Décision

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Mallet c. La Capitale, assurances générales inc.

2018 QCCS 2751

 

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MINGAN

 

N° :

650-17-000910-162

 

 

DATE :

 12 juin 2018

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE SERGE FRANCOEUR, J.C.S.

 

 

GÉRARD MALLET

et

RÉGINA LEPAGE

Demandeurs

c.

LA CAPITALE ASSURANCES GÉNÉRALES INC.

Défenderesse

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]           Suite à l’incendie de leur véhicule motorisé (VR), les demandeurs Gérard Mallet et Régina Lepage réclament principalement de leur assureur la défenderesse La Capitale assurances générales inc. (Capitale) sa valeur à neuf, soit 373 668,75 $[1].

[2]           Essentiellement, doit être déterminé si la Capitale a établi ou non la faute intentionnelle de son assuré Gérard Mallet dans l’incendie du véhicule motorisé et si d’autre part, les demandeurs sont déchus de leur droit à l’indemnisation à la suite de déclarations mensongères dans le cadre de leur demande d’indemnité.

FAITS

[3]           En 2007, les demandeurs achètent un véhicule motorisé au prix de 325 000 $ plus taxes[2]. En contrepartie, ils donnent en échange un motorisé acquis quelques années plus tôt.

[4]           En février-mars 2016, alors que le véhicule est stationné à l’arrière de leur résidence, est porté à l’attention du demandeur, par son fils Steeve, qu’un bruit, un grondement continu émane du véhicule.

[5]           Le VR alors remisé pour la période hivernale, particulièrement pour protéger ses batteries, est relié au système électrique de la résidence.

[6]           Le demandeur se rend au véhicule, constate le bruit provenant de la génératrice tentant continuellement de se mettre en fonction, ce qui est anormal considérant le branchement au système électrique de la résidence.

[7]           Il débranche le VR et le sécurise.

[8]           Le 6 juin 2016, des pneus neufs d’une valeur de près de 4 000 $ commandés le 5 mai 2016[3] sont posés sur le véhicule. Conformément à la recommandation du vendeur, monsieur Mallet roule une cinquantaine de kilomètres avec celui-ci et en fait resserrer les roues.

[9]           Mais précédemment, le 2 juin 2016, comme au début de chaque saison d’utilisation, le demandeur confie pour un entretien général à un garagiste spécialisé le véhicule récréatif. Les travaux mécaniques effectués lui coûtent 900 $[4].

[10]        Par contre, quoique le problème électrique (génératrice) survenu durant la saison hivernale sur le véhicule ait été discuté avec le contremaître mécanique de ce garage, il n’a alors pas été regardé; ce type de problème n’étant pas de leur ressort.

[11]        De sorte qu’au début de juillet 2016, le demandeur obtient un rendez-vous pour le problème électrique sur la génératrice avec un spécialiste à Québec, pour lundi le 18 juillet 2016[5].

[12]        Dimanche le 17 juillet, après déjeuner vers 11 h 30, il quitte Sept-Îles pour Québec, non pas sans se procurer quelques victuailles pour casser la croûte chemin faisant.

[13]        Comme son épouse (la demanderesse) est tout juste de retour de voyage et que l’objectif du déplacement est seulement la réparation du véhicule motorisé, elle n’accompagne pas son mari.

[14]        En fin d’après-midi, après avoir parcouru plus de 300 kilomètres[6], monsieur Mallet s’arrête sur un terrain à aire dégagée à l’intersection de la route 138 et de la rue Sirois, menant à la municipalité de Colombier.

[15]        Pendant cet arrêt, devant laisser le moteur tourner quelque temps avant de l’éteindre, afin de pouvoir se faire à manger, il ouvre l’extension du véhicule, installe le support nécessaire, monte sa table et prépare sa nourriture.

[16]        Il allume le rond avant du poêle (gaz propane) et y fait chauffer sa soupe. Il part aussi la cafetière, située tout près pour se faire infuser un thé.

[17]        Le demandeur profite de cette période pour sortir inspecter son véhicule, roues, moteur, huile; étape qu’il considère cruciale et nécessaire pour ce type de véhicule qui est ni plus ni moins qu’un camion, étant d’une longueur de 40 pieds.

[18]        Alors qu’il inspecte l’huile du moteur, il sent une odeur anormale; il accourt à l’avant du véhicule, y entre et constate, malgré une épaisse fumée, que le feu court. Étant bronchite-asthmatique, il est incapable d’utiliser le petit extincteur à l’arrière du siège du passager pour maîtriser le feu.

