ENTRE :
et
Audience tenue à Montréal (Québec), le 9 juin 2010.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 juin 2010.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NOËL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EN CHEF BLAIS
LA JUGE TRUDEL
|
Federal Court of Appeal |
Date : 20100630
Dossier : A-490-09
Référence : 2010 CAF 174
CORAM : LE JUGE EN CHEF BLAIS
LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LA BANQUE TORONTO-DOMINION
appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1]
Il s’agit
d’un appel dirigé à l’encontre d’une décision rendue par le juge Angers de la Cour
canadienne de l’impôt (le juge de la CCI), rejetant l’appel de la Banque
Toronto-Dominion (l’appelante) à l’encontre d’une cotisation émise en vertu de
l’article
[2] Le litige se situe au cœur d’un conflit jurisprudentiel impliquant la Cour d’appel du Québec et certains tribunaux des provinces de common law, notamment la Cour d’appel de l’Ontario quant à l’opposabilité face aux syndics et aux créanciers garantis de demandes formelles de paiement (aussi appelées avis de saisie-arrêt en main tierce) signifiées avant la faillite du débiteur fiscal mais non réglées lors de son déclenchement.
[3]
En
l'occurrence, le juge de la CCI s’en est remis aux décisions rendues par les
Cours de l’Ontario, de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et de sa
propre Cour pour conclure
que, suivant le libellé du paragraphe
[4]
L’appelante
se fonde principalement sur la décision de la Cour d’appel du Québec dans Sous-ministre
du Revenu du Québec c. De Courval,
[5] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’appel doit être rejeté.
FAITS PERTINENTS
[6] Les faits sont forts simples. Chacune des parties adopte aux fins du présent appel le sommaire qu’en a fait le juge de la CCI (motifs, para. 1) :
a) la Société 9161-3505 Québec inc. (ci-après 9161) ayant
une dette de 12 014,93 $ envers l'intimée, le ministre du Revenu du Québec (le [m]inistre),
par l'entremise d'un de ses fonctionnaires autorisés, a transmis à l'appelante
le 11 décembre 2007 une demande formelle de paiement en vertu des paragraphes
317(1) et (
b) au moment où le ministre a transmis la demande formelle de paiement à l'appelante, elle détenait une somme de 8 868,19 $ appartenant à 9161;
c) le 24 décembre 2007, 9161 a déposé un avis d'intention de faire une proposition à ses créanciers en vertu de la [LFI];
d) le 24 décembre 2007, le syndic à la proposition de 9161 a transmis à l'appelante, en vertu de la LFI, un avis de surseoir à la demande formelle de paiement;
e) l'appelante ne s'est pas conformée à la demande formelle de paiement du 11 décembre 2007 au 24 décembre 2007 alors que le compte bancaire de 9161 affichait un solde positif de 8 868,19 $;
f) le 9 avril 2008, le ministre a établi un avis de
cotisation à l'égard de l'appelante pour
6 000,22 $ en vertu de l'article 317 de la [LTA] et, le 22 avril 2008,
l'appelante s'y est opposée;
g) le ou vers le 21 octobre 2008, l'agent d'opposition a rejeté l'opposition mais a recommandé que la somme visée par la cotisation soit réduite à 2 867,97 $ en raison du fait que le montant de 6 000,22 $ exigé avait déjà été cotisé en vertu des articles 15.5 et 15.6 de la [LTA] sur le ministère du Revenu du Québec alors que le solde positif au compte bancaire n'était que de 8 868,19 $, ne laissant ainsi que 2 867,97 $ dans le compte;
h) une nouvelle cotisation fut donc établie le 26 septembre 2008 et elle fait l'objet du présent appel.
[7]
Tant au stade
de l’opposition que devant la CCI, l’appelante a fait valoir que puisqu’elle
n’avait toujours pas payé le montant réclamé par le ministre lorsqu’elle a reçu
l’avis de surseoir, le paragraphe
CADRE LÉGISLATIF
[8]
Le paragraphe
317. (3) Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout texte législatif fédéral à l’exception de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, tout texte législatif provincial et toute règle de droit, si le ministre sait ou soupçonne qu’une personne est ou deviendra, dans les douze mois, débitrice d’une somme à un débiteur fiscal, ou à un créancier garanti qui, grâce à un droit en garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal, il peut, par avis écrit, obliger la personne à verser au receveur général tout ou partie de cette somme, immédiatement si la somme est alors payable, sinon dès qu’elle le devient, au titre du montant dont le débiteur fiscal est redevable selon la présente partie. Sur réception par la personne de l’avis, la somme qui y est indiquée comme devant être versée devient, malgré tout autre droit en garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté du chef du Canada, jusqu’à concurrence du montant dont le débiteur fiscal est ainsi redevable selon la cotisation du ministre, et doit être versée au receveur général par priorité sur tout autre droit en garantie au titre de cette somme.
