Décision

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Mercier c. Bombardier produits récréatifs inc.

2022 QCCQ 5286

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MINGAN

LOCALITÉ DE

SEPT-ILES

« Chambre civile »

 :

650-32-700310-217

 

 

 

DATE :

5 juillet 2022  

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

VICKY LAPIERRE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

RICHARD MERCIER

Demandeur

c.

BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC.

et

ATELIER DE RÉPARATION LAFORGE INC.

Défenderesses

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                 Le 10 janvier 2020, Richard Mercier achète une motoneige neuve de marque Ski-Doo pour la somme de 13 746 $.  C’est le concessionnaire Atelier de réparation Laforge inc. (Atelier Laforge) qui lui vend la motoneige de l’année 2020.  Le fabricant est  Bombardier produits récréatifs inc. (B.P.R.).

[2]                 Richard Mercier achète cette motoneige pour circuler dans les sentiers fédérés et  participer à des voyages entre amis. 

[3]                 En février 2020, il participe à un voyage en Gaspésie à motoneige sur sentiers fédérés. En tout temps, il est le seul conducteur de la motoneige. Outre ce voyage, il circule à motoneige sur les sentiers fédérés à proximité de sa résidence.  C’est seulement sur ce type de surface qu’il circule. Il ne fait aucun autre usage de la motoneige qui serait susceptible de l’endommager.

[4]                 Dès le mois d’avril 2020, il aperçoit des fissures à la base inférieure des crampons, du côté droit de la chenille.  Il est surpris puisque la motoneige n’a que trois mois d’usage.

[5]                 Richard Mercier se rend chez Atelier Laforge où il rencontre un préposé et l’informe de la situation. Le préposé lui explique qu’il dispose d’une garantie de deux ans et que si le problème s’aggrave, il n’a qu’à revenir au commerce.

[6]                 À l’hiver 2021, Richard Mercier retourne chez Atelier Laforge. La chenille du côté droit de la motoneige est fissurée à plusieurs endroits différents. Son état est tel que Richard Mercier craint qu’elle ne se rupture. Par conséquent, il n’ose plus voyager avec la motoneige comme il projetait de le faire lorsqu’il l’a achetée. Il craint pour sa sécurité s’il effectue un long voyage. Il a continué à utiliser la motoneige régulièrement mais à proximité de son lieu de résidence considérant le problème qui affecte la chenille du côté droit. 

[7]                 Le demandeur réclame le coût de remplacement de la chenille de la motoneige. Précisément, il s’agit du coût de remplacement de la pièce défectueuse (1 064,99 $ plus les taxes applicables) et de trois heures de travail chez Atelier Laforge (359,97 $ plus les taxes applicables) pour la remplacer. La réclamation du demandeur totalise 1 638,35 $.

[8]                 Atelier Laforge réfère la situation à BRP.  Pour BRP il n’y a pas lieu d’indemniser Richard Mercier. En effet, BRP considère que la motoneige a été l’objet d’une mauvaise utilisation et/ou entretien de la part de Richard Mercier.  BRP considère de plus que la garantie contractuelle qui couvrait la chenille est échue depuis janvier 2021. BRP ne reconnaît aucune responsabilité et refuse toute indemnité à Richard Mercier.

[9]                 Sylvain Thibodeau est le représentant de BRP à l’audience. Il a occupé diverses fonctions au sein de l’entreprise et occupe actuellement un poste de coordonnateur de la formation technique globale. Il a reçu des photos des problèmes affectant la motoneige de Richard Mercier en 2021. Il a refusé d’indemniser Richard Mercier puisque la garantie conventionnelle était échue à l’égard des pièces affectées. Il a entendu parler du dossier de Richard Mercier pour la première fois en 2021. Il n’a rien dans son dossier en ce qui concerne la première visite de Richard Mercier chez Atelier Laforge en 2020, lors du premier constat du bris de la chenille.

[10]           À l’audience, le Tribunal a refusé que Sylvain Thibodeau donne une opinion quant à la cause des bris affectant la chenille de la motoneige. En effet, étant employé de BRP, Sylvain Thibodeau n’a pas la neutralité requise pour agir à titre de témoin expert. Il ne peut être expert et représentant d’une partie dans la même cause.  Monsieur Thibodeau a dû limiter son témoignage à ses constations factuelles. Évidemment, il en va de même pour le demandeur.

