’une entité extérieure (que ce soit par une autorité fédérale, provinciale, territoriale, d’État locale ou une autre autorité gouvernementale) autres que des responsabilités statutaires dont une personne assurée serait tenue personnellement responsable;
(d) les frais engagés dans le but de se conformer à une injonction ou toute autre redressement non pécuniaire, ou pour respecter une convention à cet égard;
(e) la perte d’honoraires, de profits ou d’autres revenus ou frais engagés par un Assuré se rapportant à la cessation, à la suspension ou à la limitation de son droit de participer à un programme offert par un organisme gouvernemental, règlementaire ou administratif, qu’il soit fédéra, provincial, territorial d’État ou local; ou
(f) les frais engagés par la société en lien avec le dépistage, le contrôle, le nettoyage, l’enlèvement, l’élimination, l’atténuation, la remédiation, le confinement, le traitement, la détoxification, la décontamination ou la neutralisation de polluants, incluant les coûts de mise en œuvre de telles mesures.
[…]
I EXCLUSIONS
EXCLUSIONS VISANT L’ENSEMBLE DES RÉCLAMATIONS
La présente couverture d’assurance ne s’applique pas et ne prévoit aucune garantie à l’égard de tout sinistre découlant de toute réclamation :
[…]
(A) LITIGES EN INSTANCE OU ANTÉRIEURS
fondée sur un litige ou une procédure administrative, réglementaire ou d’arbitrage, en instance et/ou antérieur, contre un Assuré à la date des litiges en instance ou antérieurs, ou à un fait, une circonstance, une situation, une transaction, un événement ou un acte fautif identique ou essentiellement identique ou essentiellement identique, sous-jacent ou allégué;
(L) PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
pour la violation, réelle ou alléguée, d’un brevet, d’un droit d’auteur ou d’une marque de commerce ou de l’appropriation indue de la propriété intellectuelle, d’idées ou de secrets commerciaux;
Avenant GE-0002
Le présent avenant modifie le contrat, lisez-le attentivement.
Il est entendu que cette police ou section d’assurance spécifique ne s’applique pas à toute réclamation fondée sur tout acte fautif commis ou prétendument commis avant la date (31 mai 1018), tous les autres termes, conditions et restrictions de ce contrat demeurent inchangés.
[48] Dans sa lettre de négation de couverture, Intact reconnaît que dans le cadre du contrat d’assurance intervenu avec Robitaille Équipement inc., monsieur Pilon est une personne assurée à qui une réclamation a été présentée en raison d’un acte fautif en ce qui concerne la requête en outrage au tribunal, sans égard au fait que cette réclamation ne puisse mener à une demande d’indemnisation.
[49] Par contre, tant à l’égard de Robitaille Équipement inc. que de Pilon, Intact soulève l’exclusion fondée sur un litige antérieur. Rappelons à cet égard que l’exclusion B) de la partie 3 du contrat énonce clairement qu’un sinistre découlant de toute réclamation fondée sur un litige antérieur ou à un fait, une circonstance, une situation, une transaction, un événement ou un acte fautif identique ou essentiellement identique sous-jacent ou allégué n'est pas couvert et fait l’objet d’une exclusion.
[50] En l’espèce, la contravention au brevet 830, laquelle a fait l’objet d’un jugement en 2005, d’une demande en outrage au tribunal contre la demanderesse Robitaille Équipement inc. en 2007, d’une demande introductive d’instance en injonction et en dommages de 2016, constitue la base de ce qui a amené la demande en outrage au tribunal déposée contre les demandeurs.
[51] Les demandeurs soutiennent qu’ils n’étaient pas une partie dans le jugement rendu en 2005, lequel délivre l’injonction contre PNS. Or, même s’ils n’étaient pas nommés spécifiquement, Robitaille Équipement inc. a été assimilée à un sous-traitant sujet à l’ordonnance d’injonction délivrée par le greffier spécial de notre Cour en 2005.
[52] D’ailleurs, Robitaille Équipement inc. a été visée directement avec PNS dans le cadre de la demande en outrage au tribunal de l’ordonnance de 2005 ayant donné lieu au jugement du juge Pronovost en 2007. Bien que le juge Pronovost ait retenu que Robitaille agissait comme sous-traitant, l’outrage a été rejeté à son égard en raison de l’absence de preuve de connaissance de l’injonction.
[53] Ce statut de sous-traitant de PNS a d’ailleurs été confirmé à l’égard de Robitaille dans trois jugements distincts, comme le rappelle la juge Ouellet dans son jugement du 13 août 2021[21] :
[26] La défenderesse Robitaille Équipement inc. est un distributeur, notamment de Lames Nordik. La défenderesse Équipement DHP est également un distributeur de Robitaille Équipement inc.[19]
[27] Les juges Pronovost et Bélanger ont assimilé le distributeur à un sous-traitant. Robitaille Équipement inc. était donc visée par l’ordonnance d’injonction permanente du 19 septembre 2005[20].