[…]
|
317. (3) Despite any other provision of this Part, any other enactment of Canada other than the Bankruptcy and Insolvency Act, any enactment of a province or any law, if the Minister has knowledge or suspects that a particular person is, or will become within one year, liable to make a payment
(a) to a tax debtor, or
(b) to a secured creditor who has a right to receive the payment that, but for a security interest in favour of the secured creditor, would be payable to the tax debtor,
the Minister may, by notice in writing, require the particular person to pay without delay, if the moneys are payable immediately, and in any other case as and when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor or the secured creditor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor’s liability under this Part, and on receipt of that notice by the particular person, the amount of those moneys that is so required to be paid to the Receiver General shall, despite any security interest in those moneys, become the property of Her Majesty in right of Canada to the extent of that liability as assessed by the Minister and shall be paid to the Receiver General in priority to any such security interest.
…
|
[Je souligne.]
[9]
La personne
qui fait défaut de remettre le montant exigé devient elle-même redevable de ce
montant (para.
[10]
Le paragraphe
[11] Les dispositions équivalentes de la LMR sont les suivantes :
[Je souligne.]
[12]
Il est aussi
utile de reproduire le paragraphe
224. (1.2) Nonobstant les autres dispositions de la présente loi et nonobstant la Loi sur la faillite, tout autre texte législatif fédéral, tout texte législatif provincial et toute règle de droit, s'il sait ou soupçonne qu'une personne donnée est ou deviendra, dans les 90 jours, débiteur d'une somme
a) soit à un débiteur fiscal, à savoir une personne redevable d'un montant cotisé en application du paragraphe 227(10.1) ou d'une disposition semblable, b) soit à un créancier garanti, à savoir une personne qui, grâce à une garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal,
le ministre peut, par lettre recommandée ou signifiée à personne, obliger la personne donnée à payer au receveur général tout ou partie de cette somme, sans délai si la somme est payable immédiatement, sinon dès qu'elle devient payable, au titre du montant cotisé en application du paragraphe 227(10.1) ou d'une disposition semblable dont le débiteur fiscal est redevable. Sur réception de la lettre par la personne donnée, la somme qui y est indiquée comme devant être payée devient, nonobstant toute autre garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté et doit être payée au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de cette somme.
|
224. (1.2) Notwithstanding any other provision of this Act, the Bankruptcy Act, any other enactment of Canada, any enactment of a province or any law, where the Minister has knowledge or suspects that a particular person is or will become, within 90 days, liable to make a payment
(a) to another person (in this subsection referred to as the “tax debtor”) who is liable to pay an amount assessed under subsection 227(10.1) or a similar provision, or (b) to a secured creditor who has a right to receive the payment that, but for a security interest in favour of the secured creditor, would be payable to the tax debtor,
the Minister may, by registered letter or by a letter served personally, require the particular person to pay forthwith, where the moneys are immediately payable, and in any other case, as and when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor or the secured creditor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor's liability under subsection 227(10.1) or a similar provision, and on receipt of that letter by the particular person, the amount of those moneys that is required by that letter to be paid to the Receiver General shall, notwithstanding any security interest in those moneys, become the property of Her Majesty and shall be paid to the Receiver General in priority to any such security interest.
|
[Je souligne.]
[13] Avant cet amendement, le texte qui suivait l’alinéa b) se lisait comme suit :
le ministre peut, par lettre recommandée ou signifiée à personne, obliger la personne donnée à payer au receveur général tout ou partie de cette somme, sans délai si la somme est payable immédiatement, sinon dès qu’elle devient payable, au titre du montant cotisé en application du paragraphe 227(10.1) ou d’une disposition semblable dont le débiteur fiscal est redevable.
