Perkins c. PC Mall Canada inc. |
2013 QCCS 3025 |
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JH5181 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-066227-110 |
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DATE : |
4 juillet 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
CAROLE HALLÉE, J.C.S. |
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JASON PERKINS |
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Demandeur |
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c. |
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PC MALL CANADA INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur, Jason Perkins, « Perkins [1]», réclame de son employeur, PC Mall Canada inc., « PC Mall », la somme de 71 758,56 $ pour congédiement sans cause juste et suffisante.
[2] PC Mall est une entreprise de télémarketing de produits technologiques.
[3] Elle opère plusieurs centres d’appels à travers l’Amérique du Nord. Elle emploie 400 personnes à son centre d’appels de Montréal, dont Perkins.
[4] Perkins est embauché par PC Mall le 17 mai 2004 et congédié le 9 mai 2011.
[5] Au fil des années, Perkins gravit les échelons passant de « Sales executive », à « Senior sales executive », et « Double senior account executive », poste qu’il occupait au moment de son congédiement.
[6] En 2010, son salaire brut incluant ses commissions était de 85 317,42 $. Pour l’année 2011, il a reçu en salaire et commissions 42 327,54 $ couvrant la période du 1er janvier jusqu’à son congédiement, soit un peu plus de quatre (4) mois.
[7] Le 20 avril 2011, Perkins, comme les autres membres de son équipe, reçoit des directives de son superviseur, Jason Yee, « Yee », les informant que la journée débutera par un « call blitz » de 8 h 30 à 10 h 30.
[8] L’objectif de cette opération est de recruter de nouveaux clients par le biais d’appels téléphoniques.
[9] Pendant ce laps de temps, les employés ne doivent appeler, ni prendre d’appels de clients, mais plutôt se concentrer sur la sollicitation.
[10] Au cours de cette période, Perkins reçoit un appel d’un de ses clients et plutôt que de prendre le message et l’informer qu’il le rappellera plus tard, poursuit sa conversation téléphonique. Au bout de quelques minutes, Yee lui demande s’il est sur le « call blitz ».
[11] La preuve n’est pas claire quant à la façon dont Yee se serait adressé à Perkins.
[12] Suivant la version de Perkins, Yee lui aurait touché l’épaule en élevant le ton.
[13] Quant à Yee, il se serait seulement approché lui demandant s’il était sur son « call blitz » et à défaut, de raccrocher.
[14] En début d’après-midi, Yee informe les huit (8) à dix (10) personnes de son équipe, incluant Perkins, qu’il enverra un courriel aux directeur et vice-président de l’entreprise afin de les informer des employés qui n’ont pas respecté les consignes du « call blitz ».
[15] Perkins s’est senti visé puisqu’il soutient que Yee le regardait, lui uniquement, à ce moment. Perkins a alors dit à Yee : « Do not to throw me under the bus (sic) ».
[16] Quelques minutes plus tard, Perkins est convoqué dans le bureau de Mike Major, « Major », directeur des ventes, où Yee a déjà pris place.
[17] Les versions diffèrent quant à la séquence des événements de cette rencontre et au ton utilisé par les parties.
[18] Perkins soutient qu’en voyant Major et Yee, il aurait déclaré: « Are you serious? » et « Are you kidding me?». Il témoigne que Yee lui aurait répondu: «Ya what are you going to do about it? ».
[19] Constatant que ce n’était pas une blague, Perkins affirme que Major a levé le ton et lui a demandé de prendre ses affaires et de retourner chez lui. Major déclare de son côté que c’est Perkins qui s’est mis à crier.
[20] Ce dernier s’est levé et aurait claqué la porte à deux (2) reprises, selon la version de la partie demanderesse, de sorte que des cadres seraient tombés du côté opposé du mur.
[21] Perkins répétait sans cesse: « I’ve been here for seven (7) years and this person [Mr Yee] is going to make up lies and you don’t even give me a chance to defend myself?».
[22] De retour à son bureau et très frustré, Perkins reconnaît avoir donné un coup de pied sur sa chaise et frappé sur son écran d’ordinateur.
[23] Monsieur Sean Lefebvre, « Lefebvre », vice-président des ventes, entendant le bruit, s’est dirigé vers Perkins lui demandant de le suivre dans son bureau, ce que ce dernier a fait.