[19]        Selon le relevé téléphonique du cellulaire du demandeur[7], la première tentative d’appel pour de l’aide est logée à 16 h 38. Selon le rapport d’intervention du service d’incendie de la ville de Forestville, l’arrivée des pompiers est déterminée à 17 h 05[8].

[20]        Considéré perte totale, le véhicule est depuis remisé. Les frais de conservation s’établissent en date de l’instruction à 41 885,39 $[9] et font partie de la réclamation des demandeurs contre la Capitale, tout comme une somme additionnelle de 50 000 $ en dommages et intérêts pour dommages moraux et réels et pour dommages exemplaires, ainsi que les honoraires extrajudiciaires du procureur des demandeurs.

ANALYSE 

[21]        Alléguant la faute intentionnelle du demandeur Mallet (art. 2464 C.c.Q.), c’est à la Capitale qu’incombe le fardeau d’établir par une preuve prépondérante celle-ci (art. 2803 C.c.Q.).

[22]        Également, doit être déterminé si l’article 2472 C.c.Q. :

2472.  Toute déclaration mensongère entraîne pour son auteur la déchéance de son droit à l’indemnisation à l’égard du risque auquel se rattache ladite déclaration.

(…)

trouve ici application.

[23]        Depuis 2008-2009, la Capitale assure le motorisé des demandeurs contre le feu avec une indemnisation sans dépréciation.

[24]        Le dimanche 17 juillet 2016, le demandeur amène son véhicule de Sept-Îles à Québec pour y faire réparer la génératrice dont il suspecte un problème électrique depuis les mois de février-mars 2016.

[25]        Préalablement et comme à chaque année depuis qu’il le possède, le demandeur a fait entretenir son véhicule motorisé dans un garage spécialisé (mécanique) à Sept-Îles et y fait également poser des pneus neufs.

[26]        Mais pour le problème électrique, il doit obligatoirement se rendre à Québec, car aucune entreprise ne possède cette expertise pointue sur la Côte-Nord.

[27]        En cours de route, le véhicule brûle et la Capitale soutient que l’incendie est de la faute intentionnelle de son assuré et amène, à l’aide de son expert, deux possibilités.

[28]        La première est que le demandeur a mis un linge à vaisselle directement sur le rond allumé (flamme nue) de la cuisinière à gaz propane du VR.

[29]        La seconde, à défaut que ce soit le linge à vaisselle sur la flamme nue, qu’il ait embrasé volontairement les bouteilles (2) de liquide combustible à fondue.

[30]        Pour appuyer sa position, la Capitale attaque la crédibilité des demandeurs et malgré que le mobile ne soit qu’un des divers éléments de fait qu’on doit évaluer afin de déterminer des présomptions graves, précises et concordantes, elle tente d’établir :

a)    l’incapacité des demandeurs de vendre leur véhicule récréatif;

b)    qu’en tant qu’homme d’affaires averti, monsieur Mallet sait compter;

c)    l’assurabilité à valeur à neuf du véhicule expirait en 2017;

d)    il y avait une perte d’assurance santé pour l’épouse de monsieur Mallet qui prenait effet à l’automne 2016 et s’en venait pour monsieur Mallet;

e)    il y a des coûts à faire réparer la génératrice;

et à titre d’opportunité exclusive, que monsieur Mallet s’est arrêté dans une aire isolée, loin de tout; endroit propice pour incendier son véhicule.

[31]        Le Tribunal considère qu’aucun de ces éléments ne joue en défaveur des demandeurs.

 

[32]        Employé retraité d’une multinationale (mécanicien de locomotive), le demandeur bénéficie d’un fonds de pension déterminé. Il est aussi un homme d’affaires, possédant une entreprise spécialisée dans les salons funéraires et possède entre autres des immeubles locatifs.

[33]        Juste à titre personnel, sa résidence familiale, légèrement hypothéquée, a une grande valeur.

[34]        Il est vrai qu’il a tenté sans succès de vendre autour de l’année 2014 son véhicule motorisé pour 200 000/250 000 $.

[35]        Aussi, peu avant l’incendie au printemps 2016, il l’a également mis en vente pour 145 000 $, mais explique à ce sujet que c’était pour susciter des offres qu’il aurait montrées s’il en avait reçues, l’état d’entretien exceptionnel de son motorisé, son bas kilométrage et tenté d’obtenir un juste prix. Mais cela ne s’est pas produit; aucune offre n’est venue.