[28] Dans son jugement du 27 septembre 2007, par lequel il déclare Fontes PNS coupable d’outrage au tribunal, le juge Pronovost s’exprime ainsi :
[10] La défenderesse, Robitaille Équipement inc., est un des sous-traitants de la défenderesse, Les Fontes P.N.S. Ltée. Elle vend des lames fabriquées par eux et elle a vendu entre autres à une occasion, une lame pour le système « Articulated Scraper Blade System » du demandeur.
[29] Dans le deuxième recours en outrage contre Fontes PNS (qui vise le distributeur Équipement Fédéral), la juge Bélanger dispose comme suit de l’argument plaidé par Fontes PNS selon lequel un distributeur ne serait pas un sous-traitant :
[42] Il apparaît que le terme « sous-traitant » comprend les distributeurs de la défenderesse. C’est ainsi que dans son jugement, le juge Raymond Pronovost a appelé le distributeur. Le Tribunal constate que même le procureur de la défenderesse utilise le mot « sous-traitants » en référant aux distributeurs.
[43] Ainsi, le Tribunal est d’avis que bien que le mot « distributeur » ne soit pas inclus dans l’ordonnance d’injonction, « sous-traitants » réfère directement aux deux distributeurs, lesquels dans les faits, effectuent les ventes de lames de la défenderesse. Ce qui enlève également tout doute à cet égard, c’est que la quasi-totalité des ventes de la défenderesse est faite par les distributeurs.
[44] Ainsi donc, le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure que la défenderesse ainsi que ses employés, administrateurs ou sous-traitants n’ont pas le droit de vendre les lames en question. Il est clair qu’aux termes même de l’ordonnance, Équipement Fédéral n’a pas le droit de vendre les lames en question.
[30] Rappelons que la Cour d’appel a rejeté l’appel des jugements du juge Pronovost des 27 septembre et 9 novembre 2007[22] et a accueilli la requête en rejet d’appel du jugement de la juge Bélanger[23].
[31] L’interprétation de la notion de sous-traitant s’inscrit dans l’esprit de l’ordonnance du 19 septembre 2005.
[32] Le Tribunal estime que ces deux jugements constituent des précédents valables sur la notion de sous-traitant auquel la soussignée souscrit dans le cadre du présent litige.
[54] Mais qu’à cela ne tienne, Robitaille et Pilon sont sans contestation possible visés par le recours en injonction de Hamel en 2016, lequel donnera lieu ultérieurement à la demande en outrage au Tribunal.
[55] À l’évidence, la demande introduite en injonction en 2016 est antérieure à la proposition d’assurance et au début de couverture survenu le 30 mai 2018.
[56] La demande en outrage au tribunal est liée directement avec le litige antérieur à l’entrée en vigueur de la police relatif au respect du brevet 830. Cette demande en outrage au tribunal a d’ailleurs été déposée sous le même numéro et dans le même dossier de cour que celui de la demande introduite en 2016 en injonction contre les demandeurs.
[57] À l’audience, le demandeur Pilon a témoigné et a affirmé avoir bien compris l’exclusion relative au sinistre fondé sur un litige antérieur. À cet égard, la note ajoutée à la proposition d’assurance ne peut laisser de doute.
[58] Rappelons que le terme « fondé sur » est défini à la police comme suit :
Fondé sur : Fondé sur, découlant de, se rapportant à ou résultant directement ou indirectement de[22];
[Nos soulignements]
[59] La demande en outrage au tribunal a un lien direct et se situe en continuum d’un litige antérieur visant le brevet 830. Même s’il y avait un doute, il est manifeste qu’elle a à tout le moins un lien indirect justifiant l’exclusion soulevée par l’assureur.
[60] Ce motif d’exclusion suffit pour rejeter la réclamation des frais de défense dans le cadre de l’outrage au tribunal, sans égard aux arguments additionnels soulevés par Intact basés notamment sur l’avenant GE0002 ou sur l’exclusion L) applicable à la garantie C) relative à la violation d’un brevet d’un droit d’auteur.
[61] Dans l’arrêt Nichols c. American Home Assurance Co.[23], la Cour suprême explique qu’il n’y a pas d’obligation de défendre en présence de motifs d’exclusion :
Jusqu'ici, je m'en suis tenue à la formulation même de la police. Cependant, les principes généraux applicables à l'interprétation des contrats d'assurance étayent la conclusion que l'obligation de défendre n'existe que lorsque les actes de procédure portent sur des réclamations qui seraient payables en vertu de la clause d'indemnisation du contrat d'assurance. Les tribunaux ont souvent affirmé que [TRADUCTION] "[l]es actes de procédure régissent l'obligation de défendre": Bacon v. McBride (1984), 1984 CanLII 3061 (ON SC), 6 D.L.R. (4th) 96 (C.S.C.‑B.), à la p. 99. On a conclu que l'obligation de défendre n'existe pas lorsqu'il ressort clairement des actes de procédure que la poursuite ne relève pas de la portée de la police en raison d'une clause d'exclusion: Opron Maritimes Construction Ltd. v. Canadian Indemnity Co. (1986), 1986 CanLII 89 (NB CA), 19 C.C.L.I. 168 (C.A.N.‑B.), autorisation de pourvoi refusée par notre Cour, [1987] 1 R.C.S. xi.