[24] Il a demandé à Perkins de retourner chez lui et qu’il discuterait de cet incident le lundi suivant, soit le 25 avril 2011.
[25] Ce dernier a quitté son lieu de travail ne cessant de répéter que c’était injuste, qu’il avait donné son sang et ses larmes pour ce travail et qu’il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, ajoutant qu’il était un des meilleurs vendeurs de l’entreprise.
[26] Le 20 avril en soirée, Perkins reçoit un courriel de Lefebvre l’informant qu’il était suspendu jusqu’au 5 mai avec salaire.
[27] Le 9 mai 2011, Major et une représentante des ressources humaines appellent Perkins l’avisant qu’il est congédié, sans autre explication.
[28] Le 11 mai[2], son employeur lui transmet une lettre incluant une offre de quatre (4) semaines de salaire qu’il refuse de signer. Il consulte un procureur et intente les présentes procédures le 20 juin 2011.
[29] Le 21 juillet 2011, Perkins obtient sa cessation d’emploi avec la mention « violence at work place ».
[30] Durant cette période, sa femme était à la fin de sa grossesse dans l’attente d’un deuxième enfant.
[31] Perkins soutient avoir été à l’emploi de PC Mall pendant sept (7) ans, avoir gravi les échelons et être devenu au fil du temps un des meilleurs vendeurs.
[32] Les pièces P-1 et P-11 démontrent qu’il était régulièrement nominé au « Circle of Excellence » et parmi les « top ten » des vendeurs de cette entreprise[3].
[33] Perkins affirme que pendant ce « call blitz » du 20 avril, il a reçu un appel d’un client. La conversation était au bénéfice de son employeur. Il ne s’agissait pas d’une conversation personnelle.
[34] Il témoigne que la façon dont il a été congédié est injuste. Il reconnaît avoir monté le ton et les propos tenus envers son supérieur « don’t throw me under the bus (sic) », suite au fait que ce dernier a voulu rapporter l’incident à la haute direction, alors qu’il n’avait pris que l’appel d’un client.
[35] Il précise n’avoir aucun dossier disciplinaire. Il ajoute que pour atteindre ses objectifs, il travaillait le soir jusqu’à la fermeture de l’entreprise, en plus de continuer son travail à la maison. Il avait les intérêts de la compagnie à cœur.
[36] Il témoigne avec émotion que la façon dont on lui a demandé de quitter son lieu de travail a été humiliante. Bien que Lefebvre ait exigé de lui des excuses publiques et qu’il avait accepté de les faire, on l’a congédié par téléphone et il n’a jamais pu s’expliquer.
[37] De son côté, l’employeur soutient que le comportement de Perkins, la façon dont il s’est adressé à son supérieur et l’escalade suite à l’entretien avec Major étaient inappropriés, de sorte que PC Mall devait le congédier.
[38] L’employeur précise que la violence n’est pas acceptable dans ce milieu de travail.
[39] Questions en litige
a) Perkins a-t-il été congédié sans cause juste et suffisante?
b) Dans l’affirmative, quels sont les dommages?
Code civil du Québec
1479. La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l'aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter.
(…)
2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l'autre un délai de congé.
Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l'emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s'exerce et de la durée de la prestation de travail.
2092. Le salarié ne peut renoncer au droit qu'il a d'obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu'il subit, lorsque le délai de congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive.
(…)
2094. Une partie peut, pour un motif sérieux, résilier unilatéralement et sans préavis le contrat de travail.
Contrat d’emploi :
art. 8 (…)
b) Termination for cause: the Company can terminate your employment at any time without any compensation other than the minimum required bu the Labour Standards Act, il applicable in the circumstances;
c) termination without cause : the Company can terminate your employment at any time, for any reason upon payment of the following indemnity in lieu of notice of termination:
(…)
ii. If termination occurs after you have completed one year of service, the indemnity will consist of three (3) weeks of salary plus one (1) week of salary for every completed year of sercie up to a maximum of twenty-six (26) weeks of salary. (…)»
a) Perkins a-t-il été congédié sans cause juste et suffisante?
[40] La preuve révèle que Perkins était un excellent vendeur et qu’en sept (7) ans, il était devenu « Double senior account executive ».