[11]           Quant à Atelier Laforge, elle ne produit aucune contestation et ne se présente pas l’audience.

 

QUESTION EN LITIGE

[12]           Les problèmes qui affectent la chenille de la motoneige du demandeur donnent-ils ouverture à la garantie de durabilité prévue aux articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur[1], à l’égard du commerçant et du fabricant du bien?

[13]           Le Tribunal répond à cette question par l’affirmative. Voici pourquoi :

ANALYSE

[14]           Dans la présente affaire, le demandeur, un consommateur, bénéficie des protections prévues à la Loi sur la protection du consommateur.

[15]           Les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur traitent de la garantie de durabilité et de bon fonctionnement des biens.

[16]           Ces articles énoncent ce qui suit :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[17]           Ainsi, le bien doit être fait pour assurer aux consommateurs un usage normal, c’est-à-dire qu’il doit être exempt de défauts qui empêchent l’usage auquel il est normalement destiné. L’article 37 de la Loi sur la protection du consommateur a pour effet d’imposer aux fabricants et aux commerçants un résultat précis de ne pas fournir un produit qui ne réponde pas à l’attente raisonnable du consommateur ou qui est défectueux[2].

[18]           La garantie prévue aux articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur s’appliquent aux biens vendus à l’état neuf et usagé. De plus, cette garantie est d’ordre public et ne peut être écartée par une exclusion conventionnelle[3].  À titre d’exemple, et comme elle tente sans succès de le faire, BRP ne peut invoquer une garantie conventionnelle avec une couverture moindre que les garanties offertes aux articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur. 

[19]           La motoneige achetée par le demandeur chez Atelier Laforge et fabriquée par BRP ne répond pas à cette garantie d’ordre public.

[20]           Le demandeur achète une motoneige neuve au prix de 13 746 $.  Cette motoneige est achetée dans le but d’effectuer des voyages de randonnée sur sentiers fédérés avec des amis.  Dans les mois qui suivent son achat le demandeur découvre une défectuosité et s’empresse de se rendre chez Atelier Laforge. Un préposé rassure le demandeur sur l’état de la motoneige en mettant l’emphase sur le fait que de toute façon, elle est l’objet d’une garantie.

[21]           Le demandeur rassuré continue à utiliser la motoneige. Toutefois, la défectuosité s’accentue et inquiète le demandeur qui décide de ne plus effectuer de voyages de randonnée sur sentiers fédérés puisqu’il craint pour sa sécurité et celle du bien.

[22]           Aucun n’élément de preuve ne permet de conclure que le demandeur a pu avoir une utilisation inadéquate de la motoneige. Seul conducteur, il n’a fait que circuler sur sentiers fédérés.

[23]           Il n’est pas raisonnable qu’une motoneige neuve achetée à ce prix rencontre de tels problèmes en si peu de temps d’utilisation.   Le demandeur était en droit de s’attendre de pouvoir utiliser sa motoneige neuve sur sentiers fédérés pour effectuer des voyages de randonnée en toute sécurité. Rien dans la preuve n’indique des conditions anormales d’utilisation de la motoneige.

[24]           La situation particulière dans laquelle se trouve le demandeur est précisément celle de la garantie visée par les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur.  Par conséquent, le demandeur rencontre son fardeau de preuve et il a droit au coût de remplacement de la chenille de la motoneige ainsi qu’au coût de la main-d’œuvre y afférent.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[25]           CONDAMNE les défenderesses solidairement à verser au demandeur la somme de 1 638,35 $ avec intérêts au taux légal, et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 4 août 2021;

[26]           CONDAMNE les défenderesses solidairement à payer au demandeur les frais de justice de 106 $.

 

 

__________________________________

Vicky Lapierre, j.c.Q.

 

 

Date d’audience :

5 avril 2022

 


[1]  P-40 – Loi sur la protection du consommateur.

[2]  Nicole L’Heureux, Droit de la consommation, 5e édition, les Éditions Yvon Blais inc., paragraphe 57.

[3]  Claude Masse, Loi sur la protection du consommateur, Analyse et commentaires, Les Éditions Yvon Blais inc. page 259 et page 277.

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