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the Minister may, by registered letter or by a letter served personally, require the particular person to pay forthwith, where the moneys are immediately payable, and in any other case, as an when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor or the secured creditor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor’s liability under subsection 227(10.1) or a similar provision.
|
[14] Le paragraphe 224(1.2), dans son libellé actuel, demeure essentiellement le même qu’en 1990. Je souligne, par souci de ne rien oublier, la substitution du mot « nonobstant » au tout début du texte français ainsi que dans le paragraphe final, par le mot « malgré » en 1994. Par ailleurs, le mot « notwithstanding » dans le texte anglais est demeuré inchangé. Je ne crois pas que l’on puisse voir dans ce changement une intention de modifier le sens de cette disposition.
[15]
Le paragraphe
70. (1) Toute ordonnance de faillite rendue et toute cession faite en conformité avec la présente loi ont priorité sur toutes saisies, saisies-arrêts, certificats ayant l’effet de jugements, jugements, certificats de jugements, hypothèques légales résultant d’un jugement, procédures d'exécution ou autres procédures contre les biens d’un failli, sauf ceux qui ont été complètement réglés par paiement au créancier ou à son représentant, et sauf les droits d’un créancier garanti. |
70. (1) Every bankruptcy order and every assignment made under this Act takes precedence over all judicial or other attachments, garnishments, certificates having the effect of judgments, judgments, certificates of judgment, legal hypothecs of judgment creditors, executions or other process against the property of a bankrupt, except those that have been completely executed by payment to the creditor or the creditor’s representative, and except the rights of a secured creditor.
|
[Je souligne.]
[16] Cette disposition demeure inchangée depuis son adoption en 1985 (L.R.C., ch. B-3, art. 1).
[17] Les paragraphes 67(2) et (3) ainsi que 86(1) et (3) de la LFI sont aussi pertinents à l’analyse:
67. (2) Fiducies présumées - Sous réserve du paragraphe (3) et par dérogation à toute disposition législative fédérale ou provinciale ayant pour effet d’assimiler certains biens à des biens détenus en fiducie pour Sa Majesté, aucun des biens du failli ne peut, pour l’application de l’alinéa (1)a), être considéré comme détenu en fiducie pour Sa Majesté si, en l’absence de la disposition législative en question, il ne le serait pas.
(3) Exceptions - Le paragraphe (2) ne s’applique pas à l’égard des montants réputés détenus en fiducie aux termes des paragraphes 227(4) ou (4.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, des paragraphes 23(3) ou (4) du Régime de pensions du Canada ou des paragraphes 86(2) ou (2.1) de la Loi sur l’assurance-emploi (chacun étant appelé « disposition fédérale » au présent paragraphe) ou à l’égard des montants réputés détenus en fiducie aux termes de toute loi d’une province créant une fiducie présumée dans le seul but d’assurer à Sa Majesté du chef de cette province la remise de sommes déduites ou retenues aux termes d’une loi de cette province, dans la mesure où, dans ce dernier cas, se réalise l’une des conditions suivantes : […]
|
67. (2) Deemed trusts - Subject to subsection (3), notwithstanding any provision in federal or provincial legislation that has the effect of deeming property to be held in trust for Her Majesty, property of a bankrupt shall not be regarded as held in trust for Her Majesty for the purpose of paragraph (1)(a) unless it would be so regarded in the absence of that statutory provision.
(3) Exceptions - Subsection
(2) does not apply in respect of amounts deemed to be held in trust under
subsection …
|
86. (1) Réclamations de la Couronne - Dans le cadre d’une faillite ou d’une proposition, les réclamations prouvables - y compris les réclamations garanties - de Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province ou d’un organisme compétent au titre d’une loi sur les accidents du travail prennent rang comme réclamations non garanties.
[…]
(3) Effet - Le paragraphe (1) n’a pas pour effet de porter atteinte à l’application des dispositions suivantes :
a) les paragraphes 224(1.2) et (1.3) de la Loi de l’impôt sur le revenu;
b) toute
disposition du Régime de pensions du Canada ou de la Loi sur
l’assurance-emploi qui renvoie au paragraphe
[…]
|
86. (1) Status of Crown claims - In relation to a bankruptcy or proposal, all provable claims, including secured claims, of Her Majesty in right of Canada or a province or of any body under an Act respecting workers’ compensation, in this section and in section 87 called a “workers’ compensation body”, rank as unsecured claims.