[36]        D’ailleurs, «au lieu de le donner», pour reprendre son expression, monsieur Mallet avait décidé de garder le véhicule.

[37]        Il l’a d’ailleurs soumis à une inspection mécanique générale en juillet 2016 comme il le faisait chaque année, fait poser des pneus neufs au coût de près de 4 000 $ et pris rendez-vous pour faire réparer sa génératrice à Québec.

[38]        La distance entre Sept-Îles et Québec est de plus de 625 kilomètres. Après avoir parcouru 300 kilomètres, que le demandeur s’arrête à mi-chemin pour se reposer et manger n’a rien d’anormal.

[39]        Il est difficile de déterminer à quelle heure exacte il est arrivé à l’embranchement de la route 138 et la municipalité de Colombier, mais ayant quitté Sept-Îles à 11 h 30, il faut se rappeler qu’il a parcouru cette distance au volant d’un véhicule de plus de 40 pieds, qui est ni plus ni moins qu’un camion.

[40]        Tous les véhicules ne circulent pas à la même vitesse et n’ont pas la même facilité pour effectuer des dépassements. Il faut également tenir compte des travaux routiers et des zones à vitesse réduite dans les nombreux villages nord-côtiers.

[41]        Enfin, prétendre que monsieur Mallet s’est arrêté à un endroit isolé alors que celui-ci est le long de la route 138, à la mi-juillet, soit au plus fort de la saison touristique, est un argument difficile à retenir.

[42]        Rappelons que la route 138 est aussi appelée «route des baleines» et amène durant la saison estivale un grand nombre de touristes.

[43]        Le site où monsieur Mallet s’est arrêté en est un comme un autre et la preuve ne démontre aucunement qu’il existe sur la route 138 entre Sept-Îles et Québec, des aires de stationnement organisées comme sur l’autoroute 20.

[44]        Soutenir comme l’expert en sinistre Gaston Robitaille de la Capitale l’a fait lors de l’instruction, qu’il ne s’explique pas que monsieur Mallet se soit arrêté dans une aire de stationnement isolée pour manger, alors que dans un cas de déplacement comme celui-ci on arrête manger dans un restaurant rapide, est un argument déconcertant.

[45]        Certaines personnes peuvent préférer un restaurant de type fastfood, d’autres se faire chauffer une soupe accompagnée d’un pain farci au homard, comme c’est le cas du demandeur, chacun ses goûts.

[46]        Aussi, le Tribunal ne peut retenir la prétention que les réparations à la génératrice auraient pu amener des coûts importants à monsieur Mallet, au point qu’il mette le feu à son véhicule, sans même connaître ceux-ci.

[47]        Quant à la question de l’assurance santé, madame Lepage sur le point d’atteindre 70 ans, Desjardins Assurances lui a fait part qu’elle n’était plus assurable pour cette police[10]. Peu après, monsieur Mallet étant un peu plus jeune, il aurait lui aussi ne plus pouvoir utiliser cette police. Mais où est le problème? Si les demandeurs voulaient retourner en Floride, d’autres assurances sont disponibles et d’ailleurs, des milliers de Québécois, âgés de plus de 70 ans, en bénéficient à différents coûts.

[48]        Maintenant, regardons les expertises. Est-ce que celle de la Capitale peut être retenue et démontrer la faute intentionnelle du demandeur Mallet?

EXPERTISE

[49]        Deux expertises sont produites. Chronologiquement, celle de la Capitale, datée du 5 juillet 2017 et celle des demandeurs, du 12 septembre 2017.

[50]        L’expert de la Capitale Nicolas Gauthier, ingénieur mécanique junior (au moment de son expertise), connaît bien la structure des motorisés, baignant dans ce domaine depuis son adolescence.

[51]        Son résumé factuel est exact et il précise avoir effectué son investigation le 22 juillet 2016, à peine quelques jours après l’incendie.

[52]        Dans son rapport[11], il écarte une défaillance électrique pour expliquer l’incendie, tout comme la présence de résidus de corps gras sur la cuisinière, retenant le témoignage de la demanderesse, comme quoi elle la gardait toujours très propre.

[53]        Comme il écarte aussi l’hypothèse de l’embrasement de serviettes à mains en papier (napkins), ayant simulé ce scénario et que la combustion produite ne dégageant pas suffisamment de chaleur pour permettre d’incendier les composantes combustibles à proximité, l’expert précise qu’il demeure une seule possibilité, soit la combustion d’un torchon (linge à vaisselle).