[41] Tous les témoins tant en demande qu’en défense reconnaissent la loyauté et le travail bien fait de Perkins.
[42] Monsieur Jason Holiday, « Holiday », fut l’un des « managers » avec qui Perkins a travaillé pendant environ quatre (4) ans.
[43] Holiday décrit Perkins comme étant un des meilleurs de son équipe et sur qui il pouvait toujours compter.
[44] Bien que l’employeur ait tenté de prouver qu’Holiday aurait déjà déposé une plainte aux ressources humaines quant au comportement de Perkins, il n’en est rien. Holiday a nié ces faits et aucune preuve documentaire n’appuie cette allégation.
[45] Holiday se souvient d’un événement où Perkins fut contrarié et pleurait suite à une commande qu’il avait placée et qui n’avait pas été livrée en temps utile, l’empêchant de rencontrer ses objectifs.
[46] Holiday a témoigné être allé marcher à l’extérieur avec Perkins pour lui dire de ne pas tout prendre sur ses épaules.
[47] Holiday a expliqué le stress intense que vivent les employés dans un centre d’appels. Ce genre d’incident où il a dû réconforter ou parler à un de ses vendeurs arrivait régulièrement dans le cadre de son travail, affirme-t-il.
[48] Aucune réprimande écrite n’a été produite au dossier de la Cour relativement au comportement qu’aurait pu avoir Perkins dans le passé. Outre cet événement isolé du 20 avril 2011, aucune preuve n’a été apportée devant le Tribunal quant à une conduite inappropriée de la part de Perkins.
[49] L’employeur soutient qu’aucune violence n’est tolérée dans le milieu de travail et qu’il devait sévir considérant que tout ce brasse-camarade avait eu lieu au vu et au su de deux cents employés sur le plancher d’appels.
[50] La preuve a pourtant révélé qu’au cours des derniers mois, Yee a été victime de voies de fait par un employé, ce dernier l’ayant frappé à trois (3) reprises à la cafétéria, devant d’autres employés.
[51] Or, ce salarié travaille toujours chez PC Mall bien que Yee ait informé son supérieur de cet incident.
[52] Qu’a réellement fait Perkins le 20 avril 2011?
[53] Alors qu’il doit faire un « call blitz », il a pris l’appel d’un client.
[54] La preuve a révélé qu’à titre exceptionnel, il est permis durant les « call blitz » de prendre l’appel d’un client.
[55] Perkins n’était pas sur Internet ni au téléphone avec un ami, il faisait son travail et le suivi auprès d’un client.
[56] Lorsque Yee a informé son équipe qu’il transmettrait un courriel aux directeur et vice-président pour dénoncer ceux qui ne s’étaient pas exclusivement consacrés au « call blitz », Perkins a déclaré: « do not throw me under the bus (sic) ».
[57] Lorsqu’il a été convoqué, il a effectivement levé le ton puisqu’il n’en croyait pas ses oreilles.
[58] En admettant que Perkins était hors de lui, ses paroles, au moment où il ramassait ses effets personnels et frappait son équipement, étaient: « I’ve been here for seven (7) years, and this person is going to, you know, make up lies, and you don’t even give me a chance to defend myself…It’s not fair….I give my tears, my blood for this company » .
[59] Perkins a toujours eu la même version des faits. Lors de son interrogatoire hors cour[4], il a déclaré :
« Q. [160] And what do you do?
A. I, you know, I kicked my chair and, you know, I punched the desk, and one of the monitors fell, I punched, you know, I punched the monitor. Thank God I didn’t break anything. But I was, you know, I was very frustrated of not getting a chance to really, you know, defend myself.” (…)»
[60] En aucun temps, Perkins a invectivé ses supérieurs alors qu’il était en colère. Même lorsque le vice-président, Lefebvre, lui a demandé de le suivre dans son bureau, Perkins l’a accompagné sans aucune résistance.
[61] Compte tenu de son comportement antérieur, il ne comprenait tout simplement pas ce qui lui arrivait.
[62] D’ailleurs, la preuve a révélé que Perkins avait demandé à deux (2) reprises, à un supérieur, à être changé d’équipe à cause du comportement de Yee.