…
(3) Exceptions - Subsection (1) does not affect the operation of
(a) subsections
(b) any
provision of the Canada Pension Plan or of the Employment Insurance
Act that refers to subsection
… |
[Je souligne.]
LA DÉCISION DU JUGE DE LA CCI
[18] Après avoir résumé les faits, le juge de la CCI identifie de nombreuses questions qu’il considère pertinentes à son analyse, dont la suivante (motifs, para. 2) :
[…] Y-a-t-il eu un transfert de propriété de cet argent […] suite […] [à la demande formelle de paiement] et, si oui, est-ce que l'avis de surseoir annule le droit de propriété?
[19]
Le juge de la
CCI revoit dans un premier temps les décisions rendues par sa propre Cour dans Wa-Bowden
Real Estate Reports Inc. c. La Reine, [1997] A.C.I. no.
582 (Wa-Bowden)
et Absolute Bailiffs Inc. c. Canada, [2002] A.C.I. no 549, lesquelles
soutiennent le point de vue selon lequel le paragraphe
[20] Le juge de la CCI aborde aussi les décisions de la Cour d’appel de l’Ontario et de la Saskatchewan dans Bank of Montreal v. Canada (Attorney General), 66 O.R. (3d) 161 (Bank of Montreal) et Encor Energy Corp. c. Slaferek’s Oilfield Services (1983) Ltd., [1995] G.S.T.C. 54, ainsi que celle de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Canoe Cove Manufacturing Ltd. (Re), 2 GTC 7151, [1994] B.C.J. No. 982, lesquelles vont toutes dans le même sens (motifs, paras. 7 à 12).
[21]
Dans un
troisième temps, le juge de la CCI aborde les décisions issues du Québec,
notamment Giguère et le Ministre du Revenu du Québec c. Lloyd Woodfine et la
Banque Nationale du Canada,
[22]
Le juge de la
CCI refuse de suivre la tendance jurisprudentielle québécoise. Selon lui, l’on
doit tenir compte de la décision de la Cour suprême dans Alberta (Treasury
Branches) c. Canada (Ministre du revenu national),
[23] Le juge de la CCI conclut son analyse comme suit (motifs, para. 27) :
Nonobstant le fait que le paragraphe
POSITION DES PARTIES
[24]
L’appelante s’en
remet à l’interprétation retenue par les tribunaux québécois, en particulier aux
motifs de la Cour d’appel dans De Courval lesquels comportent l’analyse
la plus complète et exhaustive sur le sujet. Elle soutient que le paragraphe
[25]
Selon
l’appelante, la décision récente de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Québec
(Revenu) c. Caisse populaire Desjardins de Montmagny,
[26]
L’intimée pour
sa part reconnaît d’emblée que toute fiducie réputée portant sur la TPS impayée
par 9161 (la débitrice fiscale) a nécessairement pris fin lors de la faillite.
Elle prétend cependant que ceci n’affecte en rien l’opération de la mesure de
recouvrement prévue au paragraphe
[27]
Selon
l’intimée, il est bien établi depuis la décision de la Cour suprême dans Alberta
que le paragraphe
[28]
Toujours
selon l’intimée, le raisonnement de la Cour d’appel du Québec dans De
Courval est fondé sur une mauvaise interprétation de la strophe « à
l’exception de la [LFI] » qui apparaît au paragraphe
ANALYSE
[29]
La question
en litige est la suivante : Lorsque le ministre transmet une demande
formelle de paiement en vertu du paragraphe
[30]
La réponse à
cette question dépend du sens à donner aux mots « à l’exception de la [LFI] »
(dans le texte anglais « other than the [BIA] ») tels qu’ils
apparaissent au paragraphe
[31] L’appelante prétend, disant s’en remettre au sens normal des mots, que cette strophe fait en sorte que le paragraphe 317(3) a ses effets malgré tout autre texte législatif, sauf la LFI. C’est donc que si une disposition quelconque de la LFI a pour effet de contrer l’opération du paragraphe 317(3), elle a préséance.
[32] L’intimée par contre est d’avis que la strophe a pour effet de circonscrire l’exercice du pouvoir du ministre dans le temps en empêchant son exercice après la mise en œuvre de la LFI. Puisqu’en l’occurrence la demande fut signifiée avant le dépôt de l’avis de surseoir, le pouvoir a été validement exercé.
