Décision

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Dupuis c

Dupuis c. R.

2010 QCCA 1121

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-10-004536-098

 

(500-01-002699-079)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

4 JUIN 2010

 

CORAM:  LES HONORABLES

ANDRÉ FORGET, J.C.A.

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

APPELANT(ES)

AVOCAT(S)

DANIEL DUPUIS

Me Bruno Ménard

 

 

 

INTIMÉ(ES)

AVOCAT(S)

SA MAJESTÉ LA REINE

Me Sylvie Dulude

PROCUREURE AUX POURSUITES

CRIMINELLE ET PÉNALE

 

 

AVOCAT(S)

     

     

 

 

En appel d'un jugement rendu le 12 novembre 2009 par l'honorable Salvatore Mascia de la Cour du Québec, chambre criminelle, district de Montréal.

 

NATURE DE L'APPEL:

PEINE - CONDUITE DANGEREUSE

 

Greffier: MARC LEBLANC

Salle: PIERRE-B.-MIGNAULT

 


 

 

AUDITION

 

 

  9 h 29 Ouverture de l'audience.

  9 h 30 Argumentation de Me Ménard.

  9 h 49 Argumentation de Me Dulude.

  9 h 53 Pas de réplique.

  9 h 54 Suspension de l'audience.

10 h 05 Reprise de l'audience.

Arrêt rendu - voir page 3.

10 h 12 Fin de l'audience.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc Leblanc

Greffier

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]               L'appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour du Québec, district de Montréal (l'honorable Salvatore Mascia) rendu le 12 novembre 2009, qui lui a imposé des peines totalisant 50 mois, en tenant compte du crédit de 10 mois accordé pour la détention provisoire. Ces peines se ventilent de la façon suivante :

-     sur les deux chefs de conduite dangereuse causant la mort : 45 mois concurrents;

-     pour les deux chefs de délit de fuite : 5 mois concurrents à être purgés de façon consécutive aux deux premiers chefs.

[2]               À ces peines s'ajoute une interdiction de conduire un véhicule à moteur pour une période de 15 ans.

[3]               L'appelant invoque deux moyens d'appel au soutien de sa requête pour permission d’appeler du jugement prononçant les peines, laquelle a été déférée à notre formation, soit le caractère excessif des peines et l'omission du juge de première instance de tenir compte du principe de l'harmonisation des peines.

[4]               Engagé dans une course folle avec l'appelant sur une artère de la Ville de Montréal, un jeune conducteur inexpérimenté, Frédéric Garneau, fait une embardée au moment où il tente un dépassement téméraire qui s'est soldée par le décès de deux des passagères de son véhicule.

[5]               L'appelant, ayant participé à cette course automobile, sera reconnu coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort de ces deux jeunes femmes dans la fleur de l'âge. Quant à Frédéric Garneau, conducteur âgé de 18 ans sans grande expérience du volant, il s'est reconnu coupable de ces deux mêmes infractions de conduite dangereuse causant la mort et s'est vu imposer une peine de 36 mois d'emprisonnement et une interdiction de conduire un véhicule à moteur durant une période de trois ans après la période d'emprisonnement à laquelle il a été condamné.

[6]               La course effrénée entre l'automobile conduite par monsieur Garneau et l'automobile sport conduite par l'appelant s'est poursuivie sur une distance de 1,6 kilomètre. À la suite d'une manœuvre téméraire, monsieur Garneau a perdu la maîtrise de son véhicule, lequel a dérapé et fini par percuter un lampadaire et un arbre situé sur le côté droit de la route, collision qui a coûté la vie aux deux jeunes femmes.

[7]               La poursuite a suggéré l'imposition d'une peine de 8 ans d'emprisonnement, alors que l'appelant suggérait une peine égale ou inférieure à la peine de trois ans imposée à Frédéric Garneau.

[8]               Les principes qui doivent guider une cour d'appel, lorsqu'elle est requise d'intervenir à l'égard d'une peine, sont bien connus. Dans l'arrêt R. c. L. M.[1], la Cour suprême invite les cours d'appel à faire preuve de déférence envers le juge de première instance, tout en permettant l'intervention en cas d'erreur de principe ou lorsque la peine imposée est manifestement non indiquée[2]. La détermination d'une peine est un processus individualisé dont l'exercice est éminemment discrétionnaire[3].

[9]               L'infraction de conduite dangereuse causant la mort est passible d'un emprisonnement de quatorze ans, ce qui témoigne de la gravité objective de ce crime.

[10]           Le juge de première instance est conscient des principes applicables en matière de peine pour conduite dangereuse causant la mort et délit de fuite. Il fait référence à un grand nombre de jugements rendus en ces matières. Il tient notamment compte de l'arrêt de la Cour dans Ferland[4].