[63] Bien que Lefebvre témoigne que Yee est un de leurs meilleurs « managers », Perkins et un autre témoin, ex-employée de PC Mall, l’ont décrit comme étant non respectueux envers les employés.
[64] Le témoignage de Yee était évasif, faisant répéter les questions de son contre-interrogatoire à plusieurs reprises. Ses réponses n’étaient pas convaincantes.
[65] Il y a plusieurs contradictions du côté de l’employeur entourant cet événement.
[66] Par exemple, Yee a témoigné que suite à cet incident, il a dû consulter un psychologue et été en arrêt de travail pendant dix (10) semaines, recevant des prestations de la CSST.
[67] Or, Lefebvre a déclaré que Yee avait pris trois (3) semaines de congé et était revenu au travail après ce délai.
[68] Pourquoi l’employeur n’a-t-il pas procédé par sanction progressive à l’endroit de Perkins?
[69] Perkins avait accepté de faire des excuses publiques. Pourtant, il a été congédié.
[70] Perkins s’est mis en colère lorsqu’on lui a demandé de retourner chez lui, alors qu’il faisait son travail. Après sept (7) ans de bons et loyaux services, Perkins méritait un autre traitement que celui dont il a été victime.
[71] Quant à la progression des sanctions, la doctrine[5] nous enseigne que :
« (…)
(l)’employeur doit, avant de pouvoir recourir au congédiement, sanctionner d’abord le comportement fautif d’un salarié au moyen d’un avis verbal, suivi d’une réprimande, d’une suspension de courte durée, puis d’une suspension de longue durée. Ce principe n’est toutefois pas immuable de sorte que l’employeur n’est pas nécessairement tenu d’amorcer le processus disciplinaire par un avis verbal ou une réprimande. En effet, dans tous les cas, la sanction doit être proportionnelle à la faute et tenir compte de l’ensemble des circonstances, y compris les fonctions du salarié et la nature de l’entreprise15. Ainsi, l’employeur peut parfois être justifié d’imposer, dès le départ, une suspension plutôt qu’une simple réprimande.
Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît que l’employeur peut, en certaines circonstances, passer outre le principe de la progression des sanctions et imposer un congédiement sans avoir préalablement avisé le salarié du caractère inapproprié de son comportement. C’est le cas lorsque le geste posé par le salarié constitue une faute grave telle que la fraude, le vol ou le manquement à l’obligation de loyauté, ou encore lorsque le comportement du salarié est incorrigible, c’est-à-dire lorsque la discipline progressive ne pourrait amener le salarié à amender sa conduite[6]
(…)
Notons que selon certains, l’employeur ne pourrait, en l’absence d’une inconduite grave, procéder au congédiement du salarié qui a fait preuve d’insubordination sans d’abord avoir eu recours à une discipline progressive. Il en serait de même lorsque l’acte d’insubordination est isolé, irréfléchi ou non prémédité.
(…)
(u)n examen de la jurisprudence permet de constater que la violence physique n’est pas automatiquement sanctionnée par le congédiement, encore qu’elle ait eu lieu à l’endroit d’un supérieur (…) »
(Le Tribunal souligne)
[72] Dans le présent cas, il ne s’agit pas de violence physique :
« (…)
L’emploi d’un langage abusif ou injurieux est, quant à lui, jugé sévèrement par la jurisprudence. Ainsi, le salarié qui profère des menaces de mort risque fort de voir son congédiement confirmé par les tribunaux. Cela dit, chaque cas en demeure un d’espèce et dans certaines circonstances, le congédiement ne sera pas considéré comme la mesure indiquée.
Outre la situation extrême où des menaces de mort sont proférées, le recours à un langage inapproprié, que ce soit envers un supérieur ou encore envers un autre salarié, devrait normalement donner lieu à l’imposition de mesures
disciplinaires progressives, l’employeur ne pouvant, dès la première occasion, procéder au congédiement du salarié (...) »
(Le Tribunal souligne)
[73] Enfin, de manière générale la jurisprudence démontre que les manquements à l’obligation de courtoisie doivent d’abord être sanctionnés par des avis, voire des suspensions, avant de mener au congédiement.
[74] En aucun temps, Perkins n’a été avisé de quoi que ce soit par le passé, puisqu’aucun événement n’a été répertorié.