[33] La question ainsi posée en est une de pure interprétation statutaire. Ainsi est-il nécessaire de rappeler que les dispositions de tout texte législatif, incluant les lois de nature fiscale, doivent être interprétées selon leur contexte et leur cadre juridique d’ensemble (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5ième éd. 2008, p. 276)).
[34] Avant d’aborder cette question, il y a lieu de se pencher sur la décision de la Cour d’appel du Québec dans De Courval sur laquelle l’appelante a consacré toute sa plaidoirie. Les faits qui sous-tendent cette décision sont semblables à ceux ici en cause sauf quant à la nature des taxes impayées (taxe de vente du Québec ou TVQ) et la loi selon laquelle la demande formelle de paiement fut transmise (la LMR).
[35]
Dans cette
affaire le sous-ministre du Revenu (le sous-ministre) a fait valoir que les
taxes impayées faisaient partie de la fiducie réputée créée en faveur de l’État;
que cette fiducie n’était pas affectée par la faillite; et que la demande
formelle de paiement émise en vertu de la disposition équivalente au paragraphe
[36]
Anticipant
avec justesse la décision de la Cour suprême dans Caisse de Montmagny,
la Cour d’appel a rejeté l’argument selon lequel la fiducie réputée avait ses
effets malgré la faillite (De Courval, paras. 28 à 32). En effet, comme
l’a confirmé la Cour suprême (Caisse de Montmagny, paras. 12 à 29)
depuis la réforme de 1992 (la loi modifiant la Loi sur la faillite et
la Loi de l’impôt sur le revenu en conséquence, L.C. 1992, ch. 27),
les fiducies réputées établies à l’égard de la TPS et TVQ perçues, mais non
remises ou percevables, en vertu de l’article
[37]
La Cour
d’appel s’est ensuite penchée sur l’argument selon lequel l’article 15.3.1. de
la LMR (la disposition équivalente à cette partie du paragraphe
[38]
Consciente du
traitement différent que la réforme de 1992 réserve aux retenues à la source,
la Cour d’appel met l’accent sur le paragraphe
[39]
Selon le
raisonnement de la Cour d’appel, le droit de propriété que confère le
paragraphe
[40] La Cour d’appel tire cette conclusion à la toute fin de ses motifs (De Courval, para. 45) :
[…],
puisque l'avis de l'article 15 LMR est une « autre procédure» au sens
de l'article
[41]
L’opinion ainsi
exprimée qui découle de l’analyse que fait la Cour d’appel du paragraphe
The appellant
submits that under [subsection] 70(
[Je souligne.]
[42] Cette interprétation des mots « à l’exception de la [LFI] » n’est pas nouvelle. Elle avait été énoncée notamment par le juge Sarchuk de la Cour canadienne de l’impôt dans Wa-Bowden (para. 5) :
[…] Le paragraphe 317(
[Je souligne.]
Retenant cette interprétation, le juge Sarchuk conclut que les sommes assujetties à la demande formelle de paiement sont devenues la propriété de la Couronne dès sa réception par le tiers saisi, et donc n’étaient plus la propriété du débiteur fiscal lors de la faillite qui est intervenue par la suite (Wa-Bowden, para. 6).
[43] La question entourant l’interprétation des mots « à l’exception de la [LFI] » est donc entière.
[44] L’interprétation proposée par l’appelante selon laquelle ces mots donnent priorité à la LFI en cas de conflit semble, de prime abord, découler du sens naturel des mots.
[45]
L’intimée
nous invite cependant à considérer le contexte législatif et jurisprudentiel entourant
l’adoption du paragraphe 317(3) en 1990 et la modification qui fut apportée au
paragraphe
[46]
Dans cette
affaire, la Cour suprême s’est penchée sur l’historique législatif entourant
les paragraphes
[47]
Le juge Major,
après avoir précisé qu’il concentrait son analyse sur le paragraphe
65. Afin de remédier, semble-t-il, aux courants de jurisprudence contradictoires quant à savoir si le [paragraphe] 224(1.2) était suffisant pour accorder la priorité au [ministre du Revenu national] MNR, le Parlement a modifié ce paragraphe en 1990 en ajoutant le passage suivant à la fin:
Sur réception de la lettre [le bref de saisie-arrêt] par la personne donnée, la somme qui y est indiquée comme devant être payée devient, nonobstant toute autre garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté et doit être payée au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de cette somme.