[62] De la même manière, dans l’arrêt Géodex inc.[24], la Cour d’appel du Québec rappelle la règle :
[32] Deuxièmement, le juge des requêtes conclut, après analyse des allégations, en leur donnant la portée la plus large possible, et de la police, que les réclamations découlant des faits allégués, tenus pour avérés à cette étape, ne relèvent clairement pas de la couverture ou sont spécifiquement exclues par la police. L’assureur ne peut se voir alors contraint de défendre l’assuré. […]
[63] Eu égard à ce qui précède, la demande des demandeurs relativement au remboursement des frais de défense à la demande en outrage au tribunal de Hamel et 9125 doit être rejetée.
2. La plainte déposée auprès du Syndic de l’Ordre des CPA :
[64] Le demandeur Pilon est membre de l’Ordre des CPA et a fait l’objet d’une demande d’enquête auprès du syndic adjoint de son ordre professionnel pour violation d’ordonnances de la Cour et non pas pour un acte fautif commis comme dirigeant ou administrateur de Robitaille Équipement inc. tel que défini à la police.
[65] Rappelons que le syndic d’un ordre professionnel agit pour la protection du public de manière à s’assurer du respect des règles déontologiques gouvernant une profession. À la suite de la réception d’un signalement, il peut faire enquête, comme il l’a fait en l’espèce, et a requis des informations du professionnel visé.
[66] Dans l’éventualité où une plainte est déposée, elle peut mener à une sanction et non à une condamnation à des dommages à être compensés par l’assureur.
[67] À l’audience, le demandeur Pilon convient que la police d’assurance le liant à Intact vise la protection à titre d’administrateur et qu’il ne s’agit pas là d’une police d’assurance professionnelle. Il ne se décharge pas de son fardeau de démontrer que son droit relève de la garantie à être assumée par Intact.
[68] Eu égard à ce qui précède, les honoraires réclamés pour préparer la réponse transmise au syndic de l’Ordre des CPA ayant donné lieu à la fermeture du dossier d’enquête ne sont pas couverts par la police d’assurance, justifiant le refus d’Intact.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[69] REJETTE la demande des demandeurs;
[70] AVEC frais de justice.
| |
| __________________________________ DENIS JACQUES, j.c.s. |
| |
| |
Me Dominic Labbé Me Audrey Fiset-Cholette | |
BEAUVAIS TRUCHON | |
Avocats des demandeurs | |
Casier 65 | |
| |
Me Jean-Philippe Beaudry Me Hubert Chiasson | |
LANGLOIS AVOCATS | |
Avocats de la défenderesse | |
Casier 115 | |
| |
| |
Date d’audience : 5 février 2024 |
[1] Voir registre des entreprises, secteur d’activité, pièce P-1.
[2] Dossier 200-17-004206-041.
[3] Jugement du 19 septembre 2005 du greffier spécial André Belleau dans Hamel c. Les fontes PNS, 200-17-004206-041.
[4] Voir pièces P-9.1, R-2, dossier 200-17-004206-041, jugement confirmé en appel dans Fonte PNS Ltée c. Hamel, 2008 QCCA 2247, pièce P-9.1, R-4.
[5] Voir pièce P-9.1, R-5; demande de rejet accueillie par la Cour d’appel le 8 juin 2009, 2009 QCCA 1137, pièce P-9.1, R-6.
[6] Dossier 200-17-024522-161.
[7] Voir pièce P-9.1, R-12.
[8] Voir pièce P-9, dossier 200-17-024522-161.
[9] Voir pièce P-10.
[10] Voir pièce P-11.
[11] Voir pièce P-12.
[12] Voir pièce P-13.
[13] Voir pièce P-14.
[14] Voir pièce P-15.
[15] Voir pièce P-17.
[16] Voir pièce P-18.
[17] Voir pièce P-19.
[18] Progressive Homes ltée c. Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard, 2010 CSC 33.
[19] Ledcor c. Northbridge, 2016 2 RCS 23.
[20] Voir pièce D-2.
[21] 2021 QCCS 3405.
[22] Voir paragraphe G) de la partie II du Formulaire 700.1 (dispositions générales).
[23] Nichols c. American Home Assurance Co., [1990] 1 R.C.S. 801.
[24] Géodex inc. c. Zurich compagnie d’assurances, 2006 QCCA 558.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.