[75] Qu’il prenne son travail à coeur, qu’il soit déçu, voire contrarié à quelques reprises ne lui ont valu aucune réprimande ou avis écrits.
[76] Si la politique de la compagnie est d’accepter, qu’exceptionnellement, un représentant puisse parler à un client, pendant une période de « call blitz », pourquoi cet incident s’est-il ainsi terminé? Pourquoi n’a t’on pas appliqué l’exception pour un de leurs meilleurs vendeurs?
[77] Enfin, bien que Perkins ait été congédié le 9 mai, il n’a reçu sa cessation d’emploi que le ou vers le 20 juillet 2011 avec la mention « violence in the work place ».[7]
[78] Le Tribunal conclut qu’il n’aurait pas dû être congédié, mais recevoir un avis écrit. Dans les circonstances, Perkins a été congédié sans cause juste et suffisante.
b) Dans l’affirmative, quels sont les dommages?
[79] Perkins réclame les sommes suivantes : 59 258,56 $ représentant sept (7) mois de salaire et commissions, 5 000 $ de dommages exemplaires et 7 500 $ de dommages moraux.
[80] Le 11 mai 2004, Perkins a signé un contrat d’emploi[8] avec PC Mall dont l’article 8c) se lit comme suit :
“(…)
termination without cause : the Company can terminate your employment at any time, for any reason upon payment of the following indemnity in lieu of notice of termination
(…)
ii. If termination occurs after you have completed one year of service, the indemnity will consist of three (3) weeks of salary plus one (1) week of salary for every completed year of service up to a maximum of twenty-six (26) weeks of salary. (…)»
(Le Tribunal souligne)
[81] Perkins a débuté un nouveau travail le 7 novembre 2011.
[82] Son nouvel emploi lui a procuré des revenus, se situant entre 40 000 $ et 43 000 $ pour l’année 2012, soit la moitié de ce qu’il gagnait chez PC Mall.
[83] La Cour d’appel souligne que l’obligation de minimiser ses dommages est une obligation de moyens et non une obligation de prendre tous les moyens que l’on puisse imaginer pour y parvenir[9].
[84] La preuve révèle que dès la fin de son emploi, Perkins a retenu les services d’un chasseur de têtes.
[85] Ce dernier lui aurait trouvé un emploi à Toronto, que Perkins a refusé compte tenu que sa femme accouchait à la même période.
[86] Dès le mois d’août, il s’est lui-même mis à la recherche d’un emploi et les courriels produits à la Cour[10] démontrent que Perkins a recherché activement un travail.
[87] Le Tribunal conclut que Perkins a fait un effort raisonnable pour se retrouver du travail et bien que le chasseur de têtes lui ait trouvé un emploi à Toronto, c’est à bon droit qu’il n’a pas accepté, considérant sa situation familiale.
[88] Quant à l’indemnité de départ, l’auteur Pierre E. Moreau[11] écrit que :
« (…)
Il est établi que lorsqu’une clause d’indemnité de départ est incluse dans le contrat d’emploi, il ne faudra pas déduire de cette indemnité de départ les sommes gagnées après le congédiement. Il faudra simplement vérifier si les conditions énoncées au contrat se sont réalisées. Cette position fut confirmée récemment par la Cour d’appel dans l’affaire Digital Shape Technologies inc. c. Stréliski[12]. Le même principe est applicable dans le cas de politique d’entreprise prévoyant une indemnité de départ82.
Toutefois,
rappelons qu’une clause d’indemnité de départ ne peut prévoir qu’un délai de
congé minimal. En effet, en vertu de l’article
(Le Tribunal souligne)
[89] Dans la présente affaire et suivant la clause d’indemnité de départ, Perkins aurait droit à dix (10) semaines de salaire.
[90] Le procureur de PC Mall suggère de retenir la moyenne de ses salaires pour les années 2008 à 2010, représentant ainsi un revenu hebdomadaire de 1 443 $ brut incluant les commissions, soit environ 75 000 $ annuellement.
[91] La preuve révèle que pour l’année 2010, Perkins a touché des revenus de 85 317,42 $.
[92] Pour l’année 2011, et ce pour quatre mois et demi (4 ½) d’emploi, Perkins avait déjà atteint 42 327,54 $. Il aurait possiblement perçu un revenu annuel se situant entre 85 000 $ et 100 000 $.