66. Cette modification de 1990 a été apportée à la [LIR] et aux dispositions pertinentes de la [LTA]. Dans les trois affaires dont nous sommes saisis en l'espèce, les juges de première instance avaient principalement examiné si cette modification constituait le [traduction] «quelque chose de plus» qui, selon l'arrêt [Lloyds Bank of Canada c. International Warranty Co., (1989), 64 Alta. L.R. (2d) 340 (B.R.), inf. par (1989), 68 Alta. L.R. (2d) 356 (C.A.) (Lloyds Bank)], était nécessaire pour transférer au MRN le droit de propriété sur les fonds ou pour lui accorder la priorité de rang.
69. Je suis d'accord avec le juge Forsyth pour dire que les modifications apportées en 1990 à la [LIR] et à la [LTA] étaient suffisantes pour fournir le «quelque chose de plus» que la Cour d'appel de l'Alberta a jugé nécessaire dans l'arrêt Lloyds Bank. […]
[Je souligne.]
Personne ne remet en question le fait que ce « quelque chose de plus » faisait en sorte que la Couronne devenait, dès la réception de la demande formelle de paiement par le tiers saisi, propriétaire des sommes visées par la demande (Alberta, paras. 5 et 6).
[48]
Selon
l’intimée, c’est le moment auquel peut être exercé ce pouvoir dorénavant transmissif
de propriété que le législateur fédéral avait à l’esprit lorsqu’il a prévu, dans
le cas du paragraphe
- soit avant ou après la faillite - autant voulait-il que le pouvoir équivalent
prévu au paragraphe 317(3) ne puisse être exercé qu’avant la faillite.
L’intimée soumet que c’est ainsi que les mots « Malgré … la [LFI] »,
d’une part, et « à l’exception de la [LFI] », d’autre part, doivent
être compris.
[49]
Cette
interprétation est à mon avis la bonne. Si l’on se reporte en 1990, les
fiducies réputées entourant les retenues à la source ainsi que celles entourant
la TPS avaient le même effet sans égard à leur objet. Toutes deux prenaient
effet à compter de l’omission et survivaient à la faillite (voir l’alinéa
[50] Dans ce contexte, l’on ne peut conclure que les mots « à l’exception de la [LFI] » ont été insérés dans le paragraphe 317(3) dans le but de donner préséance à la LFI en cas de conflit puisqu’aucun conflit ne pouvait être envisagé. Il semble plutôt, gardant à l’esprit le principe selon lequel le législateur ne parle pas pour rien dire, que la strophe avait pour but d’empêcher l’utilisation du pouvoir prévu au paragraphe 317(3) après la faillite.
[51]
Le paragraphe
317(3) ne pouvait se lire autrement en 1990 et a, à dessein, été laissé intact
lors de la réforme de la LFI en 1992, tout comme le paragraphe
[52]
Mis à part
cette importante différence, les pouvoirs prévus aux paragraphes
[53] La demande formelle de paiement ayant été reçue par l’appelante avant le dépôt de l’avis de surseoir, c’est à bon droit que le juge de la CCI conclut que la Couronne est devenue propriétaire de la somme demandée avant que n’intervienne la faillite, et que donc cette somme ne faisait pas partie du patrimoine du débiteur fiscal lors de la faillite. Il s’ensuit que l’appelante avait l’obligation de
payer le montant demandé, et qu’ayant omis de ce faire, elle est personnellement responsable de son paiement.
[54] Je rejetterais l’appel avec dépens.
« Je suis d’accord.
Pierre Blais j.c. »
« Je suis d’accord.
Johanne Trudel j.c.a. »
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-490-09
(APPEL D’UN JUGEMENT DEL’HONORABLE JUGE ANGERS DU 10 NOVEMBRE 2009, N° DU DOSSIER 2009-114(GST)I.)
INTITULÉ : La Banque Toronto-Dominion et Sa Majesté la Reine
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 9 juin 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : Le juge Noël
Y ONT SOUSCRIT : le Juge en chef Blais
DATE DES MOTIFS : Le 30 juin 2010
COMPARUTIONS :
André Rousseau
|
POUR L’APPELANTE
|
POUR L’INTIMÉE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lapointe Rosenstein Marchand Melançon, s.e.n.c.r.l. Montréal (Québec)
|
POUR L’APPELANTE
|
Ministère du Revenu du Québec |
POUR L’INTIMÉE
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.