[54]        Sa conclusion dans son rapport se lit comme suit :

Notre examen du véhicule, ainsi que notre analyse des circonstances du sinistre et de l’historique du véhicule, indique que l’incendie aura débuté dans la portion escamotable de droite, au centre de l’habitacle, et qu’il résulte probablement de l’embrasement d’un torchon à vaisselle placé à proximité des flammes nues de la cuisinière. Vu le niveau de destruction de la preuve physique observé au moment de notre examen, nos observations ainsi que nos analyses des différents éléments factuels au dossier, nous en arrivons au constat que la cause probable de l’incendie est liée à un facteur humain ayant mené à l’embrasement du torchon à vaisselle.

(soulignements ajoutés)

[55]        Quant à l’expert des demandeurs Claude Gosselin, ingénieur électrique, il a investigué le motorisé le 26 août 2017. Son mandat était de fournir un avis technique sur les causes probables du déclenchement de l’incendie survenu.

[56]        Son travail et ses constatations sont impressionnants et soutenus par des vidéos.

[57]        Il en arrive dans son rapport à la conclusion suivante[12] :

Tel que mentionné dans le rapport de l’expert de Prolad Expert PEL2211, les dispositifs de protection électrique tels que disjoncteurs et fusibles ont assumé leur fonction. Néanmoins, l’hypothèse qu’un feu ayant débuté au niveau du comptoir de cuisine et/ou de la cuisinière (feu de guenille) ne peut être retenue comme cause probable de l’incendie compte tenu que les dessous de l’armoire et de la hotte du four micro-onde (dessous du four micro-onde) ne présentent aucune trace de calcination. De plus, on rappelle que la forte concentration du feu provient du fond de l’armoire, qu’il s’est propagé du bas vers le haut, qu’il a atteint les matières combustibles dans sa progression verticale (plastiques, isolant…), que sa progression a atteint le plafond, qu’il a été alimenté par la ventilation du climatiseur et qu’il a généré des débris enflammés qui ont réalimenté l’incendie en boucle.

Les matières combustibles en périphérie du foyer de l’incendie ont donc joué un rôle déterminant sur la vitesse de propagation de l’incendie.

(soulignement ajouté)

[58]        Découle de source que l’incendie n’est pas la résultante d’un linge à vaisselle placé à proximité d’un des feux sur la cuisinière, volontairement ou non.

[59]        Enfin, un mot sur la seconde hypothèse émise par l’expert de la Capitale, soit que le demandeur Mallet ait embrasé volontairement deux bouteilles de liquide de combustible à fondue.

[60]        Cette hypothèse ne se retrouve pas dans son rapport. Il l’amène à l’instruction. Pourtant, la présence de ces bouteilles de combustible à fondue avait été remarquée, car il écrit dans son rapport que ces bouteilles étaient probablement rangées à l’extérieur de l’une des armoires, complètement détruite par l’incendie[13].

[61]        D’aucune façon il ne les relie alors à l’origine de l’incendie, précisant plutôt que[14] :

(…)

Nous sommes également d’avis que l’aggravation rapide du niveau de dommage observé à proximité de la cuisinière s’explique par la présence de combustible à fondue ainsi que par la nature des composantes avoisinantes. En effet, outre le comptoir en quartz, les armoires, les murs, les moulures et les différents produits utilisés pour leur maintien (colles) sont tous des éléments combustibles susceptibles de s’embraser rapidement au contact de flammes.

(…)

[62]        En fait, il arrive à la même conclusion que l’expert des demandeurs, soit que le liquide à fondue a joué un rôle dans la propagation de l’incendie. Mais jamais dans la preuve, a été relié le liquide à fondue à un acte intentionnel du demandeur Mallet.

[63]        Cette seconde hypothèse de l’expert de la Capitale apparait comme sortir de nulle part, sans appui.

[64]        Après avoir analysé la preuve, particulièrement les témoignages des deux experts, le Tribunal retient la conclusion de l’expert des demandeurs.

[65]        Il n’y a pas de traces de calcination significatives au-dessous de l’armoire et de la hotte du four micro-onde, situé au-dessus arrière de la cuisinière. Au surplus, le chaudron contenant la soupe a été déposé sur le rond avant, à feu doux ou intermédiaire. Si l’idée était de provoquer un incendie, pourquoi utiliser le rond avant et non un à l’arrière?