[93] Le Tribunal retiendra un salaire incluant commissions de 85 000 $.
[94]
L’article
[95] Pour les motifs ci-devant exposés, le Tribunal réitère que Perkins n’aurait pas dû être congédié et que si l’employeur était insatisfait de son comportement, il aurait dû procéder par réprimande, avis écrit et sanction progressive.
[96] Il a été congédié par téléphone et reçu son avis de cessation d’emploi près de trois (3) mois après son congédiement avec la mention « violence at work place » alors que l’employeur ne possède aucun dossier en ce sens.
[97] D’ailleurs, alors qu’un autre employé a agressé physiquement Yee, il est toujours à l’emploi de PC Mall.
[98] Dans les circonstances, le Tribunal accordera un préavis de fin d’emploi de dix-huit (18) semaines sur la base d’un revenu annuel de 85 000 $ représentant 29 423,07 $.
[99] Perkins réclame 5 000 $ à titre de dommages exemplaires.
[100] La réclamation de Perkins pour dommages punitifs est fondée sur l’article 49 de la Charte[14], soit une atteinte illicite et intentionnelle à sa dignité par PC Mall :
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
[101] Pour que le Tribunal accorde à Perkins des dommages punitifs, le Tribunal doit être convaincu que PC Mall a voulu les conséquences de ses gestes[15].
[102] En l’absence d’une atteinte intentionnelle et malicieuse à un droit fondamental, il n’y a pas lieu d’accorder de dommages punitifs.
[103] Faute de preuve que l’employeur ait eu la volonté de lui nuire, le Tribunal ne fera pas droit à ces dommages.
[104] Perkins réclame 7 500 $ à titre de dommages moraux.
[105] Il plaide le stress, les inconvénients et l’humiliation subie devant ses collègues de travail. Il ajoute avoir dû emprunter de l’argent à son père.
[106] La Cour d’appel dans Ponce c. Montrusco et associés inc.[16] reprend les principes qui doivent guider le Tribunal en pareille matière :
« (…)
[21] C'est d'ailleurs ce que décide la jurisprudence de notre Cour, principalement depuis l'arrêt Standard Broadcasting Corp. c. Stewart[17]. Récemment, dans Aksich c. Canadian Pacific Railway[18], on résume ainsi l'état du droit sur la question :
[160] Depuis l'arrêt de notre Cour Standard Broadcasting Corp. c. Stewart [renvoi omis], la jurisprudence est plutôt réservée lorsque vient le moment d'appliquer à la résiliation unilatérale du contrat de travail les règles de l'abus de droit, et cela afin d'éviter que, d'une part, on ne se trouve à indemniser par là le salarié pour le préjudice, inévitable, qui résulte de la terminaison même du contrat de travail, et d'autre part, afin ne pas faire double emploi avec l'indemnité tenant lieu de délai de congé [renvoi omis]. Comme l'écrit le juge Baudouin dans Stewart :
L’extension de la théorie de l’abus de droit au simple exercice négligent du droit doit donc, en matière de contrat de travail, être appliquée avec beaucoup de prudence, en dehors des hypothèses où manifestement il y a mauvaise foi ou faute intentionnelle, parce qu’en général le préjudice causé peut déjà avoir été compensé par l’indemnité de délai-congé.[renvoi omis]
(L’italique est dans le texte original.)
[161] Plus récemment, ma collègue la juge Mailhot faisait en ces termes le point sur l'état du droit en la matière :
[31] L'arrêt de principe en la matière est certainement Standard Broadcasting Corp. c. Stewart [renvoi omis], dans lequel le juge Baudouin fait la distinction entre l'octroi d'une indemnité de délai de congé et l'octroi possible de dommages moraux additionnels fondés sur un abus de droit. Ainsi, alors que l'indemnité de délai de congé vient compenser les inconvénients liés au congédiement, l'indemnisation pour abus de droit n'existera que s'il y a négligence, mauvaise foi ou une faute identifiable de l'employeur. C’est donc dans les seuls cas où l’exercice du droit de résiliation unilatérale s’accompagne d’une faute caractéristique distincte de l’acte de congédier que l’octroi de dommages moraux en matière de congédiement sans cause sera justifié. Il pourra en être ainsi, par exemple, lorsque l’employé congédié a subi un préjudice sérieux à sa réputation ou qu’il a été congédié de façon humiliante, dégradante ou blessante.