[11]           L'appelant avait 34 ans au moment des événements. Le juge note le fait que la responsabilité morale de l'appelant est moindre que celle de monsieur Garneau, mais constate qu'il n'y a pas de facteurs atténuants au niveau subjectif qui peuvent militer en faveur d'une peine clémente, telle que suggérée par l'appelant. Par ailleurs, le juge tient compte des trois facteurs aggravants suivants : le crime perpétré a coûté la vie à deux personnes dans la fleur de l'âge, les conséquences de la conduite de l'accusé sont épouvantables pour les familles des victimes et l'accusé a de nombreux antécédents judiciaires, dont plusieurs reliés à la conduite d'un véhicule à moteur.

[12]           Le juge de première instance note deux antécédents judiciaires par rapport à la conduite d'une automobile avec les facultés affaiblies et en souligne l'importance. Il relève également que d'autres antécédents judiciaires, qui, sans être nécessairement identiques aux accusations dans le présent dossier, sont néanmoins des infractions criminelles reliées à la conduite d'une automobile :

 [52]     Deuxièmement, même si les antécédents judiciaires de l'accusé ne sont pas à tous points identiques avec les accusations dans le présent dossier, il s'agit, tout de même, d'infractions criminelles reliées à la conduite d'une automobile. Le casier judiciaire de l'accusé démontre - autant que les accusations dans la présente affaire - un mépris pour les règles élémentaires régissant la conduite d'un véhicule automobile. Il conduit alors qu'il est sous le coup d'une ordonnance d'interdiction. Il refuse ou néglige d'accomplir un devoir qui lui est imposé non seulement par la loi, mais par son devoir de citoyen : celui d'arrêter son véhicule lorsqu'il est impliqué dans un accident. Finalement, il conduit alors que ses capacités de le faire sont affaiblies.

[53]      En somme, les antécédents judiciaires de l'accusé constituent un facteur aggravant que le Tribunal doit considérer dans l'imposition de la peine.

[13]           En participant à cette course automobile, l'appelant a contribué à créer l'événement dangereux qui s'est soldé par la perte de deux vies. En l'absence de facteurs atténuants, mais en présence de facteurs aggravants, dont des antécédents judiciaires en matière de conduite automobile, le juge a conclu à l'imposition de peines totalisant  50 mois d'emprisonnement, mais équivalant à 60 mois.

[14]           Dans les circonstances, la peine ne peut être qualifiée de déraisonnable ni d'excessive.

[15]           L'appelant invoque l'omission du juge de première instance de tenir compte de l'harmonisation ou de la parité des peines. Il met en opposition la peine de 36 mois imposée à Frédéric Garneau, le conducteur du véhicule ayant fait l'embardée causant la mort des deux jeunes femmes, passagères de son véhicule, par rapport à la peine qui lui a été imposée.

[16]           Le juge de première instance note que dans la cause de monsieur Garneau, le juge a tenu compte de plusieurs facteurs atténuants de nature subjective :

[66]     Dans la cause de Garneau, on note plusieurs facteurs atténuants de nature subjective : tels le jeune âge de l'accusé, les remords exprimés par celui-ci, l'absence d'antécédents judiciaires et le faible risque de récidive. Ces facteurs subjectifs atténuants ne se retrouvent pas dans le cas de monsieur Dupuis. Une étude comparative de la sentence prononcée dans Garneau et celle que le Tribunal doit prononcer dans le cas sous étude doit considérer l'absence totale desdits facteurs subjectifs atténuants.

[17]           Or, le juge n'identifie pas de facteurs atténuants dans le cas de l'appelant, tout en étant conscient que la responsabilité morale de ce dernier est moindre que celle de monsieur Garneau, mais il relève la présence des facteurs aggravants déjà mentionnés.

[18]           Le juge de première instance n'a pas omis de tenir compte du principe de l'harmonisation des peines. Au contraire, son jugement sur la peine relève les distinctions entre la situation de Frédéric Garneau et celle de l'appelant. Ce n'est qu'après avoir soupesé les différents facteurs pertinents qu'il conclut à l'imposition d'une peine plus lourde que celle imposée à Frédéric Garneau.

[19]           Les deux moyens d'appel soulevés par l'appelant ne peuvent réussir et le pourvoi doit être rejeté.

[20]           POUR CES MOTIFS, la Cour :

[21]           ACCUEILLE la requête pour permission d'appeler du jugement dont appel; et


[22]           REJETTE l'appel.

 

 

 

ANDRÉ FORGET, J.C.A.

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

 



[1]           [2008] 2 R.C.S. 163 , 2008 CSC 31 .

[2]           Ibid, paragr. 14.

[3]           R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61 , 2000 CSC 5 , paragr. 82.

[4]           Ferland c. R., [2009] R.J.Q. 1675 (C.A.), 2009 QCCA 1168 .

AVIS :
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