[66]        Enfin, contre-interrogé à l’instruction, l’expert de la défenderesse a identifié la présence d’un torchon près de l’évier. Est-ce le même torchon que celui situé à différents endroits tout le long des procédures? Nul ne le sait, mais chose certaine, il n’a jamais été question de plus d’un torchon.

[67]        Enfin, que le demandeur ait situé le linge à vaisselle à différents endroits plus près ou plus éloigné de la cuisinière n’est pas quelque chose d’inconcevable.

[68]        Il est tout à fait possible qu’on ne se rappelle pas exactement de l’endroit où on a déposé un linge à vaisselle et si effectivement on l’a bel et bien rangé, exemple dans l’armoire.

[69]        Il ne faut pas oublier qu’à l’endroit où l’expert des demandeurs situe l’incendie, soit dans l’armoire de coin, que deux bouteilles à combustible à fondue en position horizontale s’y trouvaient.

[70]        Aucune preuve n’existe que le demandeur Mallet aurait mis le feu à celles-ci, elles ont plutôt servi à alimenter l’incendie.

[71]        Comme le Tribunal considère que le demandeur a fait la preuve de l’incendie de son véhicule motorisé et que rien dans la preuve n’est de nature à justifier que l’assureur puisse démontrer qu’il ait mis le feu de façon intentionnelle, cette partie de la défense est rejetée.

DÉCLARATIONS MENSONGÈRES

[72]        Le fardeau de démontrer des déclarations mensongères appartient à la Capitale.

[73]        En plus de son témoignage à l’instruction, le demandeur a donné 4 autres déclarations :

a)    entrevue à un expert en sinistre le 19 juillet 2016;

b)    déclaration écrite à un enquêteur le 10 août 2016;

c)    interrogatoire statutaire à l’avocate de la Capitale le 17 octobre 2016;

d)    interrogatoire au préalable le 12 avril 2017.

[74]        Quant à la demanderesse, elle a assisté à l’entrevue de la déclaration de son mari à l’enquêteur le 10 août 2016. Elle s’est soumise à un interrogatoire statutaire de l’assureur le 17 octobre 2016, à un interrogatoire au préalable et a également témoigné à l’instruction.

[75]        Le Tribunal a beau lire et relire chacun des interrogatoires, quoique des différences puissent exister dans les réponses, ce sont toujours sur des faits périphériques à la réclamation, sans réelle importance sur celle-ci.

[76]        Toute déclaration inexacte ne constitue pas une déclaration mensongère. Il est reconnu qu’une telle déclaration doit plutôt revêtir un caractère frauduleux visant à spolier et à tromper son assureur dans le but de percevoir indument un avantage pécuniaire. Une erreur de bonne foi, une exagération, une omission, une hésitation ou un trou de mémoire ne constituent pas des déclarations mensongères[15].

[77]        Oui, il y a des discordances; une principale est que monsieur Mallet a répondu au début qu’il n’avait jamais fait faillite, alors que c’est inexact.

[78]        Mais en bout de ligne, cela change quoi?

[79]        Il a fait faillite dans les années 1980, plus de 35 ans avant le sinistre. Depuis, sa situation financière s’est pour le moins redressée.

[80]        Répondant rapidement, sans réfléchir, a-t-il mal compris la question, a-t-il préféré répondre par la négative, apparaissant à l’instruction et lors des interrogatoires comme une personne qui répond vite et difficile à contrôler. Le Tribunal a même tenté sans succès de le faire.

[81]        Autre exemple, on reproche à madame Lepage d’avoir au début précisé qu’il n’y avait rien sur le comptoir près de la cuisinière, omettant de parler des serviettes à mains en papier.

[82]        Qu’elle ne s’en rappelle pas n’est pas anormal.

[83]        On fait grand état qu’elle s’en est rappelée à l’interrogatoire au préalable, après avoir écouté les réponses de monsieur Mallet lors de l’interrogatoire statutaire.

[84]        Pourtant, à la rencontre du 10 août 2016 avec l’expert en sinistre, le demandeur a précisé qu’il y avait des serviettes en papier sur le comptoir et les a même incluses dans son croquis.

[85]        Madame Lepage était présente et l’expert dit qu’il a lu la déclaration à madame Lepage.

[86]        De toute façon, pourquoi discuter de cet oubli alors que l’expert de la défenderesse précise qu’il est impossible que les serviettes à mains en papier soient la cause de l’incendie.

[87]        Le Tribunal ne fait aucun grief dans la conduite de son enquête à la Capitale, mais considère que les demandeurs ont recherché dans leur mémoire des réponses à des questions plus ou moins pertinentes qui leur étaient posées.