[32] Le critère pour l'application de la théorie de l'abus de droit en matière de congédiement est donc plus sévère que l'exercice raisonnable d'un droit et s'apparente à la mauvaise foi. Dans certaines situations, le simple exercice négligent d'un droit pourra toutefois être considéré comme un abus de droit. Cette approche restrictive en matière d’abus de droit évite que les dommages fondés sur l'abus de droit ne fassent double emploi avec l’indemnité de délai de congé qui constitue une indemnité pour les dommages normaux résultant du renvoi immédiat (stress, anxiété, etc.).
[33] Ces principes furent rappelés récemment dans l'arrêt Shire Biochem Inc. c. King [renvoi omis], dont les faits présentaient certaines similarités avec la présente affaire :
[23] Ceci dit, comme le soulignait la Cour dans Standard
Broadcasting et dans d'autres arrêts, il faut se garder des doubles
indemnités. En d'autres mots, en plus du délai de congé, l'employé n'aura
droit à des dommages pour stress et inconvénients ou atteinte à la réputation
que lorsqu'il fera la preuve que l'employeur a commis un abus de droit. En
somme, à moins d'une preuve claire que l'employé congédié a subi un préjudice
sérieux à sa réputation ou qu'il a été congédié de façon humiliante, dégradante
ou blessante, il n'y a pas lieu à des dommages moraux en sus de l'indemnité
tenant lieu de préavis (Industries Flexart ltée c. Baril,
(Je souligne.) (…) »
(Le Tribunal souligne)
[107] Le stress et l’anxiété sont compensés par l’indemnité donnant lieu de préavis. Cependant, lorsque l’employé congédié l’a été de façon humiliante, des dommages moraux peuvent lui être accordés.
[108] La preuve ne révèle pas que l’employeur a agi de façon malicieuse.
[109] Perkins a été appelé dans le bureau de Major et non devant tous les autres employés.
[110] C’est Perkins lui-même qui a claqué la porte du bureau et frappé son équipement avec frustration devant les autres employés. À cet égard, il est l’artisan de son propre malheur. Bien que son congédiement n’était pas justifié, il est compensé par le délai de congé que le Tribunal lui accordera.
[111] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[112] ACCUEILLE en partie la requête introductive d’instance amendée du demandeur, Jason Perkins;
[113]
CONDAMNE la défenderesse, PC Mall Canada inc., à payer au
demandeur, Jason Perkins, la somme de 29 423,07 $, à titre de préavis
raisonnable, avec l’intérêt
au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec et
ce, depuis l’assignation;
[114] Avec dépens.
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__________________________________ CAROLE HALLÉE, J.C.S. |
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Me David Ettedgui, avocat |
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Procureur du demandeur |
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Me Luc Deshaies |
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GOWLING LAFLEUR HENDERSON SENCRL, SRL |
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Procureur de la défenderesse |
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Dates d’audience : |
17 et 18 juin 2013 |
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[1] L'utilisation des noms de famille dans le cadre du présent jugement vise à alléger le texte et l'on voudra bien n'y voir aucune discourtoisie à l'endroit des personnes concernées.
[2] Pièce P-2.
[3] Pièces P-1 et P-11.
[4] Interrogatoire du 19 août 2011.
[5] Nathalie-Ann BÉLIVEAU, Karina BOUTIN et Nicolas ST-PIERRE, « Les motifs sérieux » et la « cause juste et suffisante » de congédiement », Service de formation continue du Barreau du Québec, vol. 227, Abécédaire des cessations d’emploi et des indemnités de départ (2005), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 25-61.
[6] Doyon et Centre de réadaptation Estrie inc.,
[7] Pièce P-8.
[8] Pièce P-10.
[9]
Gareau (Le Groupe Gareau inc.) c. Brouillette,
[10] Pièce P-12.
[11]
Pierre A. MOREAU, « Application de l’article
[12]
[13]
[14] Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12.
[15]
Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital
St-Fernand,
[16]
[17]
[18]
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