[88]        Des variantes sont survenues dans les réponses et les explications, mais aucune n’apparait avoir quelque conséquence que ce soit.

[89]        Le fait est que le demandeur a tenté de situer l’incendie du mieux qu’il a pu dans le véhicule récréatif, de se rappeler où il avait laissé le linge à vaisselle, car l’assureur semblait en faire grand état.

[90]        Les demandeurs, avec des caractères différents, apparaissent comme de bonnes personnes et crédibles au Tribunal.

[91]        Madame Lepage est une femme réservée, qui explique ne pas être de nature à poser des questions et cela est évident.

[92]        Monsieur Mallet est un homme d’affaires, personne dominante, au caractère prompt, difficile à cerner et contrôler, mais cela ne fait pas de lui une personne non crédible dans cette cause particulière.

[93]        Aucune déclaration qu’ils ont donnée n’apparait mensongère.

[94]        Oui elle comporte des inexactitudes, mais sur des faits sans importance pour la réclamation.

[95]        Il importe de rappeler la maxime, d’application concrète dans ce cas-ci, qu’une tonne de soupçons ne constitue pas un iota de preuve.

[96]        La réclamation des demandeurs pour la valeur à neuf, incluant les taxes de leur véhicule récréatif totalisant 373 668,75 $ est accueillie.

REMISAGE

[97]        Après l’incendie, le VR a été transporté et remisé. Cette réclamation s’établit selon la facture[16] produite à 41 885,39 $ en date du 25 avril 2018 et est fondée.

[98]        Les frais de fourrière étant de 50 $ par jour plus taxes, un montant de 2 771,25 $ est ajouté pour les inclure jusqu’à la date du jugement.

DOMMAGES MORAUX ET DOMMAGES EXEMPLAIRES

[99]        D’emblée, le Tribunal rejette cette demande.

[100]     Aucune preuve concluante n’a été faite.

[101]     Au surplus, l’enquête de la Capitale tout le long du dossier peut sembler lourde pour les demandeurs, mais apparait sérieuse pour le Tribunal et s’avérait nécessaire.

[102]     Les contradictions ou minimisations de la situation dans les déclarations, particulièrement du demandeur Mallet, ont pu nécessiter selon la Capitale d’approfondir l’enquête.

[103]     Un assureur sérieux a le devoir d’enquêter.

[104]     De plus, la conduite des procureurs de la défenderesse est correcte et ils ont participé, tel que la procédure civile le demande, à toute gestion et ont été d’une grande disponibilité.

[105]     Ce chef de réclamation est rejeté.

FRAIS EXTRAJUDICIAIRES DES AVOCATS

[106]     Il n’y a aucune raison d’accorder des frais extrajudiciaires à part les frais de justice.

[107]     Ce dossier a été mené de façon régulière et rigoureuse par la Capitale.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[108]     ACCUEILLE la réclamation des demandeurs;

[109]     CONDAMNE la défenderesse à payer aux demandeurs la somme de 418 325,39 $ plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle depuis la signification de la demande introductive d’instance le 17 novembre 2016, sur la somme de 373 668,75 $;

[110]     FRAIS DE JUSTICE en faveur des demandeurs, y incluant les frais d’expertise (pièce P-25 et facture du 3 mai 2018) totalisant 11 100 $.

 

 

__________________________________

SERGE FRANCOEUR, J.C.S

 

Me Charles-Henri Desrosiers

DESROSIERS & ASSOCIÉS

Pour les demandeurs

 

Me Julie Langlois

Me Hélène Rousseau

ROUSSEAU BOISVERT AVOCATS

Pour la défenderesse

 

Dates d’audience :

25-26-27 avril 2018

 



[1]     Incluant les taxes, voir Pièce P-2 a).

[2]     Pièce P-2.

[3]     Pièce P-8.

[4]     Pièce P-10.

[5]     Pièce P-7.

[6]     Pièce D-15.

[7]     Pièce D-3.

[8]     Pièce D-4.

[9]     Pièce P-4 a).

[10]    Pièce D-1.

[11]    Pièce D-13.

[12]    Pièce P-22, plumitif 25.

[13]    Rapport D-13, page 5.

[14]    Rapport D-13, page 8.

[15]    Bourgoin c. Assurances générales Desjardins [1995] R.R.A. 224, Cour du Québec.

[16]    Pièce P-4 a).

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.